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03/08/2020 | LUXEMBOURG | N°44336

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 août 2020, 44336


Tribunal administratif N° 44336 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 mars 2020 2e chambre Audience publique extraordinaire du 3 août 2020 Recours formé par la société anonyme …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contribution directes en matière d’échange de renseignements

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Vu la requête inscrite sous le numéro 44336 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 31 mars 2020 par la société en commandite simple Bonn Steichen

& Partners, établie et ayant son siège social à L-2370 Howald, 2 rue Peternelchen, ...

Tribunal administratif N° 44336 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 mars 2020 2e chambre Audience publique extraordinaire du 3 août 2020 Recours formé par la société anonyme …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contribution directes en matière d’échange de renseignements

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Vu la requête inscrite sous le numéro 44336 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 31 mars 2020 par la société en commandite simple Bonn Steichen & Partners, établie et ayant son siège social à L-2370 Howald, 2 rue Peternelchen, Immeuble C2, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, représentée par son gérant commandité actuellement en fonctions, la société à responsabilité limitée BSP SARL, établie et ayant son siège social à L-2370 Howald, 2 rue Peternelchen, Immeuble C2, elle-même représentée aux fins de la présente procédure par son gérant, Maître Alain Steichen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme …, en liquidation volontaire, établie et ayant son siège social à …, inscrite au Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son liquidateur actuellement en fonctions, à savoir la société coopérative …, établie et ayant son siège social à …, dont le représentant permanent pour les besoins de la liquidation est Monsieur …, demeurant professionnellement à L-…, tendant à l’annulation de la décision d’injonction du directeur de l’administration des Contributions directes du 3 mars 2020 de fournir des renseignements en vertu de l’article 3, paragraphe 3 de la loi modifiée du 25 novembre 2014 prévoyant la procédure applicable à l’échange de renseignements sur demande en matière fiscale, référencée sous le numéro … ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 juin 2020 ;

Vu l’ordonnance de la deuxième chambre du tribunal administratif du 18 juin 2020 autorisant, sur requête de la société en commandite simple Bonn Steichen & Partners, préqualifiée, le dépôt d’un mémoire supplémentaire par partie pour le 1er juillet 2020, respectivement le 10 juillet 2020 ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 1er juillet 2020 par la société en commandite simple Bonn Steichen & Partners, préqualifiée, au nom de la société anonyme … ;

Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 juillet 2020 ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Olivier Schank, en remplacement de Maître Alain Steichen, et Monsieur le délégué du gouvernement Eric Pralong en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 juillet 2020.

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Par courrier du 3 mars 2020, le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », adressa au liquidateur de la société anonyme …, ci-après désignée par « la Société », une décision d’injonction en vertu de l’article 3, paragraphe 3 de la loi modifiée du 25 novembre 2014 prévoyant la procédure applicable à l’échange de renseignement sur demande en matière fiscale, ci-après dénommée « la loi du 25 novembre 2014 », avec prière de fournir, pour le 8 avril 2020 au plus tard, différents renseignements et documents concernant la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2018, ladite injonction étant libellée comme suit :

« (…) En date du 21 février 2020, l’autorité compétente de l’administration fiscale suédoise nous a transmis une demande de renseignements en vertu de la directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011, transposée en droit interne par la loi du 29 mars 2013.

L'autorité compétente luxembourgeoise a vérifié la régularité formelle de ladite demande de renseignements et a exclu l’absence manifeste de pertinence vraisemblable.

La personne physique concernée par la demande est Monsieur …, né le … et ayant une adresse à …, Suisse.

Je vous prie de bien vouloir nous fournir, pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2018, les renseignements et documents suivants pour le 8 avril 2020 au plus tard.

Pour des raisons de meilleure lisibilité, nous avons repris le questionnaire anglais de la demande d'information des autorités suédoises pour les points suivants.

Concerning all accounts in … in the name of Mr. …, including but not restricted to the account number …, whether in his name or jointly with others, or to which he is signatory or of which he is the ultimate beneficial owner, please provide the following documents or information:

-

Account opening forms and forms showing signatories to accounts, including e-banking application forms to accounts.

-

KYC documentation.

-

Copy statements.

-

If there are credit/debit cards linked to the accounts mentioned above, please provide us with copies of statements of these cards.

-

If there are custody accounts linked to the accounts mentioned above, please provide us with copies of statements, which detail not only withdrawals/deposits/transfers of cash and purchase/sale of assets but also transfers of assets with no payments, of these custody accounts.

-

If there are any custody accounts, please provide portfolio summaries, which detail the assets of the portfolio at given times, e.g. monthly.

-

Any instructions received by the bank in any form, including letter, email, fax or telephone from Mr. … or any other person acting on his personal behalf or on his instruction 2 or authority, requesting any payments or transfers or transactions to be made from the accounts.

-

Telephone logs and/or audio files of recorded calls between Mr. … and ….

-

Telephone logs and/or audio files of recorded calls between … and … concerning Mr.

….

Je tiens à vous rendre attentif que, conformément à l'article 2 (2) de la loi modifiée du 25 novembre 2014 précitée, le détenteur des renseignements est obligé de fournir les renseignements demandés ainsi que les pièces sur lesquelles ces renseignements sont fondés en totalité, de manière précise et sans altération.

(…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 31 mars 2020, la Société a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du 3 mars 2020 prise par le directeur.

Etant donné que l’article 6 de la loi du 25 novembre 2014 prévoit un recours en annulation contre la décision d’injonction adressée au détenteur des renseignements demandés, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation dirigé contre la décision du directeur du 3 mars 2020, telle que déférée, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la Société expose tout d’abord les faits et rétroactes à la base du présent litige.

