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02/09/2020 | LUXEMBOURG | N°44930

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 septembre 2020, 44930


Tribunal administratif Numéro 44930 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 août 2020 chambre de vacation Audience publique de vacation du 2 septembre 2020 Recours formé par Monsieur …, Findel contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44930 du rôle et déposée le 28 août 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky Stof

fel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de...

Tribunal administratif Numéro 44930 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 août 2020 chambre de vacation Audience publique de vacation du 2 septembre 2020 Recours formé par Monsieur …, Findel contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44930 du rôle et déposée le 28 août 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Algérie), de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 12 août 2020 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 31 août 2020 ;

Vu la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020 prise dans le cadre de la reprise de l’activité du tribunal administratif dans le contexte de dé-confinement ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Felipe Lorenzo en sa plaidoirie à l’audience publique de vacation du 2 septembre 2020.

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Il se dégage du dossier administratif et plus particulièrement du rapport de la police grand-ducale, unité de la police de l’aéroport, référencé sous le numéro …, dit « … », du 17 juillet 2020, qu’à cette même date, Monsieur … fut appréhendé à l’aéroport de Luxembourg-

Findel alors qu’il tenta de rejoindre l’Irlande en passant par Francfort et ce, au moyen d’une carte d’identité françaises falsifiée.

Des recherches effectuées au moyen de la vérification des empreintes digitales de Monsieur … dans le système AEVIS confirmèrent son identité et révélèrent qu’il avait demandé un Visa Schengen en 2015. L’identité de Monsieur … put par la suite également être contrôlée grâce à une copie de son passeport algérien valable qu’il se fit envoyer sur son téléphone portable.

Une recherche effectuée le même jour par le Centre de coopération policière et douanière (CCPD) révéla encore qu’alors même que Monsieur … avait déclaré habiter à … chez son père, il n’était pas en possession d’un titre de séjour valable en France où il ne serait, par ailleurs, plus le bienvenu en raison de la commission de divers délits.

Il se dégage également du même rapport de police du 17 juillet 2020 que lors de son contrôle, Monsieur … expliqua aux forces de l’ordre être arrivé à … en avion en 2015 et ce, grâce à un titre de séjour obtenu par les autorités néerlandaises, de même qu’il expliqua être arrivé au Luxembourg la veille du 17 juillet 2020 en TGV depuis … où vivrait son père. Il confirma à la même occasion ne pas être en possession d’un titre de séjour valable et être venu au Luxembourg pour voyager vers l’Allemagne puis vers l’Irlande, tout en précisant être prêt à quitter volontairement le Luxembourg.

Par décision du 17 juillet 2020, notifiée à l’intéressé le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », constata le séjour irrégulier de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de quitter ledit territoire et lui interdit l’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans.

Par arrêté du même jour, notifié à l’intéressé également le 17 juillet 2020, le ministre ordonna le placement en rétention de Monsieur … pour une durée d’un mois, afin de préparer l’exécution de la mesure de son éloignement. Ledit arrêté est libellé comme suit :

« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le procès-verbal n°147 du 17 juillet 2020 établi par la Police grand-ducale Vu ma décision de retour du 17 juillet 2020, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire de trois ans ;

Attendu que l’intéressé est dépourvu de tout document d’identité et de voyage valable ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les meilleurs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par arrêté du 12 août 2020, notifié à l’intéressé le 17 août 2020, la mesure de placement en rétention initiale fut prorogée pour une durée d’un mois. Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :

« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 17 juillet 2020, notifié le même jour, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 17 juillet 2020 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

2 Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure d’éloignement ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 28 août 2020, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 12 août 2020.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1), de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur reprend les faits et rétroactes du dossier en soulignant qu’il serait placé au Centre de rétention depuis le 17 juillet 2020.

En droit, le demandeur reproche, en premier lieu, au ministre de faire usage d’une « prolongation systématique » de la mesure de placement initiale prise à son encontre, alors que celle-ci ne cadrerait pas avec les exigences jurisprudentielles. Il estime que cette prolongation s’analyserait en une démarche arbitraire de la part de l’autorité ministérielle le privant injustement de sa liberté de circulation. Il rappelle que les dispositions prévues à l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 accorderaient à l’autorité ministérielle la faculté de procéder au placement d’un étranger au Centre de rétention en vue de son éloignement vers son pays d’origine pour autant que les conditions du maintien de la mesure de placement soient toujours d’actualité et que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 ne soient pas plus efficaces.

