Tribunal administratif Numéro 41073 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 avril 2018 4e chambre Audience publique du 29 septembre 2020 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 41073 du rôle et déposée le 25 avril 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Rabah Larbi, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom et pour le compte de Monsieur …, avocat à la Cour, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d'une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 25 janvier 2018, rendue sur recours hiérarchique ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre Biel, demeurant à Luxembourg, du 25 mai 2018, portant signification de la requête introductive d’instance à l’Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg, représenté par son bâtonnier actuellement en fonction sinon son Conseil de l’ordre actuellement en fonction, établi et ayant son siège à L-2510 Luxembourg, 45, Allée Scheffer ;
Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 juin 2018 par laquelle la société anonyme Elvinger Hoss Prussen SA, établie et ayant son siège social à L-1340 Luxembourg, 2 Place Winston Churchill, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 209469, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, représentée par Maître Philippe Hoss, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déclare avoir mandat d’occuper et se constituer pour l’Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 juillet 2018 ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 octobre 2018 par la société anonyme Elvinger Hoss Prussen, préqualifiée, représentée par Maître Philippe Hoss, préqualifié, agissant pour le compte de son mandant ;
Vu l’avis du tribunal du 13 mars 2019 invitant les parties à prendre position sur la question soulevée dans ledit avis dans le cadre d’un mémoire supplémentaire à déposer selon un calendrier y fixé ;
1 Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 avril 2019 par Maître Rabah Larbi, préqualifié, agissant pour le compte de son mandant ledit mémoire ayant été notifié par acte d’avocat à avocat du même jour au litismandataire de la partie tierce intervenante ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 mai 2019 par la société anonyme Elvinger Hoss Prussen, préqualifiée, représentée par Maître Philippe Hoss, préqualifié, agissant pour le compte de son mandant ;
Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 28 juin 2019 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Rabah Larbi, préqualifié, et Maître Philippe Hoss, préqualifié, et Monsieur le délégué du gouvernement Sandro Laruccia en leurs plaidoiries respectives.
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Par courrier daté du 12 juillet 2016, le préposé du bureau d'imposition Luxembourg 2 de l'Administration des Contributions Directes, ci-après désigné par « le préposé », adressa à l'attention de Monsieur … une demande de renseignements rédigée en ces termes :
« Suite aux publications dans la presse locale et internationale concernant l'affaire dite « Panama Papers » relative à une base de données du cabinet d'avocats panaméen Mossack Fonseca, votre nom figurait parmi ceux qui ont été cités en tant qu'intermédiaire sur le site internet du consortium international des journalistes (https://offshoreleaks.icij.org/).
Compte tenu de ce qui précède et conformément aux §§ 175 et 201 (1) AO, le bureau d'imposition Luxembourg 2 vous prie de bien vouloir fournir les renseignements suivants pour le 12.08.2016 au plus tard :
- identification des sociétés créées après le 01.01.2006 par votre concours en ayant recours au cabinet d'avocats Mossack Fonseca ou une de ses sociétés partenaires ;
respectivement des sociétés créées avant cette date et actives au 01.01.2006 ;
- identification des bénéficiaires économiques ultimes de ces sociétés créées si ceux-ci sont des résidents ou des non-résidents ayant des implications pour l'imposition au Luxembourg ;
- nature des prestations effectuées ;
- date d'ouverture des transactions avec pièces à l’appui ;
- en cas de clôture des transactions, la date de clôture avec pièces à l'appui ;
- identification des personnes qui ont été (sont) habilitée(s) à effectuer ces transactions avec pièces à l'appui (…) ».
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Par courrier daté du 28 juillet 2016, le bâtonnier de l'Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg, ci-après dénommés le « Bâtonnier » et l’« Ordre des Avocats », adressa un courrier au directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé « le directeur », dans lequel il l’informa intervenir suite à sa saisine par plusieurs de ses confrères auxquels un courrier identique à celui adressé à Maître … fut envoyé. En substance, il lui fit part de ses observations quant à la démarche de l’administration des Contributions directes qu’il qualifia de « fishing expedition » et rappela les devoirs de l’avocat quant au respect du secret professionnel dont le caractère serait impératif et contraignant, de sorte à en conclure qu’un avocat ne saurait réserver de suite à la demande de l’administration des Contributions directes sous peine d’engager sa responsabilité pénale, civile et disciplinaire, invitant partant les confrères concernés à ne pas réserver de suite à ladite demande.
Par courrier daté du 28 septembre 2016, le Bâtonnier adressa un courrier au directeur en réponse au courrier précité du 7 septembre 2016, aux termes duquel il exposa la position de l'Ordre des Avocats au regard de divers éléments de fond, tenant à la compétence territoriale, à la substance du secret professionnel au regard de la loi et de la jurisprudence et à l’interdiction de procéder à des opérations connues sous le nom « fishing expedition », en concluant qu’« [a]u regard de ce qui précède, nous estimons que même si selon vous, le § 201 (1) AO autoriserait la « Erforschung unbekannter Steuerfälle », il n'en reste pas moins que la manière dont l'ACD procède à l'égard des avocats manque de toute base légale et jurisprudentielle. Aussi, je vous demande de reconsidérer la demande de l'ACD à l'égard des avocats dans le contexte de l'affaire dite « Panama Papers ». Enfin, le Bâtonnier invita le directeur à informer les avocats destinataires d’une demande d’injonction que ladite demande serait une décision qui les obligerait à répondre et qui serait susceptible d'un recours.
Par courrier daté du 10 avril 2017, le préposé constata que la demande de renseignements n'avait pas été suivie d'effet, et déclara « qu'à défaut de réception des informations et documents précités jusqu'au plus tard le 10/05/2017 », il se verrait dans l'obligation d'infliger à Monsieur … une astreinte de 1.200 euros en vertu du paragraphe 202 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO ».
En réponse à ladite sommation-astreinte, Monsieur … introduisit par un courrier daté du 28 avril 2017, parvenu à la direction de l’administration des Contributions directes le 2 mai 2017, un recours hiérarchique à l'encontre de cette décision.
En date du 25 janvier 2018, le directeur adopta la décision à l’encontre de Maître …, laquelle est rédigée dans les termes suivants :
« Le directeur des contributions, Vu la requête introduite le 2 mai 2017 par Me …, demeurant à L-…, tendant à l'annulation d'une décision du bureau d'imposition du 22 mars 2017 portant sommation de fournir divers renseignements, informations et documents pour au plus tard le 24 avril 2017, sous peine d'une astreinte de 1.200 euros ;
Vu le dossier fiscal ;
3 Considérant que par écrit du 12 juillet 2016, le recourant a été invité par le bureau d'imposition à fournir « (…) les renseignements suivants pour le 12.08.2016 au plus tard :
- identification des sociétés créées après le 01.01.2006 par votre concours en ayant recours au cabinet d'avocats Mossack Fonseca ou une de ses sociétés partenaires ;
respectivement des sociétés créées avant cette date et actives au 01.01.2006 ;
- identification des bénéficiaires économiques ultimes de ces sociétés créées si ceux-ci sont des résidents ou des non-résidents ayant des implications pour l'imposition au Luxembourg ;
- nature des prestations effectuées ;
- date d'ouverture des transactions avec pièces à l'appui ;
- en cas de clôture des transactions, la date de clôture avec pièces à l'appui ;
- identification des personnes qui ont été (sont) habilitée(s) à effectuer ces transactions avec pièces à l'appui. » ;
Considérant que ce mandement étant resté infructueux pour avoir été frondé quant à sa pertinence, le bureau d'imposition, autorisé par le § 202 de la loi générale des impôts (AO) à prononcer des astreintes pour amener les contribuables récalcitrants à s'acquitter de leurs obligations, a averti le recourant, après rappel en date du 12 janvier 2017 ayant reporté la date butoir au 31 janvier 2017, par une sommation du 22 mars 2017 - déjà le second report de la date limite - que le non-respect du nouveau délai fixé au 24 avril 2017 entraînerait la fixation d'une astreinte de 1.200 euros ;
Considérant qu'en vertu du § 237 AO la voie de recours contre de telles décisions est le recours hiérarchique formel du § 303 AO (Beschwerde), alors qu'en l'espèce le recours contre la sommation-
astreinte datant du 22 mars 2017 a été introduit par qui de droit dans les forme et délai de la loi, de sorte qu'il est recevable ;
Considérant, en ce qui concerne le fond de l'affaire, qu'il n'est pas litigieux que la recourante, exerçant la profession d'avocat au sens de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat, est soumise par le biais de l'article 35, alinéa 1er de la dite loi sur la profession d'avocat à l'article 458 du Code pénal ; que l'article 458 du Code pénal instaure le secret professionnel auquel sont soumises différentes professions et consigne notamment que les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu'on leur confie, qui, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice et celui où ils sont obligés par la loi à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de 500 euros à 5.000 euros ;
4 que force est néanmoins de noter que l'article 35-1 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat instaure une exception à la règle générale telle que prévue par les articles 458 du Code pénal et 35, alinéa 1er de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat, à savoir que « Nonobstant les dispositions de l'article précédent et sous réserve de l'article 2 de la loi du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme, l'avocat est soumis aux obligations professionnelles suivantes telles que définies par cette loi :
- les obligations de vigilance à l'égard de la clientèle conformément aux articles 3, 3-1, 3-2, 3-3 et 7 de cette loi, - les obligations d'organisation interne adéquate conformément à l'article 4 de cette loi et - les obligations de coopération avec les autorités conformément aux articles 5 et 7 de cette loi. » ;
que l'article 35-1 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat dévie ainsi clairement du principe général du recours à des sanctions pénales en cas de non respect du secret professionnel ; que c'est donc à tort que le recourant estime ne pas être tenue, sous cet angle, de coopérer avec l'administration ;
Considérant encore qu'en ce qui concerne le risque d'engager sa responsabilité pénale du chef des infractions de recel, sinon de blanchiment, argument couramment utilisé afin de justifier le refus de coopération avec le bureau d'imposition et avec l'administration en général, que c'est précisément l'hypothèse inverse qui s'avère le cas, étant donné que la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme s'applique à la profession de l'avocat (article 2, n° 12), de sorte à l'astreindre, sous réserve bien évidemment des dispositions particulières de l'article 7, à coopérer avec les différentes autorités (article 5 (« L'obligation de coopérer avec les autorités ») et article 7 (« Dispositions particulières applicables aux avocats ») ; qu'il s'avère par ailleurs nécessaire dans ce contexte de distinguer entre les activités dites « normales » qu'entraîne la profession d'avocat et les activités rentrant dans le domaine des « avocats d'affaires » ; que le secret professionnel des avocats ne doit pas être étendu aux activités relevant du domaine des « avocats d'affaires », étant donné que ces activités ne sont pas visées par le cadre classique de la protection offerte par la loi ;
que la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme distingue en effet clairement entre les activités dites « normales » et les activités rentrant dans le domaine des « avocats d'affaires », en ce qu'elle dispose à travers son article 2, n° 12, qui définit le champ d'application auquel le Titre I s'applique, que sont notamment (et 5 uniquement) visés « les avocats au sens de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat, lorsqu'ils :
a) assistent leur client dans la préparation ou la réalisation de transactions concernant :
I.