En droit, la Société estime que son recours serait à déclarer fondé en ce que les renseignements demandés ne seraient pas « vraisemblablement pertinents ». Elle soulève que, tel qu’indiqué dans la décision d’injonction, les autorités luxembourgeoises auraient été saisies d’une demande d’échange de renseignements des autorités suédoises en vertu de la directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/99/CEE, ci-après désignée par la « directive 2011/16/UE », transposée en droit interne par la loi modifiée du 29 mars 2013 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal, ci-après désignée par la « loi du 29 mars 2013 ». La directive 2011/16/UE prévoirait que seuls des « renseignements vraisemblablement pertinents » pour élucider les affaires fiscales d’un contribuable déterminé devraient être échangés entre les Etats.

En ce qui concerne le moyen tenant à un défaut allégué de pertinence vraisemblable des renseignements demandés, la demanderesse se réfère encore à l’article 1er de la directive 2011/16/UE et cite le considérant numéro 9 de ladite directive 2011/16/UE, de même qu’en substance le considérant numéro 78 de l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne, ci-

après désignée par « la CJUE », du 16 mai 2017, numéro C-682/15, dans l’affaire Berlioz Investment Fund SA.

Dans ce contexte, la Société donne à considérer que suite à la demande de renseignements, la direction des Contributions directes aurait jugé utile d’émettre la décision d’injonction du 3 mars 2020 en vertu de la loi du 25 novembre 2014, afin de la contraindre àfournir les informations requises par les autorités suédoises. La Société cite, à cet égard, l’article 3, paragraphe (1) de la loi du 25 novembre 2014, et relève que d’après la jurisprudence constante en la matière, la vérification de la pertinence vraisemblable des renseignements demandés s’articulerait principalement autour de l’identité du contribuable concerné par la demande et la finalité fiscale des informations demandées. En ce qui concerne l’identité du contribuable visé par la demande d’échange de renseignements, la Société indique que la décision d’injonction préciserait qu’il s’agirait d’une personne physique. Outre le nom de la personne physique visée, la seule précision que contiendrait la décision d’injonction relative à celle-ci serait une adresse à Crans Montana, Confédération suisse. S’agissant, en revanche, de la finalité fiscale poursuivie par l’échange de renseignements, la décision d’injonction resterait muette à ce sujet.

La Société reproche à ce titre à la décision directoriale du 3 mars 2020 d’être restée en défaut de lui fournir des informations plus détaillées quant au but fiscal des autorités suédoises et explique qu’elle devrait, à ce stade, assumer que le but fiscal des autorités suédoises serait de vérifier la situation fiscale de la personne physique visée par rapport à la Suède. Cependant, en tant que personne physique résidente en Suisse, elle ne devrait être soumise à l’impôt suédois qu’en raison de ses revenus de source suédoise. Elle affirme dès lors comprendre que les autorités suédoises demanderaient des informations visant à identifier, voire à quantifier de tels revenus de source suédoise.

Par contre, les informations requises seraient loin de se limiter aux informations permettant aux autorités suédoises d’identifier et de quantifier les revenus de source suédoise.

Les autorités suédoises exigeraient de sa part qu’elle fournisse toutes les informations dont elle aurait connaissance concernant les revenus et le patrimoine global d’une personne physique fiscalement résidente dans la Confédération suisse. Ces informations seraient manifestement non pertinentes lorsqu’il s’agirait d’imposer en Suède une personne non résidente.

Ainsi, la Société explique qu’en l’absence de toute information complémentaire quant à la personne physique visée et au but fiscal poursuivi, elle pourrait donc s’arrêter aux informations relatives à ses revenus de source suédoise et conclure légitimement à l’absence totale de pertinence vraisemblable des autres informations demandées.

Enfin, la Société relève que la partie étatique devrait, en tout état de cause, fournir la substance des informations contenues dans la demande d’échange de renseignements, ainsi que, le cas échéant, dans les compléments d’information délivrés par l’Etat requérant, notamment pour ce qui concernerait les informations minimales jugées nécessaires afin d’apprécier la pertinence vraisemblable de la demande étrangère, à savoir l’identité du contribuable visé et le but fiscal renseigné. Selon la Société, cette dernière indication ne lui aurait pas été communiquée dans le cadre de la décision d’injonction. Or, ce ne serait qu’à l’issue de cette communication minimale qu’elle pourrait être en possession des précisions nécessaires pour lui permettre de préparer utilement sa défense.

Partant, elle sollicite, dans l’intérêt de l’instruction de l’affaire et afin de préserver ses droits, la communication des informations minimales en question, ainsi que le droit de prendre position par rapport à ces informations dans un mémoire supplémentaire en application de l’article 6, paragraphe (2) de la loi du 25 novembre 2014, telle que modifiée.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du recours et quant au fond, il cite un extrait dudescriptif du cas d’imposition et du but fiscal que l’autorité compétente étrangère lui aurait fourni dans le cadre de sa demande d’échange de renseignements, duquel il ressortirait que les renseignements sollicités par les autorités suédoises auraient pour but de collecter des éléments de preuve supplémentaires permettant d’établir que Monsieur … serait en réalité résident fiscal en Suède. Le délégué du gouvernement donne ensuite à considérer qu’au vu du descriptif précis fourni par l’autorité compétente étrangère, il existerait une possibilité raisonnable que les renseignements recherchés se révéleront pertinents pour la vérification fiscale menée par les autorités fiscales étrangères.

Selon la Société, il résulterait des indications de l’extrait de la demande suédoise, reproduite par le délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse, que les autorités fiscales suédoises soupçonneraient que la résidence fiscale de Monsieur … se trouverait en Suède en raison du fait que la mère de ses enfants, ses enfants et petits enfant résideraient en Suède. Le but fiscal des renseignements demandés serait donc la vérification de la résidence fiscale du contribuable concerné par la demande de renseignements malgré le fait que son adresse se trouverait en Suisse. Elle donne à considérer qu’afin de déterminer correctement les obligations fiscales en Suède de Monsieur …, il faudrait, dans un premier temps, déterminer si ce dernier est résident suédois et seulement si ce soupçon s’avérerait correct, ce dernier serait imposable sur ses revenus globaux en Suède. Et ce ne serait que dans un deuxième temps que l’administration fiscale suédoises pourrait solliciter des informations en lien avec ces revenus globaux. Par conséquent, dans un premier temps, seules les informations utiles à déterminer que le contribuable serait un résident fiscal suédois pourraient être considérées comme vraisemblablement pertinentes pour l’administration fiscale suédoise. Toute information qui irait au-delà de ces éléments serait nécessairement à qualifier de pêche aux renseignements.

