Tribunal administratif N° 42001 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 novembre 2018 4e chambre Audience publique du 29 septembre 2020 Recours formé par la société à responsabilité limitée … SARL, …, contre deux décisions de la Commission de Surveillance du Secteur Financier en matière de fonds d’investissement
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 42001 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 novembre 2018 par Maître Donald Venkatapen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … SARL, établie et ayant eu son siège social à L-…, actuellement à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro …, représentée par son conseil de gérance actuellement en fonctions, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision de la Commission de Surveillance du Secteur Financier, établissement public, du 4 juillet 2018 portant retrait de ladite société de la liste officielle des sociétés de gestion agréées, ainsi que de la décision de la Commission de Surveillance du Secteur Financier du 22 octobre 2018 portant rejet du recours gracieux ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Geoffrey Galle, demeurant à Luxembourg, du 7 décembre 2018, portant signification de la requête introductive d’instance à la Commission de Surveillance du Secteur Financier, établissement public, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro J26, représentée par son comité de direction actuellement en fonctions, établie et ayant son siège à L-1150 Luxembourg, 283, route d’Arlon ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 mars 2019 par Maître Albert Rodesch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de la Commission de Surveillance du Secteur Financier, préquaqlifiée ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 8 avril 2019 par Maître Donald Venkatapen, préqualifié, au nom de ses mandants ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 8 mai 2019 par Maître Albert Rodesch, préqualifié, pour compte de la Commission de Surveillance du Secteur Financier, préqualifiée ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;
1 Le juge rapporteur entendu en son rapport et Maître Donald Venkatapen, ainsi que Maître Virginie Verdanet, en remplacement de Maître Albert Rodesch, en leurs plaidoiries respectives.
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Par courrier du 7 mars 2017, la Commission de Surveillance du Secteur Financier, ci-
après désignée par « la CSSF », notifia à la société à responsabilité limitée … SARL, ci-après désigné par « la société de gestion », en sa qualité de société de gestion du fonds commun de placement …, ci-après désigné par le « … », son intention de retirer ladite société de la liste officielle des sociétés de gestion agréées dans les termes suivants :
« (…) Nous avons l'honneur de nous référer à la société de gestion … S.à r l. (la « société de gestion ») soumise au chapitre 16 de la loi modifiée du 17 décembre 2010 concernant les organismes de placement collectif (la « loi du 17 décembre 2010 ») ayant été désignée en tant que société de gestion du fonds d'investissement spécialisé … (the "…"), lequel est soumis à la loi modifiée du 13 février 2007 relative aux fonds d'investissement spécialisés.
Dans ce contexte, nous nous référons plus particulièrement à notre lettre du 20 janvier 2017 (N/Référence : …) qui vous a été adressée dans le cadre de la décision d'… S.à r l. de résilier, avec effet au 31 mars 2017, le contrat « Domiciliation, Administrative and Accounting Agreement » conclu entre … S.à r.l. et la société de gestion et relatif aux fonctions de domiciliation de la société de gestion.
Sauf erreur ou omission, nous devons constater qu'à ce jour, nous n'avons pas reçu d'informations complémentaires à ce sujet et nous n'avons pas été saisis d'une demande d'agrément en relation avec la reprise des fonctions en question.
Dans ce contexte, nous vous rappelons que l'article 125-1 (5) (c) de la loi du 17 décembre 2010 dispose que la CSSF peut retirer l'agrément à une société de gestion relevant du chapitre 16 lorsque celle-ci ne remplit plus les conditions d'octroi de l'agrément.
En conséquence, la CSSF doit constater qu'a défaut de la mise en conformité de la société de gestion avec les dispositions légales applicables, respectivement de la mise en liquidation volontaire de la société de gestion, avant le 31 mars 2017, la CSSF devra procéder au retrait de la société de gestion de la liste officielle des sociétés de gestion agréées suivant l'article 125 du chapitre 16 de la loi du 17 décembre 2010 concernant les organismes de placement collectif Vous trouverez en annexe le projet de décision correspondant.
Dès lors, nous devons attirer votre attention sur le fait que la CSSF doit disposer, avant le 31 mars 2017, des preuves concrètes actant la mise en conformité avec les dispositions légales applicables, respectivement la mise en liquidation de la société de gestion. (…) ».
Un projet de décision de retrait était également joint au courrier sus-visé.
2 Plusieurs courriers furent échangés entre la société de gestion et la CSSF pour adresser les questions soulevées dans ledit courrier.
Par courrier du 27 juin 2018, la CSSF notifia à la société de gestion son intention réitérée de retirer ladite société de la liste officielle des sociétés de gestion agréées dans les termes suivants :
« (…) Nous nous référons à la société de gestion … S.à r.l. (la « société de gestion ») soumise au chapitre 16 de la loi modifiée du 17 décembre 2010 concernant les organismes de placement collectif (la « loi du 17 décembre 2010 ») ayant été désignée en tant que société de gestion du fonds d'investissement spécialisé … (le « … »), lequel est soumis à la loi modifiée du 13 février 2007 relative aux fonds d'investissement spécialisés.
Dans ce contexte, la Commission de Surveillance du Secteur Financier (la « CSSF ») a pris note de la lettre du 15 juin 2018 vous adressée par … S.à r.l. (« … »), par laquelle cette dernière vous a notifié sa décision de résilier, avec effet au 30 juin 2018, le contrat « Domiciliation, Administrative and Accounting Agreement » conclu entre … et la société de gestion et relatif aux fonctions de domiciliation de la société de gestion.
Par ailleurs, nous avons retenu que Monsieur …, en sa qualité de membre du conseil de gérance de la société de gestion, a accusé réception de la lettre en question par son courrier électronique daté du 22 juin 2018.