l'achat et la vente de biens immeubles ou d'entreprises commerciales, II.
la gestion de fonds, de titres ou d'autres actifs, appartenant au client, III.
l'ouverture ou la gestion de comptes bancaires ou d'épargne ou de portefeuilles, IV.
l'organisation des apports nécessaires à la constitution, à la gestion ou à la direction de sociétés, V.
la constitution, la domiciliation, la gestion ou la direction de fiducies, de sociétés ou de structures similaires, b) ou agissent au nom de leur client et pour le compte de celui-ci dans toute transaction financière ou immobilière » ;
Considérant que la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme fait ainsi l'impasse sur toutes les activités « normales » qui font partie intégrante de la profession d'avocat ; qu'une différence existe néanmoins entre les avocats et l'ensemble des autres acteurs visés par la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme, à savoir que suivant l'article 7, § 2 de la dite loi les avocats sont tenus, au lieu de s'adresser directement au procureur d'Etat auprès du tribunal d'arrondissement de Luxembourg, de s'adresser en priorité au bâtonnier de l'Ordre des Avocats au tableau duquel l'avocat déclarant est inscrit afin de déclarer tous les faits visés à l'article 5, § 1, point a); qu'il s'agit là de tout fait qui pourrait être l'indice d'un blanchiment ou d'un financement du terrorisme, notamment en raison de la personne concernée, de son évolution, de l'origine des avoirs, de la nature, de la finalité ou des modalités de l'opération ; que dans ce cas le bâtonnier de l'Ordre des Avocats procède à la vérification du respect des conditions prévues au paragraphe précédent (article 7, § 1er) et à l'article 2 point 12, alors que dans l'affirmative, il se voit contraint — la loi l'obligeant — de transmettre les informations reçues au procureur d'Etat du tribunal d'arrondissement de Luxembourg ;
Considérant qu'en l'espèce, étant donné que le recourant semble refuser de manière catégorique toute collaboration avec les autorités en se basant sur des arguments vides et non convaincants qui, face aux constatations ci-dessus, ne tiennent pas la route, il semble fort probable qu'elle n'avait, soit, tout simplement pas connaissance de la situation juridique dans laquelle elle se trouve, ce qui laisse présumer qu'elle n'a jamais déclaré quoi que ce soit au bâtonnier, même si elle aurait dû le faire, soit se trouve-t-elle en parfaite connaissance de cause, mais dans ce cas, pourquoi cherche-t-elle avec une telle fermeté à cacher ou à masquer ses affaires ; que vaille que vaille, la loi ne prévoyant pas de différence entre les omissions intentionnelles et non intentionnelles en ce qui concerne cette sorte de déclarations obligatoires, il y a tout simplement lieu de noter, à titre purement indicatif 6 bien entendu, que la sanction du non respect de ces dispositions est ancrée dans l'article 9 de la modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme qui consigne que « sont punis d'une amende de 1.250 euros à 125.000 euros ceux qui ont contrevenu sciemment aux dispositions des articles 3 à 8 de la présente loi » ;
qu'en ce qui concerne par ailleurs le Règlement Intérieur de l'Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg du 9 janvier 2013 introduit sur base de la loi du 10 août 1991 sur la profession d'avocat, notons, étant donné que le Conseil de l'ordre (Section II. — Le Conseil de l'ordre ;
articles 16 à 19 de la loi de 1991 sur la profession d'avocat), « est chargé (article 17) :
- de veiller à la sauvegarde de l'honneur de l'Ordre, de maintenir les principes de dignité, de probité et de délicatesse qui forment la base de la profession d'avocat et les usages du barreau qui les consacrent, - de veiller à l'observation des règles édictées selon l'article 19, de déférer au Conseil disciplinaire et administratif les auteurs des infractions et des manquements, sans préjudice de l'action des tribunaux et du ministère public, s'il y a lieu, - de veiller au respect par les membres de l'ordre de leurs obligations découlant de la législation en matière de lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme », qu'il serait, le cas échéant, fort surprenant, voire même diffamatoire de prétendre que le Règlement Intérieur de l'Ordre, élaboré justement par le Conseil de l'ordre dont le Bâtonnier lui-même, aurait tendance à tolérer sinon même à occulter, s'il y a lieu, les agissements ou tripatouillages d'un éventuel mouton noir, s'il devait en exister parmi les avocats, alors que le règlement d'ordre intérieur a justement vocation à fixer les règles professionnelles relatives à, entre autres (cf. article 19 de la loi modifiée de 1991 sur la profession d'avocat) :
« la déontologie entre avocats et à l'égard des clients et des tiers ;
au secret professionnel ;
aux obligations professionnelles découlant de la législation en matière de lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme ainsi qu'aux procédures de contrôle, notamment de contrôle sur place auprès des membres de l'ordre » ;
que le Conseil de l'ordre, en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, est par ailleurs investi des pouvoirs suivants (article 30-1 de la loi modifiée de 1991 sur la profession d'avocat) :
- « de procéder à des contrôles sur place auprès des membres de l'ordre ;
7 de requérir toutes informations qu'il juge nécessaires auprès des membres de l'ordre en vue du contrôle du respect de leurs obligations professionnelles découlant de la législation en matière de de lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme », alors qu'en cas de non-respect des obligations professionnelles découlant de la législation en matière de lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme ou en cas d'obstacle à l'exercice des pouvoirs du Conseil de l'ordre définis au 1er alinéa du présent article, les sanctions visées à l'article 27 sont applicables, à l'exception de l'amende visée à l'article 27, § 1, point 2bis), tandis que le maximum de l'amende visée à l'article 27, § 1, point 3) est porté à 250.000 euros (en lieu et place de montants allant de 500 euros à 20.000 euros) ce qui est largement plus que le décuple du montant initial maximal, tentative qu'il faut comprendre dans le sens qu'il est vraiment crucial dans ce cadre d'attaquer le mal à la racine ;
Considérant de surcroît que la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme retient avec insistance que les professionnels qu'elle vise, tels les avocats, ont non seulement l'obligation de connaître à fond leurs clients (article 3), mais également l'obligation de disposer d'une organisation interne adéquate (article 4) afin de prévenir et d'empêcher la réalisation d'opérations liées au blanchiment ou au financement du terrorisme ; qu'étant dès lors contraint par la loi de connaître particulièrement bien ses clients, le recourant devrait être aisément en mesure de faire un tri entre les clients qui sont concernés par la problématique de l'espèce, et ceux qui ne le sont justement pas ; que son refus de coopération semble donc derechef dû à bien d'autres motifs que ceux évoqués ;
Considérant encore qu'en ce qui concerne les permissions et restrictions que confère dans la problématique évoquée la loi générale des impôts à l'Administration des contributions directes et aux contribuables en général, qu'il s'agit en l'espèce, en sus du § 201, alinéa 1er AO, des §§ 175, 176, 177 et 178bis AO qui du moins en partie jouent un rôle ou ont une incidence ;
qu'en effet le § 175, alinéa 1er AO retient, sauf exceptions et en tant que grand principe de base, que « auch wer nicht als Steuerpflichtiger beteiligt ist, hat mit Ausnahme der als nahe Angehörige bezeichneten Personen (§ 10 Steueranpassungsgesetz) dem Finanzamt über Tatsachen Auskunft zu erteilen, die für die Ausübung der Steueraufsicht oder einem Steuerermittlungsverfahren für die Feststellung von Steueransprüchen von Bedeutung sind. Die Auskunft ist wahrheitsgemäß nach bestem Wissen und Gewissen zu erteilen. Wer nicht aus dem Gedächtnis Auskunft geben kann, hat Schriftstücke und Geschäfts-Bücher, die ihm zur Verfügung stehen, einzusehen und, soweit nötig, Aufzeichnungen daraus zu entnehmen. Die Auskunft ist nach Form und Inhalt so zu erteilen, wie es das Finanzamt nach den Gesetzen und 8 Ausführungsbestimmungen vorschreibt. » ; que le texte de loi s'avérant parfaitement clair et intelligible, il y a dès lors lieu de déterminer quelles sont, s'il y en a, les exceptions prévues au § 175, alinéa 1er AO ; qu'en d'autres termes, qui sont les acteurs qui de manière explicite ne sont pas tenus de coopérer avec les autorités fiscales et sous quelles conditions ;
Considérant que le § 176 AO retient que « In den Fällen des § 175 kann der Befragte die Auskunft auf Fragen verweigern, deren Beantwortung ihm selbst oder einem Angehörigen die Gefahr einer Strafverfolgung zuziehen würde » ; que le § 176 AO prévoit donc de ux cas différents où le contribuable à qui s'adresse l'administration des contributions afin de recueillir des informations au sujet d'un tiers se voit permis (mais non expressément contraint = cf. « kann ») de refuser la coopération — toujours dans l'hypothèse où il y a risque de sanctions pénales, bien entendu —, à savoir d'un côté le cas où interviennent les «Angehörige» au sens du § 10 de la loi d'adaptation fiscale (« StAnpG »), cas qui ne saura tout de même se réaliser en l'espèce, étant donné qu'on se retrouve exclusivement face à un problème de création de sociétés, et de l'autre côté le cas où la recourante pourrait se rendre elle-même coupable au sens des lois et sanctions pénales, hypothèse qui est d'ailleurs également à écarter vu qu'elle doit de toute façon rendre attentives les autorités au moindre inconvénient qui pourrait se présenter à ce titre vu les contraintes lui infligées par la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme ;