Dans le cas présent, l'administration fiscale suédoise tenterait d'obtenir des informations sur le revenu global du contribuable visé, au seul motif que des membres de sa famille résideraient en Suède. Les informations iraient incontestablement au-delà de ce qui serait nécessaire pour déterminer la résidence fiscale du contribuable visé par la demande étrangère.

En effet, il ne serait pas possible de déterminer la résidence fiscale d'un contribuable sur base des formulaires d'ouverture de compte bancaire, d'une documentation « know your customer », de relevés bancaires ainsi que sur base d'informations sur des cartes de crédits et des comptes de dépôt. La même chose vaudrait pour les instructions données par le contribuable et les informations sur les appels avec ou au sujet du contribuable. Toutes ces informations requises seraient sans importance lorsqu'il s'agirait de déterminer la résidence effective d’un contribuable, étape préalable et obligatoire avant de pouvoir requérir des informations sur les revenus globaux d'un contribuable. Comme les informations requises dépasseraient la finalité fiscale de l'administration fiscale suédoise, il s'agirait incontestablement d'une tentative de pêche aux renseignements de l'administration fiscale suédoise à laquelle l'administration fiscale luxembourgeoise ne devrait pas donner suite à ce stade.

Ensuite, la demanderesse cite l’article 17 de la directive 2011/16/UE, ainsi que les commentaires de la convention modèle de l’Organisation de coopération et de développement économiques, ci-après dénommée « l’OCDE », relatifs à la condition d’épuisement des sources d’information interne. Dans le cas présent, l'administration fiscale suédoise semblerait prétendre que sa seule source habituelle de renseignement aurait été de poser des questions au contribuable. L’administration suédoise déclare qu'elle n'aurait pas pu recourir à ce moyen d'investigation sans compromettre ses investigations. Outre la crainte que les informations ne soient pas communiquées par le contribuable, l'administration fiscale suédoise ne pourrait donner aucune raison fondée pour laquelle ses investigations seraient compromises si elle posaitdes questions au contribuable. Il serait difficile de comprendre à quel point l'investigation aurait été compromise si l'administration fiscale suédoise avait d'abord interrogé le contribuable sur sa résidence fiscale et lui avait demandé des preuves qu'il était réellement résident fiscal en Suisse. Ce ne serait qu'après une telle interrogation que l'administration fiscale suédoise aurait pu se tourner vers l'administration fiscale luxembourgeoise. De plus, selon la Société, il existerait certainement d'autres possibilités internes en droit suédois, à côté de l'interrogation directe du contribuable, qui pourraient permettre à l'administration suédoise de déterminer si le contribuable serait résident fiscal en Suède.

Selon le délégué du gouvernement, la partie demanderesse reconnaîtrait que les informations utiles à déterminer que le contribuable serait un résident fiscal suédois pourraient être considérées comme vraisemblablement pertinentes pour l'administration fiscale suédoise.

Elle estime toutefois que les renseignements demandés viseraient à obtenir des informations sur le revenu global du contribuable et iraient ainsi au-delà de ce qui serait nécessaire pour déterminer la résidence fiscale du contribuable.

Cependant, dans la mesure où les autorités suédoises disposeraient d'éléments précis permettant de conclure à une résidence fiscale de Monsieur … en Suède, les informations demandées à la requérante viseraient non seulement à renforcer cette conclusion, mais en même temps, tel qu'il ressort de la demande, à définir correctement le revenu imposable de Monsieur …. Toutes les informations sollicitées par les autorités suédoises pourraient dès lors se révéler pertinentes pour la vérification fiscale menée par les autorités fiscales étrangères.

En ce qui concerne ensuite la contestation par la demanderesse du respect de la condition d'épuisement des sources d'information habituelles par l'autorité compétente suédoise, le délégué du gouvernement relève que la demande d'échange de renseignements indiquerait spécifiquement que l'autorité compétente aurait épuisé ses sources d'informations habituelles prévues par la procédure fiscale interne et précise même les raisons qui auraient amené les autorités suédoises à ne pas s'adresser à Monsieur … lui-même. Il conviendrait de noter que l’autorité requise serait tenue d'épuiser ses sources habituelles d'information à condition que l’utilisation de ces sources ne risquerait pas de nuire à la réalisation des objectifs poursuivis.

Selon les explications fournies par les autorités suédoises, Monsieur … risquerait de compromettre le succès de l'enquête. Partant et, à défaut d'éléments concrets permettant d'ébranler les affirmations des autorités suédoises, le moyen de la demanderesse serait à rejeter.

Force est de constater qu’en l’espèce, la demande de renseignements des autorités suédoises est basée uniquement sur la directive 2011/16/UE, transposée en droit interne par la loi du 29 mars 2013. La décision d’injonction du 3 mars 2020, quant à elle, est fondée sur la loi du 25 novembre 2014.

La directive 2011/16/UE, ensemble avec la loi du 29 mars 2013 ayant transposé son contenu en droit interne, constitue le cadre légal de référence par rapport à la décision d’injonction du 3 mars 2020.

Il convient de prime abord de trancher le moyen fondé sur l’accès aux informations minimales.

