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14/10/2020 | LUXEMBOURG | N°44855

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 octobre 2020, 44855


Tribunal administratif Numéro 44855 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 août 2020 1re chambre Audience publique du 14 octobre 2020 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 28 (2), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44855 du rôle et déposée le 17 août 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Frank Wies, avocat à la Cour,

inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant êtr...

Tribunal administratif Numéro 44855 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 août 2020 1re chambre Audience publique du 14 octobre 2020 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 28 (2), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44855 du rôle et déposée le 17 août 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Frank Wies, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … (Pakistan) et être de nationalité afghane, alias …, né le …, de nationalité afghane, demeurant actuellement à …, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 5 août 2020 ayant déclaré irrecevable sa demande de protection internationale sur le fondement de l’article 28, paragraphe (2), point a), de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 septembre 2020 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Madame le délégué du gouvernement Christiane Martin en sa plaidoirie à l’audience publique du 30 septembre 2020, et vu les remarques écrites de Maître Frank Wies du 29 septembre 2020, produites, conformément à la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020, avant l’audience.

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Le 19 décembre 2019, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, il fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée - police des étrangers, de la Police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Il s’avéra à cette occasion, suite à la comparaison des empreintes digitales de l’intéressé avec la base de données Eurodac, ainsi que suivant ses propres déclarations, que Monsieur … avait précédemment introduit une demande de protection internationale en Grèce et qu’un statut de protection internationale lui a été accordé par ce pays le 25 juillet 2018.

1Par une ordonnance numéro 2019TALJAF/003047 du 28 novembre 2019, le juge des tutelles délégué auprès du tribunal d’arrondissement de Luxembourg désigna Maître Frank Wies administrateur ad hoc de Monsieur … avec la mission de l’assister dans le cadre de l’examen de sa demande de protection internationale conformément aux dispositions des articles 5, paragraphe (4), et 20 de la loi du 18 décembre 2015.

Le 30 juillet 2020, Monsieur …, entretemps devenu majeur, fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur la recevabilité de sa demande de protection internationale.

Par le biais d’une décision du 5 août 2020, notifiée à Monsieur … par lettre recommandé expédiée le 10 août 2020, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé « le ministre », déclara irrecevable sa demande de protection internationale, en application de l’article 28, paragraphe (2), point a), de la loi du 18 décembre 2015, tout en lui ordonnant de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours. Ladite décision est libellée comme suit :

« J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 19 décembre 2019.

En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 19 décembre 2019 et le rapport d’entretien sur la recevabilité de votre demande de protection internationale du 30 juillet 2020.

Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous avez introduit une demande de protection internationale en Grèce le 26 janvier 2017 et qu’une protection internationale vous a été accordée le 25 juillet 2018. Vous signalez avoir quitté l’Afghanistan fin 2016, en passant par l’Iran pour gagner la Turquie et finalement la Grèce, où vous seriez resté pendant deux ans. Vous précisez d’abord avoir vécu dans un foyer pour jeunes et puis dans une maison avec des amis. Vers octobre 2018, vous auriez pris l’avion en direction de la France et après votre arrivée, vous y auriez jeté votre permis de séjour grec. Vous auriez par la suite pris le train pour venir au Luxembourg. Vous précisez avoir quitté la Grèce parce que la vie y aurait été très dure et vous avez quitté l’Afghanistan « weil meine Familie mir das organisiert hat damit ich eine Zukunft habe », alors qu’il n’y aurait pas de sécurité et que vous n’aurait pas pu finir vos études.

Il résulte de vos déclarations auprès de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes que vous n’auriez pas voulu rester en Grèce parce que personne ne vous y aurait aidé, même en tant que mineur, que vous n’auriez pas reçu d’aides et que vous auriez été obligé de travailler.

Vous ne présentez aucune pièce d’identité.

Je suis au regret de vous informer qu’en vertu des dispositions de l’article 28 (2) a) de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, votre demande de protection internationale est irrecevable au motif qu’une protection internationale vous a été accordée par un autre Etat membre de l’Union européenne.

En effet, il ressort de la réponse des autorités grecques du 10 mars 2020, que le statut de réfugié vous a été accordé en Grèce le 25 juillet 2018 et que vous êtes en possession d’un titre de séjour, valable jusqu’au 25 juillet 2021.