Considérant que le dernier point restant à être analysé concerne les §§ 177 et 178bis AO ayant trait l'un comme l'autre à divers secrets professionnels, conciliant et reliant ainsi d'autres législations aux dispositions et modalités du droit fiscal ; que le § 177, alinéa 1er AO, quant à lui, dispose que « Die Auskunft können ferner verweigern :
1. Verteidiger und Rechtsanwälte, soweit sie in Strafsachen tätig gewesen sind, 2. Ärzte über das, was ihnen bei Ausübung ihres Berufs anvertraut ist, 3. Rechtsanwälte über das, was ihnen bei Ausübung ihres Berufs anvertraut ist, 4. die Gehilfen der zu 1 bis 3 bezeichneten Personen hinsichtlich der Tatsachen, die sie in dieser ihrer Eigenschaft erfahren haben. » ;
que les catégories des « Ärzte » et des « Gehilfen der zu 1 bis 3 bezeichneten Personen » étant d'office à écarter, le recourant rangeant dans celle des « Rechtsanwälte », au sens de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat, il reste à analyser si le § 177 AO lui saurait être applicable ;
qu'il échet dans ce contexte de bien garder en mémoire les développements ci-dessus, où il avait été question de la subdivision des activités des avocats en activités dites « normales » et celles relevant de manière immédiate du domaine d'activité des « avocats d'affaires » originaires de manière inhérente de 9 l'article 2, n° 12 de la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme ;
qu'à titre de bref rappel, les avocats au sens de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat, « lorsqu'ils a) assistent leur client dans la préparation ou la réalisation de transactions concernant : i) l'achat et la vente de biens immeubles ou d'entreprises commerciales, ii) la gestion de fonds, de titres ou d'autres actifs, appartenant au client, iii) l'ouverture ou la gestion de comptes bancaires ou d'épargne ou de portefeuilles, iv) l'organisation des apports nécessaires à la constitution, à la gestion ou à la direction de sociétés, v) la constitution, la domiciliation, la gestion ou la direction de fiducies, de sociétés ou de structures similaires, b) ou agissent au nom de leur client et pour le compte de celui-ci dans toute transaction financière ou immobilière » (article 2, n° 12 de la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme) sont d'office et de par la loi contraints de révéler tout inconvénient qu'ils détectent dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions (cf. article 9 de la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme) ; que les dispositions contenues dans le § 177 AO qui visent les avocats et qui, autrefois et préalablement aux développements législatifs récents, étaient parfaitement légitimes, s'avèrent désormais vains pour cause d'obsolescence et dès lors d'inefficacité ;
Considérant encore que le § 178bis AO qui consigne qu' « aucun renseignement aux fins de l'imposition du contribuable ne peut être demandé 1. aux établissements de crédit ;
2. aux autres professionnels du secteur financier ;
3. aux sociétés de participations financières au sens de la loi du 31 juillet 1929 (…) ;
4. aux organismes de placement collectif ;
5. aux sociétés de gestion de patrimoine familial (SPF). », ne vise sous sa catégorie des « autres professionnels du secteur financier » (2.) pas automatiquement tous les avocats au sens de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat, même s'ils sont d'une manière générale visés par la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme, dans la mesure où ils s'adonnent à des activités relevant du domaine des « avocats d'affaires » ; que la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier dispose notamment en sa Partie I (« L'accès aux activités professionnelles du secteur financier »), Chapitre 2 (« L'agrément des PSF »), Section 1 (« Dispositions générales »), article 14 (« La nécessité d'un agrément »), alinéa 1er que « Nul ne peut avoir comme occupation ou activité habituelle à titre professionnel une activité du secteur financier ni une activité connexe ou complémentaire à une activité du secteur financier visée à la sous-section 3 de la section 2 du présent 10 chapitre sans être en possession d'un agrément écrit du Ministre ayant dans ses attributions la CSSF » ;
que l'alinéa 2 de l'article 14 de la loi précitée s'y juxtapose en spécifiant que « Nul ne peut être agréé à exercer une activité professionnelle du secteur financier soit sous le couvert d'une autre personne soit comme personne interposée pour l'exercice de cette activité », alors que l'article 13 de la même loi définit les personnes visées par les dispositions citées en retenant que « Le présent chapitre s'applique à toute personne physique établie à titre professionnel au Luxembourg ainsi qu'à toute personne morale de droit luxembourgeois dont l'occupation ou l'activité habituelle consiste à exercer à titre professionnel une activité du secteur financier ou une des activités connexes ou complémentaires visées à la sous-section 3 de la section 2 du présent chapitre » ;
qu'il s'en dégage que le recourant qui ne se trouve justement pas en possession d'un agrément au sens de l'article 14, alinéa 1er de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier, tel qu'il est requis de manière impérative et explicite afin de qualifier une personne de professionnel du secteur financier, autorisé à s'adonner à toutes sortes d'activités professionnelles couvertes par le dit agrément (cf. article 15, n° 2 de la loi modifiée relative au secteur financier : «Lorsque l'agrément est accordé, le PSF peut immédiatement commencer son activité »), ne saurait être considérée comme tombant sous les dispositions du numéro 2 du § 178bis AO, celles-ci ne lui étant aucunement applicables ; que le § 178bis AO ne peut donc pas être invoqué par tout contribuable, avocat au sens de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat ou non, afin de refuser de communiquer des informations et données au bureau d'imposition que ce dernier lui a explicitement réclamées, sauf s'il se trouve en possession d'un agrément écrit du Ministre ayant dans ses attributions la CSSF ;
Considérant encore et afin d'écarter d'office toute discussion quant à une éventuelle allégation tendant à vouloir faire grief à l'Administration des contributions de procéder à une prétendue pêche aux renseignements (« fishing expedition »), qu'il ne s'agit en l'espèce aucunement d'une telle que l'administration est en train de lancer (i.e. d'une demande qui repose sur des indices largement flous et peu transparents), mais bien au contraire d'une demande tout à fait concrète qui ne vise que ceux des clients de le recourant qui sont manifestement concernés et impliqués dans la présente affaire ; que le recourant étant obligée de connaître parfaitement bien ses clients, elle devrait être à même de fournir sans le moindre souci toutes les informations sollicitées ; que les jurisprudences existant à l'heure actuelle qui visent la problématique des pêches aux renseignements se réfèrent par ailleurs toutes à des cas d'entraide administrative internationale se basant sur des demandes de renseignements de nature purement spéculative qui n'apparaissent pas avoir de liens apparents avec une enquête ou des investigations en cours, ce qui n'est décidément pas le cas en l'espèce ;
Considérant que bien au contraire, il ne s'agit en l'occurrence, primo, non pas d'un cas d'entraide administrative, mais tout au plus et le cas échéant seulement dans une seconde phase d'un 11 échange de renseignements entre des Etats lésés qui se voient concernés par la même problématique, secundo, les informations demandées ne sont pas de nature purement spéculative mais se fondent sur des éléments et modalités tout à fait concrets car partiellement connus, tertio, les investigations et enquêtes venant tout juste de débuter avec les écrits et missives adressés de la part du bureau d'imposition à le recourant, on ne saurait en l'occurrence disjoindre les deux choses, étant donné que la demande du bureau d'imposition va de pair, pour ne pas dire est synonyme de l'enquête et des investigations menées ; que la problématique de l'espèce diverge donc sensiblement de celles des jurisprudences actuelles en matière de pêches aux renseignements ;
