Tribunal administratif N° 43217 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 juillet 2019 1re chambre Audience publique du 30 septembre 2020 Recours formé par Monsieur …, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 43217 du rôle et déposée le 2 juillet 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … (Guinée), et être de nationalité guinéenne, demeurant à …, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 3 juin 2019 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi qu’à la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 septembre 2019 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 1er juillet 2020, et vu les remarques écrites de Maître Louis Tinti et de Madame le délégué du gouvernement Danitza Greffrath du 29 juin 2020 produites, conformément à la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020, avant l’audience.
Le 10 septembre 2018, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée - police des étrangers, dans un rapport du même jour.
En date des 8 et 14 février 2019, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 3 juin 2019, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée expédiée le 5 juin 2019, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », résuma les déclarations de Monsieur … auprès du service de police judicaire, ainsi qu’auprès de la direction de l’Immigration, comme suit : « […] En mains le rapport du Service de Police 1Judiciaire du 10 septembre 2018 (ci-après dénommé le « rapport de police judiciaire»), le rapport d'entretien Dublin III du 10 septembre 2018, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 8 et 14 février 2019 sur les motifs sous-
tendant votre demande de protection internationale (ci-après dénommé le «rapport d'entretien »), ainsi que votre carte d'étudiant de l'Université Bourgogne Franche-Comté versée à l'appui de votre demande de protection internationale.
Il résulte de vos déclarations que vous seriez né le … en Guinée où vous auriez vécu avec votre mère. Après avoir terminé votre première année d'études à l'université de …, vous auriez quitté votre pays d'origine pour poursuivre vos études en France. Vous y auriez vécu de 2010 à 2018, avant de venir au Luxembourg.
Quant aux raisons qui vous ont conduit à quitter la Guinée, vous déclarez de manière claire que vous souhaitiez poursuivre vos études universitaires en France.
Vous ajoutez que votre homosexualité aurait été un autre facteur qui vous aurait poussé à partir en France et soulignez que l'homosexualité « est condamnée par la loi, la population et la famille » (p.5/15 du rapport d'entretien) en Guinée. Dans ce contexte, vous précisez qu'en 2005 lorsque vous étiez âgé de … ans, vous auriez entamé une relation avec …, votre ami d'enfance, relation qui aurait duré pendant deux ans. Vous auriez rompu car vous seriez parti à Conakry pour vos études à partir de 2007.
En 2010, vous seriez parti chez votre sœur à Dijon en France pour poursuivre vos études universitaires. Après l'expiration de votre visa étudiant, vous auriez obtenu un titre de séjour pour un an et auriez ensuite séjourné illégalement en France jusqu'en 2018.
En France, vous auriez commencé à vivre votre homosexualité au grand jour et auriez décidé de révéler votre homosexualité à votre famille. Après cette révélation, votre sœur vous aurait chassé de la maison et votre mère vous aurait ordonné de revenir en Guinée pour vous marier à une femme. Vous auriez alors décidé de couper les ponts avec votre famille. Vous auriez par la suite habité chez des « compagnons » (p.10/15 du rapport d'entretien) et auriez été soutenu financièrement par un ami jusqu'en 2016. Après, vous auriez été sans abri et auriez sombré dans l'alcool avant de venir au Luxembourg en 2018.
Vous auriez choisi le Luxembourg, parce que vous auriez été attiré par la devise nationale « Nous voulons rester ce que nous sommes » (p.5/15 du rapport d'entretien). […] ».
Le ministre informa ensuite Monsieur … que sa demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée sur base des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 juillet 2019, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 3 juin 2019 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
21) Quant au recours dirigé contre la décision portant rejet de la demande de protection internationale Etant donné que l’article 35, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 3 juin 2019, telle que déférée.
Ledit recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.
A l’appui de son recours et en fait, le demandeur reprend, en substance, les faits tels qu’exposés lors de son audition auprès de la direction de l’Immigration en date des 8 et 14 février 2019.
