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21/10/2020 | LUXEMBOURG | N°45089

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 octobre 2020, 45089


Tribunal administratif N° 45089 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 octobre 2020 3e chambre Audience publique du 21 octobre 2020 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45089 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 octobre 2020 par Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, nÃ

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Tribunal administratif N° 45089 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 octobre 2020 3e chambre Audience publique du 21 octobre 2020 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45089 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 octobre 2020 par Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Tunisie), de nationalité tunisienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 25 septembre 2020 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de sa notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 octobre 2020 ;

Vu la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020 portant notamment sur la présence physique des représentants des parties au cours des plaidoiries relatives à des affaires régies par des procédures écrites ;

Vu l’information de Maître Eric SAYS du 20 octobre 2020 suivant laquelle celui-ci marque son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans sa présence ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en sa plaidoirie à l’audience publique de ce jour.

Le 2 mars 2017, Monsieur … fut interpellé par la Police grand-ducale à …. Il s’avéra à cette occasion que Monsieur … était dépourvu de tout document d’identité valable et qu’il était signalé aux fins de non-admission dans le Système d’Information Schengen.

Par décision du même jour, s’appuyant en droit sur les articles 100 et 109 à 115 de la loi modifiée du 29 août 2008 relative à la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée la « loi du 29 août 2008 », le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », prit une décision de retour à l’encontre de Monsieur …, tout en lui enjoignant de quitter sans délai le territoire à destination du pays dont il a la nationalité, ou de tout autre pays dans lequel il serait autorisé à séjourner, ladite décision comportant encore une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans.

1 Après avoir été placé au Centre d rétention à la même date, Monsieur … fut éloigné en Tunisie en date du 11 avril 2017.

Il ressort d’un rapport de la Police grand-ducale, Région Sud-Ouest, commissariat …, du 29 juillet 2020, portant la référence …, que Monsieur … fit l’objet d’un contrôle d’identité alors qu’il se trouvait à bord d’une voiture dans laquelle furent retrouvés un fusil à pompe scié, un étui à cartouche vide, une bombe lacrymogène CS et deux cartes bancaires volées. Il ressort encore du même rapport que lors dudit contrôle, Monsieur … déclara s’appeler … et refusa de communiquer sa véritable identité aux agents de police.

Par arrêté du 29 juillet 2020, le ministre constata le séjour irrégulier de Monsieur … et lui enjoignit de quitter sans délai le territoire à destination du pays dont il a la nationalité ou du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité ou dans lequel il est autorisé à séjourner, tout en lui interdisant l’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans.

Toujours le même jour, le ministre prit un arrêté de placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question à l’encontre de Monsieur …. Ledit arrêté, lequel fut notifié à l’intéressé le jour-même, est fondé sur les motifs suivants :

« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport no … du 29 juillet 2020 établi par la Police grand-ducale, unité ;

Vu ma décision de retour du 29 juillet 2020 assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire de 5 ans ;

Attendu que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Attendu que l’intéressé n’est pas en possession d’un visa en cours de validité ;

Attendu que l’intéressé a utilisé une fausse identité ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu que l’intéressé a déclaré une fausse identité aux agents de police ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Le 26 août 2020, le ministre prorogea une première fois la mesure de placement en rétention de Monsieur … pour une durée d’un mois à partir du 29 août 2020. Ledit arrêté ministériel fut notifié à l’intéressé le 28 août 2020.

Par arrêté du 25 septembre 2020, notifié le 28 septembre 2020 à Monsieur …, le ministre prorogea la mesure de placement pour une nouvelle durée d’un mois. Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :

« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 29 juillet et 26 août 2020, notifiés le 29 juillet respectivement le 28 août avec effet au 29 août, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 29 juillet 2020 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’éloignement de l’intéressé ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 octobre 2020, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 25 septembre 2020 portant prorogation de son placement en rétention pour une nouvelle durée d’un mois.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, et après avoir exposé les faits et rétroactes à la base de la décision déférée et souligné qu’il n’aurait pas eu connaissance de l’interdiction de territoire de « 3 ans » prononcée à son encontre, Monsieur … conclut dans un premier temps à une violation de la loi et plus particulièrement de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, alors que depuis son placement en rétention en date du 29 juillet 2020, il n’aurait existé aucune possibilité de rapatriement concrète, le demandeur en déduisant que le ministre n’aurait pas accompli toutes les diligences nécessaires afin d’écourter au maximum la durée de son placement en rétention.

En contestant par ailleurs tout risque de fuite dans son chef, le demandeur fait plaider qu’il souhaiterait résider sur le territoire luxembourgeois avec sa copine, Madame …, et ce en vue d’un mariage futur. Il ajoute que Madame … pourrait le prendre en charge alors qu’elle disposerait des revenus nécessaires, ainsi que du soutien financier de sa mère.

En affirmant que ni le manque de diligences du ministre, ni l’absence de vols ne saurait justifier une prorogation d’un placement en rétention, le demandeur conclut à sa mise en liberté immédiate.

Le délégué du gouvernement conclut, pour sa part, au rejet du recours sous analyse pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.

Aux termes de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en 3 rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères, notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge de l’intéressé.

Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

Avant tout progrès en cause, il convient de rejeter pour défaut de pertinence l’affirmation non autrement circonstanciée du demandeur selon laquelle il n’aurait pas eu connaissance de l’interdiction d’entrée sur le territoire prononcée à son encontre, ledemandeur n’en tirant en effet aucune conclusion juridique, étant rappelé à cet égard qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence du demandeur et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions.