2Il ne ressort ensuite pas des éléments en notre possession que vous auriez à craindre en Grèce pour votre vie ou pour votre liberté en raison de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social particulier ou de vos opinions politiques, ni qu’il existe un risque d’atteintes graves dans votre chef. En outre, la Grèce respecte le principe de non refoulement conformément à la Convention de Genève et l’interdiction de prendre des mesures d’éloignement contraires à l’interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Quant au fait que vous auriez quitté la Grèce parce que vous n’auriez pas reçu d’aides, que personne ne vous aurait aidé et que vous auriez été obligé de travailler, rappelons que des motifs économiques ou de pure convenance personnelle ne sauraient de toute façon pas fonder une demande de protection internationale alors qu’ils ne rentrent aucunement dans le champ d’application de la Convention de Genève.

Le Grand-Duché de Luxembourg ne peut par conséquent pas donner suite à vos demandes déclarées irrecevables.

Conformément à l'article 34 (2) votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de la Grèce, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. […] ».

Le 17 août 2020, les autorités luxembourgeoises requirent des autorités grecques la réadmission de Monsieur … sur le territoire grec sur base de l’article 6, paragraphe (2), de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, demande à laquelle les autorités grecques firent droit le 20 août 2020.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 17 août 2020, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 5 août 2020, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

1) Quant au recours visant la décision du ministre ayant déclaré la demande de protection internationale irrecevable Aucune disposition légale ne prévoyant de recours au fond contre une décision ayant déclaré irrecevable une demande de protection internationale sur le fondement de l’article 28, paragraphe (2), point a), de la loi du 18 décembre 2015 et l’article 35, paragraphe (3) de la même loi prévoyant expressément un recours en annulation en la matière, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision ministérielle précitée du 5 août 2020.

Le recours en annulation introduit, en l’espèce, est, par ailleurs, recevable pour avoir été déposé dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur expose les faits et rétroactes tels que relatés ci-dessus, en faisant plus particulièrement état de son parcours depuis son départ de son pays d’origine, l’Afghanistan, à l’âge de … ans, jusqu’à son arrivée en Grèce où il s’est vu accorder le statut de réfugié le 25 juillet 2018, et finalement sa venue au Luxembourg et les 3raisons de celle-ci, à savoir le fait que sa situation en Grèce aurait été incompatible avec celle d’un mineur non accompagné.

En droit, le demandeur reproche tout d’abord au ministre d’avoir procédé à une analyse superficielle des éléments qui l’ont poussé à déposer une deuxième demande de protection internationale au Luxembourg, alors que, malgré ses explications sur les conditions de son séjour en Grèce et la manière dont il y aurait été pris en charge en sa qualité de mineur non accompagné, il aurait fait une présentation très embellie de la situation en ne tenant pas compte de la situation des migrants en Grèce. Le ministre aurait également fait abstraction des conditions dans lesquelles il aurait déposé sa demande de protection internationale en Grèce et conclu à tort qu’il aurait quitté ce pays pour des raisons économiques, sinon de pure convenance personnelle. L’image donnée par le ministre de la Grèce serait, par conséquent, à qualifier de faussée et comme ne pouvant valablement justifier la décision entreprise.

En se prévalant, ensuite, d’un arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) du 19 mars 2019 se prononçant sur l’interprétation à donner à l’article 33, paragraphe (2), sous a) de la directive Procédure1, ainsi que du chapitre VII de la directive Qualification2, il invoque, après avoir relevé que le principe de confiance mutuelle entre Etats membres ne constituerait qu’une présomption réfragable, une violation des articles 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par « la Charte », et 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », en ce que le ministre aurait omis de rechercher si, en sa qualité de bénéficiaire d’une protection internationale en Grèce, il pouvait effectivement bénéficier, en cas de retour dans ce pays, des garanties fondamentales prévues par la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et le Protocole relatif au statut des réfugié, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par le règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après désigné par « la Convention de Genève », pour les bénéficiaires d’une protection internationale.

