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09/09/2020 | LUXEMBOURG | N°44945

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 septembre 2020, 44945


Tribunal administratif N° 44945 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er septembre 2020 chambre de vacation Audience publique de vacation du 9 septembre 2020 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120. L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44945 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er septembre 2020 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg

, au nom de Monsieur …, né le … à … (Monténégro), de nationalité monténégrine, act...

Tribunal administratif N° 44945 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er septembre 2020 chambre de vacation Audience publique de vacation du 9 septembre 2020 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120. L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44945 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er septembre 2020 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Monténégro), de nationalité monténégrine, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 11 août 2020 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de ladite décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 septembre 2020 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Madame le délégué du gouvernement Danitza Greffrath en sa plaidoirie à l’audience publique du 9 septembre 2020.

Le 4 mai 2017, Monsieur … introduisit une demande d’autorisation de séjour en qualité de membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne, en l’occurrence son épouse Madame …, auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration. Par courrier du 12 février 2018, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-

après désigné par « le ministre », l’informa du rejet de sa demande de carte de séjour en tant que membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne et lui ordonna de quitter le territoire endéans un délai de trente jours.

Le 11 juin 2018, le demandeur fit introduire une demande d’autorisation de séjour à titre de travailleur salarié, demande à laquelle le ministre refusa de faire droit par courrier du 3 août 2018.

Par transmis du 12 juillet 2018, le ministre fit procéder au signalement national de Monsieur … aux fins de découvrir sa résidence.

Par courrier du 7 mai 2020, le service ministériel compétent fit annuler le signalement national de Monsieur … après avoir été informé que « l’intéressé(e) a été rapatrié(e) par les autorités monténégrines vers … ».

1Il ressort d’un procès-verbal de la police grand-ducale, région Sud-Ouest, commissariat de police Differdange, du 11 août 2020, qu’à cette date, Monsieur … fut appréhendé par l’Inspection du travail et des mines à …, lors d’un contrôle au cours duquel il s’avéra qu’il n’était en possession ni d’un titre de séjour ni d’un document de voyage valables.

Par arrêté du 11 août 2020, le ministre déclara irrégulier le séjour de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois et lui ordonna de quitter le territoire luxembourgeois sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, le Monténégro, ou à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité, ou à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner, le même arrêté contenant encore une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois d’une durée de trois ans prononcée à son encontre.

En date du 11 août 2020, le ministre ordonna encore le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification l’arrêté de placement intervenue le même jour.

Ladite décision est fondée sur les motifs et considérations suivantes :

« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport no 2020/25928/1906/SL du 11 août 2020 établi par la Police grand-

ducale ;

Vu ma décision de retour du 11 août 2020 comportant une interdiction d’entrée sur le territoire ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Le 19 août 2020, la direction de l’Immigration s’adressa aux autorités monténégrines afin de demander l’émission d’un laissez-passer en sa faveur, demande à laquelle lesdites autorités firent droit par courrier électronique du 21 août 2020.

Par requête déposée le 1er septembre 2020 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation contre la décision précitée du 11 août 2020 ordonnant son placement au Centre de rétention.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en l’espèce qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

2A l’appui de son recours, le demandeur reprend, en substance, les faits et rétroactes tels qu’exposés ci-dessus.

En droit, Monsieur … fait, tout d’abord, valoir que son placement au Centre de rétention constituerait un traitement dégradant, alors qu’il s’agirait d’une atteinte intolérable à sa liberté, de sorte à être contraire aux articles 3 et 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », tout en insistant sur le fait qu’un placement en rétention administrative équivaudrait à une incarcération au Centre pénitentiaire.

Il rappelle encore que, selon la jurisprudence, il incomberait au ministre de faire état et de documenter avec précision les démarches qu’il estime requises et qui sont en voie d’exécution afin que l’étranger placé en rétention soit en mesure d’apprécier si, d’une part, un éloignement valable est possible et en cours d’organisation et, d’autre part, si les autorités luxembourgeoises entreprennent les démarches suffisantes en vue d’organiser son éloignement rapide, de sorte à écourter au maximum sa privation de liberté. Il estime, en l’espèce, que les diligences entreprises par les autorités luxembourgeoises ne pourraient être qualifiées de suffisantes, étant donné qu’elles ne seraient pas de nature à permettre son retour rapide dans son pays d’origine.

Il ajoute que, dans son arrêté du 11 août 2020, le ministre ne préciserait pas pourquoi les mesures moins coercitives telles que prévues par l’article 125 de la loi du 29 août 2008 ne pourraient être efficacement appliquées.

Il reproche au ministre d’avoir, à travers la décision de placement litigieuse du 11 août 2020, violé l’article 8 de la CEDH.

Il reproche encore à l’arrêté déféré son imprécision quant aux mesures actuellement entreprises par le ministre pour écourter son placement en rétention et l’absence d’indication quant aux « chances raisonnables » d’aboutissement de son éloignement.

