Tribunal administratif N° 42608 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 5 avril 2019 1re chambre Audience publique de vacation du 22 juillet 2020 Recours formé par Monsieur … et consort, …, contre un bulletin de l’impôt sur le revenu, en matière d’impôt sur le revenu
_____________________________________________________________________
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 42608 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 avril 2019 par Maître Pascale Hansen, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur … et de Madame …, les deux demeurant ensemble à …, tendant à la réformation du bulletin d’impôt sur le revenu pour l’année 2013 émis le 13 juin 2018 par le bureau d’imposition … de l’administration des Contributions directes ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 juillet 2019 ;
Vu le mémoire en réplique de Maître Pascale Hansen déposé au greffe du tribunal administratif le 31 juillet 2019 au nom de Monsieur … et de Madame …, préqualifiés ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le bulletin critiqué ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l'audience publique du 17 juin 2020, et vu les remarques écrites de Maître Pascale Hansen du 3 juin 2020 et celles du délégué du gouvernement du 2 juin 2020, produites conformément à la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020, avant l’audience.
___________________________________________________________________________
Par un courrier du 27 avril 2018, le préposé du bureau d’imposition de … de l’administration des Contributions directes, ci-après désignés par « le préposé », respectivement par « le bureau d’imposition », s’adressa à Monsieur … et à Madame …, ci-
après désignés par « les consorts … », sur le fondement du paragraphe 205, paragraphe (3) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », pour les informer qu’il envisageait de s’écarter de la déclaration fiscale de l’année 2013, plus particulièrement en ce qui concerne la prise en compte d’un bénéfice de cession au sens de l’article 99ter de la loi du loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu (LIR), ledit courrier étant libellé sur ce point comme suit :
« […] Revenus nets divers A) Bénéfice de cession au sens de l'article 99ter LIR Le contribuable déclare un bénéfice de cession en relation avec la vente d'un ensemble de biens immobiliers sis dans la commune de …. Le prix de réalisation à hauteur de … EUR, inscrit au niveau de l'acte notarié du 24 juillet 2013, a été réduit préalablement au calcul de la plus-value, d'un montant de … EUR pour compenser la dette bancaire d'une collectivité.
Comment déterminer une plus-value du point de vue fiscal ? L'article 99ter, alinéa 2 LIR stipule que « le revenu est égal à la différence entre, d'une part, le prix de réalisation et, d'autre part, le prix d'acquisition ou de revient augmenté des frais d'obtention ».
Ceci dit, les dispositions fiscales écartent sur base de cette formule la prise en compte comme charge fiscalement déductible les fonds touchés suite à l'aliénation à titre onéreux d'un immeuble.
Un autre problème est l'évaluation de la valeur de l'habitation personnelle du contribuable au niveau du prix de réalisation et d'acquisition. Le contribuable ne fournit aucun critère objectif permettant une juste évaluation et au niveau de l'acte de vente seulement une valeur globale a été inscrite pour l'ensemble des biens cédés. Pour trouver une solution équitable le bureau d'imposition s'est référé aux valeurs individuelles retenues lors du transfert des immeubles vers le patrimoine privé en date du 6 mai 1994 et aux informations collectées lors de l'entretien téléphonique du 22 novembre 2017. Au cours de cet entretien téléphonique le contribuable a précisé les conditions d'habitation et défini le degré d'occupation dans la maison faisant parti des immeubles vendus (15%). L'autre partie de la maison a été utilisée comme bureau respectivement secrétariat d'une entreprise commerciale (100-15= 85%).
Le prélèvement des immeubles en 1994 a été effectué au montant de … EUR avec une quote-part à hauteur de … EUR pour la maison d'habitation. La valeur de la maison d'habitation représente donc 43,89% de la valeur totale des immeubles prélevés. La valeur de prélèvement définitive (y comprise la quote-part des frais d'acte notarié) de la maison d'habitation s'élève finalement au montant de … EUR.
A.a) évaluation forfaitaire de la quote-part du prix de vente estimé au titre de vente de la résidence principale … X 43,89 % X 15% = … EUR A. b) évaluation forfaitaire de la quote-part du prix d'acquisition de la résidence principale … X 15% = … EUR Par conséquent, le bénéfice de cession au sens de l'article 99ter LIR est déterminé de la manière suivante :
Prix de cession … -valeur estimée résidence principale … Prix de réalisation … Prix d'acquisition … -résidence principale … Sous-total … Prix d'acquisition réévalué … -frais d'obtention … Prix d'acquisition à considérer … … Plus-value dégagée … abattement disponible art.130(4) LIR -… (100.000-50.000*= 50.000) Plus-value soumise à l'impôt … EUR *La quote-part de l'abattement de Monsieur … a été utilisé en 2010 (cession de parts sociales de la collectivité « …. […] ».