Il donne, à cet égard, à considérer qu’il serait arrivé seul en Grèce alors qu’il n’avait que 15 ans, qu’il y aurait reçu un permis de séjour pour demandeurs d’asile afin de pouvoir se déplacer librement en Grèce et qu’il y aurait été placé dans un foyer pour mineurs où les conditions de vie auraient été particulièrement difficiles. Ainsi, lorsque des amis lui auraient demandé de partager un appartement avec eux, il aurait accepté cette offre et il aurait partagé une chambre avec quatre autres personnes.

Il ajoute qu’en Grèce, il n’aurait reçu ni aide financière, ni aide morale, de même qu’il ne se serait pas vu attribuer un véritable logement adapté à sa condition, ni n’aurait-il bénéficié d’une affiliation à la sécurité sociale, de sorte qu’il aurait été totalement délaissé.

Il explique avoir été régulièrement abordé dans la rue par des personnes vendant notamment de la drogue et qui lui auraient demandé de les rejoindre. Comme il aurait cependant refusé d’adhérer à ce style de vie, il aurait été obligé de travailler dans des restaurants, sur des 1 Directive n°2013/32 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale.

2 Directive n°2011/95 du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants de pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, relatif au contenu de la protection internationale.

4chantiers, dans des hôtels et ce à raison de huit heures par jour « afin de gagner un misérable salaire pour tenter de s’en sortir ».

Il souligne que le fait de laisser un enfant de 15 ans livré à lui-même et de l’obliger à travailler, serait contraire à l’article 22 de la Convention de Genève imposant aux Etats contractants certaines obligations en termes d’accès à l’éducation publique. Il ajoute que le fait même qu’au Luxembourg, un enfant serait obligé d’aller à l’école jusqu’à ses 16 ans, prouverait que les pays ne traitent pas les demandeurs de protection internationale et les mineurs de la même manière.

Le demandeur précise ensuite qu’il n’aurait jamais eu l’intention de rester en Grèce et d’y déposer une demande de protection internationale, mais que comme au moment de son arrivée, les frontières auraient été très surveillées, il aurait dû attendre avant de pouvoir partir.

Or, les autorités sur place, assistées d’un traducteur, lui auraient expliqué qu’il devait demander une protection internationale s’il voulait voir son permis de séjour renouvelé. Comme il aurait eu peur d’être contrôlé par la police et eu égard à son très jeune âge, il aurait eu du mal à comprendre ce qu’on lui disait et il se serait senti influencé et menacé.

Il insiste sur le fait qu’il aurait expliqué à l’agent de la direction de l’Immigration que, n’ayant reçu aucune aide en Grèce, il n’aurait jamais voulu y rester et qu’au vu de ses explications claires, il ne saurait lui être reproché d’avoir quitté la Grèce pour des motifs économiques. Il ajoute qu’il ne serait pas possible de laisser un mineur livré à lui-même et qu’il serait un fait établi et largement démontrable sur base de centaines de rapports et d’articles de presse que l’accueil des migrants serait catastrophique en Grèce et encore davantage pour les mineurs non accompagnés.

Le demandeur souligne ensuite qu’en cas de retour en Grèce, il devrait soit vivre dans la rue, soit dans un des foyers surpeuplés déjà totalement dépassés par les évènements. Or, comme il n’aurait déjà bénéficié d’aucune aide ni d’une assistance en tant que mineur, la situation ne pourrait qu’être pire en tant que majeur. Il ajoute que les conditions de vie actuelles pour un réfugié en Grèce seraient d’autant plus dramatiques que le pays serait frappé par une crise sanitaire sans précédent et que le gouvernement grec n’aurait que peu de considération pour les migrants.

Il donne finalement à considérer qu’il serait manifestement confronté en Grèce à des traitements inégaux par rapport aux droits reconnus par les autorités grecques aux ressortissants nationaux en matière de prestations sociales puisqu’il n’aurait bénéficié d’aucune couverture sociale.

