Tribunal administratif N° 44765 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 juillet 2020 chambre de vacation Audience publique extraordinaire de vacation du 7 août 2020 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de la Santé en matière de lutte contre la pandémie Covid-19 – amende administrative
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 44765 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 31 juillet 2020 par Maître Mathieu Fettig, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, sans état connu, demeurant à …, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision du ministre de la Santé du 23 juillet 2020 par laquelle une amende administrative de 4.000 € a été prononcée à son encontre, en sa qualité de gérant de l’établissement « … », situé à … ;
Vu le mémoire en réponse, qualifié erronément de « mémoire en réplique », du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 août 2020 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Max Loehr, en remplacement de Maître Mathieu Fettig, et Madame le délégué du gouvernement Jeannine Dennewald en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 août 2020.
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Il ressort d’un procès-verbal de la police grand-ducale, unité … de la région Sud-Ouest du 4 juillet 2020, portant la référence …, qu’en date du même jour, vers … heures, il fut constaté ce qui suit au sujet du « … (…) … » : « Hier konnten Amtierende beobachten wie ungefähr die hälfte der anwesenden Personen (ungefähr 100 Personen anwesend) nicht auf ihren Tischen sassen, sondern bei der Theke im Lokal oder auf der Terasse standen. Ebenfalls standen einige Leute vor dem Lokal auf dem Bürgersteig. Ebenfalls standen dort viele Personen ohne Atemschutzmaske. Das Lokal verfügt über 55 Sitzplätze auf der Terasse und 60 Sitzplätze im Inneren, dies laut den Aussagen der unter sub. 7 erwähnte Person [à savoir Monsieur …, en sa qualité de « gérant et co-propriétaire » du bar en question] », de sorte que l’agent verbalisant a retenu une violation de la loi du 24 juin 2020 portant introduction d’une série de mesures concernant les activités sportives, les activités culturelles ainsi que les établissements recevant du public, dans le cadre de la lutte contre la pandémie Covid-19, dénommée ci-après « la loi du 24 juin 2020 », dont plus particulièrement l’article 1er, paragraphe (3), point 1 de celle-ci.
Il ressort encore dudit procès-verbal de police qu’interrogé sur les faits lui reprochés, Monsieur … a déclaré ce qui suit : « Je ne suis pas en faute. J’avais autant de personnes dans l’établissement que j’ai de places assises (55 dehors et 60 dedans). J’ai déjà refusé l’accès ce soir a plusieurs personnes car j’étais plein. En plus c’était seulement sur réservation ce soir ».
Enfin, il se dégage dudit procès-verbal que Monsieur … avait été rendu attentif au fait qu’il avait le droit de « présenter [ses] observations écrites dans un délai de deux semaines à partir de la remise de la copie [dudit procès-verbal] auprès du Ministre ayant la Santé dans ses attributions ».
Par arrêté du 23 juillet 2020, le ministre de la Santé, dénommé ci-après le « ministre », prononça une amende administrative de 4.000 € à l’encontre de Monsieur …, en sa qualité de gérant de l’établissement « … » et ce, en considération du procès-verbal précité du 4 juillet 2020, du fait que celui-ci n’avait pas présenté d’observations écrites dans un délai de deux semaines à partir de la remise de la copie du procès-verbal précité et de ce que l’agent verbalisant avait constaté, tel que cela ressort dudit procès-verbal « que parmi les cent personnes qui se trouvaient à l’établissement …, situé à …, la moitié des personnes ne se trouvait pas sur des places assises », de sorte qu’il y avait lieu de retenir une infraction à l’article 1er, paragraphe (3), point 1 de la loi du 24 juin 2020.
L’arrêté ministériel précité du 23 juillet 2020 fut notifié à Monsieur … en date du 28 juillet 2020.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 31 juillet 2020, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de l’arrêté ministériel précité du 23 juillet 2020.
Encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité ayant pour conséquence qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation dirigé contre la même décision1.
En l’espèce, un recours en réformation a été attribué au tribunal administratif par l’article 3, paragraphe (3), premier alinéa, de la loi du 24 juin 2020, telle qu’en vigueur au jour de la prise de la décision sous examen, entretemps abrogée et remplacée par la loi du 17 juillet 2020 sur les mesures de lutte contre la pandémie Covid-19, pour statuer sur les décisions prises par le ministre en application de ladite disposition légale.
Partant, le tribunal est compétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation, qui est encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.
Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours principal en annulation.
A l’appui de son recours, et quant au fond, le demandeur conteste les reproches formulés à son encontre par le procès-verbal de police précité du 4 juillet 2020, en estimant que ces faits ne seraient pas « réels » et seraient au demeurant « vagues et dépourvus de toute précision ». En outre, il estime que les motifs avancés par le ministre pour lui infliger une 1 v. trib. adm. 4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Pas. adm. 2019, V° Recours en réformation, n° 4 et les autres références y citées.
amende administrative de 4.000 € ne seraient pas « suffisamment sérieux pour justifier une condamnation à l’amende maximale ».
En ce qui concerne plus particulièrement les faits lui reprochés, le demandeur estime qu’il ne serait pas interdit « de se déplacer dans le restaurant pour :
- s’asseoir à sa table - sortir de table - aller aux toilettes » et que de même, il ne serait pas « interdit de s’asseoir au Bar ».
Il estime ainsi que les reproches lui adressés se baseraient sur un « sentiment subjectif » du commissaire verbalisant.
En droit, il estime, en se référant à l’article 1er, paragraphe (3), point 6, de la loi du 24 juin 2020, que la décision incriminée ne serait pas « motivée » et que, pour le surplus, la motivation ne serait pas « pertinente au fond ». D’une manière générale, il conteste « le motif ».
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.