Finalement, le demandeur estime qu’il aurait dû bénéficier d’une mesure moins coercitive avant d’être placé en rétention, en l’occurrence une assignation à résidence en vertu de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, alors que celle-ci constituerait la mesure la plus appropriée. Il demande plus particulièrement à être assigné à résidence au domicile de son frère, Monsieur …, demeurant à …. Il indique qu’il serait conscient qu’une mesure d’assignation à résidence constituerait une faveur et il souligne qu’il accepterait toutes les conditions liées à cette mesure en garantissant fermement qu’il ne quittera pas le pays et ne se soustraira pas aux conditions ou exigences des autorités luxembourgeoises.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

En ce qui concerne tout d’abord le reproche du demandeur selon lequel la décision déférée ne serait pas suffisamment motivée, le tribunal est amené à conclure que s’il est vrai qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, désigné ci-après par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et les catégories de décisions y énumérées doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des 3circonstances de fait à leur base, le cas d’espèce sous examen ne tombe cependant dans aucune des hypothèses énumérées à l’alinéa 2 de l’article 6 précité, de sorte que l’obligation inscrite à l’article 6, alinéa 2, du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, précité, ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce. Etant donné qu’il n’existe, en outre, aucun autre texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une mesure de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision déférée, de sorte que le moyen fondé sur un défaut d’indication des motifs doit être rejeté pour ne pas être fondé.

Par ailleurs et, en tout état de cause, la sanction de l’absence de motivation ne consiste pas dans l’annulation de l’acte visé, mais dans la suspension des délais de recours et celui-ci reste a priori valable, l’administration pouvant produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois pendant la phase contentieuse.

Ainsi, un acte n’est susceptible d’encourir l’annulation qu’au cas où la motivation le sous-tendant ne ressort d’aucun élément soumis au tribunal au moment où l’affaire est prise en délibéré, étant donné qu’une telle circonstance rend tout contrôle de la légalité des motifs impossible.

Or, en l’espèce, force est au tribunal de relever que la décision déférée indique la cause juridique, ainsi que les circonstances de fait à sa base, en se référant aux articles 111, 120 à 123 et 125 de la loi du 29 août 2008, tout en précisant que le demandeur a fait l’objet d’une décision de retour en date du 11 août 2020 et qu’il existe un risque de fuite dans son chef alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Luxembourg, l’arrêté déféré relevant encore que les démarches en vue de son éloignement seront engagées dans les plus brefs délais, de sorte que le ministre a, à suffisance de droit, exposé les motifs sous-tendant la décision déférée et que partant le moyen relatif à un défaut de motivation laisse d’être fondé.

Ensuite, et en ce qui concerne la légalité interne de la décision ministérielle sous analyse, il y a lieu de rappeler que l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

4L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être « mené à bien ».

Force est d’abord de relever qu’il est constant en cause que le demandeur est en situation irrégulière au Luxembourg, étant relevé qu’une décision de retour, ainsi qu’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pendant trois ans ont été prises à son encontre le 11 août 2020, et que le demandeur n’est pas en mesure de justifier de la possession d’un passeport en cours de validité et qu’il ne justifie pas de ressources personnelles suffisantes. Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite est présumé […] si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant encore précisé, à cet égard, que, parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figurent justement celles de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire et de justifier de ressources personnelles suffisantes, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays d’origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel son admission est garantie, telles que prévues au paragraphe (2), points 3. et 5. de la disposition légale en question.

Le ministre pouvait donc a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement et maintenir son placement, le demandeur ne contestant d’ailleurs pas le risque de fuite présumé dans son chef, étant encore relevé que l’existence d’un risque de fuite dans son chef se trouve conforté par la circonstance qu’il ne dispose pas d’une adresse au Luxembourg.

Sur base de cette conclusion, il y a encore lieu de rejeter l’argumentation du demandeur fondée sur une violation de l’article 5 de la CEDH, dans la mesure où le placement en rétention s’inscrit précisément dans le cadre de l’article 5, paragraphe (1), point e) de la CEDH autorisant la privation de liberté d’une personne contre laquelle une procédure d’expulsion, 5respectivement d’extradition est en cours. Il y a, par ailleurs, lieu de préciser que le demandeur reste en défaut d’expliciter le traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la CEDH dont il ferait prétendument l’objet du fait de son placement en rétention, ce moyen devant ainsi être qualifié de simplement suggéré sans être effectivement soutenu, de sorte à encourir le rejet.

Il convient ensuite de rappeler qu’une mesure de rétention s’analyse en une mesure administrative privative de la liberté de mouvement de la personne concernée et qu’elle doit être limitée à la durée strictement nécessaire afin de permettre l’exécution d’une mesure d’éloignement. À cette fin, le ministre est dans l’obligation de faire entreprendre avec la diligence requise toutes les démarches nécessaires afin d’organiser cette mesure d’éloignement.