Au vu de toutes ces considérations, le demandeur est d’avis qu’il faudrait considérer que la Grèce, de par sa gestion des demandeurs de protection internationale, l’exposerait à un risque sérieux de subir un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte, tout en ajoutant que le fait pour l’Etat grec de ne lui avoir versé en sa qualité de mineur non accompagné et donc de personne vulnérable, aucune prestation de subsistance, l’aurait placé dans une situation de dénuement matériel extrême à tel point qu’il aurait dû travailler 8 heures par jour et ce en violation de nombreux textes et surtout de l’article 22 de la Convention de Genève. Ce serait dès lors normal que, face à un tel traitement, il ait perdu toute confiance en l’Etat grec pour assurer sa sécurité non seulement lorsqu’il était mineur mais également en tant que majeur.

5Il en conclut que le principe de confiance mutuelle ne pourrait être valablement mis en avant dans le cas d’espèce, dans la mesure où il serait manifestement exposé à un risque de subir un traitement inhumain et dégradant en Grèce au sens des articles 4 de la Charte et 3 de la CEDH.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Aux termes de l’article 28, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, « […] le ministre peut prendre une décision d’irrecevabilité, sans vérifier si les conditions d’octroi de la protection internationale sont réunies, dans les cas suivants: a) une protection internationale a été accordée par un autre Etat membre de l’Union européenne ; […] ».

Il ressort de cette disposition que le ministre peut déclarer irrecevable une demande de protection internationale, sans vérifier si les conditions d’octroi en sont réunies, dans le cas où le demandeur s’est vu accorder une protection internationale dans un autre pays membre de l’Union européenne.

En l’espèce, il est constant en cause que le demandeur est bénéficiaire du statut de réfugié lui reconnu par les autorités grecques le 25 juillet 2018, de sorte qu’a priori, le ministre a valablement pu déclarer sa demande de protection internationale irrecevable, sur base de l’article 28, paragraphe (2), point a), de la loi du 18 décembre 2015.

Cette conclusion n’est pas invalidée par l’argumentation fournie par le demandeur à l’appui de son recours.

En ce qui concerne tout d’abord les critiques dirigées par le demandeur contre le système d’asile grec en général et les conditions d’accueil des mineurs non accompagnés en particulier, à travers lesquelles, de l’entendement du tribunal, il entend faire plaider qu’un renvoi en Grèce devrait être empêché pour constituer un traitement inhumain et dégradant dans son chef, le tribunal est amené à relever que si, par le biais de cette argumentation, le demandeur a voulu, de manière détournée, invoquer une violation de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III », aux termes duquel « Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. », force est de relever que, dans la mesure où Monsieur … a obtenu le statut de réfugié en Grèce, il y a lieu de retenir qu’il n’entre pas dans le champ d’application du règlement Dublin III limité aux demandeurs d’une protection internationale et donc non applicable aux bénéficiaires d’une telle protection. En conséquence, le demandeur ne saurait invoquer l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et d’accueil grecque pour empêcher son éloignement vers la Grèce, de sorte que le moyen afférent encourt en tout état de cause le rejet.

6 Le demandeur invoque, ensuite, de l’entendement du tribunal, de manière générale une violation, par les autorités grecques, des dispositions de la directive Qualification, transposée en droit luxembourgeois par la loi du 19 juin 2013 portant modification de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, et de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, et plus particulièrement une violation, par ces dernières autorités, des articles 26, 27, 29 et 30 de ladite directive relatifs à l’accès à l’emploi, à l’éducation, à la protection sociale et aux soins de santé.

Plus particulièrement, il affirme qu’au vu de ses expériences passées, il ne serait pas possible d’affirmer péremptoirement que la Grèce respecterait à l’égard des bénéficiaires d’une protection internationale ses obligations d’accès à la protection sociale, respectivement à l’éducation telles que se dégageant notamment de ladite directive.

Le tribunal relève que l’objectif principal de la directive Qualification, tel que cela ressort de son préambule, est, d’une part, d’assurer que tous les Etats membres appliquent des critères communs pour l’identification des personnes qui ont réellement besoin d’une protection internationale et, d’autre part, d’assurer un niveau minimal d’avantages à ces personnes dans tous les Etats membres3. Le mécanisme mis en place par la directive, qui opère un rapprochement des règles relatives à la reconnaissance et au contenu du statut de réfugié et de la protection subsidiaire4, implique encore l’obligation pour les Etats membres de l’Union européenne de se conformer aux normes minimales communes ainsi édictées, plus particulièrement s’agissant du contenu de la protection internationale.

