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12/08/2020 | LUXEMBOURG | N°43778

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 août 2020, 43778


Tribunal administratif N° 43778 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 novembre 2019 chambre de vacation Audience publique de vacation du 12 août 2020 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43778 du rôle et déposée le 13 novembre 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Henri Frank, avocat à la Cour, inscrit au ta

bleau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, en l’étude duquel domicile est élu, au nom de Ma...

Tribunal administratif N° 43778 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 novembre 2019 chambre de vacation Audience publique de vacation du 12 août 2020 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43778 du rôle et déposée le 13 novembre 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Henri Frank, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, en l’étude duquel domicile est élu, au nom de Madame …, née le … à … (Serbie), de nationalité serbe, ayant, au moment de l’introduction du recours, été retenue au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un arrêté du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 28 octobre 2019, lui interdisant l’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de trois ans et portant ordre de quitter le territoire à son encontre ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 février 2020 ;

Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Henri Frank au greffe du tribunal administratif le 4 mars 2020 pour compte de Madame … ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 juillet 2020 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Célia Limpach, en remplacement de Maître Henri Frank, et Madame le délégué du gouvernement Linda Maniewski en leurs plaidoiries respectives.

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Suivant le rapport de police portant le numéro … du 28 octobre 2019 dressé par le Commissariat … de la région Sud-Ouest de la police grand-ducale, Madame … fut appréhendée lors d’un contrôle d’identité. Il s’avéra à cette occasion qu’elle était entrée sur le territoire de l’Union européenne via la Hongrie en date du 1er juin 2019 et que, selon ses affirmations, elle serait arrivée en bus au Luxembourg le lendemain.

Par arrêté du 28 octobre 2019, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, dénommé ci-

après « le ministre », prit à l’encontre de Madame … une décision de retour comportant un ordre de quitter sans délai le territoire luxembourgeois et lui interdisant l’entrée sur ledit territoire pour une durée de trois ans, arrêté qui fut basé sur les motifs et considérations suivants :

« (…) Vu les articles 100 et 109 à 115 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu le procès-verbal … établi par la Police grand-ducale, Région Sud-Ouest Commissariat …, en date du 28 octobre 2019 ;

Attendu que l’intéressée n’est ni en possession d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ni d’une autorisation de travail ;

Que par conséquent il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressée ; (…) ».

Par arrêté séparé du même jour, notifié à l’intéressée également le même jour, le ministre ordonna encore le placement de Madame … au Centre de rétention pour une durée d’un mois.

Par courrier de son mandataire de l’époque daté du 31 octobre 2019, adressé à la direction de l’Immigration auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, ci-

après désignée par « le ministère », Madame … requit du ministre qu’il revienne sur sa décision d’interdiction d’entrée sur le territoire prise à son encontre, en expliquant que l’irrégularité de sa situation administrative s’inscrirait dans un contexte particulier, alors qu’elle aurait été sur le point de conclure un contrat de travail avec le club de handball ….

Elle aurait pensé que le club avait déposé un dossier pour qu’elle se voit délivrer un titre de séjour en qualité de sportive et qu’il ne lui restait qu’à attendre une réponse favorable. Elle versa à l’appui de ses dires un courrier non signé daté du 1er juillet 2019, dans lequel une représentante du club de handball déclare que ledit club l’engagerait en tant que joueuse lorsqu’il serait en possession de tous les documents requis. Elle versa également une déclaration d’entrée auprès du Centre commun de la sécurité sociale, ce qui aurait démontré l’intérêt du club pour elle. Enfin, elle proposa, dans son prédit courrier, d’acheter un billet d’avion pour rentrer volontairement dans son pays.

Par courrier du 6 novembre 2019, le ministre répondit par la négative à la demande de Madame …, au motif qu’elle serait entrée dans l’espace Schengen le 1er juin 2019 et qu’au moment de son interpellation, elle aurait largement dépassé le délai de trois mois, se trouvant ainsi depuis lors en situation irrégulière. Il ajouta que Madame … avait la possibilité de prendre son billet pour la Serbie par ses propres moyens, si elle le souhaitait.

Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 13 novembre 2019, Madame … fit introduire un recours tendant à la réformation de l’arrêté du ministre du 28 octobre 2019 ordonnant son placement en rétention, recours qui fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 25 novembre 2019, inscrit sous le numéro 43779 du rôle.

Par arrêté du 25 novembre 2019, notifié à l’intéressée le 28 novembre 2019, le ministre ordonna la prorogation du placement de Madame … au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois.

Le 27 novembre 2019, le ministre déclara la demande de Madame … en obtention d’une autorisation de séjour en qualité de sportive comme irrecevable, au motif qu’elle se serait trouvée sur le territoire luxembourgeois au moment de l’introduction de sa demande.

Le 11 décembre 2019, Madame … fut éloignée vers la Serbie.

Bien que l’arrêté ministériel litigieux du 28 octobre 2019 comporte deux volets, à savoir (i) une décision de retour prise sur le fondement de l’article 100 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, dénommée ci-après « la loi du 29 août 2008 », et (ii) une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de trois ans prise sur base de l’article 112 de la même loi, il échet de constater, à la lecture du dispositif de son recours, que Madame … a fait introduire, par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 novembre 2019, inscrit sous le numéro 43778 du rôle, un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’arrêté précité du 28 octobre 2019 uniquement en ce qu’il lui interdit l’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de trois ans, de sorte que le tribunal limitera son analyse à ce seul volet, et ce, d’autant plus que la demanderesse n’a pas pris position, dans son mémoire en réplique, quant à l’argument du délégué du gouvernement selon lequel elle aurait effectivement entendu attaquer uniquement l’interdiction d’entrée sur le territoire.

Aucune disposition de la loi du 29 août 2008 ne prévoyant de recours au fond en cette matière et étant donné que l’article 113 par renvoi à l’article 112 de la même loi prévoit un recours en annulation contre les décisions d’interdiction d’entrée sur le territoire, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision litigieuse.

Il s’ensuit que le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal contre la décision déférée du 28 octobre 2019.

Le recours subsidiaire en annulation est, par contre, recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse reproche, en premier lieu, au ministre d’avoir prononcé une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de trois ans à son égard, alors que le risque de fuite retenu par le ministre à son encontre ne serait basé sur aucune motivation. Elle donne encore à considérer que l’interdiction d’entrée sur le territoire manquerait de fondement légal. Elle ajoute qu’elle serait entrée sur le territoire luxembourgeois pour jouer au handball et qu’elle envisagerait de revenir une fois sa situation régularisée, de sorte qu’il y aurait lieu de ramener le délai de l’interdiction d’entrée sur le territoire à une durée plus proportionnée, à savoir trois mois au lieu de trois ans.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé. Il renvoie, dans ce contexte, à l’interprétation de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de l’article 11 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par « la directive 2008/115 », selon laquelle les décisions de retour devraient être assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire si aucun délai n’a été accordé pour le départ volontaire de l’étranger. Il renvoie également à un arrêt de la Cour administrative rendu en date du 11 octobre 2018, inscrit sous le numéro 40795C du rôle, pour soutenir que l’article 112, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 aurait ainsi obligé le ministre à assortir sa décision de retour sans délai d’une interdiction d’entrée sur le territoire à l’encontre de Madame ….

Quant au reproche de la demanderesse tenant au caractère disproportionné du volet de la décision litigieuse portant interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans, le délégué du gouvernement fait valoir que la demanderesse aurait envisagé, avant de venir au Grand-Duché de Luxembourg, d’y séjourner pour une durée de plus de trois mois et que le contrat avec le club de handball ne pourrait pas être pris en compte, étant donné qu’il aurait été signé après que la décision litigieuse ait été prise.

