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19/10/2020 | LUXEMBOURG | N°42799

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 octobre 2020, 42799


Tribunal administratif N° 42799 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 mai 2019 1re chambre Audience publique du 19 octobre 2020 Recours formé par Madame …, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42799 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 mai 2019 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à l

a Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, décla...

Tribunal administratif N° 42799 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 mai 2019 1re chambre Audience publique du 19 octobre 2020 Recours formé par Madame …, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42799 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 mai 2019 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, déclarant être née le « …/… » à … (Guinée), et être de nationalité guinéenne, demeurant actuellement à …, tendant à la réformation 1) de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 16 avril 2019 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, et 2) de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 juillet 2019 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh et Madame le délégué du gouvernement Danitza Greffrath en leurs plaidoiries respectives à l'audience publique du 1er juillet 2020.

Le 23 janvier 2018, Madame … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Madame … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du 24 janvier 2018.

Les 4 avril et 11 juin 2018, Madame … fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 16 avril 2019, notifiée à l’intéressée par courrier recommandé expédié le 19 avril 2019, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », résuma les déclarations de Madame … auprès du service de police judiciaire et de la direction de l’Immigration comme suit :

« […] En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 24 janvier 2018, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 4 avril et 11 juin 2018 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale ainsi que le document versé à l'appui de votre demande de protection internationale.

Vous mentionnez avoir quitté la Guinée en raison du fait que vous auriez été mariée de force, excisée, violée, menacée de mort et victime de violences domestiques. Vous déclarez avoir dénoncé les violences subies de la part de votre mari auprès du commissariat de police de … mais n'auriez en revanche pas obtenu d'aide.

Vous indiquez également qu'un dénommé « … », qui habiterait au Luxembourg en visite dans votre village, vous aurait proposé de vous aider à quitter la Guinée. D'après vos dires, ce dernier vous aurait fourni un passeport mentionnant comme date de naissance le 25 mai 1988 alors que vous prétendez être née le …. Afin de préparer votre départ en Europe et pour demander des visas, vous expliquez que vous vous seriez déplacée en 2014 et en 2015 au Sénégal.

Vous indiquez avoir formulé deux demandes de visa, toutes deux refusées en 2014 respectivement 2015. Après votre retour du Sénégal les violences subies de la part de votre mari auraient cessé en raison d'une intervention de membres de votre famille du Sénégal. Après un séjour de deux ans en Guinée vous auriez finalement décidé de quitter votre pays d'origine en avril 2017.

En ce qui concerne votre départ définitif de Guinée, vous indiquez que vous auriez rejoint le Sénégal où vous auriez travaillé dans la restauration pendant 6 mois avant de poursuivre votre chemin à Nador au Maroc d'où vous auriez, après un séjour de deux mois, traversé la Méditerranée. Le 4 décembre 2017, vous seriez arrivée à Almeria d'où vous auriez poursuivi votre chemin jusqu'en Allemagne et auriez pris un train pour rejoindre le Luxembourg. […] ».

Le ministre informa ensuite Madame … que sa demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée sur base des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Pour justifier son refus de lui octroyer une protection internationale, le ministre a retenu que les raisons ayant amené Madame … à quitter la Guinée ne constitueraient pas une persécution au sens de la la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-

après désignée par « la Convention de Genève », au motif qu’elles ne seraient pas liées à sa race, sa religion, sa nationalité, son appartenance à un groupe social ou ses opinions politiques.

Elles seraient au contraire, à qualifier d’infractions de droit commun commises par une ou des personnes privées du ressort des autorités de son pays d’origine et punissables en vertu de la législation guinéenne.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 mai 2019, Madame … a fait déposer un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 16 avril 2019 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

1) Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 35, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 16 avril 2019, telle que déférée, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et après avoir repris en substance les faits et rétroactes tels que repris ci-avant, ainsi que ses déclarations faites lors de ses entretiens auprès d’un agent ministériel, la demanderesse se prévaut de prime abord d’une violation des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 en reprochant au ministre d’avoir fait une appréciation erronée des faits.