Dans ce contexte, nous nous référons à notre lettre du 7 mars 2017 (N/Référence …), par laquelle la CSSF vous avait déjà notifié son intention de procéder au retrait de la société de gestion de la liste officielle des sociétés de gestion agréées suivant l'article 125 du chapitre 16 de la loi du 17 décembre 2010 en application de l'article 125-1 (5) c) de la loi du 17 décembre 2010 dans le cadre d'une première résiliation du contrat de domiciliataire par …, dont la date effective de résiliation a cependant été reportée dans le cadre de plusieurs prolongations successives.
Dans ce contexte, nous vous rappelons que l'article 125-1 (5) (c) de la loi du 17 décembre 2010 dispose que la CSSF peut retirer l'agrément à une société de gestion relevant du chapitre 16 lorsque celle-ci ne remplit plus les conditions d'octroi de l'agrément.
En conséquence, la CSSF doit constater qu'à défaut de la mise en conformité de la société de gestion avec les dispositions légales applicables avant le 30 juin 2018, la CSSF devra procéder au retrait de la société de gestion de la liste officielle des sociétés de gestion agréées suivant l'article 125 du chapitre 16 de la loi du 17 décembre 2010 concernant les organismes de placement collectif.
Dès lors, nous devons attirer votre attention sur le fait que la CSSF doit disposer, avant le 30 juin 2018, des preuves concrètes actant la mise en conformité avec les dispositions légales applicables. (…) » Par décision du 4 juillet 2018, la CSSF notifia au conseil de gérance de la société de gestion, le retrait de ladite société de la liste officielle des sociétés de gestion agréées sous les 3 dispositions de la loi modifiée du 17 décembre 2010 concernant les organismes de placement collectif, ci-après désignée par « la loi du 17 décembre 2010 », en ces termes :
« (…) Nous nous référons à la société de gestion … S.à r.l. (la « société de gestion ») soumise au chapitre 16 de la loi modifiée du 17 décembre 2010 concernant les organismes de placement collectif (la « loi du 17 décembre 2010 ») ayant été désignée en tant que société de gestion du fonds d'investissement spécialisé … (le « … »), lequel est soumis à la loi modifiée du 13 février 2007 relative aux fonds d'investissement spécialisés.
Dans ce contexte, nous nous référons à la décision d' … S.à r.l. (« … »), de résilier, avec effet au 30 juin 2018, le contrat « Domiciliation, Administrative and Accounting Agreement » conclu entre … et la société de gestion et relatif aux fonctions de domiciliation de la société de gestion.
Nous nous référons plus particulièrement à notre lettre du 27 juin 2018 (N/Référence :
…), par laquelle la Commission de Surveillance du Secteur Financier (la « CSSF ») vous a informés qu'à défaut de la reprise effective des fonctions de domiciliataire par une société qui fait preuve des agréments nécessaires à l'accomplissement de ses fonctions, la société de gestion ne respectera plus les dispositions légales applicables et la CSSF devra procéder au retrait de la société de gestion de la liste officielle des sociétés de gestion agréées.
Par la présente, nous vous notifions la décision de la CSSF de retirer la société de gestion … S.à r.l. de la liste officielle des sociétés de gestion agréés sous les dispositions de l'article 125 du chapitre 16 de la loi du 17 décembre 2010 concernant les organismes de placement collectif.
Un recours contre la décision précitée est ouvert auprès du Tribunal Administratif, par un avocat à la Cour inscrit soit au barreau de Luxembourg, soit au barreau de Diekirch.
Ce recours doit être introduit sous peine de forclusion dans le délai d'un mois à partir de là notification de la décision en annexe.
Conformément à l'article 142 (3) de la loi du 17 décembre 2010, cette décision de retrait entraîne de plein droit, à partir de sa notification à … S.à r.l. et à charge de celui-ci, jusqu'au jour où la décision sera devenue définitive, le sursis à tout paiement par … S,à r.l. et interdiction sous peine de nullité, de procéder à tous actes autres que conservatoires, sauf autorisation de la CSSF qui exerce de plein droit la fonction de commissaire de surveillance.
Nous vous signalons que la CSSF introduira, conformément l'article 143 (1) de la loi du 17 décembre 2010, une requête de mise en liquidation de … S.à r.l. auprès du Procureur d'Etat. (…) ».
La décision de retrait est libellée comme suit :
« Décision de retrait de la société de gestion … S.à r.l.