En effet, il échet de constater que les Etats membres de l’Union européenne se sont dotés d’un mécanisme visant à garantir l’application d’un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes bénéficiant d’une protection subsidiaire sur l’ensemble du territoire européen et que la Commission européenne, chargée de présenter un rapport au moins tous les cinq ans au Parlement européen et au Conseil sur l’application de cette directive par les Etats membres, veille encore à sa bonne application par les Etats membres.

S’il est vrai que la directive Qualification impose aux Etats membres de prendre des mesures nationales garantissant un certain nombre de mesures minimales en ce qui concerne le contenu du statut de réfugié ou des personnes bénéficiant d’une protection subsidiaire, cette directive ne constitue toutefois pas une base légale suffisante pour obliger le ministre à examiner, avant de prendre une décision d’irrecevabilité en application de l’article 28, paragraphe (2), point a), de la loi du 18 décembre 2015, si l’Etat membre de l’Union européenne dans lequel un demandeur de protection internationale s’est vu accorder le statut de réfugié ou celui de la protection subsidiaire a correctement transposé les dispositions de la directive Qualification, respectivement si cet Etat respecte effectivement le contenu des normes minimales y consacrées. Par ailleurs, il convient encore de relever, à cet égard, que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant, y compris la Grèce, respectent les droits fondamentaux ainsi consacrés, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard5. Cette conclusion est encore renforcée par la circonstance suivant laquelle le préambule de la directive Qualification dispose que, concernant le traitement des personnes relevant de son champ d’application, les Etats membres sont liés par les obligations qui découlent des instruments de 3 Cf. considérant n°12 de la directive 2011/95/UE.

4 Cf. considérant n°13 de la directive 2011/95/UE.

5 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. e.a. C-411/10 et C-493/10, point 78.

7droit international auxquels ils sont parties, notamment ceux qui interdisent la discrimination6.

Le moyen fondé sur une violation, par la Grèce, de la directive Qualification est partant rejeté pour être non fondé.

S’agissant ensuite du moyen fondé sur une violation des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, le tribunal rappelle tout d’abord, tel que relevé ci-avant, que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant, qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève et le protocole de 1967, ainsi que dans la CEDH, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard7.

Le tribunal relève encore que la CJUE a, dans un arrêt du 19 mars 20198, cité par le demandeur, confirmé ce principe selon lequel le droit de l’Union repose sur la prémisse fondamentale selon laquelle chaque Etat membre partage avec tous les autres Etats membres, et reconnaît que ceux-ci partagent avec lui, une série de valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée. Cette prémisse implique et justifie l’existence de la confiance mutuelle entre les Etats membres dans la reconnaissance de ces valeurs et, donc, dans le respect du droit de l’Union qui les met en œuvre, ainsi que dans le fait que leurs ordres juridiques nationaux respectifs sont en mesure de fournir une protection équivalente et effective des droits fondamentaux reconnus par la Charte, notamment aux articles 1er et 4 de celle-ci, qui consacrent l’une des valeurs fondamentales de l’Union et de ses Etats membres, de sorte qu’il doit être présumé que le traitement réservé aux demandeurs ou aux bénéficiaires d’une protection internationale dans chaque Etat membre est conforme aux exigences de la Charte, de la Convention de Genève ainsi que de la CEDH. Il en va ainsi, notamment, lors de l’application de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive Procédure aux termes duquel:

« 2. Les Etats membres peuvent considérer une demande de protection internationale comme irrecevable uniquement lorsque: a) une protection internationale a été accordée par un autre Etat membre ; », qui constitue, dans le cadre de la procédure d’asile commune établie par cette directive, une expression du principe de confiance mutuelle.

Il ne saurait, cependant, être exclu que ce système rencontre, en pratique, des difficultés majeures de fonctionnement dans un Etat membre déterminé, de telle sorte qu’il existe un risque sérieux que des demandeurs ou des bénéficiaires d’une protection internationale soient traités, dans cet Etat membre, d’une manière incompatible avec leurs droits fondamentaux.