Considérant que s'y ajoute que la loi générale des impôts, d'une manière tout à fait générale et à travers son § 201, alinéa 1er notamment, vise à faire barrage à toutes sortes de détournements et à l'évasion fiscale en général ; que le § 201, alinéa 1er AO ayant la teneur suivante : « Die Finanzämter haben darüber zu wachen, ob durch Steuerflucht oder in sonstiger Weise zu Unrecht Steuereinnahmen verkürzt werden », il devient évident que les lois fiscales ne se heurtent aucunement à une quelconque question de territorialité ; que force est de noter qu'il ne s'agit en l'espèce même pas d'une question de territorialité, étant donné que les flux monétaires, i.e. les capitaux en provenance du Panama vers les bénéficiaires économiques ultimes résidant au Grand-Duché de Luxembourg, ont dans la majorité des cas et dans une première étape été générés par des sociétés luxembourgeoises, à la suite de quoi ils sont, dans le meilleur des cas, transférés au Panama à l'aide de factures émises par des sociétés panaméennes afférentes à des contre-prestations pour le moins discutables, douteuses ou même inexistantes, soit ils ne sont, dans le pire des cas, pas déclarés du tout au Luxembourg lors de leur réalisation — ce qui en soi constitue déjà une fraude — , pour être recueillis par après par des bénéficiaires économiques résidents ;
qu'en d'autres termes, les capitaux générés dans un premier temps au Luxembourg échappent de la sorte à l'imposition au niveau de la société luxembourgeoise qui les a réalisés, pour après être récoltés de manière non retraçable et donc à nouveau non imposable par le bénéficiaire économique ultime à partir de sa société panaméenne spécialement et uniquement créée à cette fin ; qu'il s'agit donc du Grand-Duché de Luxembourg qui, avant toutes choses et parmi un bon nombre d'autres Etats à pareil sort, se voit lésé par les tripatouillages mis en lumière dans le cadre de l'affaire Panama Papers, alors qu'aucune prétendue question de territorialité ne saura servir de justification afin d'échapper aux devoirs de coopération qu'instaure la loi générale des impôts ;
Considérant d'une manière tout à fait générale qu'une personne telle le recourant, tombant tant sous les dispositions de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat que sous celles — ce qui pèse le plus — de la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et 12 contre le financement du terrorisme, se doit impérativement et sous peine de se voir infliger des astreintes et sanctions tant administratives que pénales de coopérer avec les autorités, de sa propre initiative mais également sur initiative de l'autorité compétente, si elle se retrouve face à un éventuel cas d'évasion fiscale au sens du § 201, alinéa 1er AO ; qu'admettre le contraire équivaudrait à laisser carte blanche aux fraudeurs et à l'escroquerie fiscale en général, voire même les encourager ou leur venir en aide, ce qui ne peut tout de même être le but recherché par un législateur qui, en mettant sur pied des lois telle celle du 12 novembre 2004 contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme, ou encore celle du 18 décembre 2015 concernant l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers en matière fiscale, pour n'en citer que deux, tend justement de mettre un terme à de tels agissements ;
Considérant précisément dans cet ordre d'idées qu'il ne s'agit non seulement de la loi générale des impôts qui tend à combattre toutes sortes de fraudes fiscales et le détournement d'impôt en général, les §§ 175 et 201 AO n'ayant jamais été abrogés et se trouvant toujours en vigueur à l'heure actuelle, mais que furent très récemment élaborées pleines de mesures visant à combattre l'évasion fiscale, de sorte qu'on ne saurait nier que l'esprit du temps tend actuellement clairement et plus que jamais à lutter vigoureusement contre la fraude et l'évasion fiscales, comme le démontrent sans équivoque les multiples initiatives politiques récentes qui sont destinées à rendre davantage transparent l'ensemble des transactions financières effectuées entre les différents acteurs concernés par la matière, initiatives qui ont abouti à l'élaboration et à la mise sur pied d'une panoplie de nouvelles lois dont le but est clairement la lutte contre toutes sortes de détournements de revenus et de fonds (p. ex. et entre autres :
1) Loi du 18 décembre 2015 concernant l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers en matière fiscale et portant 1. transposition de la directive 2014/107/UE du Conseil du 9 décembre 2014 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal 2. modification de la loi modifiée du 29 mars 2013 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (Mém.
A, n° 244 du 24 décembre 2015, p. 5968), 2) Loi du 18 décembre 2015 concernant le budget des recettes et des dépenses de l'Etat pour l'exercice 2016 (Mémorial A, n° 242 du 23 décembre 2015, p. 5387), portant entre autres introduction dans la loi générale des impôts du § 489 ayant trait à la régularisation fiscale temporaire, 3) Loi du 23 décembre 2016 portant transposition de la directive (UE) 2016/881 du Conseil du 25 mai 2016 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal et concernant les règles de déclaration pays par pays pour les groupes d'entreprises multinationales, 13 page 5920 (Mém. A, n° 280 du 27 décembre 2016, p. 5920), 4) Loi du 23 juillet 2016 portant transposition de la directive (UE) 2015/2376 du Conseil du 8 décembre 2015 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal et portant modification de la loi modifiée du 29 mars 2013 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (Mém. A, n° 139 du 28 juillet 2016, p. 2365), 5) nombreuses conventions concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale et leurs Protocoles d'amendement) ;
qu'on ne saurait dès lors oser prétendre que les §§ 175 et 201 AO seraient devenus désuets ou caducs, alors qu'il n'en est rien ;
Considérant in fine qu'il résulte de l'instruction du dossier fiscal que les informations requises font toujours défaut à ce jour ; que du fait qu'il est de la nature de l'astreinte de vaincre la résistance des contribuables ou tiers récalcitrants pour les amener à exécuter la décision du bureau d'imposition, et vu que ce dernier n'a nullement outrepassé ses compétences ou agi de manière illicite en s'adressant via sa missive du 12 juillet 2016 à le recourant afin de recueillir les informations requises, il s'avère parfaitement de droit de le confirmer dans ses démarches ;
PAR CES MOTIFS reçoit le recours en la forme, le rejette comme non fondé. ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 avril 2018, Monsieur …, a fait introduire un recours en réformation sinon en annulation à l’encontre de la décision du directeur du 25 janvier 2018.
Le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité en la pure forme du recours.
Le fait pour une partie de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation1.
Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 237 AO et de l’article 8, paragraphe (3) 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions 1 trib. adm. du 27 octobre 2004, n°17634 du rôle, Pas. adm. 2019, V° Procédure contentieuse n°771 14 de l’ordre administratif, ci-après désigné par « la loi du 7 novembre 1996 », le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge de l’annulation sur les recours introduit contre la décision du directeur ayant statué sur les mérites d’un recours hiérarchique formel. Partant, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit par la partie demanderesse contre la décision du directeur du 25 janvier 2018.
A défaut de tout autre moyen d’irrecevabilité, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation introduit par Monsieur … contre la décision du directeur du 25 janvier 2018, qui est recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours et en fait, la partie demanderesse retrace la genèse des circonstances ayant conduit à l’introduction du présent recours avant de reprendre les rétroactes tels qu’exposés ci-avant.
En droit, et tout en se référant à la lettre du Bâtonnier du 28 juillet 2016, elle soutient que l'administration des Contributions directes ne pourrait baser sa décision sur une preuve obtenue déloyalement suite à un vol de documents, ce qui rendrait la preuve illicite. Elle retrace ensuite les limites des pouvoirs de l’administration fiscale telles que définies par la jurisprudence dans le cadre de l’échange de renseignements sur base des conventions fiscales tendant à éviter la double imposition en insistant sur le fait qu’il ne lui serait pas loisible d’aller à la pêche aux informations. Elle critique la démarche de l’administration des Contributions directes qui a sollicité de sa part la fourniture de renseignements qui ne porteraient sur aucun contribuable déterminé et qui serait à qualifier de pêche aux renseignements sans quelconque pertinence vraisemblable. Elle s’en réfère ensuite au courrier du Bâtonnier pour soutenir qu’en raison du secret professionnel prévu le Code pénal et le Règlement intérieur de l'Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg, elle ne saurait être tenue de divulguer les informations qui seraient à sa disposition et pour rappeler que le prescrit du paragraphe 175 AO ne serait pas absolu en raison des exceptions prévues aux paragraphes 176 et 177 AO ainsi que la Cour administrative aurait dégagé dans sa jurisprudence.
La partie gouvernementale reprend tout d’abord les faits et rétroactes de la cause, illustrés par un schéma qui indiquerait les diverses interventions de la partie demanderesse.
En droit, elle développe des considérations générales sur le secret de l’avocat et les dispositions légales y applicables. Elle indique, ensuite, le siège de la matière en droit fiscal.