Elle fait valoir que ce serait à tort que le ministre a refusé de lui accorder le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève, respectivement a considéré que sa demande serait non fondée pour ne pas reposer sur un des motifs mentionnés à l’article 1, A, 2 de ladite convention.

Elle se prévaut en outre des articles 2.1 et 60 de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, faite à Istanbul, le 11 mai 2011, ci-après désignée par « la Convention d’Istanbul ».

Pour appuyer ses dires, la demanderesse cite des extraits d’un manuel publié par le groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) et intitulé « Demande d’asile :

persécutions liées au genre », pour conclure qu’elle-même aurait été victime d’un mariage forcé en tant que mineure et de diverses violences physiques de la part de son époux et de sa belle-mère et qu’elle aurait été privée de nourriture par les deux premières épouses de son mari.

Elle explique ensuite qu’elle aurait subi une excision de type 1 ce qui serait corroboré par un certificat médical établi par le docteur … du 27 juillet 2018, tout en affirmant que sa belle-mère l’aurait contrainte à se soumettre à une telle mutilation génitale, comportement qui serait encore à qualifier de persécution.

Il conviendrait de conclure qu’elle aurait subi des actes de persécution en raison du genre conformément à l’article 3 de la Convention d’Istanbul.

Tout en admettant que le Nouveau Code pénal guinéen, entré en vigueur depuis le 26 octobre 2016, réprime le mariage forcé, les coups et blessures, le viol conjugal et la menace de mort, la demanderesse soutient qu’il ne serait pas réellement appliqué.

Dans ce contexte, la demanderesse cite des extraits d’un rapport de la direction des recherches, commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada du 14 octobre 2015 et d’un article intitulé « Halte aux violences faites aux femmes »: le cri de résistance d’une Guinéenne de 18 ans » publié le 5 avril 2018 sur le site « Le Monde », mettant en avant le caractère répandu de violences conjugales en Guinée et les difficultés d’accès des femmes à la justice.

La demanderesse donne encore à considérer qu’elle ne pourrait revendiquer un quelconque droit ou une protection auprès des autorités de son pays d’origine, alors que celles-

ci, quand elle avait essayé de porter plainte contre son mari, l’auraient renvoyé à la maison au motif que cette problématique serait considérée par les policiers comme relevant de la sphère privée.

Ainsi, il conviendrait de conclure que l’Etat guinéen ne serait pas en mesure de lui accorder une protection conformément à l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015.

La demanderesse cite encore des extraits du rapport précité du 14 octobre 2015 pour affirmer que si elle avait certes pu bénéficier d’un soutien psychologique dans son pays d’origine, elle n’aurait toutefois pas été en mesure de s’acquitter des frais médicaux ainsi que des frais d’avocat.

Elle conclut que les actes subis par elle constitueraient une persécution au sens des articles 1 A de la Convention de Genève et 42, paragraphe (1), point b) et paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 pour avoir été victime de diverses violences physiques, sexuelles et mentales et que les mesures de police judiciaire auraient été mises en œuvre de manière discriminatoire puisqu’elle serait une femme.

Elle aurait dès lors été victime de persécutions en raison de son appartenance à un groupe social, à savoir celui des femmes victimes de violences domestiques en Guinée.

La demanderesse estime ensuite qu’elle remplirait les conditions d’octroi de la protection subsidiaire puisque les faits subis par elle répondraient à la qualification d’atteinte grave, plus particulièrement au regard des dispositions de l’article 3 de la la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », et de l’interprétation qui en est faite par la Cour européenne des droits de l’homme, ci-après désignée par « la CourEDH », la demanderesse se prévalant en outre d’une décision de l’office français de protection des réfugiés et apatrides (OPFRA) du 30 novembre 2016 ayant admis au statut conféré par la protection subsidiaire une femme ayant subi des violences conjugales en Guinée.

