Tribunal administratif N° 44246 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 mars 2020 Audience publique extraordinaire du 14 octobre 2020 Recours formé par la société de droit … …, … en présence du ministre de la Protection des consommateurs en matière de relevé de forclusion
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 44246 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 5 mars 2020 par la société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois NautaDutilh Avocats Luxembourg SARL, inscrite au barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1233 Luxembourg, 2, rue Jean Bertholet, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B189905, représentée aux fins des présentes par Maître Vincent Wellens, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société de droit … …, établie et ayant son siège social à …, …, immatriculée au registre des sociétés …es, sous le numéro …, représentée par son organe habilité à la représenter en justice, tendant au relevé de la déchéance résultant de l’expiration du délai de trois mois imparti pour l’introduction d’un recours contentieux à l’encontre des décisions du ministre de la Protection de la Consommation de : « - la décision du 30 janvier 2019 (vol … …-…) ;
- la décision du 13 mai 2019 (vol …-…) - la décision du 14 juin 2019 (vol … …-…, … …-… et … …-…) ;;
- la décision du 24 juin 2019 (vol … …-… avec le passager … ;
- une autre décision du 24 juin 2019 (vol … …-… avec le passager …) ;
- la décision du 1er juillet 2019 (vol … …-…) ;
- la décision du 16 juillet 2019 (vol … …-… » agissant en tant qu’organe désigné conformément au règlement (CE) n° 261/2004 du parlement européen et du conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol ;
Vu la convocation de la deuxième chambre du tribunal administratif datée du 9 mars 2020 des mandataires des parties en la chambre du conseil en date du mercredi 16 mars 2020 2018 à 11.00 heures ;
Vu les avis subséquents du tribunal administratif des 13 mars et 26 mai 2020 portant report de la date de la convocation des mandataires des parties en la chambre du conseil au 27 avril, puis au 4 juin 2020 en raison de la situation de crise sanitaire majeure en relation avec la pandémie causée par le virus Covid-19 ;
Vu les pièces versées en cause ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Vincent Wellens et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert, en leurs plaidoiries respectives lors de la réunion des parties en chambre du conseil le 4 juin 2020 ;
Vu l’avis urgent du tribunal administratif du 5 juin 2020 informant les parties de la rupture du délibéré prononcée par le tribunal en raison d’un conflit d’intérêt de l’un des membres de la deuxième chambre et convoquant les mandataires des parties à une réunion en chambre du conseil pour la date du 8 juin 2020 à 17.00 heures ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Vincent Wellens et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives lors de la réunion en chambre du conseil du 8 juin 2020.
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Par sept décisions séparées des 30 janvier, 13 mai, 14 juin, 24 juin, 1er juillet et 16 juillet 20191, le ministre de la Protection des Consommateurs, désigné ci-après par « le ministre », en sa qualité d’autorité compétente en vertu de l’article L-311-9 du Code de la Consommation pour assurer le respect des lois protégeant les intérêts des consommateurs dont notamment les dispositions du règlement (CE) n° 261/2004 du parlement européen et du conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, désigné ci-
après par le « règlement CE 261/2004 », décida que la société de droit … …, désignée ci-après par « la société … », était dans l’obligation de verser des indemnisations, chacune d’un montant de 250 euros, à sept personnes physiques ayant introduit des demandes en indemnisation suite à l’annulation de leurs vols respectifs. Le ministre fonda les décisions en question sur les articles 5, paragraphe 1, sous c) (ii) et 7, paragraphe 1 du règlement CE 261/2004.
Le 5 mars 2020, la société … a fait déposer au greffe du tribunal administratif une requête tendant au relevé de la déchéance de son droit d’agir en justice résultant de l’expiration du délai de trois mois imparti pour l’introduction d’un recours contentieux à l’encontre des sept décisions précitées des 30 janvier, 13 mai, 14 juin, 24 juin, 1er juillet et 16 juillet 2019.