En droit, en s’appuyant sur l’article 37, paragraphe (3), point a), de la loi du 18 décembre 2015, il fait valoir que l’homosexualité serait non seulement pénalement réprimée par les articles 274 et suivants du code pénal guinéen, mais encore profondément désapprouvée par les forces de l’ordre et la population guinéenne en général qui afficheraient une attitude hostile envers les personnes homosexuelles se traduisant par des actes de violence, de chantage et d’extorsion, tel que cela ressortirait du « Rapport de mission en Guinée du 7 au 18 novembre 2017 » publié par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), dont il cite des extraits.
Il se réfère dans ce contexte à un document publié en date du 21 septembre 2017 par la commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (UNHCR), intitulé « Guinée:
information sur la situation des minorités sexuelles, y compris les lois; le traitement réservé aux minorités sexuelles par la société et les autorités ; la protection offerte par l’Etat et les services de soutien à la disposition des victimes (2014-septembre 2017) », duquel il se dégagerait que des arrestations auraient eu lieu en Guinée en raison d’activités sexuelles consensuelles entre personnes de même sexe, en soulignant que l’Etat guinéen n’offrirait aucune protection auxdites minorités sexuelles.
Il soutient que les faits exposés par lui permettraient d’établir dans son chef une crainte fondée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses convictions politiques au sens des articles 1er, section l et 2 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et le Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par le règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après désigné par « la Convention de Genève ».
Ces faits relèveraient, selon lui, d’une gravité manifeste au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, dans la mesure où il se verrait interdire de vivre librement son homosexualité dans son pays d’origine au risque d’y être agressé, sinon menacé du moment que son orientation sexuelle serait révélée, voire même simplement supposée par ses agresseurs.
Ces mêmes faits seraient encore à qualifier d’actes de persécution au sens de l’article 42, paragraphe (2), point a), de la loi du 18 décembre 2015, alors qu’il risquerait d’être 3gravement agressé par la population environnante, sinon d’être arrêté par les autorités de police.
Il fait valoir que les menaces et violences qui sous-tendent sa demande de protection internationale auraient trait à son appartenance à la communauté homosexuelle en Guinée, et donc à son appartenance à un certain groupe de la population guinéenne au sens de l’article 43, point d), de la loi du 18 décembre 2015.
Il conclut qu’il satisferait partant à l’ensemble des critères sur base desquels se détermine le statut de réfugié politique, de sorte que ce serait à tort que ledit statut lui a été refusé par le ministre.
Cette conclusion ne saurait, selon lui, être énervée par la considération que le risque pour lui de subir des violences dans son pays d’origine, respectivement d’être judiciairement poursuivi par les autorités en place du chef d’infractions visées à l’article 274 du code pénal guinéen, « soit le fait d’une partie de la population civile », ceci plus particulièrement dans la mesure où il ressortirait des développements exposés ci-dessus que la situation des homosexuels guinéens serait particulièrement fragile, dès lors que les autorités en place ne montreraient pas une réelle volonté de lutter contre l’homophobie, voire l’encourageraient à travers des textes de loi criminalisant l’homosexualité.
Il s’ensuivrait que les personnes privées susceptibles de menacer sa vie revêtiraient la qualité d’agents de persécution au sens de la Convention de Genève et de loi du 18 décembre 2015.
Le demandeur conteste ensuite l’affirmation du ministre suivant laquelle il pourrait bénéficier dans son pays d’origine d’une protection suffisante au sens de l’article 40, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, en avançant que tant que l’homosexualité sera criminalisée par le code pénal guinéen, il paraîtrait difficile de soutenir que les autorités guinéennes prennent des mesures raisonnables pour empêcher les actes de persécution dont il aurait été victime.