Par ailleurs, elle ne pourrait pas bénéficier d’une fuite interne puisque cette réinstallation ne serait pas possible sur le plan pratique. Ainsi, son mari l’aurait menacée à plusieurs reprises qu’il la retrouverait et la tuerait si elle s’enfuyait une nouvelle fois.

En tout cas, elle n’aurait pas la capacité de se réinstaller en Guinée puisqu’elle s’y trouverait seule sans aucun support affectif ou familial et qu’elle porterait toujours les traces physiques et psychologiques des traitements inhumains qu’elle aurait subis. Dans ce contexte, elle se prévaut encore de l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 au regard des persécutions d’ores et déjà subies en Guinée.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

S’agissant, tout d’abord, de la demande en communication du dossier administratif formulée par la demanderesse exclusivement dans le dispositif de la requête introductive, le tribunal constate que la partie étatique a déposé ensemble avec son mémoire en réponse, une farde de pièces correspondant a priori au dossier administratif. A défaut pour la demanderesse de remettre en question le caractère complet du dossier mis à sa disposition à travers le mémoire en réponse, la demande en communication du dossier administratif est à rejeter comme étant devenue sans objet.

Ensuite, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2, point b) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « demande de protection internationale » se définit comme correspondant à une demande visant à obtenir le statut de réfugié, respectivement celui conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de ladite loi comme étant «tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2, point g) de la même loi comme tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir des atteintes graves et que cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays.

Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié », que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.

Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l'homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d'une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). ».

Quant aux atteintes graves, l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 les définit comme :

« a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Dans les deux hypothèses, les faits dénoncés doivent être perpétrés par un acteur de persécutions ou d’atteintes graves au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, lesquels peuvent être :

« a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. », et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».

Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec les exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées précédemment.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire. Particulièrement, si l’élément qui fait défaut touche à l’auteur des persécutions ou des atteintes graves, aucun des deux volets de la demande de protection internationale ne saurait aboutir, les articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015 s’appliquant, comme relevé ci-avant, tant à la demande d’asile qu’à celle de protection subsidiaire.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2, point g) de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

En l’espèce, force est de constater que la demanderesse déclare craindre retourner en Guinée par peur de subir des violences de la part de sa belle-mère et de son mari, auquel elle aurait été mariée de force à l’âge de quatorze ans, tout en insistant sur le fait quelle aurait fait l’objet d’une excision de type I.

Le ministre quant à lui estime que les faits mis en avant par la demanderesse, à savoir son mariage forcé, l’excision subie par elle et les violences domestiques subies, ne rentreraient pas dans le champ d’application de la Convention de Genève, tout en faisant valoir qu’actuellement devenue majeure, elle pourrait divorcer de son époux.

S’agissant de prime abord du statut de réfugié, le tribunal ne partage pas l’analyse de la demanderesse qu’elle risquerait, en raison de sa qualité de femme en Guinée ayant subi des violences conjugales, respectivement une excision, de subir des persécutions en raison de son appartenance à un groupe social.

En effet, aux termes de l’article 42, paragraphe (1), point d) de la loi du 18 décembre 2015 : « Un groupe est considéré comme un certain groupe social lorsque, en particulier:

– ses membres partagent une caractéristique innée ou une histoire commune qui ne peut être modifiée, ou encore une caractéristique ou une croyance à ce point essentielle pour l’identité ou la conscience qu’il ne devrait pas être exigé d’une personne qu’elle y renonce; et – ce groupe a son identité propre dans le pays en question parce qu’il est perçu comme étant différent par la société environnante.