L’article 3 de la loi du 25 novembre 2014 dispose en son paragraphe (4) que « La demande d’échange de renseignement ne peut pas être divulguée. La décision d’injonction ne comporte que les indications qui sont indispensables pour permettre au détenteur des 6 renseignements d’identifier les renseignements demandés. », tandis qu’en vertu du paragraphe (1) de l’article 6 de la loi du 25 novembre 2014 : « (…) Par dérogation à l’article 3, paragraphe (4), le tribunal a accès à la demande d’échange de renseignement ainsi que, le cas échéant, aux demandes de complément d’information et aux compléments d’information délivrés par l’Etat requérant. Les éléments y contenus et relatifs à l’identité de la personne visée par la demande d’échange de renseignements et la finalité fiscale des renseignements demandés sont séparément énoncés dans le mémoire en réponse à déposer par la partie étatique. Pour préserver les droits de la défense du requérant, le tribunal peut ordonner que la substance des informations contenues dans la demande d’échange de renseignements ainsi que, le cas échéant, dans les compléments d’information délivrés par l’Etat requérant lui soit communiquée, pour autant que ces informations soient pertinentes aux fins de l’examen du recours et en veillant à ce que cette communication se fasse de manière qui tient compte de la confidentialité nécessaire. (…) ».

Il découle de ces dispositions que la demande de renseignements n’est pas communiquée au destinataire de la décision d’injonction, mais que seule la substance des informations contenues dans la demande d’échange de renseignements est communiquée au requérant sur ordre du tribunal afin de préserver les droits de la défense.

A cet égard, il convient encore de relever que, dans son arrêt Berlioz, précité, la CJUE a reconnu à la demande d’échange de renseignements émanant de l’autorité compétente d’un autre Etat membre un caractère de « secret … [qui] peut ainsi être opposé à toute personne dans le cadre d’une enquête »1, qui prohibe sa communication au niveau de la procédure d’injonction et qui empêche le tiers détenteur de prendre connaissance de son contenu, y inclus les développements justifiant la pertinence vraisemblable des renseignements demandés. La CJUE a pareillement jugé dans ledit arrêt que même dans le cadre d’un recours contentieux engagé par lui, « il n’est pas nécessaire pour l’administré concerné, aux fins de faire entendre sa cause de manière équitable au sujet de la condition de pertinence vraisemblable, d’avoir accès à l’ensemble de la demande d’informations. Il suffit qu’il ait accès à l’information minimale visée à l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2011/16, à savoir l’identité du contribuable concerné et la finalité fiscale des informations demandées »2.

Suite à l’arrêt Berlioz, la Cour administrative a retenu, à cet égard, qu’ « afin de se conformer à ces exigences découlant de l’article 47 de la Charte et de l’article 16 de la directive 2011/16, la loi du 25 novembre 2014 devrait dès lors prévoir un régime procédural particulier relatif à la demande d’échange de renseignements conformément auquel l’Etat est tenu de la déposer au greffe de la juridiction administrative saisie et elle ne sera accessible qu’aux magistrats de la formation collégiale statuant sur le recours introduit sans être communiquée à la partie requérante. Par contre, la loi devrait prévoir l’obligation pour le représentant étatique de reproduire dans son mémoire en réponse les indications contenues dans ladite demande qui sont relatives à l’identité du contribuable concerné et à la finalité fiscale des renseignements demandés. »3.

En l’espèce, il est constant qu’à travers le mémoire en réponse, la substance des informations contenues dans la demande d’échange de renseignements a été portée à la connaissance de la société demanderesse, comportant tant l’indication du contribuable visé, à 1 CJUE, 16 mai 2017, BERLIOZ INVESTMENT FUND SA c. directeur de l’administration des Contributions directes, C-682/15, point 95.

2 Ibid., point 100.

3 Cour adm., 26 octobre 2017, n° 36893Ca du rôle, Pas. adm. 2019, V° Impôts, n°1250. savoir Monsieur …, que la finalité fiscale des informations demandées, à savoir confirmer la résidence fiscale de Monsieur … en Suède et asseoir correctement son revenu imposable en Suède, le tout devant la toile de fond du contrôle de la situation fiscale de Monsieur … et des sociétés détenues directement et indirectement par lui pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2018, de sorte que la société demanderesse a eu accès aux informations minimales prévues par l’article 20, paragraphe (2), de la directive 2011/16/UE et par l’article 6 de la loi du 25 novembre 2014. De même, afin de préserver ses droits de la défense, la société demanderesse a eu l’autorisation de déposer un mémoire supplémentaire, droit dont elle a fait usage, de sorte qu’aucune violation de ses droits de la défense n’est vérifiée. Dans ces conditions, la demande de la Société de se voir communiquer la substance de la demande de renseignement est rejetée comme étant devenue sans objet.

C’est encore à tort que la société demanderesse reproche à la décision d’injonction de ne pas contenir la mention de la finalité fiscale des informations demandées et de se limiter à mentionner les informations sollicitées.

En effet, l’article 3, paragraphe (4), de la loi du 25 novembre 2014 dispose que « la décision d’injonction ne comporte que les indications qui sont indispensables pour permettre au détenteur des renseignements d’identifier les renseignements demandés », de manière à exclure implicitement l’insertion, dans la décision d’injonction même, non seulement de développements quant aux démarches du directeur et à son analyse en relation avec le contrôle de l’absence manifeste de pertinence vraisemblable4, mais aussi d’une description de la finalité de la demande de renseignements. Il suffit que la partie publique fournisse, dans le cadre du recours contentieux, les informations concernant l’identité du contribuable et la finalité fiscale des renseignements demandés et qu’il explicite les raisons pour lesquelles, d’après l’analyse effectuée par le directeur, ces informations sont de nature à justifier la pertinence vraisemblable des renseignements demandés.

Il s’ensuit que les reproches tendant à l’omission d’indiquer, dans la décision d’injonction litigieuse, la pertinence vraisemblable des informations demandées et la finalité fiscale de la demande d’échange de renseignements sont à rejeter pour ne pas être fondés.

S’agissant de la légalité interne de la décision d’injonction litigieuse, l’article 3 de la loi du 25 novembre 2014 dispose que : « (1) L’administration fiscale compétente vérifie la régularité formelle de la demande d’échange de renseignements. La demande d’échange de renseignements est régulière en la forme si elle contient l’indication de la base juridique et de l’autorité compétente dont émane la demande ainsi que les autres indications prévues par les Conventions et lois.

