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19/10/2020 | LUXEMBOURG | N°43462

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 octobre 2020, 43462


Tribunal administratif Numéro 43462 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 août 2019 2e chambre Audience publique du 19 octobre 2020 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43462 du rôle et déposée le 20 août 2019 au greffe du tribunal administratif par Madame …, demeurant à L-…, tendant à la réformation,

sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes ...

Tribunal administratif Numéro 43462 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 août 2019 2e chambre Audience publique du 19 octobre 2020 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43462 du rôle et déposée le 20 août 2019 au greffe du tribunal administratif par Madame …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 25 juillet 2019, référencée sous le numéro C26466, portant rejet de sa réclamation introduite le 23 mai 2019 à l’encontre du bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2018, émis le 15 mai 2019 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2019 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 18 décembre 2019 par la demanderesse ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Steve Collart en sa plaidoirie à l’audience publique du 21 septembre 2020.

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Par courrier du 2 avril 2019, le bureau d’imposition Luxembourg 9 de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », en application du paragraphe 205 (3) de la loi générale des impôts du 21 mai 1931 telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », ci-après désignée par « AO », informa Madame … de son intention de s’écarter de sa déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2018 sur le point suivant : « (…) 1) Non-déduction de la perte de location : 71288,5 (…) », au motif que « (…) [c]onformément à la circulaire L.I.R. n° 105/8 du 31 octobre 2017[, p]our la période qui précède celle de la fixation de la valeur locative, seuls les intérêts débiteurs et les frais de financement ne [seraient] déductibles en tant que frais d’obtention conformément aux dispositions du nouvel article 4b du règlement grand-ducal modifié du 12 juillet 1968 concernant la fixation de la valeur locative de l’habitation occupée en vertu du droit de propriété ou occupée à titre gratuit ou en vertu d’un droit de jouissance ou légal, introduit par un 1règlement grand-ducal du 23 décembre 2016 dans le cadre de la réforme fiscale 2017 (…) », tout en l’invitant à formuler ses éventuelles objections de façon écrite pour le 2 mai 2019 au plus tard.

Par courrier du 5 avril 2019, faisant suite à la prise de position écrite de Madame … par courrier du 4 avril 2019, le bureau d’imposition annonça à l’intéressée son intention de s’écarter de sa déclaration fiscale pour l’année litigieuse sur les points suivants : « (…) 1) Non-déduction de la perte de location des éléments suivants : - … (moitié des frais de rénovation) [;] - … (moitié de l’amortissement) (…) », et ce pour les mêmes motifs que ceux indiqués dans le susdit courrier du 2 avril 2019, tout en l’invitant à formuler ses éventuelles objections de façon écrite pour le 6 mai 2019 au plus tard, ce qu’elle fit par courrier du 18 avril 2019.

Le 15 mai 2019, le bureau d’imposition émit à l’égard de Madame … le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2018, ledit bulletin contenant la précision suivante : « (…) L’imposition diffère de la déclaration sur les points suivants [ :] (…) Imposition du revenu de location suivant notre lettre du 05/04/2019. Non-déduction de la moitié des frais de rénovation : …[.] Non-déduction de la moitié de l’amortissement : … (…) ».

Par courrier du 21 mai 2019, réceptionné le surlendemain, Madame … introduisit auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », une réclamation à l’encontre dudit bulletin d’imposition du 15 mai 2019.

Cette réclamation fut rejetée par une décision du directeur du 25 juillet 2019, référencée sous le numéro C26466, libellée comme suit :

« (…) Vu la requête introduite le 23 mai 2019 par la dame …, demeurant à L-…, pour réclamer contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2018, émis le 15 mai 2019 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elle est partant recevable ;

Considérant que la réclamante fait grief au bureau d’imposition de ne pas avoir déduit les frais d’obtention en relation avec la maison sise …, acquise en date du 30 mars 2018 et utilisée à partir du 27 décembre 2018 comme résidence principale ;

Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens de la réclamante, la loi d’impôt étant d’ordre public ; qu’à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-fondé ;

qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

Considérant qu’en date du 30 mars 2018, la réclamante et le sieur … ont acquis, chacun à raison d’une moitié indivise, une maison située à …, pour y établir leur résidence principale à partir 2du 27 décembre 2018 ; qu’avant l’emménagement de la requérante et du sieur …, des travaux de rénovation, d’un montant total de … euros, ont été réalisés ;

Quant à la déductibilité, pendant la période suivant l’acquisition et précédant l’occupation, des dépenses en relation avec l’habitation Considérant qu’en ce qui concerne le moyen de la réclamante, que les frais d’obtention en relation avec un immeuble non encore habité par son propriétaire mais destiné à l’être, à la fin des travaux, seraient, en général, déductibles, il y a lieu de se référer à la définition générale des frais d’obtention contenue à l’article 105 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.) et plus particulièrement à son alinéa 1 disposant que « sont considérées comme frais d’obtention les dépenses faites directement en vue d’acquérir, d’assurer et de conserver des recettes » ou encore à son alinéa 4, 2e phrase, précisant qu’ « Ils ne rentrent en compte que dans la mesure où ils sont en rapport avec des revenus imposables et ne sont pas la contrepartie de revenus exemptés d’après l’article 115. » ; qu’or le seul revenu susceptible d’être acquis dès l’habitation par le propriétaire est celui fixé à l’endroit de la valeur locative forfaitaire, fixée à 0 pour cent de la valeur unitaire de l’immeuble, donc à … euro dans toutes les hypothèses ; qu’à défaut de la mesure contenue à l’article 4b du règlement grand-ducal modifié du 12 juillet 1968 portant exécution de l’article 98 L.I.R., les intérêts débiteurs échus suite à l’acquisition et avant la fixation de la valeur locative (avec application de l’article 4a du susmentionné règlement grand-ducal), de même que toutes autres dépenses d’entretien et frais de réparation, et, le cas échéant, l’amortissement pour usure, encourraient la non-déduction ; que l’article 4b du règlement grand-ducal modifié du 12 juillet 1968 portant exécution de l’article 98 L.I.R. introduit, expressis verbis, une exception à la non-déduction de tous les frais pendant la période précédant celle de l’habitation ou de la disponibilité à l’habitation, en autorisant la déduction, non plafonnée, des intérêts débiteurs encourus pour cette période ; qu’il s’ensuit qu’en ce qui concerne tous les autres frais, le principe de non-déduction leur reste applicable ;

Quant à la qualification des dépenses exposées Considérant qu’aux fins de l’établissement du prix d’acquisition ou de revient de l’immeuble sis …, il importe de déterminer la nature de ces dépenses ; qu’en effet, la loi fiscale et la jurisprudence opèrent une distinction entre dépenses d’entretien (Erhaltungsaufwand) et dépenses d’investissement (Herstellungsaufwand) à partir de trois critères, dont l’établissement d’un seul suffit pour qualifier la dépense concernée de frais d’investissement (Trib. Admin. du 28.03.2001, n°10835 du rôle) ;

Considérant que des dépenses sont à considérer comme dépenses d’investissement (Trib.

Admin. du 14.01.1998, n°10111 du rôle; Trib. Admin. du 28.03.2001, n°10835 du rôle; Trib. Admin.

du 23.02.2000, n°11541 du rôle) lorsque les travaux aboutissent à:

a) un changement de la nature du bâtiment, ou b) une augmentation essentielle de la substance du bâtiment, ou encore c) une amélioration considérable de l’état antérieur du bâtiment ;

3Considérant que l’envergure des travaux constitue un indice permettant, le cas échéant, de conclure à une amélioration considérable (circulaire du directeur des contributions L.I.R. 105/8-98/1 du 31 octobre 2017) ; qu’ainsi, des travaux de remise en état ou de modernisation améliorant significativement l’état de plusieurs éléments majeurs de l’équipement d’une habitation, tels que fenêtres, installation sanitaire ou installation de chauffage, peuvent conduire, dans leur ensemble, à une amélioration considérable de l’immeuble ; que le fait que chaque mesure considérée isolément serait à apprécier comme une mesure d’entretien, n’empêche pas cette qualification globale ;