Cette conclusion ne pourrait, selon lui, être renversée par l’existence d’associations pro-LGBTI en Guinée, alors que ces mêmes associations seraient dépourvues de moyens suffisants leur permettant d’agir efficacement et réellement, tel que cela ressortirait du rapport précité de l’OFPRA, le demandeur soulignant, à cet égard, que le rôle de ces associations serait à ce point marginal que la plupart des homosexuels guinéens, tout comme lui-même, en ignoreraient l’existence.
Il conteste, enfin, toute possibilité d’une fuite interne dans son pays d’origine au sens de l’article 41 de la loi du 18 décembre 2015 en faisant valoir que l’homophobie règnerait sur l’ensemble du territoire guinéen et qu’il serait à tout moment susceptible d’y être arrêté par les forces de police qui seraient à sa recherche.
Au vu de tout ce qui précède, il estime que le statut de réfugié devrait lui être accordé, conclusion qui se trouverait, selon lui, encore renforcée par les dispositions de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, alors qu’il n’existerait, en l’espèce, aucune « bonne raison » de penser que les persécutions subies par lui ne se reproduiront pas en cas de retour en Guinée, dans le mesure où, depuis son départ de son pays d’origine, la situation n’aurait guère évolué s’agissant de la problématique de l’homophobie.
4S’agissant, ensuite, du statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur fait valoir que les faits de l’espèce permettraient de retenir qu’en cas de retour dans son pays d’origine, il risquerait de subir des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 48, point b), de la loi du 18 décembre 2015, précitée.
Il se réfère, à cet égard, aux deux « affaires grecques »1 ayant amené la Cour européenne des droits de l’homme (CourEDH) et la Commission européenne à retenir qu’une fois que le seuil de gravité atteint, une distinction devrait être faite entre la torture et les traitements inhumains ou dégradants qui serait, en effet, rendue nécessaire en raison du trait distinctif propre à la torture, de sorte que, pour être qualifiés de torture, les traitements infligés devraient causer de « fortes, graves et cruelles souffrances ». Ainsi, « l’affaire grecque » aurait non seulement fixé une ligne de démarcation entre la torture et les autres formes de mauvais traitements, mais aurait aussi considéré que les traitements inhumains et les traitements dégradants pourraient se différencier les uns des autres en fonction d’un seuil de gravité.
Or, le demandeur estime que les menaces et violences qu’il aurait subies seraient à assimiler à un traitement inhumain ou dégradant, dès lors qu’elles se traduiraient par des souffrances mentales et physiques particulièrement intenses dans son chef et par le risque de devoir vivre en Guinée dans un état de frustration et d’angoisse quotidien résultant du fait qu’il ne pourrait y vivre ouvertement son homosexualité, état qui serait d’autant plus marqué alors qu’il a vécu depuis 2010 en Europe où il n’aurait jamais été confronté à des difficultés liées à son orientation sexuelle.
S’agissant, enfin, de la seconde condition sous-tendant l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, à savoir le fait que les auteurs des actes précités pourraient être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, il se réfère aux développements portant sur le statut de réfugié ci-avant exposés.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
Aux termes de l’article 2, point b), de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « demande de protection internationale » se définit comme correspondant à une demande visant à obtenir le statut de réfugié, respectivement celui conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f), de ladite loi comme étant «tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […]».
Force est au tribunal de constater que la notion de « réfugié » implique nécessairement des persécutions ou à tout le moins un risque de persécution dans le pays d’origine.
1 1969- annuaire de la Convention européenne des droits de l'homme N° 12, Page 186 et Irlande c. Royaume-Uni 1978- CEDH- Série A- n° 25 Page 25.
5Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l'homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d'une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). ».
Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :
a) l’Etat ;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (…) ».
L’octroi du statut de réfugié est donc notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f), de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 6décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.
Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2, point f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.
En l’espèce, l’examen du récit du demandeur, ainsi que des moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse, et des pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure qu’il n’est pas établi qu’il remplit les conditions pour se voir attribuer le statut de réfugié.
Le tribunal relève, à cet égard, de prime abord que l’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.
