Tribunal administratif N° 43842 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 novembre 2019 3e chambre Audience publique de vacation du 19 août 2020 Recours formé par Monsieur … et consort, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 43842 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 novembre 2019 par Maître Gilles PLOTTKÉ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son épouse, Madame …, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 21 août 2019 ayant déclaré non fondée leur réclamation introduite le 3 septembre 2018 à l’encontre du bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2013, émis le 22 août 2018 ;
Vu le mémoire en réponse déposé le 7 février 2020 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 mars 2020 par Maître Gilles PLOTTKÉ, pour le compte des demandeurs ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Antonio RAFFA, en remplacement de Maître Gilles PLOTTKÉ, et Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 juillet 2020.
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Le 22 août 2018, le bureau d’imposition Remich de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », émit à l’encontre de Monsieur … et de son épouse, Madame …, ci-après désignés par « les époux … », le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2013.
Par courrier du 29 août 2018, réceptionné le 3 septembre 2018, Monsieur Benjamin LÖPER, conseiller fiscal, introduisit au nom des époux … une réclamation à l’encontre du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2013 auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur ».
1Par décision du 21 août 2019, n° C 25359 du rôle, le directeur déclara ladite réclamation irrecevable dans les termes suivants :
« […] Nach Einsicht der am 3. September 2018 eingegangen Rechtsmittelschrift, mit welcher Herr Benjamin Löper, Steuerberater, im Namen der Eheleute, Herrn … und Frau …, mit Wohnsitz in L-…, gegen den Einkommensteuerbescheid des Jahres 2013, ergangen am 22. August 2018, Einspruch einzulegen begehrt;
Nach Einsicht der Steuerakte;
Nach Einsicht der §§ 107, 228, 238, 254 und 301 der Abgabenordnung (AO) ;
In Erwägung, dass gegen Steuerbescheide zwar nicht der Rechtsbefehl des Einspruchs, der dem Luxemburger Steuerrecht völlig fremd ist, wohl aber die Anfechtung (Reklamation) gegeben ist; dass es bei Rechtsunkundigen jedoch nicht auf die Bezeichnung des Rechtsmittels ankommt;
In Erwägung, dass in allen Verfahrensarten, um andere zu vertreten, eine ausdrückliche und besondere Vollmacht ad litem erforderlich ist (CE vom 14. Januar 1986, n° 6514; TA vom 16.
Juni 1999, n° 10724; CA vom 21. Dezember 1999, n° 11382C) ;
In Erwägung, dass, mangels einer der Rechtsmittelschrift beiliegenden Vollmacht, in Ergänzung des Verfahrens, der Deponent per Schreiben vom 14. September 2018 aufgefordert wurde, seine ausdrückliche und besondere Bevollmächtigung für die vorliegende Streitsache nachzuweisen; dass der Deponent jedoch bis heute kein solches Dokument vorgelegt hat ;
In Erwägung, dass „l’acte d’introduire une réclamation devant le directeur, eu égard plus particulièrement au risque y inhérent de voir l’imposition revue le cas échéant in pejus, présente un risque de voir modifier de manière permanente et irrévocable la situation de l’intéressé;
qu’une procuration afférente doit dès lors être non seulement expresse, mais encore de nature à renseigner clairement l’intention du mandant d’investir le mandataire du pouvoir d’agir par la voie d’une réclamation à l’encontre d’une décision déterminée avec toute la précision requise » ( TA vom 8. Mai 2000, n° 11431 ; Pas. adm. 2011, v° Impôts, n° 243) ;
In Erwägung, dass also die Anfechtung beim Steuerdirektor, insbesondere weil hierbei die Möglichkeit der Verböserung (reformatio in pejus) nicht ausgeschlossen bleibt, mit dem Risiko verbunden ist, die Sachlage des Antragstellers auf Dauer und unwiderruflich zu verändern; dass mithin eine dahin wirkende Vollmacht nicht nur ausdrücklich sein muss, dem Bevollmächtigten die Befugnis der Anfechtung in einer ganz bestimmten Angelegenheit und mit der hierzu erforderlichen Genauigkeit zu erteilen ;
In Erwägung, dass, wie bereits oben erwähnt, eine solche Vollmacht jedoch bis zum heutigen Tage nicht von Seiten des Deponenten eingereicht wurde ;
In Erwägung, dass somit feststeht, dass keine Vollmacht ad litem zur Zeit der Einreichung der Rechtsmittelschrift am 3. September 2018 bestanden hat (CE vom 14. Januar 1986, n° 6514 und ständige Rechtssprechung), die Anfechtung also als unzulässig wegen fehlender Vertretungsbefugnis zurückzuweisen ist ;
2 AUS DIESEN GRÜNDEN ENTSCHEIDET Die Anfechtung ist unzulässig wegen fehlender Vertretungsbefugnis. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 novembre 2019, les époux … ont fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision directoriale, précitée, du 21 août 2019.
Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégée « AO », et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-
après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin d’impôt.
Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision directoriale déférée du 21 août 2019 et qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité ratione temporis du recours, en donnant à considérer que contrairement aux affirmations des demandeurs, telles que développées dans leur requête introductive d’instance, la décision directoriale litigieuse aurait été notifiée par courrier recommandé datant non pas du 28, mais du 22 août 2019. En ajoutant que les demandeurs auraient récupéré le courrier de notification le lendemain, à savoir le 23 août 2019, le délégué du gouvernement conclut à la tardivité du recours sous analyse. Finalement, il donne à considérer que même en application de la seule présomption de notification qui découlerait du paragraphe 88 (3) AO, le recours serait néanmoins tardif étant donné que la décision directoriale sous analyse serait ainsi présumée avoir été notifiée le 24 août 2019 et le délai de recours contentieux serait venu à expiration le 25 novembre 2019, c’est-à-dire la veille du dépôt effectif du recours sous analyse.
Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs, après s’être rapportés à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité de leurs recours, expliquent que Madame …, laquelle serait une personne âgée, ne se souviendrait plus de la « chronologie de ce dossier » et serait persuadée qu’elle n’aurait été avisée qu’en date du 28 août 2019 d’aller retirer le courrier de notification de la décision directoriale litigieuse, date qui figurerait d’ailleurs sur l’enveloppe ayant contenu ledit envoi. En affirmant encore qu’il s’agirait en l’espèce d’un cas particulier qui pourraient avoir des conséquences dramatiques et disproportionnées à leur égard, ils concluent au rejet du moyen d’irrecevabilité ainsi soulevé.
Il ressort de l’article 8 (3) 4. de la loi du 7 novembre 1996 que le délai pour agir à l’encontre d’une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation introduite à l’encontre d’un bulletin d’impôt, telle que la décision déférée, est de trois mois.
3Aux termes du paragraphe 258 (2) AO, « Die Entscheidungen sind dem Steuerpflichtigen verschlossen zuzustellen. Der Minister der Finanzen kann statt der Zustellung eine einfachere Form der Bekanntgabe zulassen ».
La notion de « Zustellung » se trouve explicitée par le paragraphe 88 AO, qui s’applique aussi aux décisions directoriales sur réclamation.
Le paragraphe 88 AO dispose dans ses alinéas (1) à (3) :
« (1) Für Zustellungen gelten die Vorschriften der Zivilprozessordnung über Zustellungen von Amts wegen.
(2) Zustellen können auch Beamte der Steuer-, der Polizei- oder der Gemeindeverwaltung.
(3) Die Behörde kann durch eingeschriebenen Brief zustellen. Die Zustellung gilt mit dem dritten Tag nach der Aufgabe zur Post als bewirkt, es sei denn, dass der Zustellungsempfänger nachweist, dass ihm das zuzustellende Schriftstück nicht innerhalb dieser Zeit zugegangen ist ».
Il se dégage du paragraphe 88 AO que si la « Zustellung » doit, au vœu de son alinéa (1), en principe être opérée en conformité avec les dispositions de la « Zivilprozessordnung », renvoi qui doit être compris au Luxembourg comme visant le Nouveau code de procédure civile (NCPC), il autorise à travers son alinéa (3) toute « Behörde » visée par ses dispositions, donc également le directeur en sa qualité de « Rechtsmittelbehörde » au sens des paragraphes 228 et suivants AO, à utiliser un mode simplifié de « Zustellung » par le biais de la notification par voie de « eingeschriebener Brief » dans tous les cas où la « Zustellung » est prescrite1, partant notamment pour une décision directoriale sur réclamation laquelle est « geschlossen zuzustellen » au prescrit du paragraphe 258 (2) AO2.
En vue de déterminer les formalités obligatoirement attachées à l’envoi d’un « eingeschriebener Brief », il convient de constater que la « Zustellung » au sens du paragraphe 88 AO s’analyse par essence en une remise actée entourée d’un certain formalisme, lequel est destiné à constituer une preuve de la réception de l’acte à notifier par son destinataire. L’originalité de l’alinéa (3) du paragraphe 88 AO par rapport à son alinéa (1) réside dans le fait que l’autorité est dispensée de l’obligation de s’aménager une preuve concrète de la prise de connaissance effective de l’acte par son destinataire et que l’autorité est seulement tenue de prouver la date à laquelle l’enveloppe contenant l’acte a été remise à la poste. En outre, la preuve concrète de la réception par le destinataire est remplacée par l’alinéa (3) en cas de notification par « eingeschriebener Brief » par une présomption juris tantum de réception au troisième jour après la remise à la poste.