Considérant qu’en l’espèce des travaux de remise en état ont été effectués pour un montant total de … euros, en l’occurrence, -

location d’un container pour déchets et d’une toilette pour les ouvriers -

réparations -

remplacement du carrelage -

travaux électriques -

remplacement de radiateurs -

remplacement de conduites d’eau -

remplacement des salles de bain et de la toilette -

rénovation de la cuisine -

parquet, marbre -

peinture façade, fenêtres et volets -

peinture et papiers peints -

mise en place d’une cheminée ;

Considérant qu’en l’espèce, les travaux entrepris ne sont pas de nature à provoquer un changement de la nature du bâtiment, ni une augmentation essentielle de la substance du bâtiment ;

Considérant que si la requérante et le sieur … ont procédé à des travaux de rénovation de toutes sortes et dans tous les domaines, il y a pourtant lieu de mettre en exergue le remplacement des éléments majeurs de l’immeuble ; que l’ensemble des travaux de remise en état ou de modernisation, prenant une certaine envergure et dépassant la simple rénovation, améliore significativement l’état de l’habitation ;

Considérant qu’en l’espèce, l’ensemble des travaux exécutés, de par leur nature et de par leur envergure aboutissait à une amélioration considérable de l’état antérieur ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les travaux de rénovation d’un montant total de … euros sont à qualifier de dépenses d’investissement et augmentent le prix d’acquisition ou de revient de l’immeuble ;

Considérant que pour le surplus, l’imposition est conforme à la loi et aux faits de la cause et n’est d’ailleurs pas autrement contestée ;

PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme, la rejette comme non fondée. (…) ».

4Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 août 2019, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision directoriale, précitée, du 25 juillet 2019.

A titre liminaire, le tribunal précise qu’à l’audience publique des plaidoiries du 21 septembre 2020, Monsieur … s’est présenté en affirmant représenter Madame ….

Sur question du tribunal quant à l’admissibilité de cette représentation, Monsieur … a expliqué qu’il serait désormais marié à Madame …, tout en versant un document émanant de cette dernière, daté du 12 février 2020 et aux termes duquel elle « (…) donne procuration à … de [la] représenter devant le tribunal administratif dans l’affaire N° 43462 du rôle (…) ».

Le délégué du gouvernement a soutenu que Madame … ne saurait se faire représenter par Monsieur ….

Si la représentation d’un justiciable par son conjoint est a priori valable dans le cadre de certaines procédures devant les juridictions judiciaires, notamment devant les justices de paix1 et les tribunaux d’arrondissement siégeant en matière commerciale2, il en va autrement des actions en justice devant le tribunal administratif, sauf exceptions3 non pertinentes en l’espèce.

En effet, il ressort de l’article 2 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat4 qu’en matière de contentieux des contributions directes, hormis la possibilité générale de se faire représenter par un avocat, les justiciables peuvent uniquement, soit agir par eux-mêmes, soit se faire représenter ou assister devant le tribunal administratif par un expert-comptable ou un réviseur d’entreprises, dûment autorisé à exercer sa profession. Si ainsi la loi prévoit, dans le cadre d’un recours devant le tribunal administratif en matière d’impôts directs, la possibilité de la représentation par un tiers n’ayant pas la qualité d’avocat, cette faculté est réservée aux experts-comptables et aux réviseurs d’entreprises, dûment autorisés à exercer leur profession, sans que cette possibilité puisse être étendue à d’autres tiers, en ce compris le conjoint du contribuable concerné, même s’il justifie d’un pouvoir spécial, tel que c’est le cas de Monsieur ….

1 L’article 106 du Nouveau code de procédure civile dispose à cet égard que : « (…) (2) Les parties peuvent se faire assister ou représenter par: un avocat, leur conjoint ou leur partenaire au sens de la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats, leurs parents ou alliés en ligne directe, leurs parents ou alliés en ligne collatérale jusqu’au troisième degré inclus, les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise. Le représentant s’il n’est avocat doit justifier d’un pouvoir spécial. (…) ».