Dans son mémoire en réplique, Madame … fait valoir que la partie gouvernementale aurait avoué que l’interdiction d’entrée sur le territoire ne serait pas le résultat de son comportement, bien que celui-ci devrait être pris en compte pour la fixation de la durée de ladite interdiction. Elle en conclut que le ministre n’aurait pas tenu compte de son comportement pour retenir la durée de trois ans d’interdiction d’entrée sur le territoire. A cet égard, elle donne à considérer qu’elle n’aurait commis aucune infraction, mais qu’elle aurait simplement attendu sa licence de joueuse et que, lorsqu’elle aurait été placée en rétention, elle aurait offert d’organiser elle-même son retour en Serbie. Par ailleurs, elle n’aurait été en situation irrégulière que pendant deux mois, étant donné qu’elle serait entrée sur le territoire luxembourgeois le 1er juin 2019. Elle ajoute que deux autres femmes, qui auraient séjourné avec elle au Centre de rétention, auraient été en séjour irrégulier pendant plus d’une année et qu’elles n’auraient eu une interdiction d’entrée sur le territoire que d’une année, de sorte que l’interdiction de trois ans prononcée à son encontre serait arbitraire, manquerait de toute appréciation objective et serait disproportionnée. Elle relève que l’Etat luxembourgeois violerait le principe d’égalité, dans la mesure où elle ne ferait pas l’objet d’un traitement identique à celui d’autres personnes se trouvant dans le même cas, et en conclut que l’interdiction d’entrée sur le territoire à son encontre devrait être réduite à trois mois.

Le délégué du gouvernement rétorque que Madame …, bien qu’elle ait affirmé vouloir le faire, n’aurait entamé aucune démarche en vue de son retour en Serbie et qu’elle aurait, de ce fait, dû être éloignée de force. Il ajoute que les éléments fournis par cette dernière concernant le principe d’égalité ne permettraient pas de retenir qu’elle se serait trouvée dans une situation similaire à celle des personnes évoquées. En outre, il fait valoir que le procès-

verbal de la police établi après son appréhension, et dans lequel il aurait été relevé que Madame … aurait essayé d’échapper aux policiers, contredirait le fait qu’elle aurait été simplement en attente de sa licence de joueuse. Il donne à considérer à cet égard, en renvoyant à l’arrêt précité de la Cour administrative du 11 octobre 2018, que le ministre se trouverait dans l’obligation d’assortir une décision de retour sans délai d’une interdiction d’entrée sur le territoire. Il renvoie encore à l’article 39, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, en indiquant qu’il aurait appartenu à Madame … d’introduire une demande d’autorisation de séjour avant son entrée sur le territoire et que l’attente d’un titre, dont cette dernière s’empare en vue de la réduction de la durée de l’interdiction, aurait pu être « beaucoup plus longue » si elle n’avait pas été contrôlée et appréhendée le 28 octobre 2019.

En l’espèce, le tribunal est tout d’abord amené à retenir que dans la mesure où il n’est pas saisi en réformation en la matière, il ne peut en tout état de cause pas réduire la durée de l’interdiction d’entrée sur le territoire, de sorte que la demande de Madame …, en ce sens, encourt d’ores et déjà le rejet.

Ensuite, l’article 112 de la loi du 29 août 2008 dispose que :

« (1) Les décisions de retour peuvent être assorties d’une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée maximale de cinq ans prononcée soit simultanément à la décision de retour, soit par décision séparée postérieure. Le ministre prend en considération les circonstances propres à chaque cas. Le délai de l’interdiction d’entrée sur le territoire peut être supérieur à cinq ans si l’étranger constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale.

(2) La personne faisant l’objet d’une décision comportant une interdiction d’entrée sur le territoire, peut introduire une demande de levée de cette interdiction après un délai raisonnable, en fonction des circonstances, et en tout cas après trois ans à compter de l’éloignement du territoire en invoquant des moyens à établir un changement matériel des circonstances qui avaient justifié la décision d’interdiction du territoire à son encontre. Le ministre statue dans les six mois. ».