Ainsi, le tribunal relève que dans ses arrêts du 19 mars 2019, rendus dans les affaires jointes C-297/17, C-318/17, C-319/17 et C-428/17, ainsi que dans l’affaire C-163/17, la CJUE a retenu que lorsque la juridiction saisie d’un recours contre une décision rejetant une nouvelle demande de protection internationale comme irrecevable dispose d’éléments produits par le demandeur aux fins d’établir l’existence d’un tel risque dans l’Etat membre ayant déjà accordé l’un des statuts conférés par la protection internationale, cette juridiction est tenue d’apprécier, sur la base d’éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés et au regard du standard de protection des droits fondamentaux garanti par le droit de l’Union, la réalité de défaillances soit systémiques ou généralisées, soit touchant certains groupes de personnes9. Elle a, à cet 6 Cf. considérant n°17 de la directive 2011/95/UE.

7 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. e.a., C-411/10 et C-493/10, point 78.

8 CJUE, 19 mars 2019, Jawo c/ Bundesrepublik Deutschland, n° C-163/17.

9 Point 88 de l’arrêt précité de la CJUE du 19 mars 2019.

8égard, souligné que, pour relever de l’article 4 de la Charte, qui correspond à l’article 3 de la CEDH, et dont le sens et la portée sont donc, en vertu de l’article 52, paragraphe (3), de la Charte, les mêmes que ceux que leur confère ladite convention, les défaillances en question doivent atteindre un seuil particulièrement élevé de gravité, qui dépend de l’ensemble des données de la cause. Elle a encore précisé que ce seuil particulièrement élevé de gravité serait atteint lorsque l’indifférence des autorités d’un Etat membre aurait pour conséquence qu’une personne entièrement dépendante de l’aide publique se trouverait, indépendamment de sa volonté et de ses choix personnels, dans une situation de dénuement matériel extrême qui ne lui permettrait pas de faire face à ses besoins les plus élémentaires, tels notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à sa santé physique ou mentale ou la mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine, une grande précarité ou une forte dégradation des conditions de vie n’atteignant toutefois pas ce seuil lorsqu’elles n’impliquent pas un dénuement matériel extrême plaçant cette personne dans une situation d’une gravité telle qu’elle peut être assimilée à un traitement inhumain ou dégradant: le seul fait que la protection sociale et/ou les conditions de vie sont plus favorables dans l’Etat membre requérant que dans l’Etat membre ayant déjà accordé l’un des statuts conférés par la protection internationale n’est ainsi pas de nature à conforter la conclusion selon laquelle la personne concernée serait exposée, en cas de retour dans ce dernier Etat membre, à un risque réel de subir un traitement contraire à l’article 4 de la Charte.

Le demandeur remettant en question la présomption du respect par les autorités grecques de ses droits fondamentaux tels que consacrés notamment par la Charte, la CEDH et de la Convention de Genève, puisqu’il affirme risquer des traitements inhumains et dégradants en Grèce, il lui incombe de fournir des éléments concrets permettant de la renverser.

Il y a néanmoins lieu de constater qu’en l’espèce, le demandeur reste en défaut de démontrer qu’en cas de retour en Grèce, il risque d’encourir un quelconque traitement inhumain ou dégradant au sens des dispositions internationales précitées, respectivement dans le sens retenu par la CJUE, nécessitant des actes devant revêtir un certain seuil de gravité et entraînant des souffrances physiques ou psychologiques intenses.

En effet, s’il est certes exact qu’il ressort des rapports émanant de l’organisation UNHCR invoqués par le demandeur à l’appui de son recours qu’en Grèce, de nombreux demandeurs de protection internationale, dont notamment les mineurs non accompagnés, risquent de se voir confrontés à des difficultés au niveau de l’hébergement, de l’accès aux soins de santé et, de manière générale, à des conditions d’accueil et de vie difficiles dans les centres de réception et d’identification, respectivement si l’article publié le 22 juillet 2020 sur le site internet infomigrants.net a dénoncé l’impact de la décision de l’Etat grec de prolonger le confinement dans les seuls centres d’accueil et camps de migrants sur les conditions de vie des personnes concernées et ce, plus particulièrement sur la toile de fond de l’accroissement des températures en été, il ne s’en dégage cependant pas que la situation des bénéficiaires d’un statut de protection internationale en Grèce est telle qu’il y a lieu de conclure d’emblée, et quelles que soient les circonstances du cas d’espèce, à l’existence de risques suffisamment réels et concrets, pour les personnes concernées, d’être systématiquement exposées à une situation de dénuement matériel extrême, qui ne leur permettrait pas de faire face à leurs besoins les plus élémentaires, tels que notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à leur santé physique ou mentale ou les mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine, au point que leur renvoi dans ce pays constituerait en règle générale un traitement prohibé par les articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte.