de la liste officielle des sociétés de gestion agréées suivant l'article 125 du chapitre 16 de la loi modifiée du 17 décembre 2010 concernant les organismes de placement collectif 4 Vu la loi modifiée du 17 décembre 2010 concernant les organismes de placement collectif (la « loi du 17 décembre 2010 »), Vu la décision de la Commission de Surveillance du Secteur Financier (la « CSSF ») d'agréer la société … S.à r.l, (anciennement dénommée … S.à rl.) (la « société de gestion ») avec effet au 12 août 2008 au sens de l'article 91 du chapitre 14 de la loi du 20 décembre 2002 relative aux organismes de placement collectif, Considérant que la loi du 20 décembre 2002 relative aux organismes de placement collectif a été abrogée par la loi du 17 décembre 2010 et que la société de gestion est dès lors inscrite sur la liste officielle des sociétés de gestion agréées suivant l'article 125 du chapitre 16 de la loi du 17 décembre 2010 conformément à l'article 125-1 (1) de la loi du 17 décembre 2010, Considérant que la société de gestion, constituée le 12 août 2008, est en particulier soumise aux dispositions du chapitre 16 - Des autres sociétés de gestion - de la loi du 17 décembre 2010, Considérant que l'article 125-1 (1) de la loi du 17 décembre 2010 requiert: que l'administration centrale et le siège statutaire d'une société de gestion soumise au chapitre 16 de la loi du 17 décembre 2010 soient situés au Luxembourg, Considérant qu'… S.à r.l. (« … ») a résilié avec effet au 31 mars 2017, le contrat « Domiciliation, Administrative and Accounting Agreement » conclu entre … et la société de gestion et relatif aux fonctions de domiciliataire de la société de gestion, Considérant qu'… a par la suite accepté à plusieurs reprises de prolonger le contrat « Domiciliation, Administrative and Accounting Agreement » au-delà de la date effective initiale, respectivement des dates retenues ultérieurement, Considérant qu'… a, par lettre du 15 juin 2018, notifié sa décision de résilier, avec effet au 30 juin 2018, le contrat « Domiciliation, Administrative and Accounting Agreement Considérant que la CSSF a demandé au conseil de gérance de la société de gestion, par lettre du 27 juin 2018 (N/Référence : …), la transmission avant le 30 juin 2018, d'une copie du contrat dûment signé, conclu entre la société de gestion et le nouveau prestataire de service présentant les agréments nécessaires à la reprise des fonctions en question, Considérant qu'en réponse à la lettre précitée du 27 juin 2018, Monsieur …, en sa capacité de membre du conseil de gérance de la société de gestion, a par courriel du 29 juin 2018, demandé un délai supplémentaire pour assurer la mise en conformité de la société de gestion aux dispositions légales applicables, Considérant qu'en annexe du courriel du 29 juin 2018 précité, Monsieur … nous a transmis une copie d'une lettre émise par …, laquelle a, d'après notre compréhension, été soumise à …, demandant une prolongation du contrat « Domiciliation, Administrative and Accounting Agreement », 5 Considérant que d'après les informations nous transmises par …, … n'a pas accepté un nouveau report de la date effective de la résiliation du contrat « Domiciliation, Administrative and Accounting Agreement », Considérant dès lors que la résiliation du « Domiciliation, Administrative and Accounting Agreement » est devenue effective au 30 juin 2018, Considérant que la société de gestion n'a pas procédé au remplacement effectif de son domiciliataire, Considérant que les dispositions de l'article 125-1 (1) de la loi du 17 décembre 2010 ne sont plus respectées, Considérant que la CSSF ne dispose pas de preuves concrètes actant la mise en liquidation de la société de gestion, Considérant que la CSSF conclut, en application de l'article 125-1 (5) (c) de la loi du 17 décembre 2010, que les conditions d'octroi de l'agrément de la société de gestion ne sont plus remplies.
La CSSF conclut, en application de l'article 125-1 (5) (c) de la loi du 17 décembre 2010, que les conditions d'octroi de l'agrément ne sont plus remplies et qu'elle ne peut pas réserver de suite favorable à la demande d'obtenir un délai supplémentaire pour assurer la mise en conformité de la société de gestion telle que soumise par le courriel de Monsieur … du 29 juin 2018.
Au vu de ce qui précède, la CSSF arrête les mesures suivantes à l'égard de la société de gestion … S.à r.l :
1. Le retrait de la société de gestion … S.à r.l. de la liste officielle des sociétés de gestion agréées suivant l'article 125 du chapitre 16 de la loi du 17 décembre 2010 en application de l'article 125-1 (5) (c) de la loi du 17 décembre 2010.
2. L'introduction d'une requête de mise en liquidation auprès du Procureur d'Etat conformément à l'article 126-I de la loi du 17 décembre 2010 concernant les organismes de placement collectif.
Un recours contre la décision précitée est ouvert auprès du Tribunal Administratif, par un avocat à la Cour inscrit soit au barreau de Luxembourg, soit au barreau de Diekirch.
Ce recours doit être introduit sous peine de forclusion dans le délai d'un mois à partir de la notification de la présente décision (…) » Par courrier de son litismandataire du 3 août 2018, la société de gestion introduisit un recours gracieux à l’encontre de la décision de retrait précitée.
Par décision du 22 octobre 2018, la CSSF confirma la décision de retrait en ces termes :
6 « (…) Nous nous référons à la lettre recommandée avec accusé de réception datée du 3 août 2018 (V/Référence : …) adressée à la Commission de Surveillance du Secteur Financier (la « CSSF ») par Maître Donald Venkatapen de l'étude d'avocats Wagener & Associés (« votre Mandataire ») au nom et pour compte de la société … S.à. r.l. (la « Société de Gestion ») — soumise aux dispositions du chapitre 16 de la loi modifiée du 17 décembre 2010 concernant les organismes de placement collectif (la « loi du 17 décembre 2010 ») et agissant en tant que société de gestion du fonds commun de placement … (le « … ») soumis aux dispositions de la loi du 13 février 2007 relative aux fonds d'investissement spécialisés (la « loi du 13 février 2007 ») — par le biais de laquelle votre Mandataire demande à la CSSF de reconsidérer sa décision prise en date du 4 juillet 2018 (N/Référence …) de procéder au retrait de la Société de Gestion de la liste officielle des sociétés de gestion agréées suivant le chapitre 16 de la loi du 17 décembre 2010 (la « Liste officielle des sociétés de gestion agréées suivant le chapitre 16 »).
À titre subsidiaire, nous nous référons également aux lettres recommandées avec accusé de réception datées du 30 août 2018 et du 3 octobre 2018 (V/Références : …) adressées à la CSSF par votre Mandataire au nom et pour compte de la Société de Gestion et du …, par le biais desquelles votre Mandataire :
- informe la CSSF du fait qu'en date du 23 août 2018 un Domiciliation and Services Agreement aurait été conclu entre la Société de Gestion et la société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois … S.à r.l. (« … »), lui transmet une copie dudit contrat et réitère sa demande, formulée dans sa lettre précitée du 3 août 2018, de reconsidérer sa décision du 4 juillet 2018 ; puis - rappelle une fois encore à la CSSF l'objet respectif de ses lettres précitées du 3 août 2018 et du 30 août 2018 ainsi que l'existence du contrat précité entre la Société de Gestion et …, daté du 23 août 2018, tout en indiquant qu'il « serait urgent d'agréer ce nouvel [sic] domiciliataire afin de lui permettre d'assurer sa mission ».