A cet égard, force est tout d’abord de constater qu’alors même qu’il a expliqué avoir entretenu en Guinée une relation avec un dénommé … pendant deux ans, relation à laquelle il n’a mis fin que parce qu’il est parti à Conakry pour faire des études, rien n’est jamais arrivé au demandeur avant son départ de son pays d’origine, celui-ci affirmant, au contraire, avoir quitté la Guinée en possession d’un visa pour la France en vue d’y poursuivre ses études universitaires qu’il avait entamées en Guinée2. Il n’existe dès lors dans le chef du demandeur aucune présomption au sens de l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 que des persécutions qu’il aurait d’ores et déjà subies dans son pays d’origine avant son départ seraient susceptibles de se reproduire en cas de retour en Guinée.
S’agissant ensuite de la crainte du demandeur de subir des représailles de la part de sa famille en raison de son orientation sexuelle, force est de relever que, outre le fait que cette crainte trouve son seul fondement dans le fait que sa sœur l’a chassé de sa maison à Dijon en France et que sa mère lui a ordonné de rentrer en Guinée et de se marier à une fille d’ethnie peul, et que les comportements ainsi adoptés par sa mère et sa sœur ne peuvent en tout état de cause pas être considérés comme revêtant un degré de gravité suffisant pour être qualifiés d’actes de persécution au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, elle est, par ailleurs, purement hypothétique dans la mesure où, d’une part, tel que cela a été 2 Page 5 du rapport d’entretien.
7retenu ci-avant, rien n’est jamais arrivé au demandeur en Guinée en raison de son homosexualité, et où, d’autre part, le demandeur n’a affirmé à aucun moment qu’il aurait reçu de la part d’un membre de sa famille, voire d’une autre personne de son entourage des menaces concrètes contre sa vie à cause de son homosexualité. A cela s’ajoute que le demandeur est entretemps devenu majeur et qu’il ne risque a priori pas d’être marié de force par sa famille auprès de laquelle il n’est en effet pas obligé d’aller vivre, respectivement avec laquelle rien ne l’oblige d’avoir le moindre contact en cas de retour dans son pays d’origine.
En ce qui concerne la crainte du demandeur d’être exposé de manière générale à des persécutions de la part de la communauté guinéenne, respectivement de la part des forces de l’ordre, le demandeur ayant plus particulièrement peur d’être arrêté du seul fait de son orientation sexuelle révélée ou soupçonnée, celle-ci est également à qualifier de purement hypothétique pour n’être sous-tendue par aucun élément tangible subjectif ou objectif. En effet, s’il ressort certes des sources internationales invoquées par le demandeur qu’il existe une réprobation sociale à l’égard des personnes homosexuelles en Guinée et que la population guinéenne affiche une attitude hostile ouvertement homophobe, respectivement que les personnes homosexuelles peuvent être victimes de violences, de chantage et d’extorsion de la part des forces de l’ordre, il n’en reste pas moins que le demandeur se prévaut en l’espèce desdits documents, exposant la situation de personnes homosexuelles vivant en Guinée, d’une manière générale et sans mise en relation avec son vécu personnel, étant réitéré, à cet égard, que le demandeur ne fait pas état de problèmes particuliers qu’il aurait rencontrés personnellement en Guinée avec la population ou avec les forces de l’ordre en raison de son orientation sexuelle et ce, alors même qu’il y a entretenu une relation avec le dénommé ….
Ensuite, et même à admettre qu’il risque des persécutions de la part de sa famille respectivement de la population guinéenne en général en raison de son orientation sexuelle, sa crainte d’être persécuté ne saurait être considérée comme fondée que si les autorités de son pays d’origine ne veulent ou ne peuvent pas lui fournir une protection efficace ou s’il n’y a pas d’Etat susceptible d’accorder une protection : c’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source de la persécution.