Ainsi, elle explique que le paragraphe 175 AO confèrerait à l'administration des Contributions directes un pouvoir d'investigation lui permettant de solliciter des informations pertinentes pour les besoins de l'imposition auprès de tiers, à savoir, selon la doctrine allemande « Auskunftspersonen, bedeutet eine sowohl vom Finanzamt wie vom Steuerpflichigen verschiedene Person ». Elle estime que le paragraphe 175 AO laisserait, par les termes utilisés, « entrevoir une extension à des cas d’imposition inconnus, voire de contribuables inconnus », de sorte qu’il établirait au profit de l'administration des Contributions directes un pouvoir d’investigation dans le cadre des compétences et attributions qui lui seraient dévolues, ce qui écarterait le reproche de pêche aux renseignements. Elle reconnaît néanmoins que le paragraphe 177 AO limiterait le pouvoir d’investigation de l’administration fiscale dans le cas du premier alinéa dudit paragraphe, alors que le deuxième alinéa constituerait une dérogation légale au secret professionnel de l'avocat à l’instar de l'article 458 du Code pénal, autorisant ainsi la communication d'informations à l’administration des Contributions directes. En s’emparant 15 d’une jurisprudence de la Cour administrative2 dont elle reconnaît cependant ne pas pouvoir être directement transposable en l’espèce, elle fait valoir que le secret professionnel ne saurait être absolu, mais devrait être tempéré de façon à permettre à l’administration fiscale d’investiguer selon les principes à circonscrire par les juridictions administratives en ayant égard aux principes de proportionnalité, de légalité et d’utilité fixés au paragraphe 2 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, ci-après désignée par « SteuerAnpassungsGesetz » (« StAnpG »).
Elle se livre ensuite à une exégèse de l’essence du secret professionnel de l’avocat tout en rappelant les limites jurisprudentielles suivant lesquelles le secret ne saurait être opposable au pouvoir d’investigation et de saisie du juge d’instruction, notamment quant aux documents relatifs à des activités délictueuses ayant motivé l’ouverture d’une information judiciaire à l’encontre d’un de ses clients, lesquels pourraient être saisis au cours d’une perquisition ainsi qu’aux documents étrangers aux droits de la défense. Elle revient ensuite sur les limites du secret professionnel telles que circonscrites au paragraphe 177 alinéa 2 AO en ayant égard aux principes de légalité, de proportionnalité et d’utilité fixés au paragraphe 2 StAnpG. Elle est d’avis qu’elle aurait fait usage de moyens proportionnés, en sollicitant de la part de la demanderesse les informations dont elle serait « forcément en possession (…) puisqu'elle a[urait] agi en tant qu'intermédiaire » de même qu’elle justifierait l'utilité des informations, en ce qu’elle estime que celles-ci seraient d'une importance certaine pour les besoins de l'imposition. Elle estime ainsi que le paragraphe 177 AO obligerait la demanderesse à fournir à l’administration fiscale les renseignements demandés pour les conseils prodigués ou pour la représentation de ses clients en matière fiscale.
La partie gouvernementale envisage ensuite, en substance, les implications du cas particulier de l’infraction de blanchiment d’argent pour en conclure que les activités couvertes par cette infraction sembleraient se limiter aux cas de gestion d'affaires, exécutées par des avocats d'affaires. Elle rappelle ensuite que les activités des avocats exclues de l’infraction de blanchiment concerneraient les informations reçues d'un de leurs clients ou obtenues sur un de leurs clients lors d'une consultation juridique, lors de l'évaluation de la situation juridique de ce client ou dans l'exercice de leur mission de défense ou de représentation de ce client dans une procédure judiciaire ou concernant une telle procédure, y compris dans le cadre de conseils relatifs à la manière d'engager ou d'éviter une procédure, que ces informations soient reçues ou obtenues avant, pendant ou après cette procédure. A cette occasion, elle cite la position des barreaux français et belge qui feraient prévaloir le secret professionnel à l’encontre des informations dont l'avocat aurait connaissance dans le cadre de l'exercice d'activités inhérentes à sa profession, à savoir l'assistance, la défense d'un client en justice et le conseil juridique à l’exception d’une activité exercée en dehors de sa mission spécifique de défense et de représentation en justice et de celle de conseil qui peuvent être soumises à l'obligation de communication. Elle s’interroge sur la question de savoir qui devrait déterminer cette frontière pour retenir, que cela ne pourrait être ni l'avocat qui serait lui-même juge et partie, ni le Bâtonnier auquel « [i]l ne [serait] pas non plus réaliste de faire appel, à chaque fois (…) pour vérifier ses dires et actions. », de sorte à conclure que « la seule échappatoire possible pour une autorité fiscale d'avoir accès à des informations couvertes par le secret professionnel 2 Cour administrative 1er mars 2012, n°28885C disponible sous www.ja.etat.lu 16 [serait] celle figurant à l'article 458 du code pénal in fine combinée avec le § 177, 2e alinéa de l'AO. Cette seule partie de phrase, à elle seule, pose[rait] une exception efficace au secret professionnel, ce qui devrait permettre d'assurer une correcte application du § 175 AO qui, en substance, s'apparente[rait] à l'article 70 de la loi modifiée du 12 février 1979 concernant la taxe sur la valeur ajoutée. ».
L’Ordre des Avocats, quant à lui, prend d’abord, en substance, position sur les moyens développés par le directeur dans la décision déférée. Il explique qu’aucune distinction ne serait juridiquement faite par la loi du 10 août 1991 en matière de secret professionnel des avocats selon leur domaine d'activité. Quant à la loi du 12 novembre 2004, il expose que celle-ci prévoirait des obligations de signalement aux autorités concernées et de coopération avec elles, tout en établissant un régime particulier pour les avocats qui viserait à assurer le respect du secret professionnel qu’il estime se situer à un niveau hiérarchique supérieur par rapport aux autres secrets professionnels, notamment par rapport à celui des établissements de crédit et des autres professionnels du secteur financier visés au paragraphe 178bis AO, interdisant à l'administration des Contributions directes de solliciter auprès de ces professionnels des informations sur leurs clients. Il insiste sur le fait que l'article 35-1 de la loi du 10 août 1991 ne ferait aucune distinction d'ordre juridique entre le secret professionnel des avocats selon leur domaine d'activité, mais se bornerait à soumettre les avocats mandatés pour certains types de dossier à certaines obligations en application des dispositions de la loi du 12 novembre 2004, notamment des obligations de coopération avec les autorités concernées sans que cela ne soit le cas de l’administration des Contributions directes. Il rappelle qu’une disposition légale qui aurait eu pour objet d’écarter le secret professionnel des avocats en cas de demande de l'administration des Contributions directes, mais n’ayant jamais été introduite en droit positif en raison de son incompatibilité avec les principes juridiques fondamentaux au Luxembourg, ne saurait soudainement devenir applicable au motif que l'environnement politique ou « l'esprit du temps » aurait changé.
Il dresse ensuite un historique du secret professionnel de l’avocat en insistant tout particulièrement sur son caractère d’ordre public en tant que principe essentiel d’un Etat démocratique. En s’appuyant sur l’avis du Conseil d’Etat dans le cadre du projet de règlement grand-ducal n° 33243, il fait ensuite, en substance, valoir que les paragraphes 175 (1) et 177 AO n’auraient jamais été introduits dans l’arsenal juridique luxembourgeois. Il relève que la doctrine la plus autorisée estimerait que les avocats ne seraient pas tenus de répondre aux demandes de l’administration fiscale concernant les informations qu'ils auraient obtenues dans le cadre de leurs activités professionnelles. Il est d’avis que l’administration des Contributions directes reconnaîtrait, conformément à la position du Conseil d'Etat qu’un avocat puisse lui opposer son secret professionnel, ce qui ne pourrait se concevoir que si le paragraphe 177 (2) AO n'a jamais été introduit au Luxembourg, tel que cela ressortirait, selon lui, de l’avis du Conseil d’Etat et de la position gouvernementale dans le contexte du projet de règlement grand-
ducal ayant abouti à l’introduction du paragraphe 178bis AO.
Il reproche ensuite à l’administration des Contributions directes de se contredire en affirmant, d’une part, que le paragraphe 177 (2) AO ne ferait pas partie du droit positif luxembourgeois tout en soutenant que ce dernier, suite à certains développements législatifs, 3 précisant le secret bancaire en matière fiscal et délimitant le droit d’investigation des administrations fiscales 17 tel la loi du 12 novembre 2004, ou encore en raison de « l'esprit du temps » qui aurait entraîné l'introduction du 2ème alinéa du paragraphe 177, serait néanmoins resté lettre morte pendant 70 ans, pour finalement sortir subitement ses effets, sans pour autant qu’il ne soit possible d’en retracer la date précise. Il fustige l'absurdité d'un tel raisonnement et fait plaider que les paragraphes 175 et suivants AO, et en particulier, ou à défaut, le paragraphe 177 (2) AO, n'auraient jamais été valablement introduits au Luxembourg.
L’Ordre des Avocats fait ensuite plaider que l’arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944 en ce qu’il a introduit les paragraphes 175 ou 177 AO en droit luxembourgeois serait contraire aux dispositions de l’article 95 de la Constitution, dès lors qu’il dépasserait la délégation prévue par la loi habilitante du 28 septembre 1938. Il cite l'article 2 de cette loi qui autoriserait le gouvernement à « prendre par des règlements d'administration publique les mesures nécessaires pour préserver tant l'ordre économique que la sécurité de l'État et des personnes ».