L’administration fiscale compétente s’assure que les renseignements demandés ne sont pas dépourvus de toute pertinence vraisemblable eu égard à l’identité de la personne visée par la demande d’échange de renseignements et à celle du détenteur des renseignements ainsi qu’aux besoins de la procédure fiscale en cause. (…) ».

Il résulte de la disposition précitée que l’administration fiscale compétente doit, d’une part, vérifier la régularité formelle de la demande d’échange de renseignements et, d’autre part, s’assurer que les renseignements demandés ne sont pas dépourvus de toute pertinence vraisemblable eu égard à l’identité de la personne visée par la demande d’échange de 4 Cour adm. 25 avril 2019 n° 42093C et 42118C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.renseignements et à celle du détenteur des renseignements, ainsi qu’aux besoins de la procédure fiscale en cause.

Concernant la notion de la pertinence vraisemblable des renseignements sollicités par l’autorité compétente suédoise, il y a lieu de souligner que dans son arrêt Berlioz, la CJUE a délimité le champ du contrôle à exercer par le juge compétent saisi dans l’Etat requis par rapport à la demande d’injonction en ce sens que « les limites applicables au contrôle de l’autorité requise s’imposent de la même manière au contrôle du juge »5 et que « le juge doit uniquement vérifier que la décision d’injonction se fonde sur une demande suffisamment motivée de l’autorité requérante portant sur des informations qui n’apparaissent pas, de manière manifeste, dépourvues de toute pertinence vraisemblable eu égard, d’une part, au contribuable concerné ainsi qu’au tiers éventuellement renseigné et, d’autre part, à la finalité fiscale poursuivie »6.

Le critère de la pertinence vraisemblable se trouve explicité dans le considérant n° 9 du préambule de la directive 2011/16/UE qui le définit comme suit : « Il importe que les États membres échangent des informations concernant des cas particuliers lorsqu’un autre État membre le demande et fassent effectuer les recherches nécessaires pour obtenir ces informations. La norme dite de la « pertinence vraisemblable » vise à permettre l’échange d’informations en matière fiscale dans la mesure la plus large possible et, en même temps, à préciser que les États membres ne sont pas libres d’effectuer des « recherches tous azimuts » ou de demander des informations dont il est peu probable qu’elles concernent la situation fiscale d’un contribuable donné. Les règles de procédure énoncées à l’article 20 de la présente directive devraient être interprétées assez souplement pour ne pas faire obstacle à un échange d’informations effectif ».

La CJUE a encore précisé que « cette notion de pertinence vraisemblable reflète celle utilisée à l’article 26 du modèle de convention fiscale de l’OCDE tant en raison de la similitude des concepts utilisés que de la référence aux conventions de l’OCDE dans l’exposé des motifs de la proposition de directive du Conseil COM(2009) 29 final, du 2 février 2009, relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal, ayant conduit à l’adoption de la directive 2011/16 »7.

La condition de la pertinence vraisemblable des renseignements demandés implique que la demande porte sur un cas d’imposition précis et spécifique et qu’elle soit relative à un contribuable déterminé, les renseignements demandés devant être vraisemblablement pertinents pour l’enquête menée par l’autorité requérante. En somme, il faut qu’il existe une possibilité raisonnable que les renseignements demandés se révèleront pertinents pour l’enquête menée par l’autorité requérante. En revanche, la décision d’injonction est à qualifier de « pêche aux renseignements » si elle est fondée sur une demande d’échange de renseignements qui porte sur des informations qui sont manifestement dépourvues de toute pertinence vraisemblable pour l’enquête menée par l’autorité requérante et ce, eu égard au contribuable concerné, au tiers éventuellement renseigné et à la finalité fiscale poursuivie.

Le contrôle de la pertinence vraisemblable des informations sollicitées par l’autorité requise et par les juridictions se limite ainsi à la vérification que la décision d’injonction se 5 CJUE, 16 mai 2017, BERLIOZ INVESTMENT FUND SA c. directeur de l’administration des Contributions directes, C-682/15, point 85.

6 Idem, point 86.

7 Idem, point 67.fonde sur une demande suffisamment motivée de l’autorité requérante portant sur des informations qui n’apparaissent pas, de manière « manifeste », dépourvues de toute pertinence vraisemblable eu égard, d’une part, au contribuable concerné, ainsi qu’au tiers éventuellement renseigné et, d’autre part, à la finalité fiscale poursuivie8.

En ce qui concerne, ensuite, le rôle du tribunal saisi d’un recours en annulation contre une injonction de communiquer des renseignements, celui-ci est circonscrit par une triple limitation, à savoir, premièrement, celle découlant de sa compétence limitée de juge de l’annulation, deuxièmement, celle découlant du fait que la décision directoriale repose à la base sur la décision d’une autorité étrangère, dont la légalité, le bien-fondé et l’opportunité échappent au contrôle du juge luxembourgeois, et, troisièmement, celle du critère s’imposant tant au directeur qu’au juge administratif, à savoir celui de la « pertinence vraisemblable », tel que défini ci-avant. En ce qui concerne ce dernier critère, il y a lieu de relever que si le juge de l’annulation est communément appelé à examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, ce contrôle doit, en la présente matière, être considéré comme plus limité, puisque le juge n’est pas appelé à vérifier si la matérialité des faits donnant lieu au contrôle lequel justifie la demande de renseignements est positivement établie, mais seulement si les renseignements sollicités paraissent être vraisemblablement pertinents dans le cadre du contrôle ou de l’enquête poursuivie dans l’Etat requérant9. La CJUE a, en effet, rappelé, à cet égard, que l’autorité requise ne possède en général pas une connaissance approfondie du cadre factuel et juridique existant dans l’Etat requérant, et il ne saurait être exigé qu’elle ait une telle connaissance10.