2 L’article 553 du Nouveau code de procédure civile dispose quant à lui : « (…) (2) Les parties peuvent se faire assister ou représenter par: un avocat, leur conjoint, leurs parents ou alliés en ligne directe, leurs parents ou alliés en ligne collatérale jusqu’au troisième degré inclus, les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise. Le représentant s’il n’est avocat doit justifier d’un pouvoir spécial. (…) ».

3 Voir : art. 7 (6) et 11 (5) de la loi modifiée du 17 juillet 2020 sur les mesures de lutte contre la pandémie Covid-19 renvoyant à l’article 106 du Nouveau code de procédure civile.

4 (1) Les avocats seuls peuvent assister ou représenter les parties, postuler et plaider pour elles devant les juridictions de quelque nature qu’elles soient, recevoir leurs pièces et titres afin de les représenter aux juges, faire et signer les actes nécessaires pour la régularité de la procédure et mettre l’affaire en état de recevoir jugement.

Les dispositions de l’alinéa précédent ne font pas obstacle à l’application de dispositions législatives spéciales et à la faculté : (…) c) des justiciables d’agir par eux-mêmes ou de se faire représenter ou assister par un expert-comptable ou un réviseur d’entreprises, dûment autorisé à exercer sa profession, devant le tribunal administratif appelé à connaître d’un recours en matière de contributions directes. (…) ».

5Ce dernier n’ayant ni la qualité d’avocat, ni celle d’expert-comptable, ni celle de réviseur d’entreprises, il ne pouvait pas valablement représenter Madame … à la susdite audience publique des plaidoiries, de sorte que le tribunal ne tiendra pas compte de ses explications fournies à cette occasion.

Dans le cadre de ses écrits, la demanderesse sollicite la jonction du recours sous examen avec un autre recours, déposé au greffe du tribunal administratif le 20 août 2019, inscrit sous le numéro 43463 du rôle, introduit par Monsieur … à l’encontre d’une décision du directeur du 8 août 2019, référencée sous le numéro C26645, portant rejet de la réclamation introduite par ce dernier à l’encontre du bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2018, émis à son égard le 26 juin 2019.

Une jonction entre différentes affaires est susceptible d’être prononcée, dans le souci d’une bonne administration de la justice, dans l’hypothèse où ces affaires concernent les mêmes parties et où elles ont trait au même objet.5 Etant donné que les recours inscrits respectivement sous les numéros 43462 et 43463 du rôle sont dirigés par deux contribuables distincts contre des actes juridiquement différents émanant du directeur, ils n’ont pas trait au même objet, ni n’impliquent les mêmes parties, de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de jonction sous examen.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin de l’impôt sur le revenu.

Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision directoriale déférée du 25 juillet 2019, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, Madame … expose les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée.

En droit, elle fait valoir qu’il ne se dégagerait pas de l’article 4 b) du règlement grand-ducal modifié du 12 juillet 1968 concernant la fixation de la valeur locative de l’habitation occupée en vertu du droit de propriété ou occupée à titre gratuit ou en vertu d’un droit de jouissance viager ou légal, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 12 juillet 1968 », que les frais d’obtention autres que les intérêts débiteurs et les frais de financement ne seraient pas déductibles du revenu net provenant de la location de biens. La circulaire LIR n° 105/8 du directeur du 31 octobre 2017, ci-après désignée par « la circulaire n° 105/8 », en ce qu’elle ne permettrait que la déduction des intérêts débiteurs et des frais de financement en tant que frais d’obtention, irait, dès lors, au-delà des 5 V. en ce sens : trib. adm., 12 juin 2003, n° 15385 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 909 et les autres références y citées, ainsi que trib. adm., 15 mai 2003, n° 14299 du rôle, confirmé par Cour adm., 15 juillet 2003, n° 16468C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 915 et les autres références y citées.