Après avoir pris en considération et analysé les différents arguments développés dans les lettres de votre Mandataire du 3 août 2018, du 30 août 2018 et du 3 octobre 2018 dont références ci-avant, la CSSF souhaite prendre position par rapport à ces arguments de manière suivante compte tenu des éléments de fait et de droit qui ont justifié sa décision du 4 juillet 2018 de procéder au retrait de la Société de Gestion de la Liste officielle des sociétés de gestion agréées suivant le chapitre 16 :
Quant au manque de proportionnalité entre la violation des dispositions légales applicables à la Société de Gestion et la gravité de la sanction appliquée Dans sa lettre du 3 août 2018, après avoir rappelé que la résiliation par … S.à r.l. (« … »), avec effet au 30 juin 2018, du Domiciliation, Administrative and Accounting Agreement conclu le 27 décembre 2012 entre la Société de Gestion et … (le « Contrat »), d'une part, et l'absence de conclusion d'un nouveau contrat avec un prestataire de services présentant les agréments nécessaires à la reprise des fonctions d'agent domiciliataire de la Société de Gestion à cette date, d'autre part, sont à l'origine de la décision de retrait de la Société de Gestion de la Liste officielle des sociétés de gestion agréées suivant le chapitre 16, votre Mandataire expose diverses circonstances compte tenu desquelles il estime qu'il y a de toute 7 évidence un manque de proportionnalité entre la violation des dispositions de la Loi du 17 décembre 2010 par la société de gestion … et la décision de retrait du 4 juillet 2018 et ses conséquences néfastes » Avant toute chose, la CSSF réitère le fait que le défaut de domicile connu à Luxembourg dans le chef de la Société de Gestion entraine une violation, par cette dernière, des dispositions de l'article. 125-1 (1), 8' paragraphe, de la loi du 17 décembre 2010 en vertu desquelles « son administration centrale et son siège statutaire doivent être situés à Luxembourg », avec pour résultat final que les conditions d'octroi de l'agrément ne sont plus remplies. Elle retient d'ailleurs que votre Mandataire reconnait expressément le caractère problématique du défaut de domicile de la Société de Gestion dans sa lettre du 3 août 2018 susmentionnée. Dès lors, la CSSF n'a fait qu'appliquer purement et simplement la loi, et plus précisément les dispositions de l'article 125-1 (1) de la loi du 17 décembre 2010 précisant que l'inscription d'une société de gestion sur la liste « vaut agrément » et de l'article 125-1 (5) (c) en vertu desquelles elle «peut retirer l'agrément à une société de gestion relevant du présent chapitre […] lorsque celle-ci […] ne remplit plus les conditions d'octroi de l'agrément ».
De plus, la CSSF attire votre attention sur le fait que sa décision du 4 juillet 2018 visant à retirer la Société de Gestion de la Liste officielle des sociétés de gestion agréées suivant le chapitre 16 en raison du défaut d'administration centrale et de domicile connu au Luxembourg constitue une mesure prise dans le contexte de l'exercice des pouvoirs de surveillance conférés à la CSSF — et en aucun cas une sanction administrative — tel que cela ressort des dispositions précitées de la loi du 17 décembre 2010.
Au vu de ce qui précède, et au contraire des affirmations de votre Mandataire, la CSSF n'a donc pas violé le principe de proportionnalité dès lors qu'elle a in fine attendu plus d'une année (la CSSF ayant notifié le conseil de gérance de la Société de Gestion de son intention de retirer la Société de Gestion de la Liste officielle des sociétés de gestion agréées suivant le chapitre 16 par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 7 mars 2017 (N/Référence : …)) avant de tirer les conséquences — en application de la loi — de la situation problématique dans laquelle se trouvait la Société de Gestion depuis la première notification par …, en date du 22 décembre 2016, de son intention de mettre fin au Contrat. Et ce compte tenu du fait que, durant toute cette période, la Société de Gestion est restée en défaut de régulariser sa situation.
Ceci étant précisé, la CSSF estime utile d'apporter les explications et réponses suivantes aux arguments avancés par votre Mandataire.
Ce dernier avance qu'… n'aurait pas respecté le délai de préavis de 90 jours minimum prévu par le Contrat en cas de résiliation par l'une des parties. 11 estime qu'en notifiant sa décision de mettre effectivement fin au Contrat le 30 juin 2018, par lettre datée du 15 juin 2018, … n'a laissé à la Société de Gestion qu'un « très court délai de préavis (15 jours), non prévu contractuellement, […], qui pénalise [s]a mandante, en ne lui laissant qu'un délai très court afin de négocier et de conclure un nouveau contrat avec un prestataire de services ».
Votre Mandataire insiste à cet égard, dans ses lettres précitées du 3 août 2018 et du 30 août 2018, sur les « démarches actives » et les « efforts importants » entrepris par la Société de 8 Gestion « aux fins de régulariser la situation », qui ont débouché sur la conclusion d'un contrat avec … en date du 23 août 2018.