Il suit de ces considérations que le rôle du juge administratif, en ce qui concerne le contrôle de la condition de la pertinence vraisemblable des renseignements demandés, est limité, en la présente matière, d’une part, à la vérification de la cohérence de l’ensemble des explications exposées par l’autorité requérante à la base de sa demande, sans que celle-ci n’ait à prouver la matérialité des faits invoqués, et, d’autre part, au contrôle de la pertinence vraisemblable des renseignements demandés par rapport au cas d’imposition précis et spécifique, c’est-à-dire à l’examen de la question de savoir s’il existe un lien probable entre le cas d’imposition mis en avant par l’autorité requérante et les informations sollicitées. En conséquence, tel que relevé ci-avant, il n’appartient pas au juge luxembourgeois de procéder, en la présente matière, à un contrôle de la matérialité des faits invoqués par l’autorité requérante.11 Il s’ensuit que la société demanderesse ne saurait être admise à apporter la preuve, au cours de la phase contentieuse, que les explications soumises par l’Etat requérant reposent sur des faits inexacts. Cette faculté imposerait, en effet, au tribunal de se livrer à un contrôle de la matérialité des faits à la base de la demande de renseignements de l’autorité étrangère. Or, ce débat doit être porté par le contribuable concerné devant les autorités compétentes de l’Etat requérant. Il n’appartient pas non plus au directeur, et corrélativement au tribunal, d’examiner, d’après le droit de l’Etat requérant, la situation fiscale du contribuable visé dans l’Etat requérant, cette compétence et les contestations afférentes relevant des seules autorités de l’Etat requérant.

8 Idem, point 86.

9 Trib. adm., 12 juillet 2012, n°30164 du rôle, Pas. adm. 2019, V° Impôts, n° 1258 et les autres références y citées.

10 CJUE, 16 mai 2017, BERLIOZ INVESTMENT FUND SA c. directeur de l’administration des Contributions directes, C-682/15, point 77.

11 Cour adm., 27 mai 2014, n°34291C du rôle, Pas. adm. 2019, V° Impôts, n° 1258 et les autres références y citées.Dans cette logique, le tribunal est encore amené à conclure que la conséquence de cette limitation de son rôle est nécessairement celle de qualifier uniquement ceux des renseignements demandés comme vraisemblablement pertinents qui se rattachent au strict cas d’imposition invoqué par l’Etat requérant, y compris la qualité dont est revêtu le contribuable selon les explications de l’Etat requérant. Par voie de conséquence, tout renseignement dépassant le cadre tracé par le cas d’imposition invoqué par l’Etat requérant est à qualifier de pêche aux renseignements.

Aussi, le juge administratif, pour ce faire, vérifiera, d’une part, si les obligations imposées à l’autorité requérante ont été respectées quant à la transmission des informations nécessaires pour la mise en œuvre de l’échange d’information et, d’autre part, si l’autorité requise a respecté les obligations mises à sa charge.12 Il n’est fait exception à cette limitation du rôle du juge luxembourgeois que dans les hypothèses où la personne ayant recouru contre une décision directoriale d’injonction de fournir des renseignements soumet en cause des éléments circonstanciés qui sont de nature à ébranler le contenu de la demande de renseignements étrangère en des volets essentiels de la situation à la base de la demande d’échange de renseignements et qui reviennent ainsi à affecter sérieusement la vraisemblance de la pertinence des informations sollicitées ou d’autres conditions posées à un échange de renseignements, dont celle relative à l’épuisement des sources d’informations internes13.

Ainsi, les doutes émis par la demanderesse relatifs à l’épuisement des sources habituelles d’informations en Suède en ce qui concerne les informations sur la résidence fiscale de Monsieur … et ses revenus imposables sont à rejeter, étant donné qu’elles ont trait à la réalité de la situation factuelle dans l’Etat requérant. Il ressort au contraire de la demande d’échange de renseignements des autorités suédoises qu’elles ont épuisé toutes les sources habituelles de renseignements à leur disposition pour obtenir les renseignements requis sans courir le risque de compromettre le résultat de l’enquête en cours. Elles ont en effet indiqué que « The Swedish Tax Agency has not put questions to Mr … himself, for the following reason. The Swedish Tax Agency also has ongoing investigations into the family’s companies and the non-arm’s length transactions taking place between the companies. As part of the investigations questions have been asked of the Swedish companies, and the companies’ response have been evasive and sometimes clearly withholding and/or obstructing. The investigators therefore have reason to believe that if the relevant information was requested from Mr …, it would not be forthcoming and/or it would result on the outcome of the investigation being jeopardized. Thus, we have exhausted our normal sources to obtain the information within our jurisdiction without jeorpardising the investigation and we kindly ask for your assitance ». La société demanderesse n’a, en l’espèce, pas soumis au tribunal des éléments circonstanciés qui sont de nature à ébranler le contenu de la demande de renseignements des autorités suédoises à cet égard.

Ensuite, les autorités suédoises ont identifié Monsieur … comme la personne faisant l’objet de leurs opérations de contrôle et quant à laquelle les renseignements sont demandés au Luxembourg, de sorte que la demande de renseignements satisfait à la condition de détermination du contribuable.

Quant à la condition selon laquelle la demande doit porter sur un cas d’imposition, de contrôle ou d’enquête précis et spécifique, force est au tribunal de constater que la demande de 12 Ibid..

13 Ibid.. renseignements indique le but fiscal dans lequel les renseignements sont demandés, en précisant ce qui suit : « The Swedish Tax Agency has an ongoing investigation into Mr …’s tax residency and potential tax liability in Sweden, as well as into the family’s companies and the non-arm’s length transactions taking place between the companies (see our related cases …). From the very useful information you have provided in response to previous requests, as well as information provided by Swedish bank …, it is clear that Mr … is very much involved in the running of the Swedish companies (owned by his children) and that he dictates transactions between the Swedish companies and the BVI companies - transactions which in many cases are not at arm's length.

Mr … is a Swedish citizen but emigrated from Sweden in 1990, and has since then to Swedish authorities claimed to live in Belgium, Switzerland and Luxemburg. The Swedish Tax Agency is investigating Mr …'s tax residency and has concluded the following. Mr … appears to still be in a relationship and probably living with the mother of his children (they were never married), who is and has always been tax resident in Sweden. Mr … has two children and three grandchildren in Sweden. The family business has been handed over to his children, but according to communication between Mr … and the Swedish bank …, Mr … is still very much involved in the running of the business. The above indicates that Mr … has close ties to Sweden and he would therefore be considered tax resident in Sweden, and as such taxable in Sweden on his worldwide income and gains.