Si l’Ordre des Avocats admet que des textes visant la définition d'un impôt et la fixation de son assiette et de son taux rentreraient assurément dans le champ d'application de cette habilitation, il estime en revanche que des dispositions dérogeant à des principes relevant d'un ordre juridique supérieur, tel le secret professionnel des avocats, ne pourraient pas être couvertes par les termes généraux de la loi habilitante, comme le soulignerait le Conseil d'Etat dans son avis sur le projet de règlement grand-ducal n° 3324 précisant le secret bancaire en matière fiscale et délimitant le droit d’investigation des administrations fiscales. Il en veut pour preuve que le gouvernement aurait lui-même, à titre de clarification, classé le secret professionnel des établissements de crédit et des autres professionnels du secteur financier au-dessus du pouvoir d'investigation de l'administration des Contributions directes. Il soutient que toute demande de l'administration des Contributions directes adressée à des avocats, basée sur ces textes et, en particulier, la demande de renseignement adressée à la demanderesse relative à des informations couvertes par le secret professionnel, dès lors qu’elles porteraient sur ses clients, devrait être annulée en raison du fait qu’elle trouverait son origine dans un règlement ou arrêté non conforme à la loi habilitante en application des dispositions de l'article 95 de la Constitution.
A titre subsidiaire et pour autant que le tribunal de céans estimerait que les paragraphes 175 et 177 (2) AO auraient été valablement introduits dans le droit luxembourgeois, il est d’avis que le régime établi par ses deux articles serait incompatible avec les principes d’un Etat démocratique en ce sens qu’un avocat qui représenterait son mandant face à l’administration des Contributions directes ne pourrait opposer son secret professionnel aux demandes de l’administration des Contributions directes sauf si sa réponse risquerait d’exposer son client à des risques de poursuite, de sorte que l’avocat qui refuserait de répondre en invoquant son secret professionnel incriminerait automatiquement son mandant, ce qui ne serait pas concevable.
Le juge n’est pas lié par l’ordre dans lequel les moyens sont formulés et dispose de la faculté de les toiser dans un ordre différent, si notamment la logique juridique l’impose.
Il appartient, dès lors, à ce stade, au tribunal de toiser en premier lieu le moyen d’ordre public soulevé par l’Ordre des Avocats tenant à l’illégalité de l’arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944 ayant introduit les paragraphes 175 et 177 de l’AO dans le droit positif en ce que ledit arrêté aurait dépassé la délégation donnée par la loi habilitante du 28 septembre 1938, de sorte à violer l’article 95 de la Constitution étant donné que la décision du préposé du 12 juillet 2016 est basée sur les paragraphes 175 et 201 (1) AO alors que la décision déférée a été adoptée non seulement sur pied des articles 201, 175, mais également sur les articles 176, 177 et 178bis AO.
18 Quant à l’applicabilité générale de l’AO, le tribunal administratif a, dans un jugement du 6 janvier 1999 rappelé4 de manière générale, le prescrit de l’article 1er de l'arrêté grand-ducal précité du 26 octobre 1944 qui dispose comme suit : « par dérogation aux arrêtés grand-ducaux du 22 avril 1941 et du 13 juillet 1944, déterminant l'effet des mesures prises par l’ennemi, toutes les dispositions et mesures prises par 1'ennemi avant le 10 septembre 1944 et relatives aux impôts, taxes, cotisations et droits mentionnés à l'article 2, sont tenues pour valables et continuent à être appliquées à partir du 10 septembre 1944 jusqu'à disposition ultérieure ». Il a également rappelé que son article 2 énumère les impôts validés: « Einkommensteuer, Lohnsteuer, Körperschaftsteuer, Kapitalertragsteuer, Steuerabzug von Aufsichtsratvergütungen, Umsatzsteuer, Vermögensteuer, Gewerbesteuer, Grundsteuer, Kraftfahrzeugsteuer, .. ». Ledit arrêté grand-ducal a ainsi maintenu provisoirement en vigueur les textes d'origine allemande prévisés (cf. trib. adm. 17 novembre 1997, Pas. adm. 2/98, V° Impôts - I) Législation concernant les impôts, n°3, p.98). ». Il a ensuite retenu que l'arrêté grand-
ducal précité du 26 octobre 1944 a été maintenu en vigueur par la loi précitée du 27 février 1946 dont l'article 3 dispose comme suit : « les attributions conférées au Gouvernement par les lois du 28 septembre et 29 août 1939 portant extension de la compétence du pouvoir exécutif prendront fin dès l'entrée en vigueur de la présente loi. Les règlements et arrêtés pris en vertu soit de la présente loi, de l'état de nécessité et des lois précitées resteront en vigueur jusqu'à qu'il en soit autrement disposé ». Il a considéré que l'article 3 a opéré une ratification législative implicite dudit arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944 lui conférant la nature d'une véritable loi5. Il a estimé que la portée de l'article 1er de l'arrêté grand-ducal précité du 26 octobre 1944 se dégagerait des dispositions des arrêtés grand-ducaux des 22 avril 1941 et 13 juillet 1944, déterminant l'effet des mesures prises par « l'ennemi ». Il a retenu que cet article, en instaurant à l'égard des dispositions fiscales y visées une exception au principe de nullité des mesures prises par l'occupant durant la période de 1940 à 1944, prévoit de cette manière le maintien, pour le moins provisoire, de ces textes en droit luxembourgeois et que, faute de dispositions expresses en sens contraire, le maintien ainsi opéré vaudrait à la fois pour la période antérieure à l'arrêté grand-ducal précité du 26 octobre 1944, voire à la loi précitée du 27 février 1946 que pour l'avenir, en attendant le remplacement des textes allemands ainsi visés par des dispositions nouvelles6.
Ainsi, le tribunal relève, que contrairement aux allégations de l’Ordre des Avocats, il n’y a pas lieu de considérer que le tribunal n’aurait pas définitivement tranché la question de la validité de toutes les dispositions et mesures prises par « 1'ennemi » avant le 10 septembre 1944 relatives aux impôts, taxes, cotisations et droits mentionnés à l'article 2 de de l'arrêté grand-
ducal précité du 26 octobre 1944 et aurait établi une distinction entre la validité des textes visant la définition d’un impôt, la fixation de son assiette et de son taux et d’autres textes fixant, par exemple, les principes relevant d’un ordre juridique supérieur tel le secret professionnel.
4 trib. adm. 6 janvier 1999, n° 10599 du rôle, Pas. adm. 2019, V° Impôts, n° 3 5 (cf. C.E., avis du 15 janvier 1946 relatif à la loi de compétence du 27 février 1946, compte-rendu de la chambre des députés, 1945-1946, Annexe, page 95; projet de loi n° 727 portant habilitation pour le Grand-Duc de réglementer certaines matières, rapport de la section centrale, compte-rendu de la chambre des députés, 1958-
1959, page 142; cf. aussi C.E. 4 août 1962, Kieffer, n° 5750 du rôle et trib. adm. 17 novembre 1997, op. cit.).
6 trib. adm. 17 novembre 1997, op. cit., Pas adm. 2019, V° Impôts n° 2 19 Il ressort dès lors manifestement de la jurisprudence du tribunal de céans qu’il n’y a pas lieu de retenir que les paragraphes 175 et 177 (2) AO seraient illégaux pour avoir été introduits par l’arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944 par dépassement de la délégation donnée par la loi habilitante du 28 septembre 1938.
En effet, le tribunal a dégagé, dans le jugement précité, le principe suivant lequel l'article 3 de la loi du 27 février 1946 a opéré une ratification législative de l’arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944 en lui conférant la nature d'une véritable loi, de sorte à avoir nécessairement et implicitement ratifié la validité de tout texte réglementaire adopté par ou en vertu dudit arrêté du 26 octobre 1944 sans qu’il n’y ait lieu de distinguer entre la nature des différentes dispositions adoptées avant le 10 septembre 1944 et relatives aux impôts, taxes, cotisations et droits mentionnés à l'article 2 dudit arrêté grand-ducal, le tribunal ayant définitivement tranché, pour des raisons manifestes de sécurité juridique, la validité de l’arsenal juridique adopté pendant les années d’occupation dans le domaine fiscal sans qu’il n’y ait lieu de rouvrir le débat à l’heure actuelle. Le moyen est partant à rejeter pour manquer de pertinence. Il s’ensuit que les paragraphes 175 et suivants AO sur base desquels la décision déférée a été adoptée font bien partie du droit positif.
Force est de relever que préalablement à la question de savoir si la partie demanderesse en tant qu’avocat pourrait éventuellement exciper de son secret professionnel à l’encontre de la demande de renseignements litigieuse de l’administration des Contributions directes, il s’impose en premier lieu de vérifier la pertinence des bases juridiques invoquées par cette dernière dans sa démarche auprès de lui, en qualité de tiers supposément détenteur d’informations.
Ainsi, dans cet ordre d’idées, le tribunal a invité les parties à prendre position par écrit sur la question limitativement circonscrite dans son avis de savoir si l’auteur de l’acte initial, à savoir le préposé dans sa décision du 12 juillet 2016, était habilité à agir en l’espèce sur pied des bases légales y invoquées, à savoir les paragraphes 175 et 201 AO, étant relevé que le directeur a confirmé dans sa décision la légalité de la démarche du préposé.
En effet, le tribunal s’est interrogé sur une éventuelle incompétence ratione materiae de l’auteur de l’acte en ce compris un détournement ou excès de pouvoir dans l’éventualité où les paragraphes 175 et 201 AO ne lui auraient pas conféré de pouvoir pour solliciter les informations litigieuses.
Etant donné que ladite question n’avait pas été débattue in extenso dans ces termes, le moyen d’incompétence ratione materiae, étant un moyen d’ordre public, et que la question de la légalité de la décision du 12 juillet 2016 est de nature à affecter la légalité de la décision déférée dans la mesure où une décision initiale entachée d’illégalité entraîne ipso facto l’illégalité de la décision confirmatrice, le tribunal a soumis la question sus-visée aux parties pour prise de position.