En fonction des conditions qui prévalent dans le pays d’origine, un groupe social spécifique peut être un groupe dont les membres ont pour caractéristique commune une orientation sexuelle. L’orientation sexuelle ne peut pas s’entendre comme comprenant des actes réputés délictueux d’après la législation luxembourgeoise. Les aspects liés au genre, y compris l’identité de genre, aux fins de la reconnaissance de l’appartenance à un certain groupe social ou de l’identification d’une caractéristique d’un tel groupe sont dûment pris en considération; » Le tribunal est amené à retenir que la situation de la demanderesse ne répond pas à cette définition du groupe social. Certes, il se dégage du rapport de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada du 14 octobre 2015, cité par la demanderesse, que la violence conjugale est un problème très répandu en Guinée. Néanmoins, il ne se dégage pas des éléments à la disposition du tribunal que les femmes en tant que telles puissent être considérées comme formant un groupe ayant une identité propre en Guinée parce qu’il est perçu par la société environnante comme étant différent.

S’il est vrai qu’une femme fuyant le mariage forcé, respectivement une excision pourrait, le cas échéant, être considérée comme appartenant au groupe social des femmes victimes de mariages forcés ou d’excision, force est de constater que la situation de la demanderesse est différente puisque, encore que par le passé elle ait été victime d’un mariage forcé, de même qu’elle a subi une excision, les craintes exprimées actuellement par elle ne se conjuguent pas autour de la perspective d’un mariage forcé ou d’une excision qu’elle entend fuir, mais elle déclare craindre de continuer à être victime de violences conjugales.

Dans la mesure où les faits invoqués ne sont, par ailleurs, pas liés à la race, la religion, la nationalité ou les opinons politiques de la demanderesse, c’est à juste titre que le ministre a refusé d’accorder à la demanderesse le statut de réfugié.

S’agissant ensuite de la Convention d’Istanbul, ratifiée par le Luxembourg par la loi du 20 juillet 2018 portant approbation de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique que la demanderesse estime violée, son article 2 dispose comme suit : « 1. La présente Convention s’applique à toutes les formes de violence à l’égard des femmes, y compris la violence domestique, qui affecte les femmes de manière disproportionnée.

2. Les Parties sont encouragées à appliquer la présente Convention à toutes les victimes de violence domestique. Les Parties portent une attention particulière aux femmes victimes de violence fondée sur le genre dans la mise en œuvre des dispositions de la présente Convention.

3. La présente Convention s’applique en temps de paix et en situation de conflit armé. ».

Aux termes de l’article 60 de la Convention d’Istanbul, « 1. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre puisse être reconnue comme une forme de persécution au sens de l’article 1, A (2), de la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et comme une forme de préjudice grave donnant lieu à une protection complémentaire/subsidiaire.

2. Les Parties veillent à ce qu’une interprétation sensible au genre soit appliquée à chacun des motifs de la Convention et à ce que les demandeurs d’asile se voient octroyer le statut de réfugié dans les cas où il a été établi que la crainte de persécution est fondée sur l’un ou plusieurs de ces motifs, conformément aux instruments pertinents applicables.

3. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour développer des procédures d’accueil sensibles au genre et des services de soutien pour les demandeurs d’asile, ainsi que des lignes directrices fondées sur le genre et des procédures d’asile sensibles au genre, y compris pour l’octroi du statut de réfugié et pour la demande de protection internationale. ».

Il convient ainsi de constater que ni l’article 2.1. de la Convention d’Istanbul définissant le champ d’application de celle-ci, ni l’article 60 de la même Convention à travers lequel les Etats signataires se sont engagés à adopter un cadre légal susceptible de prendre en compte la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre comme forme de persécution, respectivement comme préjudice grave donnant lieu à une protection subsidiaire et à ce que l’Etat luxembourgeois veille à ce qu’une interprétation sensible au genre soit appliquée à chacun des motifs de la Convention d’Istanbul et que les demandeurs d’asile se voient octroyer le statut de réfugié dans les cas où il a été établi que la crainte de persécution est fondée sur l’un ou plusieurs de ceux-ci, ne confèrent un droit autonome et automatique à l’obtention du statut de réfugié à toute femme se prévalant d’avoir subi des violences domestiques, mais il appartient en tout état de cause au ministre et par la suite au tribunal de procéder à une analyse au cas par cas et ce au regard des conditions de la Convention de Genève, examen qui a été fait en l’espèce.