Ensuite, il y a lieu de constater qu’en l’espèce, le demandeur se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, ayant notamment fait l’objet, en date du 29 juillet 2020, d’une décision de retour assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq, et non pas de trois ans, à partir de la sortie du territoire luxembourgeois ou à partir de la sortie de l’Espace Schengen, décision qui, jusqu’à cette date, n’a pas fait l’objet d’un quelconque recours contentieux, qu’il n’est en possession ni d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail, et qu’il ne justifie pas de ressources personnelles suffisantes, de sorte qu’en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel le risque de fuite est présumé plus particulièrement si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi, le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement, étant relevé que le demandeur n’a pas soumis au tribunal des éléments probants permettant de renverser cette présomption de risque de fuite dans son chef.

En effet, sa volonté déclarée de rester au Luxembourg pour se marier avec sa compagne est, au contraire, de nature à conforter l’existence d’un risque de fuite dans son chef, étant, à ce sujet, relevé que le risque de fuite visé à l’article 120 de la loi du 29 août 2008 ne vise pas le seul risque de fuir le territoire luxembourgeois, mais qu’il est surtout à entendre comme le risque de se soustraire à sa mesure d’éloignement ne serait-ce justement que dans le but de rester sur ledit territoire.

Le moyen du demandeur visant à contester l’existence d’un risque de fuite et à exiger sa libération immédiate sur base du constat de l’inexistence d’un tel risque dans son chef est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.

Si sa relation avec Madame … ne permet dès lors certes pas de renverser la présomption d’un risque de fuite dans son chef, il n’en reste pas moins qu’il convient d’examiner si cet élément n’aurait pas pu justifier, en l’espèce, une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention, étant précisé à cet égard que le demandeur a expressément souligné que sa compagne pourrait le prendre en charge, de sorte à avoir, du moins implicitement, conclu à l’existence d’une possibilité d’une assignation à résidence dans son chef.

En ce qui concerne plus particulièrement l’application de mesures moins coercitives, l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, prévoit que :

« Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008] […].

On entend par mesures moins coercitives :

5 a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1), sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes.

Il échet d’emblée de constater que Monsieur … ne saurait bénéficier de la mesure moins coercitive prévue à l’article 125, paragraphe (1), a) de la loi du 29 août 2008, dans la mesure où celle-ci exige la remise de l’original du passeport, respectivement de tout document justificatif d’identité, éléments dont le tribunal vient de retenir que le demandeur en est dépourvu.

Quant à l’assignation à résidence, telle que prévue au paragraphe (1), point b), de la disposition légale précitée, il convient de relever que l’attestation de Madame … telle que versée en cause par le demandeur et dont il se prévaut pour affirmer que celle-ci pourrait le « prendre en charge », outre de ne pas respecter les formes d’une attestation testimoniale telles que prévues par l’article 402 du Nouveau Code de Procédure Civile, n’est pas de nature à prouver la volonté effective de celle-ci d’héberger le demandeur chez elle jusqu’à son éloignement vers la Tunisie, Madame … ne faisant qu’affirmer qu’elle serait disposée à le « prendre en charge » en vue d’un mariage futur. Or, une telle affirmation laisse plutôt conclure à la volonté de Madame … d’éviter toute mesure d’éloignement dans le chef de son compagnon, de sorte que l’attestation versée en cause ne permet pas, à elle seule, d’établir l’existence dans le chef du demandeur de garanties de représentation effectives propres afin de prévenir le risque de fuite pesant sur lui, étant encore précisé à cet égard qu’il ne ressort pas des éléments soumis au tribunal que le demandeur, voire sa compagne ou une quelconque autre personne, seraient disposés, respectivement en mesure de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros qui pourrait éventuellement laisser conclure, ensemble avec la prédite attestation de Madame …, à l’existence de garanties de représentation effectives dans le chef de Monsieur ….

Au vu des conclusions qui précèdent, les mesures moins coercitives prévues au paragraphe (1), points b) et c) de l’article 125 précité de la loi du 29 août 2008 ne sauraient pas non plus être envisagées en l’espèce, de sorte que le moyen afférent est à rejeter.

S’agissant ensuite des diligences concrètement entreprises par le ministre en vue de l’identification et de l’éloignement du demandeur, force est au tribunal de constater que dès le lendemain de son placement en rétention, les services ministériels se sont adressés à la police judiciaire en vue de la prise d’empreintes digitales de Monsieur …. Il se dégage ensuite du dossier administratif que par téléfax du 31 juillet 2020, le ministre s’adressa au Consulat Général de Tunisie, situé à Bruxelles, en vue de la délivrance d’un laisser-passer en faveur du demandeur. Par courrier électronique du 25 août 2020, l'agent en charge du dossier auprès de la direction de l'immigration relança une première fois les autorités tunisiennes consulaires en les priant de le renseigner sur l’état d’avancement du dossier. Les autorités consulaires tunisiennes ont ensuite été relancées par le ministre par téléfax successifs des 9 et 23 septembre 2020 ainsi que du 8 octobre 2020. Le 9 octobre 2020, le Consul par Intérim du Consulat général de Tunisie à Bruxelles informa le ministre que le dossier de Monsieur … était toujours en cours de traitement et qu’une réponse lui serait « incessamment communiquée ».

Au vu des démarches déployées concrètement par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, actuellement tributaire de la collaboration et de l’efficacité des autorités tunisiennes, le tribunal est amené à retenir que les démarches entreprises en l’espèce doivent être considérées comme suffisantes et que les contestations y relatives sont à rejeter.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 octobre 2020 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, juge, Marc Frantz, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 21 octobre 2020 Le greffier du tribunal administratif 8



Références :

Origine de la décision
Formation : Troisième chambre
Date de la décision : 21/10/2020
Date de l'import : 23/10/2020

Numérotation
Numéro d'arrêt : 45089
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2020-10-21;45089 ?

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