À cet égard, la CSSF retient qu'… fait référence, dans sa lettre du 15 juin 2018 précitée, (i) à sa lettre du 22 décembre 2016 par le biais de laquelle le conseil de gérance de la Société de Gestion a été notifié pour la première fois de la décision d'… de mettre fin à la relation contractuelle existante endéans un délai de préavis de 90 jours, (ii) à l'ensemble des prorogations du Contrat consenties subséquemment afin de permettre audit conseil de gérance de nommer un nouveau prestataire de services — sans succès toutefois — et (iii) plus spécifiquement à la « recommendation letter » du 24 janvier 2018 dans laquelle … a listé l'ensemble des mesures devant être adoptées par le conseil de gérance de la Société de Gestion pour lui permettre de reconsidérer sa décision de résilier le Contrat et, éventuellement, continuer à prester les fonctions d'agent domiciliataire de la Société de Gestion (« to reconsider [its] position and possibly continue servicing the Company and the Fund beyond the set deadline ») — mesures que ledit conseil de gérance a intégralement acceptées en contresignant ladite « recommendation letter ». La CSSF note par ailleurs qu'… mentionne, toujours dans sa lettre du 15 juin 2018 et relativement à cette « recommendation letter », s'être réservé le droit, au moment où elle fut signée, de mettre fin au Contrat dans le cas où certaines des mesures listées dans sa lettre ne seraient pas entièrement suivies ou achevées par le conseil de gérance.
Les références faites par … dans sa lettre du 15 juin 2018 étant sans équivoques, la CSSF tient compte des échanges ayant eu lieu depuis le 22 décembre 2016 et jusqu'au 30 juin 2018 entre la Société de Gestion et … quant à la reprise par un nouveau prestataire de services des fonctions d'agent domiciliataire de la Société de Gestion alors exercées par … en vertu des dispositions du Contrat. Sur ce point, comme précisé ci-avant, la CSSF retient donc qu'un délai de préavis total d'une année et demie — et non « un délai très court » — a été octroyé à la Société de Gestion par … « afin de négocier et de conclure un nouveau contrat avec un prestataire de services » Enfin, au regard du nouveau Domiciliation and Services Agreement entre la Société de Gestion et … daté du 23 août 2018, dont une copie était annexée à la lettre du 30 août 2018 adressée à la CSSF par votre Mandataire, la CSSF constate que ce nouveau contrat (i) est daté près de deux (2) mois après la date effective de résiliation du Contrat par …, et (ii) n'est pas signé par les représentants de ….
Quant à la violation par la CSSF des droits de la défense de la Société de Gestion dans le cadre de la procédure contradictoire non contentieuse Après avoir rappelé la teneur des dispositions de l'article 9 du Règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes (le « Règlement PANC »), votre Mandataire avance, dans sa lettre du 3 août 2018, que « [d]ans la mesure où le retrait de [s]a mandante de la liste officielle des sociétés de gestion agréées par votre décision du 4 juillet 2018 constitue la révocation d'office pour l'avenir de la décision initiale d'inscription sur la prédite liste, il est impératif d'appliquer cette procédure contradictoire dans le cadre de laquelle les parties en cause échangent des éléments relatifs à la situation litigieuse et tentent, par une collaboration constructive, d'y remédier ». Or, selon lui, la CSSF a violé les obligations qui lui incombent d'octroyer d'un 9 délai de réponse d'au moins huit (8) jours à la Société de Gestion afin de présenter sa défense et d'entendre la partie concernée d'une part, et a fait preuve d'un « manque évident de coopération » avec la Société de Gestion et avec le … d'autre part.
À cet égard, la CSSF attire l'attention du conseil de gérance de la Société de Gestion sur le fait, d'une part, qu'il a été notifié dès le 7 mars 2017 de l'intention de la. CSSF de retirer la Société de Gestion de la Liste officielle des sociétés de gestion agréées suivant le chapitre 16 et, d'autre part, que toutes les lettres que lui a adressées la CSSF depuis cette date — notamment celles par lesquelles la CSSF a pris note des prorogations successives du Contrat consenties par … — font expressément référence à la lettre précitée du 7 mars 2017 et précisent que l'intention de la CSSF y exprimée sera mise en œuvre en cas soit d'absence de reprise des fonctions d'agent domiciliataire de la Société de Gestion par un prestataire de services disposant des agréments nécessaires soit de mise en liquidation de la Société de Gestion à la date où la résiliation deviendra effective.
Plus encore, la CSSF souligne que, suite au rappel de son intention de procéder au retrait de la Société de Gestion de la Liste officielle des sociétés de gestion agréées suivant le chapitre 16, à nouveau notifiée au conseil de gérance de la Société de Gestion par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 27 juin 2018 (N/Référence …) incluant une référence expresse à la lettre précitée du 7 mars 2017,1a décision finale de retrait de la Société de Gestion de la Liste officielle des sociétés de gestion agréées suivant le chapitre 16 n'a été prise qu'en date du 4 juillet 2018.
Ensuite, la CSSF tient à rappeler qu'en date du 14 mars 2017 elle a reçu en entrevue M. …, en sa qualité de gérant de la Société de Gestion et à la demande du conseil de gérance de cette dernière adressée à la CSSF en date du 24 janvier 2017. Lors de cette entrevue, la CSSF s'est entre autres référée à sa lettre du 7 mars 2017 par laquelle elle avait notifié son intention de procéder au retrait de la Société de Gestion de la Liste officielle des sociétés de gestion agréées suivant le chapitre 16. La CSSF a par ailleurs été très claire quant au fait que, sans migration des fonctions d'agent domiciliataire de la Société de Gestion vers un prestataire de services disposant des agréments nécessaires ou sans prorogation du Contrat par … à la date effective de la résiliation du Contrat, elle serait dans l'obligation de procéder au retrait de la Société de Gestion de la Liste officielle précitée.
Eu égard, enfin, au courrier électronique que lui a adressé M. … en date du 29 juin 2018 et à la lettre y annexée, adressée par … à … afin d'obtenir une nouvelle prolongation du Contrat, la CSSF a expressément indiqué dans sa décision du 4 juillet 2018 avoir été informée par … de son refus d'y donner une suite favorable et, dès lors, du caractère irrévocable de la résiliation à la date du 30 juin 2018.