La requête en relevé de déchéance, est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de sa demande, la société … avance en substance qu’elle n’aurait eu connaissance des sept décisions précitées que lors de la réception d’un courrier lui adressé par le procureur d’Etat luxembourgeois, réceptionné le 19 février 2020 par lequel ce dernier lui 1 1. decision du 30 janvier 2019 indiquant concerner la :« plainte de Madame … concernant l’annulation du vol … …-… en date du 25 juillet 2018 » 2. decision du 13 mai 2019 indiquant concerner la : « plainte de Madame … concernant l’annulation du vol … …-
…en date du 25 juillet 2018 » 3. decision du 14 juin 2019 indiquant concerner les : « plaintes relatives à l’annulation des vols … …-…, … …-
…et … …-…en date du 25 juillet 2018 » 4. décision du 24 juin 2019 indiquant concerner la : « plainte de Monsieur … concernant l’annulation du vol … …-
… en date du 1er avril 2018 » 5. décision du 24 juin 2019 indiquant concerner la : « plainte de Madame … concernant l’annulation du vol … …-
… en date du 1er avril 2018 » 6. décision du 1er juillet 2019 indiquant concerner les : « plaintes relatives à l’annulation du vol … …-… en date du 28 septembre 2018 » 7. décision du 16 juillet 2019 indiquant concerner : « Votre plainte concernant le vol … …-… en date du 26 juillet 2018 » reprocherait de ne pas avoir interjeté de recours contre les décisions précitées du ministre dans le délai légal de trois mois et de ne pas s’être conformée auxdites décisions devenues définitives de sorte à commettre une infraction au sens de l’article L.311-9 du Code de la consommation, punie d’une amende allant de 251 à 50.000 euros. Etant donné qu’elle n’aurait eu connaissance des sept décisions précitées que lors de la réception du courrier précité du Procureur d’Etat le 19 février 2020 sa demande en relevé de forclusion serait à déclarer recevable et fondée. Quant aux causes de cette prise de connaissance tardive elle avance en substance les arguments suivants :
- l’envoi de notification des sept décisions du ministre aurait indiqué une dénomination imprécise. Ainsi, le ministre aurait notifié lesdites décisions à « … Customer Services Department », sans indiquer précisément laquelle des différentes sociétés du groupe … était visée, alors même que différentes sociétés du même groupe comportant toutes dans leur dénomination le nom « … » seraient établies à la même adresse. Elle cite à cet égard les sociétés : « … ; …; … ; …; … » ;
- la notification des sept décisions du ministre n’aurait pas été effectuée à l’adresse du siège social renseignée par le registre … des sociétés à savoir « … … ». En revanche, le ministre aurait notifié les décisions à l’adresse suivante : « … ». La société … précise à cet égard que le … serait une large zone industrielle établie dans le comté de Dublin à proximité immédiate de l’aéroport de Dublin, de sorte qu’il serait impératif d’indiquer sur toute notification officielle le bâtiment exact ;
- la notification des sept décisions du ministre aurait été effectuée au « … » de …, c’est-
à-dire au service auquel s’adresseraient les passagers en cas de plainte. La boîte postale du service en question correspondrait à celle indiquée sur la notification faite par le ministre, à savoir « … ». D’après la société … le ministre aurait de toute évidence pas dû adresser les décisions, qui pourraient être lourdes de conséquences au service en question, qui ne serait pas le point de contact pour les notifications officielles. Il ne serait, en effet, ni un représentant légal ni un fondé de pouvoir pour la notification d’une décision administrative. De surcroît, le « Customer services department » de la société … aurait en moyenne +/- 14 millions de contacts par an et devrait traiter +/- 900.000 demandes basées sur le règlement (CE) 261/2004 ;
- il ressortirait clairement de la réponse de la société … aux décisions ministérielles des 24 juin, 1er juillet et 16 juillet 2019 que le « Customer services department » aurait pris le courrier du ministre pour une demande individuelle de la part d’un passager et non point comme une décision individuelle. Il serait en effet rare, depuis des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne, désignée ci-après par la « CJUE », dans les affaires C-145/15 et C-146/15, que les autorités compétentes ordonnent le versement d’indemnités pour l’annulation d’un vol pour des cas individuels. De surplus les collaborateurs du « Customer services department » ne connaîtrait « pas suffisamment la procédure devant le Ministre pour appréhender sa portée exacte et encore moins que la non-conformité avec une décision du Ministre est passible de sanction pénales ».