Le paragraphe 88 (3) AO autorise ainsi les autorités visées à procéder à une notification par voie de lettre recommandée simple, un avis de réception n’étant point requis au vu de la dispense de la preuve d’une réception effective par le destinataire, la seule preuve à charge de l’autorité 1 Jean OLINGER, La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, ETUDES FISCALES n° 81- 85, n° 92, p.
66.
2 Trib. adm. 21 juin 2004, n° 17075 du rôle, confirmé par Cour adm., 13 janvier 2005, n° 18477C du rôle, Pas. adm.
2019, V° Impôts, n° 973 et les autres références y citées.
4étant celle de la remise de l’acte à la poste sous forme de pli fermé expédié en tant que lettre recommandée3.
En l’espèce, force est de constater qu’il ressort des pièces versées en cause par la partie étatique, et plus particulièrement du récépissé du dépôt d’un envoi recommandé, que la décision directoriale litigieuse a été notifiée aux demandeurs par courrier recommandé remis à la poste le 21 août 2019, de sorte que la notification effective est réputée, au vu des conclusions qui précèdent, avoir eu lieu trois jours plus tard, à savoir le 24 août 2019. Le recours sous analyse ayant été déposé le 26 novembre 2019, c’est-à-dire en dehors du délai de trois mois visé à l’article 8 (3) 4. de la loi du 7 novembre 1996, lequel est venu à expiration le 25 novembre 2019, étant précisé à cet égard que le 24 novembre 2019 était un dimanche, il est à déclarer irrecevable pour cause de tardiveté.
Cette conclusion n’est pas ébranlée par les affirmations des demandeurs selon lesquels ils ne se seraient en réalité vus aviser de retirer l’envoi recommandé en question qu’en date du 28 août 2019, date qui figurerait d’ailleurs sur l’enveloppe d’envoi dudit courrier recommandé. En effet, et s’il est vrai que la date à laquelle les demandeurs ont été avisés de retirer le courrier recommandé en question pourrait être sujette à discussions vu que l’indication y relative figurant sur l’enveloppe de l’envoi n’est que difficilement lisible, force est toutefois de constater qu’il ressort des pièces soumises au tribunal par le délégué du gouvernement, et plus particulièrement d’un courrier électronique du « Post Courrier Departement Commercial » du 7 février 2020, que les demandeurs ont été avisés de retirer le courrier de notification de la décision directoriale litigieuse en date du 22 août 2019 et qu’ils ont effectivement récupéré ledit envoi le 23 août 2019.
Dans la mesure où le même courrier électronique contient encore une copie d’une signature certifiant la réception dudit courrier de notification, signature dont il n’est aucunement remis en cause qu’il s’agit de la signature d’un des demandeurs, ces derniers ne sauraient actuellement prétendre que la décision directoriale litigieuse ne leur aurait été notifiée qu’en date du 28 août 2019.
Le constat fait ci-avant, selon lequel le délai de recours contentieux a commencé à courir le 24 août 2019, de sorte à avoir expiré le 25 novembre 2019, n’est, dès lors, pas valablement remis en cause par l’argumentation en question.
En ce qui concerne finalement l’affirmation des demandeurs selon laquelle il s’agirait d’un cas particulier dont les conséquences pourraient être dramatiques et disproportionnées à leur égard, celle-ci est également à rejeter alors qu’outre le fait que le délai prévu pour introduire un recours contentieux est d’ordre public, cette affirmation non autrement circonstanciée s’analyse en un moyen simplement suggéré, non soutenu effectivement, les demandeurs restant en effet en défaut d’expliquer en quoi leur cas présenterait une quelconque particularité, quelle seraient les conséquences dramatiques auxquelles ils devraient faire face et en quelle mesure celles-ci pourraient avoir une quelconque incidence sur la recevabilité ratione temporis de leur recours. Or les moyens simplement suggérés, sans être soutenus effectivement, ne sont pas à prendre en considération par le tribunal, étant donné qu’il ne lui appartient pas au tribunal de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions.
3 Ibidem 5 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le recours sous examen est à déclarer irrecevable ratione temporis.
Quant à la demande de distraction des frais au profit du mandataire des demandeurs qui la sollicite, affirmant en avoir fait l’avance, il convient de rappeler qu’il ne saurait être donné suite à la demande en distraction des frais posée par le mandataire d’une partie, pareille façon de procéder n’étant point prévue en matière de procédure contentieuse administrative 4.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
déclare le recours principal en réformation irrecevable ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne les demandeurs aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 19 août 2020 par :
Thessy Kuborn, vice-président, Paul Nourissier, premier juge, Géraldine Anelli, juge, en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 août 2020 Le greffier du tribunal administratif 4 Trib. adm. 14 février 2001, n° 11607 du rôle, Pas. adm. 2019, V° Procédure contentieuse, n° 1114 et les autres références y citées.