Le tribunal relève que l’article 112, paragraphe (1), précité, permet au ministre, en prenant en considération les circonstances propres à chaque cas, d’assortir une décision de retour d’une interdiction d’entrée sur le territoire dont la durée ne peut, en principe, pas excéder cinq ans, sauf dans l’hypothèse où l’intéressé constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale.

Le tribunal relève ensuite qu’en contestant la proportionnalité de la décision d’interdiction du territoire à défaut d’explications des motifs à sa base et à défaut de prendre en compte les circonstances de l’espèce, la demanderesse met en substance en question l’existence de motifs justifiant la prise d’une interdiction d’entrée sur le territoire à son encontre.

Il échet de constater, dans ce contexte, que selon les enseignements de la Cour administrative1, l’article 112 de la loi du 29 août 2008 est à interpréter en ce sens que le ministre est obligé d’assortir automatiquement une décision de retour ne comportant pour l’intéressé aucun délai de départ d’une décision d’interdiction d’entrée et que le terme « peuvent », utilisé dans ledit article 112, vise, suivant l’interprétation lui donnée par la Cour administrative, le seul choix à effectuer par le ministre de prendre une telle décision simultanément avec la décision de retour ou par un acte séparé, conformément à l’article 6, paragraphe (6), de la directive 2008/115/CE, et que l’obligation faite par le même article 112 de prendre en considération les circonstances propres à chaque cas se rapporte essentiellement à l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre dans la fixation de la durée de l’interdiction d’entrée.

L’article 112, paragraphe (1), précité, oblige donc, au regard de l’interprétation que la Cour administrative a bien voulu lui donner, et à laquelle le tribunal est tenu à la suite de plusieurs arrêts de la juridiction suprême rendus dans le même sens, le ministre à assortir une décision de retour d’une interdiction d’entrée sur le territoire dont la durée ne peut, en principe, pas excéder cinq ans, sauf dans l’hypothèse où l’intéressé constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, de sorte que le ministre devait en l’espèce, au regard de l’irrégularité de la situation de la demanderesse sur le territoire luxembourgeois, irrégularité qui a été expressément confirmée par cette dernière, obligatoirement prononcer une interdiction d’entrée sur le territoire à son encontre.

En ce qui concerne la fixation de la durée de l’interdiction, si le ministre a un large pouvoir d’appréciation en la matière, un tel pouvoir n’échappe cependant pas au contrôle des juridictions administratives, en ce que le ministre ne saurait verser dans l’arbitraire. Ainsi, 1 Cour adm., 11 octobre 2018, n° du rôle 40795C, et en ce sens Cour adm. 5 février 2019, n° du rôle 42047C et 13 février 2020, n° du rôle 43582C, tous disponibles sous « www.jurad.etat.lu ».

confronté à une décision relevant d’un pouvoir d’appréciation étendu, le juge administratif, saisi d’un recours en annulation, est appelé à vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration, sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute et s’ils sont de nature à justifier la décision, de même qu’il peut examiner le caractère proportionnel de la mesure prise par rapport aux faits établis, en ce sens qu’au cas où une disproportion devait être retenue par le tribunal administratif, celle-ci laisserait entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision.2 Le tribunal relève encore qu’en ce qui concerne les interdictions de territoire jusqu’à cinq ans, la loi ne prévoit pas de critères fixes permettant de guider la décision du ministre, celle-ci exigeant, en revanche, que le ministre prenne en considération les circonstances propres à chaque cas, de sorte que le tribunal, dans le cadre de son contrôle, doit également procéder à une analyse in concreto du dossier administratif afin de vérifier, au regard des motifs avancés, si la durée de l’interdiction ne semble pas disproportionnée en l’espèce.