En ce qui concerne tout d’abord le premier moyen invoqué par le demandeur, tiré d’une motivation insuffisante de la décision incriminée, et en l’absence de base légale ou réglementaire invoquée par lui à l’appui dudit moyen, il échet néanmoins de retenir que le demandeur est supposé s’être référé à l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après dénommé le « règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », suivant lequel « Toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux.
La décision doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle :
- refuse de faire droit à la demande de l’intéressé ;
- révoque ou modifie une décision antérieure, sauf si elle intervient à la demande de l’intéressé et qu’elle y fait droit ;
- intervient sur recours gracieux, hiérarchique ou de tutelle ;
- intervient après procédure consultative, lorsqu’elle diffère de l’avis émis par l’organisme consultatif ou lorsqu’elle accorde une dérogation à une règle générale.
(…) ».
Au-delà du fait que la décision sous examen ne tombe pas sous le champ d’application de la disposition réglementaire précitée et que le demandeur n’a pas indiqué une autre base légale ou réglementaire suivant laquelle ce type de décision devrait faire l’objet d’une indication des motifs, il échet de retenir, à titre superfétatoire, que la décision ministérielle critiquée du 23 juillet 2020 se trouve être amplement motivée du fait de se référer au procès-
verbal de police précité du 4 juillet 2020, contenant avec précision l’indication des reproches formulés à l’égard de Monsieur …, tout en énonçant la base légale ayant été violée par l’infraction commise, à savoir l’article 1er, paragraphe (3), point 1 de la loi du 24 juin 2020.
D’ailleurs, à cet égard, il échet de constater que Monsieur … a pu prendre position par rapport à ces différents reproches dans le cadre du recours sous examen, de sorte qu’il ne saurait faire croire avoir pu ignorer les reproches lui adressés.
Il suit partant des considérations qui précèdent que ce premier moyen est à rejeter pour ne pas être fondé.
En ce qui concerne le deuxième et dernier moyen soulevé par le demandeur, d’ailleurs sans la moindre indication d’une base légale ou réglementaire de nature à sous-tendre le moyen en question, tiré de ce que les reproches lui adressés seraient trop vagues et non pertinents, il échet tout d’abord de relever que l’article 3, paragraphe (1), de la loi du 24 juin 2020 est libellé comme suit :
« Les infractions aux mesures de protection prévues à l’article 1er, paragraphe 3, points 1° et 6°, commises par les commerçants, artisans, gérants ou autres personnes responsables des activités y visées sont punies d’une amende administrative d’un montant maximum de 4.000 euros. En cas de nouvelle commission d’une infraction, le montant maximum est porté au double.
Les infractions à la loi sont constatées par les agents et officiers de police administrative de la Police grand-ducale et par les agents de l’Administration des douanes et accises à partir du grade de brigadier principal. La constatation fait l’objet d’un rapport mentionnant le nom du fonctionnaire qui y a procédé, le jour et l’heure du constat, les nom, prénom et adresse de la personne ou des personnes ayant commis l’infraction, ainsi que toutes autres déclarations que ces personnes désirent faire acter.
Copie en est remise à la personne ayant commis l’infraction visée à l’alinéa 1er. Cette personne a accès au dossier et est mise à même de présenter ses observations écrites dans un délai de deux semaines à partir de la remise de la copie précitée. L’amende est prononcée par le ministre. (…) ».
Au vu du contenu de ladite disposition légale, il y a lieu de constater que malgré le fait qu’il aurait pu présenter ses observations écrites dans un délai de deux semaines à partir de la remise d’une copie du procès-verbal litigieux du 4 juillet 2020, Monsieur … a choisi de ne pas tirer profit de la faculté lui ainsi offerte par la loi, et à laquelle il a d’ailleurs été rendu attentif lors du contrôle de police du 4 juillet 2020, tel que cela ressort du procès-verbal litigieux. En outre, et au-delà de contestations générales et parfaitement vagues soulevées par le demandeur quant aux indications figurant dans le procès-verbal de police du 4 juillet 2020, le demandeur n’a indiqué en aucune façon de quelle manière les indications figurant audit procès-verbal seraient inexactes. Or, à défaut par le demandeur de soumettre au tribunal des éléments de preuve circonstanciés quant aux prétendues inexactitudes figurant dans un procès-verbal de police, celui-ci vaut preuve suffisante des faits lui reprochés à savoir le fait qu’environ la moitié des 100 personnes présentes dans l’enceinte de l’établissement étaient debout, au lieu d’être assises à des tables, et que beaucoup d’entre elles ne portaient pas de masque. En outre, il se dégage de la lecture du procès-verbal du 4 juillet 2020, tel que cité par extrait ci-avant, que les reproches formulés à l’égard de Monsieur … et les indications factuelles retenues par les policiers, sont suffisamment précis et graves pour justifier l’amende maximale de 4.000 €, telle que prévue par l’article 3, paragraphe (1), premier alinéa, de la loi du 24 juin 2020, de sorte qu’aucun reproche ne saurait être adressé au ministre quant à la prise de sa décision sous examen.
Il suit des considérations qui précèdent que ce deuxième moyen est également à rejeter pour ne pas être fondé.
Aucun autre moyen n’ayant été soulevé par le demandeur, son recours est à rejeter pour ne pas être fondé.
Au vu de l’issue du litige, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de Monsieur … tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, d’un montant de 1.500 €.
Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours subsidiaire en réformation ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de prendre position par rapport au recours principal en annulation ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure présentée par le demandeur ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Alexandra Bochet, juge, Carine Reinesch, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire de vacation du 7 août 2020 à 16.00 heures par le premier vice-président, en présence du greffier Luana Poiani.
s. Luana Poiani s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 7 août 2020 Le greffier du tribunal administratif 5