En effet, la notion de « réfugié » implique, outre nécessairement des persécutions ou à tout le moins un risque de persécution dans le pays d’origine, une absence de protection dans le pays d’origine, soit que la personne concernée a de bonnes raisons de ne pas vouloir se réclamer de la protection des autorités du pays dont elle a la nationalité, soit qu’elle n’y a pas accès.
Dès lors, chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale3. En toute hypothèse, il faut que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’État fait défaut4.
Il y a encore lieu de souligner que si une protection n’est considérée comme suffisante que si les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à 3 Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut des réfugiés, UNHCR, décembre 2011, p.21, n° 100.
4 Jean-Yves Carlier, Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 754.
8déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave et lorsque le demandeur a accès à cette protection, la disponibilité d’une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée, - ce qui inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine des persécutions ou des atteintes graves - cette exigence n’impose toutefois pour autant pas un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100 %, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni qu’elle n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux.
En effet, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.
En l’espèce, il ne ressort toutefois pas des déclarations du demandeur, ni des pièces du dossier, que les autorités guinéennes compétentes seraient dans l’incapacité de lui fournir une protection quelconque en relation avec les agressions qu’il craint de subir de la part de sa famille ou de la population environnante en cas de retour en Guinée ni d’ailleurs qu’il risquerait d’être arrêté du seul fait de son orientation sexuelle. Il se dégage, au contraire, des informations du Commissariat Général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA)5 que les autorités guinéennes ont à plusieurs reprises protégé des personnes homosexuelles à l’encontre de violences homophobes et de la justice populaire6. Ainsi, suivant ce rapport « les sources spécialisées dans la défense des droits des homosexuels en particulier et des droits de l’homme en général ne rapportent pas de violence encouragée par l’Etat guinéen à l’encontre des homosexuels. La presse en ligne indique même qu’en décembre 2015, le ministre des Droits de l’homme et des Libertés publiques a exprimé son soutien aux homosexuels qui, d’après lui, doivent disposer des mêmes droits et de la même protection que les autres citoyens. ».7 S’agissant de l’argumentation du demandeur qu’il ne pourrait être raisonablement attendu d’une personne homosexuelle qu’elle recherche de l’aide auprès des autorités dans un pays où la loi incrimine les actes sexuels entre personnes de même sexe, le tribunal relève que dans un arrêt rendu en date du 7 novembre 20138, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE), après avoir souligné que l’orientation sexuelle d’une personne constitue une caractéristique à ce point essentielle pour son identité qu’il ne devrait pas être exigé qu’elle y renonce et que l’existence d’une législation pénale qui vise spécifiquement les personnes homosexuelles permet de constater que ces personnes constituent un groupe à part, perçu par la société environnante comme étant différent, ne s’est pas arrêtée à ce constat, mais elle a également considéré que, pour qu’une violation des droits fondamentaux constitue une persécution au sens de la Convention de Genève, elle doit atteindre un certain niveau de gravité, de sorte que toute violation des droits fondamentaux d’un demandeur d’asile homosexuel n’atteindra donc pas nécessairement ce niveau de gravité.
5 https://www.cgra.be/sites/default/files/rapporten/coi_focus_guinee._lhomosexualite.pdf.
6 https://www.cgra.be/sites/default/files/rapporten/coi_focus_guinee._lhomosexualite.pdf.
7 Idem.
8 Arrêt de la CJUE du 7 novembre 2013 dans les affaires jointes C-199/12, C-200/12, C-201/12.
9Dans ce contexte, elle a estimé que la seule existence d’une législation pénalisant des actes homosexuels ne saurait être regardée comme une atteinte à ce point grave pour considérer qu’elle constitue un acte de persécution. En revanche, elle a considéré qu’une peine d’emprisonnement qui pénalise des actes homosexuels est susceptible, à elle seule, de constituer un acte de persécution pourvu qu’elle soit effectivement appliquée.
A cette fin, la Cour a retenu que lorsqu’un demandeur d’asile se prévaut de l’existence dans son pays d’origine d’une législation pénalisant des actes homosexuels, il appartient aux autorités nationales de procéder à un examen de tous les faits pertinents concernant ce pays d’origine, y compris ses lois et règlements, ainsi que la manière dont ils sont appliqués.