Tout d’abord, en ce qui concerne l’affirmation de la demanderesse que d’autres femmes, non identifiées et non identifiables, se trouvant supposément dans la même situation qu’elle, n’auraient été interdites de territoire que pendant une année, force est de relever que dans la mesure où ces affirmations ne sont basées sur aucun élément concret, elles restent à l’état de pures allégations, de sorte que les arguments en ce sens encourent le rejet pour être non fondés.

En outre, l’argumentation de la demanderesse fondée sur une absence de risque de fuite dans son chef n’est pas pertinente dans le cadre de l’analyse de la proportionnalité de la durée de l’interdiction d’entrée sur le territoire, de sorte qu’elle encourt également le rejet.

Force est, ensuite, au tribunal de relever que la demanderesse conteste la proportionnalité de la durée de l’interdiction d’entrée sur le territoire en raison du fait qu’elle n’aurait commis aucune infraction, mais aurait simplement attendu sa licence de joueuse de handball et que, lorsqu’elle aurait été placée en rétention, elle aurait offert d’organiser elle-

même son retour en Serbie. Par ailleurs, elle n’aurait été en situation irrégulière que pendant deux mois, étant donné qu’elle serait entrée sur le territoire luxembourgeois le 1er juin 2019.

Or, la demanderesse se contredit en affirmant n’avoir commis aucune infraction dans la mesure où elle a expressément reconnu, dans son mémoire en réplique, qu’au moment de la prise de la décision litigieuse à son encontre, elle se serait trouvée de manière irrégulière sur le territoire luxembourgeois « depuis environ 2 mois ».

Par ailleurs, en ce qui concerne le fait qu’elle aurait été de bonne foi et aurait attendu une réponse positive du ministère à la demande qu’elle pensait avoir été introduite par le « club de handball », le tribunal est amené à constater que la demanderesse n’était pas en possession d’une autorisation de séjour pour une durée supérieure à trois mois au moment de son entrée sur le territoire luxembourgeois, ni même de contrat de travail en bonne et due forme. A cet égard, force est de relever que le courrier du 1er juillet 2019 du club de handball … par lequel Madame … s’engage à intégrer Madame … comme joueuse - outre le fait qu’il n’est pas signé et qu’il ne contient aucune information sur la personne engageant le club -, 2 trib. adm., 27 février 2013, n° du rôle 30584, Pas. adm. 2019, V° Etrangers, n° 682 et les autres références y citées.

renseigne que le contrat serait signé « quand le club sera en possession de tous les documents requis ». Force est également de constater que le contrat signé en novembre 2019 a été conclu après la prise de la décision litigieuse et plusieurs mois après que Madame … soit entrée sur le territoire luxembourgeois.

Enfin, bien que Madame … ait indiqué dans le courrier de son mandataire de l’époque du 31 octobre 2019 vouloir retourner volontairement dans son pays d’origine en prenant en charge elle-même les coûts de son retour et que le ministre lui a répondu le 6 novembre 2019 qu’elle pouvait évidemment se procurer un billet d’avion vers Belgrade, il ne ressort d’aucun élément du dossier administratif qu’une démarche en ce sens a été entreprise par la demanderesse, de sorte que son retour a dû être organisé le 26 novembre 2019 pour le 11 décembre 2019, date à laquelle elle a été retournée de force vers la Serbie.

Ainsi, au vu de tous ces éléments, le tribunal est amené à conclure que le ministre n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en assortissant sa décision de retour d’une interdiction d’entrée sur le territoire de trois ans, interdiction dont la durée n’est pas disproportionnée et ne dépasse, en outre, pas celle de cinq ans prévue à l’article 112 de la loi du 29 août 2008 pour les étrangers qui ne constituent pas une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale.

Le moyen de la demanderesse y afférent est, dès lors, à rejeter pour être non fondé.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, le recours en annulation est à rejeter pour être non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Alexandra Bochet, juge, Carine Reinesch, juge, et lu à l’audience publique de vacation du 12 août 2020 par le premier vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 12 août 2020 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 43778
Date de la décision : 12/08/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2020-08-12;43778 ?

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