6dispositions normatives actuellement en vigueur. En se prévalant de la jurisprudence des juridictions administratives relative à la valeur juridique de circulaires, la demanderesse conclut que le bureau d’imposition n’aurait pas valablement pu se prévaloir de la circulaire en question pour refuser la déduction en tant que frais d’obtention des montants litigieux de … euros et de … euros, correspondant à la moitié des frais de rénovation, respectivement de l’amortissement en relation avec l’immeuble sis à L-….

La demanderesse souligne ensuite qu’aux termes de l’article 105 (2), points 2. et 3. de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après dénommée « LIR », constitueraient des frais d’obtention, notamment, les frais d’entretien et de réparation, ainsi que l’amortissement pour usure ou diminution de la substance. L’article 105 (4) LIR préciserait, à son tour, que les frais d’obtention seraient déductibles dans la catégorie de revenus à laquelle ils se rapporteraient, qui serait en l’espèce celle du revenu net provenant de la location de biens, lequel pourrait être négatif, étant donné qu’aucune disposition légale ne s’opposerait à ce que les frais d’obtention pourraient dépasser les recettes. Ainsi, contrairement à l’argumentation de la partie étatique, les montants litigieux constitueraient des frais d’obtention déductibles en vertu des dispositions légales et réglementaires en vigueur et il en aurait déjà été ainsi avant l’entrée en vigueur du règlement grand-ducal du 23 décembre 2016 modifiant le règlement grand-ducal modifié du 12 juillet 1968 concernant la fixation de la valeur locative de l’habitation occupée en vertu du droit de propriété ou occupée à titre gratuit ou en vertu d’un droit de jouissance viager ou légal, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 23 décembre 2016 ».

En citant le commentaire des articles du projet de règlement grand-ducal ayant abouti au règlement grand-ducal, précité, du 23 décembre 2016, la demanderesse fait valoir que le nouvel article 4 b) du règlement grand-ducal du 12 juillet 1968 se limiterait à apporter la précision selon laquelle les plafonds prévus à l’article 4 a) du même règlement grand-ducal ne s’appliqueraient pas pour la déduction des intérêts débiteurs et des frais de financement en tant que frais d’obtention du revenu net provenant de la location de biens pendant la période qui précéderait l’occupation de l’habitation par le propriétaire ou la disponibilité de l’habitation pour ce dernier. L’article en question ne créerait, dès lors, pas de nouvelles règles quant à la déductibilité des frais d’entretien et de réparation ainsi que de l’amortissement pour usure ou diminution de substance en tant que frais d’obtention du revenu net provenant de la location de biens. Ainsi, ce serait à tort que le directeur aurait soutenu (i) qu’en l’absence de ladite disposition réglementaire, les intérêts débiteurs échus suite à l’acquisition et avant la fixation de la valeur locative, de même que toutes autres dépenses d’entretien et frais de réparation, et, le cas échéant, l’amortissement pour usure encourraient la non-déduction, (ii) que ledit article 4b du règlement grand-ducal du 12 juillet 1968 introduirait une exception à la non-déduction de tous les frais pendant la période précédant celle de l’habitation ou de la disponibilité à l’habitation, en autorisant la déduction, non plafonnée, des intérêts débiteurs encourus pour cette période et (iii) que le principe de non-déduction resterait applicable à l’ensemble des autres frais.

La demanderesse conteste ensuite l’argumentation du directeur selon laquelle les frais en relation avec la rénovation de sa maison d’habitation – qui seraient d’un montant total de … euros, et non pas de … euros, tel qu’indiqué erronément dans la décision déférée – seraient à qualifier de dépenses d’investissement. A cet égard, elle fait valoir que si des travaux de modernisation ou de remise en état sont certes toujours de nature à améliorer l’état antérieur d’une maison d’habitation, les dépenses afférentes ne sauraient néanmoins être qualifiées de dépenses d’investissement que dans 7le cas où elles conduiraient à une amélioration considérable de l’état antérieur, de façon à donner naissance à un bien économique nouveau.