A cet égard, et en ce qui concerne les contestations du demandeur quant aux diligences entreprises par le ministre afin d’organiser son retour et d’écourter ainsi la durée de son placement en rétention, force est au tribunal de constater qu’il ressort des éléments du dossier administratif qu’en date du 12 août 2020, soit le lendemain du placement en rétention du demandeur, un agent de la direction de l’Immigration a contacté le service de police judicaire, section police technique, de la police grand-ducale, afin d’obtenir ses empreintes digitales. Il ressort ensuite des éléments du dossier que le même agent de la direction de l’Immigration s’est adressé en date du 14 août 2020 à un agent du Centre de rétention afin de s’informer si le demandeur, dont le passeport venait à expiration le 24 août 2020, disposerait d’un nouveau passeport en cours de validité. Par courrier du même jour, l’agent du Centre de rétention a informé le service ministériel compétent que d’après le demandeur, celui-ci disposerait effectivement d’un nouveau passeport, mais que sa connaissance en Allemagne auprès de laquelle se trouverait son passeport serait partie en vacances et ne reviendrait pas avant la fin du mois. Il ressort, par ailleurs, du dossier administratif que par courrier du 17 août 2020, l’agent ministériel en charge du dossier s’est informé auprès des autorités monténégrines sur les restrictions sanitaires applicables au Monténégro à ses ressortissants. Il ressort ensuite des éléments du dossier que par courrier du 19 août 2020 une demande de délivrance d’un laissez-

passer en vue du rapatriement du demandeur vers le Monténégro a été adressée aux autorités monténégrines, demande à laquelle celles-ci ont répondu favorablement en date du 21 août 2020. Enfin, il se dégage des éléments du dossier, ainsi que des explications complémentaires fournies par la partie étatique, qu’en date du 27 août 2020, le service de police judiciaire, section criminalité organisée-police des étrangers, a été chargé de l’organisation de l’éloignement du demandeur.

Au vu des diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise depuis le placement du demandeur au Centre de rétention, le tribunal conclut qu’à l’heure actuelle, les démarches entreprises sont à considérer comme suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter, étant rappelé, tel que retenu ci-avant, qu’il n’incombe pas au ministre d’indiquer dans l’arrêté de placement en rétention les démarches qu’il entend entreprendre.

Quant à l’argumentation du demandeur ayant trait à l’absence de chances raisonnables de croire que son éloignement puisse être mené à bien, force est tout d’abord de constater que les autorités monténégrines ont émis le 21 août 2020 un laissez-passer et que le service de police judicaire, section criminalité-organisée-police des étrangers, a été chargé d’organiser le retour du demandeur en date du 27 août 2020, de sorte qu’il n’est pas établi qu’il n’existerait pas de chances raisonnables que son éloignement puisse être mené à bien.

6 Il y a dès lors lieu de rejeter ce moyen.

S’agissant finalement de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre lui aurait dû appliquer la mesure moins coercitive telle que visée à l’article 125, paragraphe (1), point b) de la loi du 29 août 2008, à savoir l’assignation à résidence, l’article 125, paragraphe (1), de ladite loi prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) […].

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour 7autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe (1) pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier.

L’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, le tribunal est amené à constater que le demandeur n’a fourni aucun élément permettant de retenir l’existence dans son chef de garanties de représentation suffisantes permettant de prévenir le risque de fuite qui est présumé dans son chef, tel que cela a été retenue ci-avant.

En effet, s’agissant de la demande d’assignation à résidence auprès de son prétendu frère, Monsieur … au …, le tribunal relève que l’attestation établie par Monsieur … ne constitue pas un élément suffisant pour retenir dans son chef l’existence de garanties de représentation effectives propres à prévenir son risque de fuite. En effet, outre le fait qu’il n’est pas établi qu’il s’agit effectivement de son frère et que Monsieur … n’a soumis aucun certificat de résidence prouvant qu’il réside légalement à la prédite adresse, il convient de rappeler que le risque de fuite ne constitue pas seulement le risque de quitter le Luxembourg mais vise surtout le risque de se soustraire à l’exécution de la mesure d’éloignement. Or, il ne se dégage pas des éléments du dossier que le demandeur ait habité de manière régulière chez son prétendu frère à l’adresse indiquée à …, de sorte à faire admettre une adresse stable. Ainsi, le demandeur n’a soumis aucun élément de nature à témoigner de la constance de sa résidence à cette adresse, ni a fortiori à permettre d’en déduire qu’il est susceptible de s’y trouver au moment de l’exécution de la mesure d’éloignement.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre n’a pas fait application d’une mesure moins coercitive que le placement en rétention, le demandeur n’ayant pas établi qu’il présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite qui, tel que relevé ci-avant, est présumé dans son chef.

Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’invocation du demandeur d’une violation de l’article 8 de la CEDH. En effet, le tribunal n’a pas à prendre position par rapport à de simples contestations, non soutenues effectivement et non autrement étayées, étant donné qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer la carence des parties et de rechercher lui-même les arguments qui auraient pu se trouver à la base d’un moyen juridique simplement suggéré.

Il s’ensuit que le moyen tiré d’une violation de l’article 8 de la CEDH est à rejeter pour ne pas être fondé.

1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Etrangers, n° 917 et les autres références y citées 8Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 septembre 2020 par :

Anne Gosset, premier juge, Daniel Weber, juge, Carine Reinech, juge, en présence du greffier Lejila Adrovic.

s. Lejila Adrovic s. Anne Gosset Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 10 septembre 2020 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 44945
Date de la décision : 09/09/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2020-09-09;44945 ?

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