À l'appui de ces éléments, et au contraire des affirmations de votre Mandataire, la CSSF a donc bien respecté le principe du contradictoire consacré à l'article 9 du Règlement PANC avant de prendre sa décision définitive en date du 4 juillet 2018.
En effet, il ressort très clairement du dossier que la CSSF a permis au conseil de gérance de la Société de Gestion de prendre position sur son intention de procéder au retrait de la Société de Gestion de la Liste officielle des sociétés de gestion agréées suivant le chapitre 16, telle qu'elle lui avait déjà été communiquée par la lettre du 7 mars 2017 dont 10 référence ci-avant, dans le cadre de nombreux échanges de courriers et durant une période s'étalant sur plus d'une année. À titre d'exemple, la CSSF rappelle qu'avant que ne soit prise la décision de retirer la Société de Gestion de la Liste officielle précitée, en date du 4 juillet 2018, le conseil de gérance a soumis ses observations à la CSSF quant à l'intention précitée par le biais, notamment, de courriers électroniques, d'entretiens téléphoniques ou encore de l'entrevue précitée du 14 mars 2017 organisée à la demande du conseil de gérance.
Il est donc établi que le conseil de gérance a eu la possibilité depuis la décision initiale d'… de résilier le Contrat, soit entre le 22 décembre 2016 et le 30 juin 2018, de se conformer aux exigences légales applicables et d'éviter de ce fait la décision dé la CSSF du 4 juillet 2018 (qui lui avait été annoncée dès le 7 mars 2017) d'une part, et de prendre utilement position par rapport à une décision projetée par la CSSF dans le cadre d'une procédure contradictoire telle que le prévoit le Règlement PANC d'autre part. Par conséquent, il ne peut être soutenu que la décision de la CSSF de procéder au retrait de la Société de Gestion de la Liste officielle précitée, adoptée le 4 juillet 2018, ait surpris voire même ait pu surprendre le conseil de gérance de la Société de Gestion, ni que le principe du contradictoire n'ait pas été respecté par la CSSF.
*** Outre ce qui précède, la CSSF retient également, à titre subsidiaire, les éléments suivants qui témoignent de manquements par la Société de Gestion aux obligations légales lui incombant personnellement ou en qualité de société de gestion du … :
- dans le chef de la Société de Gestion, la soumission tardive ou le défaut de soumission d'une part des rapports annuels du … au 31 décembre 2010, au 31 décembre 2011, au 31 décembre 2012, au 31 décembre 2013, au 31 décembre 2014, au 31 décembre 2015, au 31 décembre 2016, et d'autre part des lettres de recommandations se rapportant respectivement à chacun de ces exercices comptables ;
- dans le chef de la Société de Gestion, le défaut d'établissement et de publication au Registre de Commerce et des Sociétés Luxembourg (le « RCSL ») de ses comptes annuels au 31 décembre 2014, au 31 décembre 2015, au 31 décembre 2016 et au 31 décembre 2017 ; ou encore - au regard de la politique d'investissement et des restrictions d'investissement du …, le non-respect des règles de diversification au regard de certains investissements réalisés et les manquements en termes d'information des investisseurs du … à cet égard, tels que ces points ont été discutés avec M. … lors de l'entrevue du 14 mars 2017 dont référence ci-avant et ont fait l'objet d'échanges de courriers et courriers électronique entre le conseil de gérance de la Société de Gestion et la CSSF.
Enfin, la CSSF retient que selon les informations publiées au RCSL à la date de la présente, Monsieur … est toujours actionnaire et gérant de la Société de Gestion, contrairement à ce qu'avance votre Mandataire quant à la résolution des « problèmes opérationnels internes » de la Société de Gestion par cette dernière.
Compte tenu de ce qui précède, et après avoir dûment considéré l'ensemble des arguments avancés par votre Mandataire dans ses lettres du 3 août 2018, du 30 août 2018 et 11 du 3 octobre 2018 dont références ci-avant, la CSSF maintient sa décision du 4 juillet 2018 de procéder au retrait de la Société de Gestion de la Liste officielle des sociétés de gestion agréées suivant le chapitre 16 en raison du non-respect, par la Société de Gestion, des dispositions de l'article 125-1 (1), 8' paragraphe, de la loi du 17 décembre 2010.
Enfin, la CSSF vous informe qu'un recours contre la décision précitée est ouvert auprès du Tribunal Administratif. Ce recours doit être introduit sous peine de forclusion dans le délai d'un (1) mois à partir de la notification de la présente par un avocat à la Cour inscrit soit au barreau de Luxembourg, soit au barreau de Diekirch. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 22 novembre 2018, inscrite sous le numéro 42001 du rôle, la société de gestion … SARL a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision de la CSSF du 4 juillet 2018 portant retrait de ladite société de la liste officielle des sociétés de gestion agréées, ainsi que de la décision de la CSSF du 22 octobre 2018 portant rejet du recours gracieux.
A titre liminaire, la CSSF soulève dans son mémoire en réponse un moyen d’irrecevabilité tiré du défaut d’intérêt, sinon de qualité, sinon de capacité ou encore de pouvoir à agir du conseil de gérance de la société de gestion à agir en justice dans le cadre du présent recours pour défaut d’habilitation valable découlant de l’absence de convocation dudit conseil de gérance entre le 4 juillet 2018, date du retrait de ladite société de la liste officielle de la CSSF et la date d'introduction du présent recours en vue de mandater le litismandataire de ladite société pour l’attraire en justice respectivement de l’absence de signature d’une résolution circulaire des membres du conseil en l’absence de réunion physique et ce, en violation de l’article 12 de ses statuts.