A la suite d’un courrier du 18 mai 2018 de la fiduciaire des consorts …, le préposé pris, par un courrier du 5 juin 2018, position comme suit :
« Suite à la missive du 18 mai 2018, le bureau d'imposition veut vous présenter l'évaluation des points y mentionnés.
Inscription hypothécaire Il est évident que le bureau d'imposition se base sur l'acte notarié no…. du 24 juillet 2013 enregistré auprès des autorités publiques. Ceci dit, le projet d'acte envoyé par l'étude … à la partie venderesse en date du 11 juillet 2013 est sans valeur juridique et constituait à ce stade une simple prise de position dans le cadre des négociations entamées pour céder les biens immobiliers en question.
L'acte notarié du 24 juillet 2013 stipule que « la présente vente est consentie et acceptée de part et d'autre pour et moyennant le prix de …, que le notaire instrumentaire déclare et reconnaît avoir reçu à l'instant même, de la partie acquéreuse, pour compte de la partie venderesse, dont quittance et décharge ».
Par conséquent, le bureau d'imposition doit prendre en considération le montant de … EUR comme prix de réalisation. Une limitation du prix de réalisation au montant de … EUR (prière de consulter le calcul de la plus-value au niveau du modèle 700F déposé avec la déclaration pour l'impôt sur le revenu de l'année 2013 en date du 16 décembre 2014) est donc à écarter.
L'engagement personnel du contribuable (inscription hypothécaire) pour garantir une ligne de crédit de la collectivité « … » respectivement le remboursement effectif de cette même dette par des fonds provenant de la vente réalisée par le contribuable n'influence en aucune manière la détermination de la plus-value. Comme le contribuable n'a pas présenté des frais de mainlevées, la prise de position initiale du bureau d'imposition n'est pas modifiée.
Valeur de l'habitation personnelle Le comptable indique dans son courrier du 18 mai 2018 que le contribuable « a forfaitairement estimé à titre de quote-part d'habitation personnelle à 15% de l'ensemble des 3biens immobiliers cédés » en signalant que la quote-part de l'immeuble principal « Bâtiments/Maison-bureaux » représenterait la fraction la plus importante au niveau du prix de vente global (les autres immeubles se trouveraient en zone verte respectivement en zone inondable).
Le bureau d'imposition doit constater que l'acte notarié du 24 juillet 2013 reste muet au sujet de la valeur individuelle des différents immeubles cédés (inscription d'une valeur globale pour l'ensemble des immeubles vendus). De même la lettre du 18 mai 2018 n'indique aucune piste nouvelle permettant à notre service une autre évaluation objective de la valeur réelle de la maison occupée par le contribuable par rapport aux autres immeubles cédés.
Ceci dit, le bureau d'imposition continue à se référer aux valeurs individuelles retenues lors du transfert des immeubles vers le patrimoine privé effectué en date du 6 mai 1994. Les notions de zone verte respectivement de zone inondable existaient déjà au moment de ce transfert et devraient donc être prises en compte lors de la détermination des valeurs individuelles par le bureau d'imposition Sociétés 3 (en accord avec le contribuable).
La quote-part d’habitation à titre personnelle pour l’immeuble « Bâtiments/maison-
bureaux » et reformée et fixée à 40% suite au courrier du 18 mai 2018 ».
En date du 13 juin 2018, le bureau d’imposition émit le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2013 à l’égard des consorts … tout en renvoyant aux courriers précités des 27 avril et 5 juin 2018 et en précisant ce qui suit :
« le calcul définitif de la plus-value en relation avec les immeubles sis à … est déterminé de la manière suivante (prise en compte d’une quote-part d’habitation personnelle à hauteur de 40 %) :
… (prix de cession) - …(valeur estimée résidence principale ppale) = … (prix de réalisation) - … (prix d’acquisition réévalué après élimination de la quote-part de la résidence ppale) -
… (frais d’obtention) = … (plus-value dégagée) - … (abattement art.130, alinéa 4) = … (plus-value soumise à l’impôt) ».
Par un courrier de leur litismandataire du 10 septembre 2018, les consorts … ont fait introduire auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », une réclamation à l’encontre dudit bulletin, ladite réclamation portant (i) sur le prix de vente réalisé par la cession d’un ensemble immobilier sis à … suivant acte notarié du 24 janvier 2013 et (ii) sur la détermination de la valeur de l’habitation personnelle.