S’agissant de la protection subsidiaire, en l’absence, à l’heure actuelle, d’un conflit armé en Guinée et dans la mesure où la demanderesse n’allègue pas risquer la peine de mort ou l’exécution dans son pays d’origine, il y a seulement lieu de vérifier si les difficultés dont elle fait état sont de nature à établir l’existence, dans son chef, d’un risque réel d’être victime de torture ou des traitements ou sanctions inhumains et dégradants, au sens de l’article 48, point b) de la loi du 18 décembre 2015.

Force est de constater que la réalité en tant que telle des faits relatés par la demanderesse n’est pas remise en question par la partie étatique, celle-ci mettant essentiellement en question le sérieux des craintes de la demanderesse à l’heure actuelle au motif qu’elle pourrait, en cas de retour en Guinée, divorcer de son mari puisqu’elle est entretemps majeure.

Le tribunal est amené à retenir que les traitements subis et décrits par la demanderesse sont indéniablement à qualifier de traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 48, point b) de la loi du 18 décembre 2018.

Eu égard aux traitements inhumains et dégradant d’ores et déjà subis par le passé, il y a, au regard des principes retenus ci-avant, lieu de présumer que ceux-ci vont se reproduire en cas de retour en Guinée.

Or, indépendamment de l’année exacte de naissance de la demanderesse, litigieuse en l’espèce, à savoir 1988 ou 1997, force est de constater que celle-ci n’est actuellement plus mineure, de sorte qu’en cas de retour en Guinée, elle ne se trouve plus dans la même situation de dépendance vis-à-vis de son mari qu’elle se trouvait au début de son mariage.

Ce constat, combiné au fait que la demanderesse a quitté son mari déjà en 2017, amène le tribunal à retenir qu’elle ne risque pas de subir, actuellement, les mêmes faits ou d’autres traitements inhumains et dégradants de la part de sa belle-mère ou de son mari en cas de retour en Guinée, étant donné qu’elle n’est pas obligée à vivre avec eux.

Dans ce contexte, il convient encore de relever qu’il ressort des explications de la partie étatique, de même que des sources internationales produites en cause, que la demanderesse aurait pu entamer une procédure de divorce, la violence conjugale étant, en effet, un motif d’ordre juridique permettant d’obtenir le divorce en Guinée. Cette conclusion n’est pas énervée par la simple affirmation de la demanderesse suivant laquelle elle n’aurait pas été en mesure de s’acquitter des frais d’avocat, celle-ci restant, à défaut d’autres éléments fournis par la demanderesse, en l’état de pure allégation.

Le tribunal relève encore que Madame … est, malgré les menaces qu’elle a reçues en Guinée, retournée vivre auprès de son mari après qu’elle était partie au Sénégal, et plus particulièrement à …, en 2014 et 2015 pour 2, respectivement 3 mois, où elle a habité chez sa cousine, la demanderesse précisant en plus que « quand je suis rentrée, il ne m’a rien fait »1.

Dans ces conditions, le tribunal est amené à retenir que la crainte de la demanderesse de faire l’objet de violences domestiques ou de représailles de la part de son mari en cas de retour en Guinée est hypothétique. La même solution doit être retenue à l’égard des menaces que sa belle-mère a proférées contre elle, étant donné qu’elle n’est pas obligée d’y retourner.

A titre superfétatoire et pour être complet, le tribunal est amené à relever que c’est encore à bon droit que le ministre a évoqué la possibilité pour la demanderesse de profiter d’une fuite interne.