Dans son mémoire en duplique, la CSSF réfute l’argument de l’urgence invoqué par la société de gestion pour justifier l’absence de convocation à la réunion du conseil de gérance de la société de gestion le 5 juillet 2018, dès lors que le conseil de gérance aurait disposé d’un mois pour introduire un recours à l’encontre de sa décision du 4 juillet 2018 de retrait de ladite société de la liste officielle, ce qui ne constituait pas une situation d’urgence aux termes de laquelle le conseil de gérance n’aurait pas pu être convoqué selon l’article 12 des statuts de la société de gestion. Il s’y ajoute qu’un des trois gérants de la société de gestion, Monsieur …, aurait affirmé que la tenue de la réunion du conseil de gérance du 5 juillet 2018 ne lui aurait pas été notifiée, alors qu’il aurait été en fonctions à cette date. La CSSF réfute encore l’argument de la demanderesse suivant lequel le conseil de gérance aurait valablement ratifié la décision d'ester en justice par décision du conseil de gérance « actuellement en fonctions » en date du 5 avril 2019, alors qu’une décision unanime des associés serait requise par l’article 12 des statuts de la société de gestion pour toute révocation, respectivement nomination d’un administrateur, ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce, relevant que Monsieur … aurait encore agi en qualité d’associé et gérant à cette date, ainsi que ce dernier l’en aurait informée par courrier du 27 février 2019, de sorte qu’il aurait dû participer à la prise de décision.
La société de gestion estime tout d’abord que la CSSF ayant déposé un mémoire unique pour la présente affaire et pour celle relative au retrait du … de la liste officielle des fonds d’investissements spécialisés, aurait de facto sollicité une jonction des deux affaires, 12 appréciation qu’il n’incomberait pas de faire par une partie à l’instance mais qui serait laissée à la discrétion du tribunal de céans.
Elle rétorque ensuite substance qu’elle aurait intérêt à agir contre une décision qui lui ferait grief. Elle soutient qu’une décision concernant le recours en justice à l'encontre de la décision du 4 juillet 2018 aurait été prise avec la majorité des voix des gérants présents lors d'une réunion de son conseil de gérance en date du 5 juillet 2018. Elle fait plaider que le prescrit de l’article 12 de ses statuts permettrait de renoncer à l’envoi de la convocation, en cas d’urgence. Elle estime que la décision du conseil de gérance d'agir en justice aurait été adoptée dans le cadre du respect des dispositions légales et statutaires afférentes. Elle ajoute, à titre subsidiaire, que s'il est de principe que les conditions de recevabilité seraient appréciées au jour de la demande en justice une régularisation de la représentation en justice pendant la procédure serait admise, pour autant qu’elle soit versée avant la phase finale de la procédure. Ainsi, elle se réfère à une résolution circulaire de son conseil de gérance du 5 avril 2019 ratifiant la décision d'exercer un recours contre les décisions de la CSSF du 4 juillet 2018 et du 22 octobre 2018, résolution qui vaudrait confirmation rétroactive du mandat donné par le conseil de gérance au litismandataire dans le cadre du présent recours.
Elle précise encore que son conseil de gérance, qui aurait adopté la décision de ratification du 5 avril 2019, aurait été nouvellement composé suite à la révocation de Monsieur … lors de son assemblée générale en date du 15 février 2019 et à la nomination de Madame … en qualité de gérant, à sa place. Par conséquent, elle estime que même à supposer que les décisions du conseil de gérance visant à d’introduire un recours en justice à l’encontre des décisions litigieuses de la CSSF du 4 juillet 2018 et du 22 octobre 2018 n’auraient pas été valablement adoptées, la décision de ratification du 5 avril 2019 aurait valablement mandaté le litismandataire pour ester en justice.
A titre liminaire, il échet de constater que c’est à tort que la société de gestion estime que la CSSF n’aurait déposé qu’un mémoire unique dans la présente affaire et dans celle relative au retrait du … de la liste officielle des fonds spécialisés, étant donné qu’il ressort des pièces du dossier qu’un mémoire en réponse a bien été déposé dans chaque dossier. Par ailleurs, il y a lieu de relever qu’aucune demande de jonction n’a été formellement sollicitée.
Ces précisions étant faites, le tribunal constate que les parties sont en désaccord sur la question de savoir si la décision de mandater le litismandataire de la demanderesse en vue de l’introduction du présent recours a été adoptée conformément aux dispositions statutaires de cette dernière.
Il y a lieu, à cet égard, de rappeler les règles prévalant en matière de représentation d’une société vis-à-vis des tiers et de celles existant dans le cadre du processus interne de décision.
La jurisprudence commerciale est fermement établie selon le principe suivant lequel si « la décision d’intenter une action en justice au sein de la société appartient à la sphère interne de la personne morale », « la personne morale est directement engagée par les actes accomplis par l’organe agissant en cette qualité étant donné que cet organe est présumé exprimer vis-à-vis des tiers directement et immédiatement la volonté de la personne morale ». Ainsi, « la personne morale n’est pas obligée de prouver à l’occasion d’une 13 action en justice que la décision de l’introduction de l’action a été ordonnée par l’organe compétent, la régularité de cette décision étant présumée »1.
S’agissant d’une présomption réfragable, il appartient à celui qui conteste la décision d’en rapporter la preuve2.
Le tribunal, amené, à ce stade, à examiner les arguments développés par la CSSF à ce titre, procédera à la vérification du processus interne d’adoption d’une décision par la société de gestion.
Il ressort des éléments du dossier dont notamment un extrait du registre de commerce et des sociétés que l'organe qui jouit du pouvoir de représentation est le conseil de gérance de la société de gestion, qui était composé, à la date de l'introduction des recours gracieux et contentieux, de trois personnes, à savoir Monsieur …, Monsieur … et Monsieur …, toutes trois étant également les associés de la société de gestion à concurrence respectivement de 24,8 % pour Monsieur …, 42,4 % pour Monsieur … et 32,8 % pour Monsieur ….