9En effet, s’il ne peut être nié que l’accès à l’hébergement en Grèce peut s’avérer limité, force est toutefois de constater qu’outre le fait qu’il n’est pas contesté que les bénéficiaires d’une protection internationale sont dans une situation identique à celle des citoyens grecs, il ne peut être retenu, en l’espèce, pour les bénéficiaires d’une protection internationale, une absence totale et systématique d’accès à un hébergement, étant, à cet égard, encore rappelé qu’une personne ne saurait choisir le pays dans lequel elle souhaite introduire une demande de protection internationale en fonction de la qualité des aides financières dont elle pourra éventuellement bénéficier dans ce pays plutôt que dans un autre.

Pour ce qui est de la situation personnelle du demandeur, il ne se dégage pas de son récit auprès du ministère, ni d’ailleurs du recours sous analyse qu’en tant que bénéficiaire d’une protection internationale en Grèce, il ait personnellement été confronté à des difficultés quant à ses conditions de vie qui auraient atteint un seuil de gravité tel qu’elles puissent être qualifiées de traitements inhumains ou dégradants. En effet, le demandeur se contente d’affirmer péremptoirement, en s’appuyant sur les rapports internationaux et l’article de presse, précités -

qui, tel que relevé ci-avant, concernent les difficultés auxquelles peuvent se voir confrontés les demandeurs de protection internationale à leur arrivée en Grèce -, qu’en cas de retour en Grèce, il « vivra soit dans la rue soit dans un des foyers bondés déjà totalement dépassés par les évènements », sans pouvoir bénéficier de la moindre aide financière étatique, prestation sociale ou assistance morale. Si le demandeur a certes expliqué ne pas avoir reçu « d’aide financière, pas d’aide morale, pas de véritable logement adéquat à sa condition » et avoir été « totalement délaissé », de sorte qu’au lieu d’aller à l’école, il aurait dû travailler pour subvenir à ses besoins, il n’a toutefois donné aucune précision quant aux démarches qu’il aurait concrètement entamées auprès des autorités grecques suite à l’octroi du statut de réfugié pour bénéficier d’un accès à un hébergement, respectivement à des aides étatiques ou à l’éducation ni dans quelle mesure ces démarches se sont avérées infructueuses. Il ne se dégage plus particulièrement pas de son récit ni du recours sous analyse que, concrètement, les autorités grecques lui auraient refusé un accès à l’éducation publique. A cela s’ajoute que son argumentation en ce qu’elle est fondée sur le reproche qu’en tant que mineur, il aurait été délaissé et obligé d’aller travailler est de toute façon dénuée de pertinence dans la mesure où il est constant en cause que le demandeur est entretemps devenu majeur. Le même constat s’impose en ce qui concerne ses développements fondés sur un non-respect par les autorités grecques de l’article 22 de la Convention de Genève en ce sens que ce serait leur inaction qui l’aurait obligé à travailler pendant sa minorité au lieu d’aller à l’école.

Le tribunal relève ensuite que pour ce qui est des difficultés pour trouver un logement invoquées par le demandeur, outre le fait que celles-ci ne peuvent pas être considérées en elles-

mêmes comme étant contraires aux articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, dans la mesure où il n’existe dans aucun pays une obligation de l’Etat de garantir à l’un de ses résidents, et, par extension, à un bénéficiaire d’une protection internationale, l’accès à un logement, il se dégage, par ailleurs, du récit du demandeur qu’il a choisi de ne pas habiter dans le foyer pour mineurs auquel il a été affecté par les autorités grecques mais de partager une chambre avec quatre amis.