Or, les travaux de peinture de la façade, de la corniche et des fenêtres, les travaux de réparation des gouttières et du couvercle de la cheminée sur le toit, ainsi que les travaux de ponçage du parquet, des escaliers et du marbre auraient tendu à maintenir des éléments existants de la maison dans un état leur permettant d’assumer leurs fonctions. Les travaux de peinture de l’intérieur de la maison se seraient inscrits dans le cadre de la rénovation esthétique de la maison. Les travaux relatifs à la rénovation du WC séparé et des deux salles de bain n’auraient pas changé la destination des pièces existantes et les nouveaux équipements sanitaires tiendraient seulement compte de l’évolution du standard technique des équipements remplacés, sans permettre des fonctionnalités nettement supérieures. Les travaux de remplacement de la tuyauterie d’eau n’auraient eu pour objectif que le rétablissement de l’ancienne fonctionnalité du ravitaillement en eau de certains équipements de la maison et le remplacement de cinq radiateurs défectueux n’aurait pas modifié le système ou le mode de chauffage de cette dernière. Par ailleurs, les travaux d’électricité auraient seulement mis en conformité une ancienne installation électrique. Quant aux frais relatifs à la location d’un container et d’une toilette de chantier, ceux-ci n’auraient pas de lien matériel avec les autres travaux litigieux.

En résumé, la demanderesse soutient que mise à part l’installation de la cheminée, les travaux en question n’auraient ni conduit à une création d’éléments nouveaux dans la maison, ni modifié la substance de cette dernière, ni augmenté les possibilités d’utilisation de ladite maison. Au contraire, ces travaux, dont l’envergure n’aurait pas dépassé la simple rénovation et l’entretien, auraient eu pour but de remplacer des éléments devenus vétustes et auraient été destinés à conserver la maison en son état, respectivement à la maintenir dans un état conforme à l’évolution technique. Ainsi, les travaux en question auraient consisté en une remise en état d’éléments existants et ponctuels de l’état général de la maison, de sorte qu’une amélioration considérable donnant naissance à un bien économique nouveau ne saurait être retenue, la demanderesse renvoyant, sur ce point, à plusieurs décisions des juridictions administratives.

En soulignant que le total des frais litigieux ne représenterait que 11,51 pourcents du prix d’acquisition de la maison, abstraction faite de la quote-part relative au terrain, qui serait de 20 pourcents, la demanderesse reproche au directeur de ne pas avoir procédé à une ventilation des dépenses en frais d’entretien et dépenses d’investissement, Madame … se prévalant, à cet égard, d’un jugement du tribunal administratif du 16 février 2009, portant le numéro 24252 du rôle.

En soutenant que sa position serait confortée par plusieurs décisions des juridictions administratives et du directeur lui-même relatives à des travaux de nature comparable à ceux litigieux, la demanderesse conclut que contrairement à l’argumentation de la partie étatique, les montants de … euros et de … euros, correspondant à la moitié des frais de rénovation, respectivement de l’amortissement en relation avec l’immeuble sis à L-…, seraient à qualifier, non pas de dépenses d’investissement, mais de frais d’entretien et de réparation, de sorte à constituer des frais d’obtention déductibles du revenu net provenant de la location de biens, en application de l’article 105 LIR.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 98 (1) LIR, est considérée comme revenu provenant de la location de biens, notamment, « la valeur locative de l’habitation occupée par le propriétaire, y compris celle 8des dépendances ». L’article 98 (2) LIR dispose qu’un « règlement grand-ducal pourra instituer un ou plusieurs régimes forfaitaires pour la détermination de la valeur locative d’habitations occupées par les propriétaires », tandis que l’article 98 (4) prévoit qu’« en cas d’application d’un régime forfaitaire les intérêts débiteurs correspondant à l’habitation occupée par le propriétaire ne sont déductibles que dans les limites et aux conditions à déterminer par règlement grand-ducal ». Le règlement grand-ducal du 12 juillet 1968, pris sur base de l’article 98 (2) et (4) LIR, dispose dans son article 4, alinéa 2, que « (…) la valeur locative ainsi déterminée ne peut être réduite qu’à concurrence des intérêts passifs déductibles comme frais d’obtention (…) ».