Il rappelle encore que, selon la jurisprudence, il incomberait au ministre de faire état et de documenter avec précision les démarches qu’il estime requises et qui sont en voie d’exécution afin que l’étranger placé en rétention soit en mesure d’apprécier si, d’une part, un éloignement valable est possible et en cours d’organisation et, d’autre part, si les autorités luxembourgeoises entreprennent les démarches suffisantes en vue d’organiser son éloignement rapide, de sorte à écourter au maximum sa privation de liberté. Il estime, en l’espèce, que les diligences entreprises par les autorités luxembourgeoises ne pourraient être qualifiées de suffisantes, étant donné qu’elles ne seraient pas de nature à permettre son retour rapide dans son pays d’origine.

Il ajoute que, dans son arrêté du 17 juillet 2020, le ministre aurait présumé l’existence d’un risque de fuite dans son chef au motif qu’il ne disposerait pas d’un document d’identité valable et ce, alors même qu’il serait en possession d’un passeport algérien en cours de validité.

Il reproche encore à l’arrêté déféré son imprécision quant aux mesures actuellement entreprises par le ministre pour écourter son placement en rétention et l’absence d’indication quant aux « chances raisonnables » d’aboutissement de son éloignement, tout en insistant sur son désir de retourner au plus vite en Algérie afin de pouvoir y assister aux funérailles de sa grand-mère décédée récemment.

Finalement, le demandeur estime qu’il aurait dû bénéficier d’une mesure moins coercitive avant d’être placé en rétention, en l’occurrence une assignation à résidence en vertu de l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, alors que celle-ci constituerait la mesure la plus appropriée. Il demande plus particulièrement à être assigné à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg afin de pouvoir profiter de sa liberté en attendant que la mesure d’éloignement prise à son encontre aboutisse. Il indique qu’il serait conscient qu’une mesure d’assignation à résidence constituerait une faveur et il souligne qu’il accepterait toutes les conditions liées à cette mesure en garantissant fermement qu’il ne quittera pas le pays et ne se soustraira pas aux conditions ou exigences des autorités luxembourgeoises.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

En ce qui concerne tout d’abord le reproche du demandeur selon lequel la décision déférée ne serait pas suffisamment motivée, le tribunal est amené à conclure que s’il est vrai qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, désigné ci-après par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et les catégories de décisions y énumérées doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, le cas d’espèce sous examen ne tombe cependant dans aucune des hypothèses énumérées à l’alinéa 2 de l’article 6 précité, de sorte que l’obligation inscrite à l’article 6, alinéa 2, du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, précité, ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce. Etant donné qu’il n’existe, en outre, aucun autre texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une mesure de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision déférée, de sorte que le moyen fondé sur un défaut d’indication des motifs doit être rejeté pour ne pas être fondé.

Par ailleurs et, en tout état de cause, la sanction de l’absence de motivation ne consiste pas dans l’annulation de l’acte visé, mais dans la suspension des délais de recours et celui-ci reste a priori valable, l’administration pouvant produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois pendant la phase contentieuse.

Ainsi, un acte n’est susceptible d’encourir l’annulation qu’au cas où la motivation le sous-tendant ne ressort d’aucun élément soumis au tribunal au moment où l’affaire est prise en délibéré, étant donné qu’une telle circonstance rend tout contrôle de la légalité des motifs impossible.

Or, en l’espèce, force est au tribunal de constater que l’arrêté litigieux (i) en se référant aux articles 111 et 120 à 123 de la loi du 29 août 2008, (ii) en renvoyant de manière explicite à l’arrêté de placement initial du 17 juillet 2020 et au fait que les motifs à sa base subsistaient et (iii) en précisant que les diligences en vue de l’identification et de l’éloignement du demandeur auraient été effectuées est motivé à suffisance en ce qu’il indique les circonstances de droit et de fait à sa base.

Le moyen tiré d’une motivation insuffisante de la décision déférée est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

Au fond, il échet d’abord de rappeler qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire ».

L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours encours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

Force est d’abord de relever qu’il est constant en cause que le demandeur est en situation irrégulière au Luxembourg, étant relevé qu’une décision de retour, ainsi qu’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire pendant trois ans ont été prises à son encontre le 17 juillet 2020, et que le demandeur ne dispose ni d’une adresse au Luxembourg, ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour ou de travail en cours de validité, de même qu’il est constant en cause qu’il a fait usage d’un document d’identité français contrefait. Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « (…) Le risque de fuite est présumé (…) si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 (…) », étant encore précisé, à cet égard, que, parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, tel que prévu au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.