Selon l’article 12 des statuts de la société de gestion, les décisions du conseil de gérance sont adoptées comme suit : « Les décisions du Conseil de Gérance seront prises à la majorité des voix des gérants présents ou représentés. Le Conseil de Gérance peut délibérer ou agir valablement seulement si la majorité de ses membres sont présents ou représentés.».
S’agissant du mode de convocation des réunions du conseil de gérance de la société de gestion, les statuts de celle-ci disposent encore au même article 12, comme suit :
« Un avis écrit de toute réunion du Conseil de Gérance sera donné à tous les gérants par écrit ou télécopie ou courriel (e-mail), au moins 24 (vingt-quatre) heures avant l'heure prévue pour la réunion, sauf s'il y a urgence. Une réunion du Conseil de Gérance pourra être convoquée par tout gérant. On pourra passer outre cette convocation si tous les gérants sont présents ou représentés et s'ils déclarent avoir été informés de l'ordre du jour. Une convocation spéciale ne sera pas requise pour une réunion individuelle se tenant à une heure et à un endroit déterminés dans une résolution préalablement adoptée par le Conseil de Gérance.».
En l’espèce, c’est à juste titre que la CSSF relève que Monsieur … a porté par écrit à sa connaissance qu’il n’a pas été convoqué à une réunion du conseil de gérance qui se serait tenue postérieurement à la date des décisions litigieuses, la société de gestion ayant elle-
même admis cette circonstance en avançant le motif de l’urgence pour justifier l’omission de la convocation d’une réunion du conseil de gérance.
S’il ressort en effet de l’article 12 précité des statuts qu’il peut être renoncé à la formalité de convocation d’une réunion du conseil de gérance en cas d’urgence, le tribunal relève néanmoins, à cet égard, qu’il ne ressort d’aucune pièce ni d’aucun élément versé en la 1 Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, - correctionnel -16 mai 2002, Droit des Sociétés, (1997-2002) Franz Fayot, Ann. Dr. Lux, 2001, p. 571-572 2 Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, 10 mai 2016, Le Droit judiciaire privé au Grand-Duché de Luxembourg, Thierry Hoscheid, 2012, p. 468 14 cause que les membres du conseil de gérance auraient invoqué, à un quelconque moment, la circonstance de l’urgence comme motif justifiant l’absence de convocation de l’organe à une réunion, de sorte que le conseil de gérance n’a pas été valablement constitué au moment de la décision d’entrer en justice.
En tout état de cause, l’article 12 des statuts prévoit la procédure suivante à suivre dans les circonstances d’une absence de convocation à une réunion du conseil de gérance comme suit : « (…) une décision du Conseil de Gérance peut également être prise par voie circulaire et résulter d'un seul ou de plusieurs documents contenant les résolutions et signés par tous les membres du Conseil de Gérance sans exception. ».
Il est manifeste, ainsi que le relève, à juste titre, la CSSF qu’il ne ressort d’aucune pièce ni d’aucun élément du dossier que tous les membres du conseil de gérance en fonction à la date de la décision déférée auraient adopté, par voie de résolution circulaire, une décision en vue de l’introduction d’un recours devant le tribunal de céans à l’encontre de la décision de la CSSF de retrait de la société de gestion de la liste officielle des sociétés de gestion agréées, étant précisé que le mandat d’ester en justice n’est pas un acte qui relève de la gestion journalière de l’organe représentatif d’une société commerciale, de sorte qu’il doit faire l’objet d’une autorisation spéciale, s’agissant de circonstances de nature à avoir des répercussions tant financières que tenant à la réputation de la société.
Il ressort de ce qui précède que le conseil de gérance de la société de gestion, dont il est l’organe représentatif, n’a été ni convoqué ni n’a adopté de décision par la voie de la résolution circulaire suivant les règles statutaires en vue de mandater le litismandataire pour introduire le présent recours, de sorte que la présomption attachée à la régularité de la décision a été valablement renversée par la CSSF.
Il s’ensuit que la société de gestion n’avait pas de pouvoir à agir en la cause, n’ayant pas été régulièrement habilitée à le faire, étant précisé que la prétendue décision des membres du conseil de gérance, autrement composé, ayant supposément ratifié la décision a posteriori en date du 5 avril 2019 n’a pas vocation ex post à couvrir le vice de procédure interne d’adoption de la décision d’introduire le présent recours, étant donné que, tel que le souligne à juste titre la CSSF, ledit nouveau conseil de gérance n’a pas été valablement composé pour décider sur ladite ratification, alors que l’article 12 des statuts de la demanderesse exige que « [l]e ou les gérants sont désignés, révoqués et remplacés par l'assemblée des associés, sur résolution adoptée à l'unanimité des associés », ce qui, au vu des éléments du dossier n’a pas été le cas, étant relevé qu’il n’est pas contesté qu’au moment de la révocation de Monsieur … et la nomination de Madame … en son remplacement, Monsieur … a toujours été associé de la partie demanderesse sans pour autant avoir donné son aval au changement de la composition du conseil de gérance.
Partant, le recours est irrecevable.
Au vu de l’issue du litige, il y a lieu de rejeter la demande en obtention d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.500 euros.
15 Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
déclare le recours irrecevable, partant le rejette ;
rejette la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.500 euros formulée par la partie demanderesse ;
condamne la demanderesse aux frais et dépens.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Anne Gosset, premier juge, Olivier Poos, premier juge, et lu à l’audience publique du 29 septembre 2020 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 30 septembre 2020 Le greffier du tribunal administratif 16