Il se dégage des dispositions précitées de l’article 98 LIR et du règlement grand-ducal du 12 juillet 1968 que le législateur n’a pas prévu la déduction de frais d’obtention autres qu’un certain plafond d’intérêts débiteurs lorsque l’habitation en question est à considérer comme étant « occupée par le propriétaire ». Cette condition est remplie si l’habitation est à la disposition de son ou de ses propriétaires du fait de ne pas être occupée par un tiers, locataire ou simple occupant, avec ou sans droit ou titre, et du fait d’être meublée et en état d’être habitée.6 En l’espèce, les parties sont en désaccord quant à la déductibilité de frais d’obtention relatifs à la période précédant celle où l’habitation est considérée comme étant occupée par le propriétaire, la partie étatique soutenant que seuls seraient déductibles les intérêts débiteurs encourus pour cette période, et ce sans plafond, sur base de l’article 4 b) du règlement grand-ducal du 12 juillet 1968, aux termes duquel « Pendant la période qui précède l’occupation de l’habitation par le propriétaire ou la disponibilité de l’habitation pour le propriétaire, les intérêts débiteurs et les frais de financement correspondant à l’habitation sont déductibles intégralement », tandis que la demanderesse soutient que pour la période en question, les frais d’obtention seraient, en général, déductibles conformément aux dispositions de droit commun de l’article 105 LIR.

Le paragraphe (1) de cette dernière disposition légale fournit la définition générale des frais d’obtention, en précisant que « Sont considérées comme frais d’obtention les dépenses faites directement en vue d’acquérir, d’assurer et de conserver les recettes. ».

Le paragraphe (2) de la même disposition légale énumère des dépenses qui, sous les conditions qui y sont précisées, peuvent être admises en déduction à titre de frais d’obtention. Il s’agit de dépenses, qui, sur bases des dispositions générales du paragraphe (1), pourraient, le cas échéant, ne pas être prises en considération, soit qu’elles concernent plutôt le capital producteur de revenus que les revenus seuls, soit qu’elles seraient à éliminer en vertu de l’article 12 LIR en tant que dépenses privées.7 Ledit paragraphe (2) de l’article 105 LIR est libellé comme suit :

« Constituent également des frais d’obtention :

(…) 6 Trib. adm., 2 mai 2005, n° 18450 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 343 et les autres références y citées.

7 Projet de loi n° 571 portant réforme de l’impôt sur le revenu, commentaire des articles, p. 329.

92. les impôts réels frappant la propriété foncière, les redevances communales, les primes d’assurances, les frais d’entretien, de réparation et de gérance, pour autant que ces dépenses se rapportent à des biens qui procurent des revenus au contribuable ;

3. l’amortissement pour usure ou pour diminution de substance visé à l’article 106 ; (…) ».

L’article 106 LIR, auquel il est ainsi renvoyé par l’article 105 (2) 3. LIR, précise que « (1) L’amortissement prévu à l’alinéa 2, numéro 3 de l’article 105 concerne uniquement la déperdition normale tant technique qu’économique et n’entre en ligne de compte que pour les biens qui sont sources de revenus pour le contribuable ou qui en tant qu’instruments de travail sont affectés ou utilisés par le contribuable aux fins d’obtention de revenus. (…) ».

Si, de manière générale, des frais de rénovation et l’amortissement sont, dès lors, susceptibles de constituer des frais d’obtention déductibles, leur caractère déductible est, cependant, soumis à la condition, notamment, qu’ils se rapportent à des biens qui procurent des revenus au contribuable ou encore, concernant l’amortissement, à des biens qui en tant qu’instruments de travail sont affectés ou utilisés par le contribuable aux fins d’obtention de revenus.

L’immeuble sis à … ne pouvant être qualifié d’instrument de travail, les frais de rénovation et l’amortissement litigieux ne sont susceptibles d’entrer en ligne de compte à titre de frais d’obtention qu’à condition que ledit immeuble puisse être considéré comme étant une source de revenus pour la demanderesse.