La partie demanderesse fait valoir que la décision du 12 juillet 2016 serait équivoque étant donné qu'il ne serait pas clair s'il s'agit d'une décision du bureau d'imposition ou de son préposé à titre personnel. Elle fait remarquer qu’aux termes du paragraphe 29 AO, les bureaux d'imposition auraient un rôle de perception, suivant la détermination des impôts des 20 contribuables qui seraient de leur ressort ratione loci ou ratione materiae pour les bureaux spécialisés à certains types de contribuable. Elle soutient qu’il en ressortirait que, ni le bureau d'imposition, ni son préposé à titre personnel n'auraient une mission générale d'investigation financière. Elle en conclut, par conséquent, que l'auteur de la décision du 12 juillet 2016 commettrait un excès sinon un détournement de pouvoir en voulant s'inquiéter de la juste perception de l'impôt dans tout le Grand-Duché de Luxembourg et à l'étranger, tant que ses investigations n’auraient pas de rapport avec l'imposition d'un contribuable, personne morale ou personne physique, de son ressort.
L’Ordre des Avocats réitère ses arguments développés précédemment.
Le délégué du gouvernement insiste tout d’abord sur le fait que la décision déférée serait la décision directoriale adoptée sur recours hiérarchique formel, se substituant à celle du préposé et non cette dernière, de sorte que « ce ne [serait] donc plus la décision du préposé du bureau qui [ferait] définitivement grief à la partie requérante, mais bien la décision directoriale, qui, outre les bases légales des §175 et 201 AO (…) [invoquerait] d’autres bases légales … ».
Après avoir réaffirmé le principe suivant lequel l’arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944 ferait partie intégrante du droit positif, le délégué du gouvernement explique que le paragraphe 175 AO consacrerait le principe du « Auskunftsersuchen », c'est-à-dire du droit de l’administration fiscale de s'adresser à des tiers afin d'obtenir des informations qui seraient susceptibles de se révéler pertinentes pour une imposition, voire pour un contrôle (« Steueraufsicht oder in einem Steuerermittlungsverfahren »), de sorte à se voir conférer un pouvoir d'investigation. Quant au premier des deux cas visés, à savoir celui de la « Ausübung der Steueraufsicht », le délégué du gouvernement cite un auteur de doctrine allemande7 suivant lequel le pouvoir d'investigation de l'administration des Contributions directes s'étendrait également à la révélation de cas d'imposition inconnus, voire de contribuables inconnus, de sorte qu’il écarte le reproche d'une « pêche aux informations », au motif que l’administration fiscale agirait dans le cadre de ses attributions légales, sous réserve des exceptions prévues par le paragraphe 177 AO qui aurait fait l’objet de plus amples développements auxquels il renvoie.
A son estime, la combinaison des paragraphes 175, 201 et 204 AO confèrerait à l'administration des Contributions directes des bases légales suffisantes pour pouvoir solliciter des renseignements pertinents, susceptibles de pouvoir être utiles pour l'imposition et l'exacte perception de l'impôt (« die für. die Steuerpflicht und die Bemessung der Steuer wesentlich sind »).
A titre liminaire à sa décision et à ce stade-ci des développements, le tribunal souhaite rappeler deux principes fondamentaux de droit fiscal.
Le premier est celui de la territorialité de l’impôt qui vise tant l’assiette de l’impôt que son recouvrement. Quant à l’assiette de l’impôt, le principe de la souveraineté fiscale empêche qu’un Etat puisse soumettre à l’impôt une matière imposable n’ayant aucun critère de rattachement territorial. Ainsi, une imposition d’un sujet de droit, national ou étranger, n’est 7 « Mit der Erweiterung der Steueraufsicht ist die ältere Rechtsprechung, soweit sie aus Auskunftsersuchen als unzulässig bezeichnet, wenn es der Aufdeckung unbekannter Steuerfälle dienen sollte, gegenstandslos geworden » Riewald, Reichsabgabenordnung, Band II, 1955, Nachdruck, S.108ss.
21 légitime au regard du droit international public qu’à condition qu’il existe un lien financier et économique suffisant entre l’élément soumis à l’impôt et l’Etat réclamant le pouvoir d’imposition, à savoir l’allégeance économique qui retient le critère d’imposition personnel ou réel ou une combinaison des deux.
Le deuxième principe est connexe au premier et concerne l’échange de renseignements en matière fiscale, soit celui dans le cadre duquel une juste et exacte fixation de l’impôt ne pourrait être assurée au motif que le dossier du contribuable concerné reposerait sur des informations disponibles dans un ou plusieurs Etats autres que celui dans lequel l’autorité fiscale est territorialement compétente. En pareil cas, des mécanismes ont été mis en place, dans un premier temps, dans le cadre d’instruments conventionnels de droit international conclus sous l’égide de OCDE tendant à éviter la double imposition et ensuite, dans le cadre du droit communautaire, pour permettre l’échange de renseignements en matière fiscale entre les autorités fiscales concernées et de permettre ainsi à l’autorité fiscale territorialement compétente de disposer d’informations détenues par une ou plusieurs autorités fiscales étrangères et ainsi, de procéder à la juste fixation de l’impôt pour pouvoir en assurer son recouvrement. Etant donné qu’il s’agit d’une exception au principe de la territorialité néanmoins justifiable au titre d’une juste fixation de l’impôt conduisant à sa perception, les acteurs ayant participé aux développements visant à renforcer la coopération internationale en matière fiscale ont néanmoins toujours veillé à s’assurer que la fixation de l’impôt et par voie de conséquence sa perception en dehors des compétences strictement territoriales de l’administration fiscale concernée ne soit pas de nature à léser les intérêts légitimes du contribuable, notamment son droit à la protection de la vie privée. S’agissant de réaliser un équilibre entre ces deux considérations concurrentes, la jurisprudence nationale et communautaire a tenté de définir les limites de la coopération internationale en matière fiscale en établissant qu’en tout état de cause, l’autorité fiscale compétente pour la fixation de l’impôt et, par voie de conséquence, son recouvrement doit s’abstenir « d’aller à la pêche aux renseignements », c’est-à-dire de demander des renseignements dont il est peu probable qu’ils aient un lien avec une enquête ou contrôle concrets en cours, respectivement d’émettre des demandes de renseignements de nature spéculative qui n’apparaissent pas avoir de liens apparents avec une enquête ou des investigations en cours8, le critère décisif pour déterminer s’il y a ou non « pêche aux informations » est celui de la pertinence vraisemblable des informations.
Ces principes étant recadrés dans le contexte de la présente affaire, le tribunal rappelle que le paragraphe 175 AO dispose comme suit :
« (1) Auch wer nicht als Steuerpflichtiger beteiligt ist, hat (…) dem Steueramt über Tatsachen Auskunft zu erteilen, die für die Ausübung der Steueraufsicht oder in einem Steuerermittlungsverfahren für die Feststellung von Steueransprüchen von Bedeutung sind.
(…) ».
Aux termes de ce paragraphe, l’administration des Contributions directes ne peut exiger de tiers la fourniture d’informations qui revêtent une importance uniquement dans deux cas 8 Rapport d’examen par les pairs - phase I : Cadre légal et réglementaire - Belgique, OCDE 2011, p.54.
22 limitativement circonscrits, à savoir, soit pour l’exercice d’un contrôle fiscal soit dans le cadre d’une procédure d’enquête fiscale, dans le but de l’établissement des créances fiscales.
En l’espèce, il n’est pas contesté que la partie demanderesse a été sollicitée en tant que tiers au sens dudit paragraphe.
Or, force est au tribunal de constater que ni la décision du préposé du 12 juillet 2016 ni la décision déférée ne font état d’un de ces deux cas.
En effet, quant au premier cas d’ouverture du paragraphe 175 AO, à savoir celui de l’exercice d’un contrôle fiscal, il y a lieu de relever que la demande d’information vise de manière générale, quant à son sujet, « des sociétés créées après le 01.01.2006 par [le] concours [de la demanderesse] en ayant recours au cabinet d'avocats Mossack Fonseca ou une de ses sociétés partenaires ; respectivement des sociétés créées avant cette date et actives au 01.01.2006 », ainsi que les « bénéficiaires économiques ultimes de ces sociétés créées si ceux-
ci sont des résidents ou des non-résidents ayant des implications pour l'imposition au Luxembourg », sans qu’il ne soit manifestement possible de vérifier par l’utilisation de ce libellé l’existence d’un contrôle fiscal à l’encontre d’une quelconque personne physique ou morale soumise à la loi fiscale luxembourgeoise. En fait, par cette formulation, l’administration des Contributions directes est en aveu de rechercher à identifier le sujet même d’un éventuel contrôle fiscal dont elle ne rapporte, en outre pas la preuve, à savoir des personnes morales dont elle n’est pas en mesure d’établir si ces dernières sont ou non assujetties à la loi fiscale luxembourgeoise, de sorte qu’il ne saurait être contesté qu’elle se livre à une opération de « pêche aux informations » et ce, manifestement en dehors de tout contrôle fiscal pour lequel elle justifierait sa compétence territoriale. Au vu des principes gisant à la base de la coopération internationale en matière fiscale tels que rappelés plus en avant, il ne peut être contesté que l’administration des Contributions directes dont la compétence est limitativement circonscrite à la fixation et au recouvrement d’impôts tombant dans le champ d’application de la loi fiscale luxembourgeoise tente de faire jouer les mécanismes prévus en matière de coopération internationale en sollicitant auprès la demanderesse des renseignements sur des personnes morales ou physiques non identifiées dont elle n’est pas en mesure d’affirmer que leur siège ou leur établissement stable est établi sur le territoire luxembourgeois, de sorte à ne pas rapporter à suffisance de droit sa compétence en la matière. Il s’y ajoute qu’en l’absence de tout critère de rattachement avéré des prétendues personnes à la loi fiscale luxembourgeoise, c’est en vain que l’administration des Contributions directes s’empare de l’élément d’extranéité tenant à l’intervention d’un conseil juridique de droit panaméen dans le prétendu montage juridique pour justifier son intervention.