A défaut de réponse du directeur, Monsieur … et Madame … ont fait introduire par une requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 avril 2019, un recours tendant à la réformation du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2013, précité.
Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre la décision qui a fait l’objet d’une réclamation dans l’hypothèse où aucune décision définitive du directeur n’est intervenue dans un délai de six mois à partir de la réclamation.
Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre le bulletin déféré, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délais de la loi.
A l’appui de leur recours, les demandeurs précisent que Monsieur … aurait vendu par acte notarié du 24 juillet 2013 un certain nombre d’immeubles à sa sœur, Madame …, en l’occurrence des immeubles sur lesquels la société …, ci-après désignée par « la société … », aurait été exploitée et dont Madame … aurait été l’associé majoritaire au moment de cette vente, Monsieur … ayant, en effet, cédé toutes ses parts à cette dernière par convention signée le 30 novembre 2010.
Les demandeurs affirment que le prix de vente convenu entre parties pour les biens immobiliers en question aurait été fixé à … €, tel que cela ressortirait du projet d’acte. Or, dans la mesure où les terrains en question auraient toujours été grevés à ce moment d’une hypothèque pour garantir une ligne de crédit de la société …, dont Monsieur … n’aurait à ce moment plus été le bénéficiaire économique et cela depuis 2010, la banque … aurait exigé, avant de donner mainlevée de l’inscription hypothécaire, l’apurement de cette ligne de crédit par la société … d’un montant de total de … €.
Les consorts … donnent à considérer que pour des raisons qui leur échappent, le notaire … aurait changé en dernière minute le prix de vente de … € à … €, mettant ainsi Monsieur … devant le fait accompli au moment de la signature de l’acte notarié. En tout cas, Monsieur … déclare qu’il n’aurait en réalité touché que le montant de … € tel que cela se dégagerait du décompte du notaire, de sorte qu’il ne serait guère compréhensible que l’administration des Contributions directes les ait imposés sur un montant de … € au lieu de la somme réellement touchée.
En droit, les demandeurs critiquent de prime abord l’évaluation faite par l’administration de la plus-value imposable dans le contexte de la détermination du bénéfice de cession, en réitèrant que Monsieur … n’aurait touché qu’un montant de … € au moment de la vente de l’ensemble immobilier, la preuve en résultant, d’après eux, à suffisance du décompte du notaire. Dans ce contexte, ils font référence à l’inscription hypothécaire pré-
mentionnée tout en contestant l’argumentation développée par le préposé du bureau d’imposition dans son courrier du 5 juin 2018, et en précisant qu’ils auraient justifié dans le cadre de leur réclamation les frais de mainlevée à hauteur de … €, auxquels le préposé s’est référé, qui auraient été pris en charge par la société … et non pas par eux-mêmes.
Tout en admettant que le paragraphe 99ter, alinéa 2 LIR définit le revenu comme étant la différence entre le prix de réalisation, d’une part, et le prix d’acquisition ou du prix de revient augmentés des frais d’obtention, d’autre part, ils donnent à considérer qu’un renvoi serait opéré, en ce qui concerne le prix d’acquisition, aux articles 25, 26 et 27 LIR. L’article 27, alinéa 2 LIR mentionnerait plus particulièrement qu’il conviendrait de tenir compte de « toutes les circonstances et conditions qui se sont répercutées sur le prix » pour déterminer le prix de réalisation. Ils en déduisent qu’en l’espèce, le bureau d’imposition aurait dû analyser la situation in concreto pour arriver à la conclusion qu’ils ne pourraient être imposés que sur le prix de réalisation, c’est-à-dire sur le montant réellement touché par Monsieur …, à savoir la somme de … €, sachant qu’il n’aurait plus été bénéficiaire économique de la société … au moment de la vente. A cet égard, ils donnent à considérer qu’en droit fiscal les faits et actes devraient être interprétés et appréciés d’après des critères économiques en fonction de la réalité économique. Dans la mesure où Monsieur … n’aurait plus été bénéficiaire économique de la société …, il n’aurait pas touché la somme de … €, mais seulement celle de … €, de sorte à devoir être imposé uniquement sur cette dernière somme.
En second lieu, les demandeurs mettent en question la valeur de l’habitation personnelle telle que retenue par l’administration.