- une autorité luxembourgeoise n’aurait, en principe, pas le pouvoir de mettre en œuvre des décisions sur le territoire d’un autre pays, en l’occurrence vis-à-vis de … …. En effet, différentes réglementations prévoiraient un mécanisme de coopération et d’assistance mutuelle entre autorités de différents Etats membres de l’Union européenne permettant à l’autorité d’un Etat membre d’avoir recours à l’appui de l’autorité de l’Etat membre où l’administré a son domicile, voire son siège social. Ainsi, la mise en œuvre du règlement (CE) 261/2004 relèverait du règlement (UE) 2017/2394 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs et abrogeant le règlement (CE) no 2006/2004, désigné ci-après par « le règlement 2017/2394 ».
A la réunion en chambre du conseil des mandataires des parties, le délégué du gouvernement s’est opposé à tout relevé de forclusion. En ce qui concerne le bien-fondé des sept décisions du ministre, il a renvoyé à un arrêt de la CJUE du 17 avril 2018 …, pour contester l’argumentation au fond de la société …. En ce qui concerne la demande en relevé de déchéance il a expliqué que l’adresse du siège social n’importerait pas pour la gestion des plaintes des passagers, le ministre traiterait, en effet, toujours avec le customer service. Si la société … affirmerait n’avoir reçu que les seules décisions des 24 juin, 1er juillet 16 juillet 2019, il ressortirait toutefois des pièces versées en cause par la partie étatique et plus particulièrement des relevés des envois recommandés que la société … aurait réceptionné six des sept décisions.
Seule la trace de l’envoi recommandé de la notification de la décision ministérielle du 30 janvier 2019 n’aurait plus pu être retrouvée par les services du ministère de la Protection des Consommateurs ce qui serait probablement dû aux travaux de création d’un nouveau département.
Aux termes de l’article 1er de la loi du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice : « Si une personne n’a pas agi en justice dans le délai imparti, elle peut, en toutes matières, être relevée de la forclusion résultant de l’expiration du délai si, sans qu’il y ait eu faute de sa part, elle n’a pas eu, en temps utile, connaissance de l’acte qui a fait courir le délai ou si elle s’est trouvée dans l’impossibilité d’agir ».
Il suit de cette disposition qu’un relevé de déchéance peut être accordé dans deux hypothèses, à savoir, dans le cas du défaut de connaissance de l’acte ayant fait courir le délai en temps utile et dans le cas d’une impossibilité d’agir. En l’espèce, l’hypothèse d’une impossibilité d’agir n’est pas invoquée, de sorte que l’analyse du tribunal ne portera pas davantage sur cette possibilité d’être relevé de la forclusion résultant de l’expiration du délai pour agir en justice.
La seconde hypothèse permettant d’être relevé de la déchéance d’agir en justice, à savoir le défaut de connaissance en temps utile de l’acte ayant fait courir le délai, est conditionnée par le fait que le défaut de connaissance ne doit pas être dû à la faute de l’administré. Par ailleurs, dans cette hypothèse, il importe de noter que le facteur potentiellement déclencheur du relevé de la déchéance est le défaut en temps utile de connaissance de l’acte ayant fait courir le délai, en l’occurrence le défaut de connaissance de la notification des sept décisions ministérielles, et non point, la régularité dudit acte en lui-même, en l’occurrence la régularité de la notification.
En effet, la question de la régularité de la notification, n’est pas pertinente dans le contexte du relevé de la déchéance.
Concrètement, quant à la question de savoir si en l’espèce la demanderesse a eu connaissance en temps utile de la notification des décisions du ministre, le tribunal constate d’abord quant à la décision du ministre du 30 janvier 20192 que la société demanderesse déclare ne pas avoir eu communication de ladite décision et que le délégué du gouvernement a déclaré à l’audience publique des plaidoiries que le relevé de l’envoi recommandé de ladite décision n’avait pas pu être retrouvé par les services ministériels. Il s’ensuit qu’aucun élément soumis au tribunal ne permet d’établir que ladite décision du 30 janvier 2019 a effectivement été 2 indiquant concerner la :« plainte de Madame … concernant l’annulation du vol … Luxembourg-Madrid en date du 25 juillet 2018 » notifiée à la société …, de sorte que cette dernière, sans qu’il y ait eu faute de sa part, n’a pas eu, en temps utile, connaissance de l’acte qui a fait courir le délai et que la requête en relevé de forclusion est donc fondée, en ce qui concerne son volet relatif à la décision du 30 janvier 2019.