Or, l’immeuble en question étant occupé par Madame … aux fins d’habitation, le seul revenu susceptible d’être généré par le bien en question est la valeur locative. S’il est certes exact que cette dernière est rangée dans la catégorie des revenus provenant de la location de biens par l’article 98 (1) 5. LIR, il n’en reste pas moins que depuis l’entrée en vigueur du règlement grand-ducal du 23 décembre 2016, l’article 4, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 12 juillet 1968 précise que « La valeur locative annuelle est fixée à zéro pour cent de la valeur unitaire correspondant à l’habitation. », de sorte que ladite valeur locative est de zéro euro en toutes circonstances, tel que relevé à juste titre par le directeur. Le tribunal en déduit qu’un immeuble, qui, tel que celui sis à …, ne donne lieu à aucun revenu autre que la valeur locative, laquelle est nulle en toutes hypothèses, ne peut être considéré comme étant une source de revenus pour le contribuable, au sens des articles 105 (2) 2. et 106 LIR. Dès lors, les frais de rénovation et l’amortissement litigieux ne sont pas des frais d’obtention déductibles sur base des dispositions de l’article 105 LIR.

Par ailleurs, et en tout état de cause, l’article 105 (4) LIR précise que les frais d’obtention « (…) n’entrent en ligne de compte que dans la mesure où ils sont en rapport avec des revenus imposables (…) ».

Or, étant donné qu’un revenu qui ne peut en aucun cas être supérieur à zéro euro n’est pas susceptible de donner lieu à une imposition, la valeur locative ne peut être qualifiée de revenu imposable, au sens de l’article 105 (4) LIR, de sorte que s’agissant de la période précédant celle de l’habitation ou de la disponibilité à l’habitation, seule litigieuse en l’espèce, des dépenses qui sont exclusivement en rapport avec ladite valeur locative, en ce compris l’amortissement, ne peuvent être considérées comme étant en rapport avec des revenus imposables, au sens dudit article 105 (4) LIR.

De telles dépenses ne peuvent, dès lors, entrer en ligne de compte en tant que frais d’obtention.

10 Par conséquent, c’est à juste titre que la partie étatique soutient, d’une part, que des dépenses relatives à l’habitation occupée par le propriétaire et qui se rapportent à la période précédant celle de l’habitation ou de la disponibilité à l’habitation, telles que celles litigieuses, ne sont, en principe, pas déductibles en tant que frais d’obtention et, d’autre part, que l’article 4 b) du règlement grand-ducal du 12 juillet 1968, en admettant, pendant cette même période, la déduction non plafonnée des intérêts débiteurs et des frais de financement correspondant à l’habitation, constitue une exception à ce principe de non-déduction.

Il se dégage des considérations qui précèdent que contrairement à l’argumentation de la demanderesse, les frais de rénovation et l’amortissement litigieux ne constituent pas des frais d’obtention déductibles, en application de l’article 105 LIR, et cela indépendamment tant de la question de savoir si lesdits frais de rénovation sont à qualifier de dépenses d’investissement ou de frais d’entretien et de réparation que de celle de la valeur juridique de la circulaire n° 105/8, telles que soulevées par la demanderesse.

Par ailleurs, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande formulée en dernier ordre de subsidiarité par Madame … de voir « (…) admettre la déduction des frais d’investissement par voie d’amortissement en tant que frais d’obtention du revenu net provenant de la location de biens (…) ».

En effet, indépendamment de la qualification des frais exposés en vue de la rénovation de l’immeuble sis à …, l’amortissement en relation avec l’immeuble occupé par Madame … ne saurait être pris en considération à titre de frais d’obtention, ainsi que cela se dégage des précisions faites ci-avant.

Au vu de l’ensemble des développements faits ci-avant, le recours en réformation sous analyse encourt le rejet pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

rejette la demande tendant à la jonction du présent recours avec le recours inscrit sous le numéro 43463 du rôle ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne la demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, vice-président, Daniel Weber, premier juge, Michèle Stoffel, premier juge, 11 et lu à l’audience publique 19 octobre 2020 par le vice-président, en présence du greffier Lejila Adrovic.

s.Lejila Adrovic s.Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 octobre 2020 Le greffier du tribunal administratif 12


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 43462
Date de la décision : 19/10/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2020-10-19;43462 ?

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