Au vu des enseignements découlant de la jurisprudence de la CJUE, il appartient, dès lors, au tribunal de déterminer s’il existe effectivement en Guinée une peine d’emprisonnement qui est appliquée en pratique aux membres de la communauté homosexuelle.
Or, s’il se dégage certes des éléments soumis à l’appréciation du tribunal que le code pénal guinéen interdit les relations sexuelles librement consenties entre adultes du même sexe, il ressort toutefois des sources internationales invoquées par le ministre et la partie étatique et plus particulièrement du rapport de l’OFPRA précité de novembre 2017 invoqué également par le demandeur que les lois incriminant l’homosexualité sont peu appliquées en Guinée9. Ce constat est encore confirmé par le « United States Department of State » dans son rapport intitulé « 2016 Country Reports on Human Rights Paractices – Guinea » du 3 mars 201710, invoqué par la partie étatique, duquel il se dégage que : « The law criminalizes consensual same-sex sexual activity, which is punishable by three years in prison; however, there were no known prosecutions. In 2012 the government restructured OPROGEM to include a unit for investigating morals violations, including same-sex sexual conduct. Unlike in the previous year, there were no reports that authorities arrested cross-dressing men in nightclubs on public nuisance charges. Antidiscrimination laws do not apply to lesbian, gay, bisexual, transgender, and intersex (LGBTI) individuals. […] ». Il ressort par ailleurs du rapport 2017/2018 sur la Guinée de l’organisation Amnesty International mis à jour en 201911, invoqué par la partie étatique, que : « The Criminal Code retains the criminalization of same-sex conduct characterized as “unnatural acts” which creates a climate of fear and has been used to harass LGBTI people. At least two people, including a 14-year-old boy, were arrested in Kankan, eastern Guinea, on 18 August, on the basis of their real or perceived sexual orientation and charged under the indecency provisions of the criminal code which include "unnatural acts". In October, the charges against the boy were dropped and he was released. ». Enfin, suivant les informations du CGRA12 : « Le rapport d’AI 2016/2017 ne contient par contre aucune information sur des actions judiciaires à l’encontre d’homosexuels pour l’année 2016.
Selon le rapport du département d’Etat américain pour l’année 2016, il n’y a aucune poursuite connue à l’encontre d’homosexuels. L’avocat d’ASF Guinée, également contacté par le Cedoca sur la question des actions judiciaires à l’encontre des homosexuels pour la période 2016-2017, a répondu dans son courrier électronique du 12 octobre 2017 : « Après recherches dans les registres des trois parquets des tribunaux de Conakry et discussion avec Monsieur …, Procureur de la République près le Tribunal de Première Instance de Mafanco, je ne dispose d'aucune information relative aux arrestations, poursuites et condamnation des personnes homosexuelles ou supposées l'être pour les années 2016 – 2017 ». ».
9 Rapport de mission en Guinée du 7 au 18 novembre 2017 publié par l’OFPRA, page 42.
10 https://www.refworld.org/docid/58ec8a2e13.html.
11 https://www.amnesty.org/en/countries/africa/guinea/report-guinea/.
12 https://www.cgra.be/sites/default/files/rapporten/coi_focus_guinee._lhomosexualite.pdf.
10Il s’ensuit, au vu de ce qui précède, que si l’homosexualité est certes incriminée par la législation guinéenne, suivant les sources internationales produites en l’espèce par la partie étatique, depuis 2016, il ne semble y avoir eu aucune condamnation de personnes homosexuelles avérées ou supposées.
Dès lors, il ne saurait être conclu sur base des éléments soumis en cause que les autorités guinéennes appliquent la loi anti-LGBTI de manière systématique à toute personne homosexuelle et que les membres de la communauté LGBTI risquent automatiquement d’être emprisonnés ou de subir des persécutions du seul fait de leur orientation sexuelle.
Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, et à défaut pour le demandeur de faire état d’un quelconque problème personnellement et concrètement rencontré avec les autorités guinéennes et qui aurait trouvé son fondement dans son homosexualité, le tribunal est amené à retenir, au vu des éléments soumis à son appréciation, que la seule existence d’une législation pouvant être qualifiée d’homophobe ne permet pas de retenir qu’il serait dans l’impossibilité de rechercher de l’aide auprès des autorités guinéennes locales respectivement qu’il ne pourrait pas bénéficier d’une protection adéquate en cas de retour dans son pays d’origine en cas de problèmes avec sa famille ou avec la population guinéenne en général.
Au vu de tout ce qui précède, c’est à bon droit que le ministre a refusé au demandeur le statut de réfugié.
Quant au volet de la décision litigieuse portant refus dans le chef du demandeur du statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2, point g), de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir des atteintes graves et que cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
L’article 48 de la même loi, énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Il échet au tribunal de relever que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), de l’article 48, précité, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire, et qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les atteintes graves et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
11Par ailleurs, l’article 2, point g), précité, de la loi du 18 décembre 2015 définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine, elle «courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que de telles atteintes graves se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.
Le tribunal constate qu’à l’appui de sa demande en obtention du statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur invoque, en substance, les mêmes motifs factuels que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.
Comme il n’y a pas de conflit armé en Guinée et que le demandeur n’allègue pas risquer la peine de mort ou l’exécution dans son pays d’origine, il y a seulement lieu de vérifier si les traitements dont il fait état peuvent être qualifiés de torture ou de traitements, respectivement de sanctions inhumains ou dégradants au sens de l’article 48, point b), de la loi du 18 décembre 2015.
Or, dans la mesure où le tribunal vient de retenir ci-avant qu’il n’apparaît pas que le demandeur ne pourrait pas bénéficier d’une protection des autorités de son pays d’origine, et que, par ailleurs, il n’est pas établi que la situation générale en Guinée est telle que toute personne homosexuelle risquerait d’y être emprisonnée ou de subir des actes de persécution du seul fait de son orientation sexuelle, le demandeur n’est pas davantage fondé à invoquer sur base de ces mêmes faits une crainte réelle et sérieuse de subir des atteintes graves au sens de la loi.
C’est dès lors à bon droit que le ministre a rejeté la demande en obtention du statut conféré par la protection subsidiaire présentée par le demandeur comme étant non fondée.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et en l’absence d’autres éléments, que le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.
2) Quant au recours visant l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, un recours sollicitant la réformation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.
Le demandeur invoque, à cet égard, le non-respect par le ministre du principe du non-
refoulement consacré aux articles 33, paragraphe (1), de la Convention de Genève et 54, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, en soutenant qu’il appartiendrait au tribunal, comme conséquence de la reconnaissance dans son chef du droit à la protection 12internationale, de réformer la décision du ministre entreprise en ce qu’elle lui ordonne de quitter le territoire.
Aux termes de l’article 34, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q), de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ».
Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que le demandeur ne remplit pas les conditions pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale, le ministre pouvait valablement assortir le refus d’une protection internationale d’un ordre de quitter le territoire sans violer le principe de non-refoulement consacré par les articles 33 de la Convention de Genève, respectivement 54 de la loi du 18 décembre 2015.
Il s’ensuit que le recours en réformation pour autant qu’il est dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est également à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision ministérielle du 3 juin 2019 portant refus d’une protection internationale ;
au fond, déclare le recours non fondé et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 3 juin 2019 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non fondé et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé par :
Alexandra Castegnaro, premier juge, Alexandra Bochet, juge, Carine Reinesch, juge, 13et prononcé à l’audience publique du 30 septembre 2020 par le premier juge, en présence du greffier Luana Poiani.
s.Luana Poiani s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, 30 septembre 2020 Le greffier du tribunal administratif 14