A cet égard, l’article 41 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « […] le ministre peut estimer qu’un demandeur n’a pas besoin de protection internationale lorsque, dans une partie du pays d’origine, a) il n’a aucune raison de craindre d’être persécuté ou ne risque pas réellement de subir des atteintes graves ; ou b) il a accès à une protection contre les persécutions ou les atteintes graves au sens de l’article 29, et qu’il peut, en toute sécurité et en toute légalité, effectuer le voyage vers cette partie du pays et obtenir l’autorisation d’y pénétrer et que l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il s’y établisse. (2) Lorsqu’il examine si un demandeur a une crainte fondée d’être persécuté ou risque réellement de subir des atteintes graves, ou s’il a accès à une protection contre les persécutions ou les atteintes graves dans une partie du pays d’origine conformément au paragraphe (1), le ministre tient compte, au moment où il statue sur la demande, des conditions générales dans cette partie du pays et de la situation personnelle du demandeur, conformément à l’article 26. A cette fin, le ministre veille à obtenir des informations précises et actualisées auprès de sources pertinentes, telles que le Haut-

Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et le Bureau européen d’appui en matière d’asile. ».

Ainsi, une possibilité de fuite interne ne saurait être considérée comme donnée que si, dans une partie du pays d’origine, le demandeur de protection internationale n’a pas une crainte fondée d’être persécuté ou ne risque pas réellement de subir des atteintes graves, ou bien si, dans une partie du pays d’origine, il a accès à une protection contre les persécutions ou les atteintes graves, à condition qu’il puisse effectuer le voyage vers cette partie du territoire en toute sécurité et légalité et qu’il puisse raisonnablement s’y établir. Il appartient dès lors au ministre d’identifier une zone sûre, accessible tant en pratique que légalement pour le demandeur, en tenant compte du profil de la personne concernée, étant en tout état de cause souligné qu’il incombe au ministre, sinon de prouver positivement l’absence de tout risque, respectivement l’accès à une protection suffisante, du moins d’examiner et d’énoncer de manière plausible pour quelles raisons il estime devoir et pouvoir, dans le contexte et pour les causes visées à l’article 41 de la loi du 18 décembre 2015, refuser la protection internationale.

1 Page 10 du rapport d’entretien.

Le ministre ne peut pas s’emparer d’un défaut par le demandeur d’établir l’impossibilité de la fuite interne, mettant ainsi la charge de la preuve du côté du demandeur de protection internationale.

En l’espèce, le ministre, tout en tenant compte de l’âge et de l’état de santé de la demanderesse, a estimé que celle-ci aurait notamment pu s’installer auprès de sa mère biologique à …, village situé à 100 kilomètres de son village d’origine ou bien dans la capitale de la Guinée située à 300 kilomètres de son village d’origine au lieu de quitter la Guinée en direction de l’Europe, cela d’autant plus qu’elle s’est déplacée, même à plusieurs reprises au Sénégal et y a même trouvé un travail rémunéré, de sorte qu’il lui serait parfaitement possible de se déplacer et de s’éloigner de son époux, l’affirmation de la demanderesse qu’elle ne se serait pas installée chez sa mère biologique alors que « je ne connais pas là-bas. Parce que c’est très loin. Pour y aller il faut traverser une grande eau »2, étant en tout état de cause insuffisante à cet égard.

Les faits dont la demanderesse fait état n’ayant qu’un caractère local pour être liés à son époux, il y a lieu d’admettre qu’ils ne sont pas susceptibles de se reproduire sur l’ensemble du territoire guinéen, la demanderesse n’ayant en tout état de cause pas fourni des éléments convaincants permettant de relever que son époux puisse la retrouver si elle le quittait et s’installait dans une autre ville ou région de Guinée, voire qu’il existe un risque réel et sérieux qu’il essayerait de la rechercher et de lui faire subir les mêmes violences que par la passé.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le ministre a à bon droit rejeté comme étant non fondée la demande de Madame … tendant à l’obtention du statut conféré par la protection internationale prise en son double volet.

2) Quant au recours visant l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, un recours sollicitant la réformation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.

La demanderesse demande la réformation de l’ordre de quitter le territoire comme conséquence de la réformation du refus d’une protection internationale.

En outre, elle se prévaut, de manière autonome, de l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », et de l’article 3 de la CEDH.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce volet du recours.

Aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre telle que visée à l’article 34, 2 Page 15 du rapport d’entretien.

paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Etant donné qu’il vient d’être retenu ci-avant que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’accorder à la demanderesse l’un des statuts conférés par la protection internationale, ni la légalité ni le bien-fondé de l’ordre de quitter le territoire ne sauraient être valablement remis en cause.

S’agissant du moyen fondé sur une violation autonome des articles 3 de la CEDH et 129 de la loi du 29 août 2008, il convient de rappeler que si l’article 3 de la CEDH, auquel renvoie l’article 129 de la loi du 29 août 2008 proscrit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, encore faut-il que le risque de subir des souffrances mentales ou physiques présente une certaine intensité.

En effet, si une mesure d’éloignement – telle qu’en l’espèce consécutive à l’expiration du délai imposé à la demanderesse pour quitter le Luxembourg – relève de la CEDH dans la mesure où son exécution risquerait de porter atteinte aux droits inscrits à l’article 3, ce n’est cependant pas la nature de la mesure d’éloignement qui pose un problème de conformité à la CEDH, spécialement à l’article 3, mais ce sont les effets de la mesure en ce qu’elle est susceptible de porter atteinte aux droits que l’article 3 garantit à toute personne. C’est l’effectivité de la protection requise par l’article 3 qui interdit aux Etats parties à la CEDH d’accomplir un acte qui aurait pour résultat direct d’exposer quelqu’un à des mauvais traitements prohibés. S’il n’existe pas, dans l’absolu, un droit à ne pas être éloigné, il existe un droit à ne pas être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants, de sorte et a fortiori qu’il existe un droit à ne pas être éloigné quand une mesure aurait pour conséquence d’exposer à la torture ou à une peine ou des traitements inhumains ou dégradants.

Cependant, dans ce type d’affaires, la CourEDH soumet à un examen rigoureux toutes les circonstances de l’affaire, notamment la situation personnelle du requérant dans l’Etat qui est en train de mettre en œuvre la mesure d’éloignement. La CourEDH recherche donc s’il existait un risque réel que le renvoi du requérant soit contraire aux règles de l’article 3 de la CEDH. Pour cela, la Cour évalue ce risque notamment à la lumière des éléments dont elle dispose au moment où elle examine l’affaire et des informations les plus récentes concernant la situation personnelle du requérant.

Le tribunal procède donc à la même analyse de l’affaire sous examen.

Or, en ce qui concerne précisément les risques prétendument encourus par la demanderesse en cas de retour dans son pays d’origine, le tribunal a conclu ci-avant à l’absence, dans le chef de celle-ci, de tout risque réel et actuel de subir des persécutions ou des atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015 dans son pays d’origine, de sorte que le tribunal ne saurait se départir à ce niveau-ci de son analyse de cette conclusion.

Au vu de ce qui précède et compte tenu du seuil élevé fixé par l’article 3 de la CEDH3, le tribunal estime qu’il n’existe pas un risque suffisamment réel pour que le renvoi de la demanderesse dans son pays d’origine soit dans ces circonstances incompatible avec l’article 3 CedH, arrêt Lorsé et autres c/ Pays-Bas, 4 février 2004, § 59.

3 de la CEDH, de sorte que le moyen tiré d’une violation de l’article 129 de la loi du 29 août 2008 et de l’article 3 de la CEDH encourt le rejet.

Il s’ensuit que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est également à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 16 avril 2019 portant rejet d’un statut de protection internationale ;

au fond, déclare ledit recours en réformation non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre l’ordre de quitter le territoire :

au fond le dit non justifié et en déboute ;

rejette la demande en communication du dossier administratif comme étant devenue sans objet ;

condamne la demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 octobre 2020 par :

Annick Braun, vice-président, Alexandra Bochet, juge, Carine Reinesch, juge, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 octobre 2020 Le greffier du tribunal administratif 13


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 42799
Date de la décision : 19/10/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2020-10-19;42799 ?

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