En ce qui concerne ensuite les décisions des 13 mai, 14 juin et 24 juin 20193, il ressort des éléments soumis au tribunal qu’elles ont été envoyées par courrier recommandé. Le tribunal constate toutefois, au vu des documents versés en cause, d’une part, que les envois comportaient comme indication du destinataire la seule mention « … », sans autre précision et non point la dénomination sociale officielle de la société visée telle que renseignée par le registre de commerce …, à savoir « … », et, d’autre part, que l’adresse figurant sur l’envoi recommandé, à savoir « … Costumer Service Department …, … », ne correspondait pas à l’adresse du siège social de la société …, telle que figurant au registre de commerce …, à savoir « … ». A cet égard, la société … ajoute, de manière non contestée et pièces à l’appui, qu’il existe d’autres sociétés commerciales établies dans la même zone industrielle et comportant l’indication « … » dans sa dénomination sociale et que la zone industrielle « … » est de taille importante, de sorte qu’il y a lieu de conclure que l’indication exacte de l’adresse du destinataire d’un envoi est essentielle en cas d’envoi d’un courrier à destination d’une personne établie à ladite zone industrielle.
Il suit des éléments qui précèdent qu’alors même que les décisions des 13 mai, 14 juin et 24 juin 2019 ont été envoyées par courrier recommandé, il ne ressort d’aucun des éléments soumis au tribunal qu’elles ont été effectivement notifiées à la société demanderesse, l’hypothèse de la perte des envois, voire de la remise à un destinataire erroné ne pouvant, en effet, pas être exclue au vu des imprécisions contenues, tant dans l’indication de la dénomination de la société demanderesse, que dans celle de l’adresse de son siège social.
Eu égard aux considérations qui précèdent, le tribunal est amené à conclure qu’il n’est pas établi que les trois décisions ministérielles des 13 mai, 14 juin et 24 juin 2019 ont été notifiées à la société demanderesse. Il n’est, par ailleurs, ni invoqué ni vérifié en cause que la société demanderesse aurait eu connaissance desdites décisions à travers un quelconque autre moyen. Dès lors, la société demanderesse, sans qu’il y ait eu faute de sa part, est à considérer comme n’ayant pas eu, en temps utile, connaissance de l’acte qui a fait courir le délai, de sorte que la requête en relevé de forclusion est fondée en ce qui concerne son volet relatif aux décisions des13 mai, 14 juin et 24 juin 2019.
En ce qui concerne enfin les trois décisions des 24 juin, 1er et 16 juillet 20194 il ressort des éléments soumis au tribunal qu’elles ont été envoyées par courrier recommandé. Toutefois, à l’instar des envois des 13 mai, 14 juin et 24 juin 2019 les envois recommandés des 24 juin, 1er et 16 juillet 2019 comportaient comme indication du destinataire la seule mention « … », sans autre précision et non point la dénomination sociale officielle de la société et, l’adresse du destinataire figurant sur l’envoi recommandé, à savoir « …», ne correspondait pas non plus à l’adresse officielle du siège social de la société …, telle que figurant au registre de commerce ….
3 indiquant concerner la : « plainte de Madame … concernant l’annulation du vol … …-… en date du 25 juillet 2018 », respectivement les :« plaintes relatives à l’annulation des vols … …-…, … …-… et … …-… en date du 25 juillet 2018 » et, enfin, la : « plainte de Monsieur … concernant l’annulation du vol … …-… en date du 1er avril 2018 » 4 indiquant concerner la : « plainte de Madame … concernant l’annulation du vol … …-… en date du 1er avril 2018 », respectivement les : « plaintes relatives à l’annulation du vol … …-… en date du 28 septembre 2018 » et, enfin « Votre plainte concernant le vol … …-… en date du 26 juillet 2018 » Si, dès lors, tout comme pour les décisions des 13 mai, 14 juin et 24 juin 2019 il ne ressort d’aucun élément soumis au tribunal que les courriers recommandés concernant les notifications des trois décisions des 24 juin, 1er et 16 juillet 2019 ont été notifiés à la société demanderesse et si a priori l’hypothèse de la perte des envois, voire de la remise à un destinataire erroné ne peut pas non plus être exclue, il n’en demeure pas moins qu’il ressort des explications de la société demanderesse même qu’elle a bien eu connaissance des décisions des 24 juin, 1er et 16 juillet 2019. En effet, la société demanderesse explique dans le cadre de sa requête tendant au relevé de la déchéance que son service client avait répondu au ministre suite aux décisions des 24 juin, 1er et 16 juillet 2019. Il ressort, par ailleurs, des documents soumis au tribunal que par trois messages électroniques envoyés à partir de l’adresse électronique « … » aux services du ministère de la Protection des consommateurs en date des 5, 8, respectivement 30 juillet 2019, la société … a contesté le bien-fondé des décisions du ministre des 24 juin, 1er et 16 juillet 2019 en se référant dans chacun des trois messages expressément auxdites décisions du ministre. Le tribunal est dès lors amené à conclure que la société … est indéniablement à considérer comme ayant eu connaissance des trois décisions ministérielles des 24 juin, 1er et 16 juillet 2019.