As tax resident in Sweden, Mr … would be liable to tax in Sweden on his worldwide income and gains. This would include withdrawals from his two wholly owned BVI-registered companies, which would be taxable as dividends. It is also possible that Mr … would be taxable on the profits on the BVI companies as controlled foreign companies (CFC).

The Information we are requesting is foreseeably relevant as it will help us to firstly strenghten our case that Mr … is tax resident in Sweden, and secondly to correctly assess his taxable income.

(…) ».

Il y a dès lors lieu de conclure qu’au regard des explications fournies, la demande vise un cas d’imposition déterminé, à savoir l’imposition de Monsieur … en Suède et tend à confirmer si ce dernier dispose d’une résidence fiscale en Suède et s’il est susceptible d’être imposé à ce titre en Suède sur son revenu global.

En ce qui concerne la condition que les renseignements demandés doivent être qualifiables comme étant « vraisemblablement pertinents », de sorte à prévenir une « pêche aux renseignements », le tribunal vient de retenir ci-avant que Monsieur … est désigné dans la demande de renseignements des autorités suédoises comme la personne faisant l’objet du contrôle fiscal en Suède et au sujet de laquelle des renseignements sont demandés au Luxembourg pour les raisons précitées.

En substance, les autorités fiscales suédoises ont justifié la demande de renseignements par l’affirmation qu’un contrôle fiscal opéré en Suède, non contesté par la demanderesse, avait découvert des éléments de nature à soupçonner que Monsieur …, déclarant certes avoir sa résidence en Suisse, serait en réalité résident suédois en raison de la présence de toute sa famille, à savoir la mère de ses enfants, avec laquelle il serait encore en couple, ses enfants et petits-

enfants, sur le territoire suédois et qu’en dépit du fait que les sociétés familiales soientjuridiquement gérées par ses enfants, Monsieur … serait le réel gestionnaire de ses sociétés en Suède et sur base de ce constat, les autorités suèdoises demandent des renseignements afin de permettre une correcte imposition en Suède des revenus et du patrimoine de Monsieur …. Ces explications sont en principe suffisantes prima facie pour justifier le principe de la demande de renseignements sans que les autorités fiscales n’aient, au regard des conclusions retenues ci-

avant, à justifier la matérialité de leurs constats. Il n’est pas requis que la Suède fournisse plus de preuves de la résidence effective en Suède, mais il suffit qu’il existe, sur base d’informations vérifiables, un indice vraisemblable en ce sens. Or, au regard des explications fournies en l’espèce, le tribunal est amené à retenir l’existence d’indices suffisants à cet égard.

En ce qui concerne l’objectif de la demande de renseignement critiqué par la demanderesse, qui en substance soutient que les autorités suédoises demanderaient des informations afin de déterminer un impôt que, le cas échéant, elles ne seraient pas autorisées à prélever au regard du caractère incertain de la résidence fiscale de Monsieur …, le tribunal est amené à rappeler qu’il n’est fait exception à la limitation du rôle du juge luxembourgeois que dans les hypothèses où la personne ayant recouru contre une décision directoriale d’injonction de fournir des renseignements soumet en cause des éléments circonstanciés qui sont de nature à ébranler le contenu de la demande de renseignements étrangère en des volets essentiels de la situation à la base de la demande d’échange de renseignements. Ainsi, les contestations de la société demanderesse relatives à la résidence fiscale en Suède de Monsieur … pour les années visées sont à rejeter, étant donné qu’elles ont trait à la réalité de la situation factuelle dans l’Etat requérant. Il y a également lieu de rappeler que la demande de renseignements ne vise non seulement à confirmer la résidence fiscale en Suède de Monsieur …, mais également à imposer correctement ses revenus. Il ressort notamment de la demande d’échange de renseignements des autorités suédoises qu’elles disposaient de suffisamment d’éléments concrets pour établir la résidence fiscale en Suède de Monsieur … pendant les années en question. Dans la demande d’échange de renseignements, les autorités fiscales expliquent que plusieurs enquêtes fiscales seraient en cours en Suède concernant notamment la résidence et l’imposabilité de Monsieur … en Suède, ainsi que des entreprises familiales qui seraient engagées dans des transactions ne respectant pas le principe de pleine concurrence. Elles relèvent encore que des renseignements déjà obtenus lors de contrôles précédents relèvent que Monsieur … serait largement impliqué dans la gestion d’entreprises suédoises inscrites aux noms de ses enfants et qu’il dicterait des transactions entre les sociétés suédoises et des sociétés situées aux Îles vierges britanniques qui ne respecteraient pas le principe de pleine concurrence. Elles précisent ensuite que Monsieur … est de nationalité suédoise mais qu’il aurait selon ses propres déclarations quitté la Suède pour vivre en Belgique, en Suisse et au Luxembourg. Or, Monsieur … semblerait être toujours en couple avec la mère de ses enfants malgré le fait de ne s’être jamais mariés et cette dernière aurait pour sa part toujours été résidente suédoise. Ses deux enfants et trois petits-enfants auraient également toujours vécu en Suède. L’entreprise familiale aurait été transmise à ses enfants, mais il ressortirait de communications reçues par une banque suédoise que Monsieur … serait encore très impliqué dans la gestion de l’entreprise familiale. Ces éléments démontreraient des liens étroits liant Monsieur … à la Suède permettant aux autorités fiscales suédoises de le considérer comme résident fiscal de leur pays. Les autorités suédoises ont donc indiqué qu’afin de consolider leur enquête en ce qui concerne la résidence fiscale de Monsieur … en Suède et de correctement déterminer son revenu imposable en Suède, y inclus tous ses revenus et bénéfices, également ceux provenant de ses deux sociétés établies aux Îles vierges britanniques versés sous forme de dividendes, il serait important d’obtenir toutes les informations bancaires liées au compte déterminé ainsi qu’à Monsieur …. Il serait par ailleurs encore possible qu’il soit imposable sur les profits des sociétés établies aux Îles vierges britanniques en tant que sociétés étrangères contrôlées.