Au vu des considérations qui précèdent, il doit dès lors être admis que les difficultés d’ordre matériel auxquelles le demandeur déclare avoir dû faire face en Grèce ne permettent pas de retenir qu’en cas de retour dans ce pays, il serait confronté à une grande précarité ou à une forte dégradation de ses conditions de vie impliquant un dénuement matériel extrême le plaçant dans une situation d’une gravité telle qu’elle peut être assimilée à un traitement inhumain ou dégradant, étant, à cet égard, en effet, rappelé, tel que relevé ci-avant, qu’une personne ne saurait choisir le pays dans lequel elle souhaite introduire une demande de 10protection internationale en fonction de la qualité des prestations sociales ou des aides financières dont elle pourra éventuellement bénéficier dans ce pays plutôt que dans un autre.

Il y a dès lors lieu de conclure que le demandeur n’apporte pas la preuve que, dans son cas précis, ses droits, tels que garantis par les articles 3 CEDH et 4 de la Charte, ne seraient pas garantis en cas de retour en Grèce, ni que, de manière générale, les droits des bénéficiaires d’une protection internationale en Grèce ne seraient automatiquement et systématiquement pas respectés, ou encore que ceux-ci n’auraient en Grèce aucun droit ou aucune possibilité de les faire valoir auprès des autorités grecques en usant des voies de droit adéquates, étant encore relevé que la Grèce est signataire de la Charte, de la CEDH et de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de la Convention de Genève, ainsi que du Protocole additionnel du 31 janvier 1967 relatif aux réfugiés et, à ce titre, est censée en appliquer les dispositions.

L’ensemble des considérations qui précédent amènent, dès lors, le tribunal à rejeter le moyen tiré d’une violation des articles 4 de la Charte et 3 de la CEDH.

A défaut d’autres moyens, le recours, en ce qu’il est dirigé contre la décision déclarant irrecevable la demande de protection internationale de Monsieur …, est à rejeter comme non fondé.

2) Quant au recours visant l’ordre de quitter le territoire Etant donné qu’aucune disposition légale ne prévoit un recours au fond contre un ordre de quitter le territoire, seul un recours en annulation a pu valablement être dirigé contre la décision ministérielle déférée. Le recours en annulation, ayant, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.

Le demandeur invoque, à cet égard, une violation de l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 concernant la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par la « loi du 29 août 2008 », dans la mesure où un retour en Grèce serait suivi de traitements cruels, inhumains ou dégradants, tels qu’expliqués ci-dessus. L’ordre de quitter le territoire devrait donc également encourir l’annulation pour violation de la loi.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet dudit recours pour ne pas être fondé.

Aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 « une décision du ministre vaut décision de retour, à l’exception des décisions prises en vertu de l’article 28, paragraphe (1) et (2), point d) […] ». La décision de l’espèce étant prise sur le fondement de l’article 28, paragraphe (2), point a), de la loi du 18 décembre 2015, non visé parmi les exceptions de l’article 34, paragraphe (2), précité, l’ordre de quitter est dès lors la conséquence automatique de la décision ministérielle d’irrecevabilité de la demande de protection internationale.

Etant donné que le tribunal vient de rejeter le recours tendant à l’annulation de la décision d’irrecevabilité, précitée, en retenant que les moyens tirés d’une violation par ladite décision des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte n’étaient pas fondés, lesdits moyens sont également à rejeter, en ce qu’ils sont invoqués à l’appui de l’ordre de quitter le territoire.

11Dans la mesure où, par ailleurs, aucun autre moyen n’a été avancé dans ce contexte, le recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire est également à rejeter pour être non fondé.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses deux volets.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 5 août 2020 ayant déclaré la demande de protection internationale de Monsieur … irrecevable aux termes de l’article 28, paragraphe (2), point a), de la loi du 18 décembre 2015 ;

au fond, déclare le recours non justifié, partant en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 5 août 2020 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par :

Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, premier juge, Alexandra Bochet, juge, et prononcé à l’audience publique du 14 octobre 2020 par le premier juge, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 octobre 2020 Le greffier du tribunal administratif 12


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 44855
Date de la décision : 14/10/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2020-10-14;44855 ?

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