Si la société demanderesse ajoute que le « customer service », donc son service client, ne serait ni un représentant légal ni un fondé de pouvoir pour la notification de décisions individuelles, de sorte que la notification faite à l’adresse dudit service client aurait été irrégulière, le tribunal rappelle qu’il vient de retenir que la question de la régularité de la notification, n’est pas pertinente dans le contexte du relevé de la déchéance, mais qu’en application de l’article 1er de la loi du 22 décembre 1986, le seul facteur permettant, le cas échéant, de déclencher le relevé de la déchéance est le défaut en temps utile de la connaissance de l’acte ayant fait courir le délai, en l’occurrence le défaut de connaissance de la notification des trois décisions ministérielles. En l’espèce, le tribunal vient toutefois de retenir qu’il ressort des explications de la demanderesse qu’elle a bien eu connaissance de la notification des trois décisions ministérielles en question, puisqu’elle y a répondu.
Enfin, la société demanderesse explique que le service client se serait trompé sur la qualification juridique des décisions ministérielles des 24 juin, 1er et 16 juillet 2019 en les ayant erronément pris pour des demandes individuelles et non point pour des décisions officielles. A cet égard, le tribunal renvoie encore à l’article 1er de la loi du 22 décembre 1986 selon lequel le défaut de connaissance de l’acte ayant fait courir le délai ne doit pas être imputable à la faute de l’administré pour pouvoir aboutir au relevé de forclusion. Or, dans la mesure où la gestion du courrier d’une société commerciale relève de son organisation interne, la société en question ne peut pas se prévaloir d’une absence de faute de sa part si un de ses services ou départements internes se méprend sur la qualification juridique d’un courrier.
Il suit des considérations qui précèdent qu’en ce qui concerne les trois décisions des 24 juin, 1er et 16 juillet 2019, la société demanderesse ne peut pas être considérée comme n’ayant pas eu en l’absence de faute de sa part, en temps utile, connaissance de l’acte qui a fait courir le délai.
La requête en relevé de forclusion n’est par voie de conséquence pas fondée en ce qui concerne son volet relatif aux trois décisions des 24 juin, 1er et 16 juillet 2019.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties et sans recours ;
reçoit la demande en relevé de forclusion en la forme ;
la dit partiellement fondée ;
partant dit que le délai légal pour introduire un recours contentieux contre les décisions du ministre de la Protection des Consommateurs - du 30 janvier 2019 indiquant concerner la : « plainte de Madame … concernant l’annulation du vol … …-… en date du 25 juillet 2018 » - du 13 mai 2019 indiquant concerner la : « plainte de Madame … concernant l’annulation du vol … …-… en date du 25 juillet 2018 » - du 14 juin 2019 indiquant concerner les : « plaintes relatives à l’annulation des vols … …-…, … …-… et … …-… en date du 25 juillet 2018 » - du 24 juin 2019 indiquant concerner la : « plainte de Monsieur … concernant l’annulation du vol … …-… en date du 1er avril 2018 » recommence à courir à compter de la date du présent jugement ;
pour le surplus, dit la demande en relevé de forclusion non fondée ;
fait masse des frais et dépens et les impose pour moitié à la partie étatique et pour moitié à la société de droit … ….
Ainsi jugé par :
Françoise Eberhard, vice-président, Hélène Steichen, premier juge, Michèle Stoffel, premier juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 14 octobre 2020 à 17.00 heures, par le vice-
président, en présence du greffier Lejila Adrovic.
s.Lejila Adrovic s.Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 octobre 2020 Le greffier du tribunal administratif 7