Eu égard à l’ensemble de ces éléments, le tribunal est amené à conclure qu’au stade actuel du dossier, les éléments soumis par la demanderesse, à savoir l’affirmation que Monsieur … serait résident suisse, n’affectent pas la cohérence de l’ensemble des explications exposées par l’autorité suédoise à la base de sa demande et l’apparence de légitimité de ses démarches.

En effet, il ne paraît pas déraisonnable d’admettre que les autorités suédoises pourront réunir des éléments suffisants pour établir un droit d’imposition par l’Etat suédois de l’ensemble des revenus réalisés par Monsieur … au cours des années en cause. Dans la mesure où les éléments invoqués par la demanderesse ne sont dès lors pas non plus de nature à ébranler le descriptif du cas d’imposition et du but fiscal en des volets essentiels de la situation à la base de la demande d’échange de renseignements, ils ne sauraient amener le tribunal à pousser plus loin l’analyse des éléments et indices mis en avant en sens opposé respectivement par l’Etat suédois et la demanderesse sous peine de procéder à un contrôle de la matérialité des faits invoqués par l’Etat requérant à la base de sa demande d’échange de renseignements. Par ailleurs, face aux explications circonstanciées des autorités suédoises, la société demanderesse se limite à mettre en doute le fait que Monsieur … serait à considérer comme résident fiscal suédois en soutenant qu’il serait de résidence suisse, sans avancer un quelconque élément concret à l’appui de ses explications. Dès lors, les simples contestations affirmatives de la société demanderesse ne sont pas de nature à ébranler le contenu de la demande de renseignements suédoise de manière essentielle et ainsi à affecter manifestement la vraisemblance de la pertinence des informations sollicitées par la décision déférée.

Les renseignements bancaires sollicités tenant à l’existence et à l’utilisation d’un ou de plusieurs comptes bancaires luxembourgeois et aux revenus perçus et dépensés par leur biais, ainsi que tous les échanges concernant ces comptes et ces revenus doivent partant être considérés comme vraisemblablement pertinents dans le cadre du cas d’imposition du contribuable visé ainsi précisé et circonscrit. Force est au tribunal de constater que les questions ainsi posées ne sont pas manifestement dépourvues de toute pertinence vraisemblable eu égard à la finalité fiscale poursuivie, à savoir la confirmation de la résidence fiscale de Monsieur … en Suède et l’établissement de ses revenus internationaux pendant les années visées.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que la décision directoriale déférée est conforme à l'article 20, paragraphe (2) de la loi du 29 mars 2013. Le recours est dès lors à rejeter comme étant non fondé.

La demanderesse sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.000 euros, sous réserve de toute somme même supérieure à arbitrer ex aequo et bono par le tribunal administratif, sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, puisqu’elle aurait été contrainte d’exposer des frais considérables afin d’être en mesure de défendre ses droits dans le cadre de la présente instance. Elle insiste sur le fait qu’elle aurait été contrainte de déférer la décision d’injonction du 3 mars 2020 aux juridictions administratives, alors qu’il ressortirait des développements faits dans son recours introductif d’instance et dans son mémoire supplémentaire que la décision litigieuse ne saurait pas être fondée du fait de la non pertinence vraisemblable de la demande d’échange de renseignements. Elle considère qu’il serait à l'évidence inéquitable de laisser à sa seule charge l'intégralité de ses frais et honoraires d'avocat non compris dans les frais de justice proprement dits.

Le délégué du gouvernement pour sa part conteste formellement cette demande tant en son principe qu'en son quantum. En effet, selon le délégué du gouvernement, la partie adversene préciserait pas en quoi il serait inéquitable de laisser à sa charge exclusive les frais exposés par elle. Les conditions d'octroi d'une indemnité de procédure ne seraient partant pas remplies.

Le tribunal est amené à constater que l’article 3, paragraphe (4) de la loi du 25 novembre 2014 consacre le principe selon lequel « la demande d’échange de renseignements ne peut pas être divulguée » et qu’aux termes de l’article 6, paragraphe (1) de cette même loi et par dérogation à ce principe, seuls les éléments contenus dans la demande d’échange de renseignements « relatifs à l’identité de la personne visée par la demande d’échange de renseignements et à la finalité fiscale des renseignements demandés sont séparément énoncés dans le mémoire en réponse à déposer par la partie étatique » dans le cadre de la procédure contentieuse. En l’espèce, la partie étatique s’est conformée à ces prescriptions légales, de sorte qu’il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir indiqué la finalité fiscale dans la décision d’injonction du 3 mars 2020 et de n’avoir communiqué les informations y relatives que dans le cadre de son mémoire en réponse. Il est certes vrai qu’une telle procédure oblige le détenteur d’informations d’introduire un recours contentieux contre la décision d’injonction afin de connaître la finalité fiscale de la demande d’échange renseignements et ainsi de vérifier la pertinence vraisemblable des informations demandées. Néanmoins, cette contrainte est nécessaire afin de garantir le caractère secret qui s’attache à ce document et ne saurait à elle seule justifier l’octroi d’une indemnité de procédure. Il en est de même en ce qui concerne l’argumentation de la demanderesse ayant trait à l’absence de pertinence vraisemblable des renseignements demandés, le tribunal venant de rejeter l’argumentation en question.

Au vu des considérations qui précèdent, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.000 euros, telle que formulée par la demanderesse.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par la demanderesse ;

condamne la demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, vice-président, Hélène Steichen, juge, Daniel Weber, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 3 août 2020 par le vice-président, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 août 2020 Le greffier du tribunal administratif 16


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 44336
Date de la décision : 03/08/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 23/09/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2020-08-03;44336 ?

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