Cette conclusion n’est pas ébranlée par l’affirmation du délégué du gouvernement suivant laquelle une certaine doctrine aurait admis que le pouvoir d'investigation de l'administration des Contributions directes s'étendrait également à la révélation de cas d'imposition inconnus, voire de contribuables inconnus dès lors que la doctrine ainsi citée qui remonte, par ailleurs, à l’année 1955, fait état d’un élargissement du contrôle fiscal9 sans que le délégué du gouvernement n’ait été en mesure d’établir ni de quel élargissement il serait question en l’espèce ni surtout si cet élargissement serait applicable au paragraphe 175 AO dont 9 „Mit der Erweiterung der Steueraufsicht ist die ältere Rechtsprechung, soweit sie aus Auskunftsersuchen als unzulässig bezeichnet, wenn es der Aufdeckung unbekannter Steuerfälle dienen sollte, gegenstandslos geworden“.
23 le texte est resté inchangé en droit luxembourgeois depuis 1946 ainsi que cela ressort des nombreux développements faits par le tribunal plus en avant. Le tribunal relève, de manière prosaïque, que si l’administration des Contributions directes n’est, de ses propres aveux, pas en mesure d’identifier les contribuables dont elle est censée assurer le recouvrement de l’impôt, il n’y a pas lieu de s’attendre de la demanderesse qu’elle puisse se conformer elle-même à une demande d’injonction de renseignements concernant lesdits contribuables. Il y a encore lieu de rappeler, à cet égard que l’AO distingue entre le régime des obligations de collaboration imposées aux personnes qualifiées de contribuables et celui applicable aux autres personnes qui sont à qualifier de tiers par rapport au cas d’imposition concrètement concerné. Ainsi, pour qu’un tiers puisse être sollicité par l’administration des Contributions directes, il y a lieu d’être en présence d’un cas d’imposition concret10, situation qui fait défaut en l’espèce. En effet, la jurisprudence du tribunal est établie selon le principe suivant lequel le paragraphe 175 AO s’analyse en une mesure du droit interne qui ne peut être appliquée par les autorités luxembourgeoises en vue de l’obtention de renseignements pertinents qu’en ce qui concerne un cas d’imposition interne11. En l’absence d’un tel cas d’imposition interne concret, le prétendu pouvoir d’investigation conféré aux cas d’imposition voire de contribuables inconnus laisse manifestement d’être fondé.
Ensuite, quant au deuxième cas d’ouverture du paragraphe 175 AO, force est au tribunal de relever que l’administration des Contributions directes est en aveu d’avoir agi de sa propre initiative et non dans le cadre de l’ouverture d’une procédure d’enquête pour l’établissement de créances fiscales. En effet, il ressort à l’évidence de la décision du préposé du 12 juillet 2016 que l’administration des Contributions directes a estimé devoir agir « [s]uite aux publications dans la presse locale et internationale concernant l’affaire dite « Panama Papers » relative à une base de données du cabinet panaméen Mossack Fonseca » en raison de la seule mention du nom de la partie demanderesse « figur[ant] parmi ceux qui [auraient] été cités en tant qu’intermédiaire sur le site internet du consortium internationale des journalistes (https://offshoreleaks.icij.org) ». Or, il ne saurait être contesté que la seule mention du nom de la partie demanderesse dans le cadre de la communication de révélations faites par un lanceur d’alerte aux journalistes d’un quotidien allemand n’est pas de nature à pouvoir être qualifiée de procédure d’enquête fiscale pour l’établissement des créances fiscales, l’administration des Contributions directes restant en défaut de rapporter tant la preuve de l’ouverture d’une enquête fiscale que celle de l’existence de créances fiscales. Ainsi, le second cas visé au paragraphe 175 AO n’est manifestement, non plus, pas applicable en l’espèce.
Ainsi, c’est à tort que l’administration des Contributions directes a invoqué le paragraphe 175 AO à l’appui de sa décision du 12 juillet 2016 et de celle litigieuse du 25 janvier 2018.
En ce qui concerne le paragraphe 201 AO qui est également invoqué à l’appui de la décision du préposé du 12 juillet 2016 ainsi que de la décision confirmative litigieuse, il échet de rappeler que ce paragraphe dispose comme suit :
« 1) Die Steuerämter haben darüber zu wachen, ob durch Steuerflucht oder in sonstiger Weise zu Unrecht Steuereinnahmen verkürzt werden. » 10 Cour adm. 1er mars 2012, n° 28883C du rôle, Pas. adm. 2019, V° Impôts n° 767.
11 Cour adm. 17 novembre 2016, n° 38467C du rôle, Pas. adm. 2019, V° Impôts n°1241 24 Le tribunal relève, à l’instar de la partie demanderesse, que le paragraphe 201 AO confère à l'administration fiscale la surveillance de toute évasion fiscale ou de toute autre méthode ayant pour conséquence une réduction indue des recettes fiscales. Or, étant donné que les pouvoirs de l’administration des Contributions directes sont limitativement circonscrits aux personnes physiques ou morales assujetties à l’impôt luxembourgeois et qu’il a été retenu plus avant que l’administration fiscale cherche précisément par sa demande d’injonction à identifier les personnes morales qui pourraient éventuellement faire l’objet d’un contrôle fiscal tout en omettant d’établir tant leur identité que la preuve de leur assujettissement à la loi fiscale luxembourgeoise, cette disposition ne saurait constituer la base légale justifiant l’injonction faite par l’administration des Contributions directes à la partie demanderesse de remettre des informations sur des tiers non identifiés dont le critère de rattachement territorial au Luxembourg n’est pas démontré, ainsi que le tribunal l’a retenu plus en avant. Ainsi, contrairement aux affirmations du délégué du gouvernement, le paragraphe 201 AO n’a pas non plus pu servir de base légale à l’administration des Contributions directes pour enjoindre la partie demanderesse à lui fournir les informations sollicitées dans le cadre de la décision du préposé du 12 juillet 2016 telle que confirmée par la décision litigieuse du 25 janvier 2018.
Il ressort ainsi à suffisance de droit que l’administration des Contributions directes agissant par le truchement du préposé, dans la décision du 12 juillet 2016, en invoquant les paragraphes 175 et 201 AO a agi en dehors des pouvoirs que lui confèrent ces dispositions, de sorte à avoir commis un excès voire un détournement de pouvoir. En effet, il est manifeste, ainsi que le tribunal l’a retenu plus en avant que l’administration des Contributions directes s’est estimée, à tort, autorisée à requérir des informations auprès de la partie demanderesse sur base de la seule mention de son nom dans le cadre de la communication de révélations faites par un lanceur d’alerte aux journalistes d’un quotidien allemand. Or, étant donné que l’administration des Contributions directes n’a ni agi dans le cadre d’un contrôle fiscal ou d’une procédure d’enquête fiscale pour l’établissement de créances fiscales d’un contribuable assujetti aux dispositions fiscales luxembourgeoises tels que visés au paragraphe 175 AO ni n’a été habilitée à exercer son pouvoir de surveillance de toute évasion fiscale ou de toute autre méthode ayant pour conséquence une réduction indue des recettes fiscales tel que prévu au paragraphe 201 AO en l’absence de toute identification du ou des tiers faisant l’objet de la surveillance, elle s’est livrée à des manœuvres de « pêche aux informations » non seulement proscrites dans le cadre d’entraide internationale en matière d’échange de renseignements en matière fiscale, mais également non autorisées en l’espèce par les bases légales invoquées par l’administration des Contributions directes, elle-même.
Etant donné que la décision du préposé du 12 juillet 2016 est entachée d’illégalité pour excès voire détournement de pouvoir et qu’elle gît à la base de la décision déférée qui la confirme, cette dernière encourt l’annulation pour excès voire détournement de pouvoir.
Etant donné que le paragraphe 177 (2) AO est une exception au principe général d’obligation de renseignement établi au paragraphe 175 AO, il n’y a pas lieu, au vu des conclusions qui précèdent, d’examiner les moyens et arguments développés à ce titre par les parties.
Par ces motifs, 25 le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
se déclare incompétent pour statuer sur le recours principal en réformation ;
reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;
au fond, le déclare justifié, partant annule la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 25 janvier 2018 ;
condamne l’Etat aux frais et dépens.
Ainsi jugé par :
Anne Gosset, premier juge, Olivier Poos, premier juge, Géraldine Anelli, juge, et lu à l’audience publique du 29 septembre 2020 par le premier juge Anne Gosset, en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Anne Gosset Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29 septembre 2020 Le greffier du tribunal administratif 26