Le ministre pouvait donc a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement et maintenir son placement, le demandeur ne contestant d’ailleurs pas le risque de fuite présumé dans son chef, étant encore relevé que l’existence d’un risque de fuite dans son chef se trouve confortée par la circonstance qu’il ne dispose pas d’une adresse au Luxembourg et qu’en date du 17 juillet 2020, il a, au contraire déclaré lui-même aux forces de l’ordre luxembourgeoises que son père habite à … et que lui-même habite à cette même adresse depuis 2015.

S’agissant de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre aurait dû lui appliquer des mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, il échet de rappeler que cette disposition légale dispose que : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) […].

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

6 La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1), sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, le tribunal constate que le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments de nature à renverser la présomption du risque de fuite qui existe dans son chef, tel que retenu ci-avant. Il est, en effet, constant qu’il ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg et qu’il n’a présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes, et plus particulièrement celle visée au point b) dudit article, s’impose, les simples affirmations et engagements du demandeur ne suffisant pas à cet égard.

S’agissant de l’argumentation du demandeur selon laquelle les diligences entreprises par le ministre pour exécuter son éloignement seraient insuffisantes, et que, par ailleurs, il n’existerait aucune perspective d’éloignement dans les plus brefs délais, force est de constater qu’après avoir effectué en date du 20 juillet 2020 une recherche dans la base de données EURODAC qui se révéla négative, les services du ministre contactèrent le même jour les autorités algériennes en vue de l’identification du demandeur et de la délivrance d’un laissez-

passer dans son chef.

Il se dégage ensuite du dossier administratif qu’en date du 12 août 2020, l’agent en charge du dossier du demandeur au sein de la direction de l’Immigration contacta les autorités policières françaises afin de déterminer si un éventuel transit par la France était faisable et afin 1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2019, V° Etrangers, n° 899 et les autres références y citées.d’organiser le retour du demandeur vers l’Algérie le plus rapidement possible.

Il ressort encore des éléments à la disposition du tribunal qu’après que le demandeur ait fait parvenir, en date du 18 août 2020, au ministre une lettre par le biais de laquelle il a demandé à être rapatrié au plus vite en Algérie afin d’être aux côtés de sa famille à la suite du décès de sa grand-mère, l’agent en charge de son dossier au sein de la direction de l’Immigration a contacté le lendemain le service d’encadrement psychosocial du Centre de rétention afin que ce dernier prenne contact avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) dans le but d’organiser le retour du demandeur dans les plus brefs délais.

Il résulte ensuite du dossier administratif que, par courriel du 26 août 2020, l’agent en charge du dossier du demandeur au sein de la direction de l’Immigration a saisi de nouveau le CCPD afin qu’il soit déterminé si le demandeur était connu en France, recherche dont il se dégagea qu’il était bien connu en France pour des faits de vol, recel et port d’arme blanche et qu’il y faisait l’objet d’une mesure de reconduite à la frontière notifiée en date du 18 mai 2017.

Par courriel du 28 août 2020, l’OIM confirma la volonté du demandeur de retourner au plus vite en Algérie, tout en précisant que la possibilité d’un vol vers Alger depuis l’aéroport de …-CDG avait été identifié pour le 17 septembre 2020 et que cette possibilité de retour allait être coordonnée avec les collègues de l’OIM à Alger.

Dans la mesure où la possibilité concrète d’un vol à brève échéance vers l’Algérie a été identifiée et au vu des démarches d’ores et déjà entreprises par les autorités luxembourgeoises, qui sont actuellement notamment tributaires de la collaboration des autorités algériennes afin que l’éloignement puisse effectivement avoir lieu le 17 septembre 2020, le tribunal est amené à conclure que le dispositif d’éloignement est actuellement toujours en cours et qu’il est poursuivi avec la diligence nécessaire.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen afférent laisse d’être fondé.

Quant à l’argumentation du demandeur ayant trait à l’absence de chances raisonnables de croire que son éloignement puisse être mené à bien, force est tout d’abord de constater que l’éloignement du demandeur requiert au stade actuel son identification formelle par les autorités algériennes, ainsi que la délivrance d’un laissez-passer, de sorte que dans l’attente de ladite identification, il n’y a pas d’ores et déjà lieu de douter qu’il n’y ait pas de chances raisonnables que son éloignement ne puisse pas être mené à bien. Il y a dès lors lieu de rejeter ce moyen.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 2 septembre 2020 par :

Alexandra Castegnaro, premier juge, Géraldine Anelli, juge, Emilie Da Cruz De Sousa, attaché de justice délégué, en présence du greffier Lejila Adrovic.

s. Lejila Adrovic s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 2 septembre 2020 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 44930
Date de la décision : 02/09/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2020-09-02;44930 ?

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