Tout en reconnaissant que l’administration a tenu compte de leur prise de position en ce qui concerne la quote-part de l’habitation à titre personnel d’un des immeubles vendus, ils donnent à considérer qu’ils auraient également demandé à l’administration de reconsidérer la valeur de cession de l’habitation personnelle, cette valeur ayant, en effet, été arrêtée au prix de … € par le bureau d’imposition, somme qui serait toutefois largement sous-estimée par rapport au prix réel des logements.
Ils précisent que l’administration se référerait au prélèvement des immeubles telle qu’elle avait été faite en 1994, à savoir à un montant de … € avec une quote-part de l’ordre de … € pour la maison d’habitation. Or, depuis 1994, le marché immobilier aurait considérablement et fondamentalement changé et la fixation de la valeur de l’habitation personnelle dans le cadre de l’acte de vente du 24 juillet 2013 ne tiendrait nullement compte de cette croissance. Il serait, en effet, établi par les statistiques de l’Observatoire de l’habitat que les prix immobiliers de logements voire d’habitations auraient augmenté beaucoup plus que les prix des immeubles industriels et commerciaux. Les demandeurs précisent que Monsieur … aurait personnellement et à titre purement privé utilisé les espaces suivants, à savoir au rez-de-chaussée un local/espace servant de débarras/cave partiellement affecté à titre privé sur une surface estimée à 12 m² ; au premier étage une cuisine/séjour utilisé sur une surface estimée de 15 m² et au deuxième étage une habitation personnelle avec une surface utile de 143 m², soit une surface totale du logement de 170 m².
Suivant les statistiques de l’Observatoire de l’habitat, le prix moyen par mètre carré d’une maison se serait situé à … € en 2011/2012. Sur base de cette approche, le prix présumé d’une habitation « maison » se chiffrerait à … € et non pas à … €, tel que retenu par l’administration.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.
Par rapport à la question de l’évaluation du prix retenu pour la vente immobilière du 24 juillet 2013, le délégué du gouvernement insiste sur les dispositions de l’article 99ter, alinéa 2 LIR, la réévaluation du prix d’acquisition ou de revient étant faite en vertu de l’article 102, alinéa 6 LIR.
Il souligne que le décompte reçu du notaire à la suite de la vente litigieuse aurait mentionné un prix de vente de … €, de même que le remboursement à la …. Il insiste sur la considération que ce serait l’acte notarié signé par Monsieur … qui exprimerait la volonté des parties et consistant à retenir un prix total de … € pour la vente de l’ensemble immobilier, Monsieur … s’étant par ailleurs engagé à vendre l’ensemble immobilier libre de toute charge hypothécaire de manière que le remboursement de la ligne de crédit ferait partie intégrante du prix finalement retenu. Dès lors, le prix de réalisation n’équivaudrait pas à la somme in fine versée au compte de Monsieur … par le notaire, mais au prix total de cession de l’ensemble immobilier de l’ordre de … € et cela nonobstant l’imputation d’une partie du prêt sur le remboursement de la ligne de crédit.
En ce qui concerne l’évaluation de la valeur de l’habitation personnelle, le délégué du gouvernement donne à considérer que les demandeurs n’auraient fourni aucun critère objectif permettant une juste évaluation, tandis que dans l’acte de vente seulement une valeur globale aurait été inscrite pour l’ensemble des biens cédés.
Suivant les informations du bureau d’imposition, les immeubles litigieux auraient été transférés vers le patrimoine privé de Monsieur … le 6 mai 1994, ce prélèvement ayant été effectué au montant de … € avec une quote-part de … € pour la maison d’habitation, soit 43,89 % de la valeur des immeubles prélevés. Le prix d’acquisition ne serait pas autrement contesté par les demandeurs.
Il précise encore que suivant les données des demandeurs, une quote-part de 40 % de la maison d’habitation aurait été utilisée en tant que résidence principale.
Suite à ces informations, la plus-value litigieuse ainsi que la quote-part constituant la résidence principale au sens de l’article 102bis LIR auraient été déterminées suivant un calcul plus amplement décrit dans le mémoire en réponse.
Enfin, le délégué du gouvernement reproche encore aux demandeurs que leur demande de reconsidérer la valeur de cession de l’habitation personnelle reviendrait à affirmer que le prix de cession tel que convenu dans l’acte notarié serait trop faible par rapport au prix du marché. Or, Monsieur … aurait été libre de convenir d’un prix plus élevé respectivement de céder l’ensemble immobilier à un autre vendeur pour un prix plus élevé.
En tout cas, il ne pourrait remettre en cause ex post le prix de cession retenu par lui-même.
Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs reprennent en substance leur argumentation telle que développé à l’appui du recours, tout en réitérant qu’au moment de la cession de l’ensemble immobilier, Monsieur … n’aurait plus été bénéficiaire économique de la société … et que ce serait cette société qui aurait pris en charge les frais de mainlevée de l’inscription hypothécaire.
Remarques d’ordre général A titre liminaire, il convient de rappeler qu’en ce qui concerne la charge de la preuve au cours de la procédure contentieuse se déroulant devant le tribunal administratif, conformément à l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », aux termes duquel « La preuve des faits déclenchant l’obligation fiscale appartient à l’administration, la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable. », la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable, de sorte qu’il appartient en l’espèce aux demandeurs qui entendent voir réduire la cote d’impôt de fournir la preuve de leurs prétentions.
D’autre part, le tribunal, même saisi d’un recours en réformation, n’est pas appelé à examiner de manière générale et globale le cas d’imposition, mais il est appelé à se prononcer uniquement dans le cadre des moyens lui présentés.
C’est sur cette toile de fond que le tribunal examinera le recours soumis à son appréciation.
Examen des moyens Force est de constater que les contestations des demandeurs portent sur deux points de leur imposition, à savoir (i) le prix de cession pris en compte dans la détermination du bénéfice de cession en relation avec la vente d’un ensemble de biens immobiliers sis dans la commune de …, et (ii) l’évaluation de la valeur de l’habitation personnelle du contribuable au niveau de la détermination du prix de réalisation et d’acquisition.
Aux termes de l’article 99ter LIR, en sa version applicable durant l’année d’imposition litigieuse :
« 1° Est imposable aux termes du présent article le revenu provenant de l’aliénation à titre onéreux, plus de deux ans après leur acquisition ou leur constitution, d’immeubles qui ne dépendent ni de l’actif net investi d’une entreprise ni de l’actif net servant à l’exercice d’une profession libérale. Sont également exclus les immeubles dépendant d’une exploitation agricole ou forestière, sauf en ce qui concerne le sol.
2° Le revenu est égal à la différence entre, d’une part, le prix de réalisation et, d’autre part, le prix d’acquisition ou de revient augmenté des frais d’obtention.
3° Lorsqu’il s’agit de terrains agricoles et forestiers il sera toutefois déduit à titre de prix d’acquisition au minimum un forfait par unité de surface à fixer par règlement grand-
ducal. Cette déduction ne pourra pas être supérieure au prix net de réalisation du terrain. Le forfait pourra être fixé différemment suivant la nature des terrains et ne pourra pas dépasser les prix de vente normaux les plus élevés pratiqués pour la catégorie de terrains en question.
4° En ce qui concerne les immeubles acquis à titre onéreux avant le 1er janvier 1941 par le détenteur ou, en cas d’acquisition à titre gratuit, par son auteur, le prix d’acquisition payé avant le 1er janvier 1941 et réévalué suivant l’article 102, alinéa 6, ne peut être inférieur à la valeur unitaire au 1er janvier 1941 multipliée par un coefficient d’ajustement à fixer par règlement grand-ducal et réévaluée suivant l’article 102, alinéa 6, par application du coefficient correspondant à l’année 1940.
5° Les coefficients d’ajustement susmentionnés pourront varier selon les différentes catégories de terrains, sans qu’ils puissent être inférieurs à 1,25, ni supérieurs à 1,50.
6° Le présent article n’est pas applicable dans la mesure où l’aliénation porte sur un immeuble bâti qui constitue, au sens de l’article 102bis, la résidence principale du contribuable. » L’article 102 LIR est ainsi libellé comme suit :
« 1. Les dispositions suivantes sont à observer en vue de l’application des articles 99bis à 101.
1a. L’échange de biens est à considérer comme cession à titre onéreux du bien donné en échange, suivie de l’acquisition à titre onéreux du bien reçu en échange. Le prix de réalisation du bien donné en échange correspond à sa valeur estimée de réalisation.
2. Le prix d’acquisition d’un bien s’entend du prix tel qu’il est défini par l’article 25, alinéa 1er. La plus-value, transférée sur un immeuble acquis ou constitué en remploi conformément à l’alinéa 8, réduit à due concurrence le prix d’acquisition ou de revient de cet immeuble.
3. Lorsqu’un bien a été acquis à titre gratuit par le cédant, le prix d’acquisition à mettre en compte est celui payé par le détenteur antérieur ayant acquis le bien en dernier lieu à titre onéreux. Il en est de même lorsque le bien a été attribué au cédant comme lot à l’occasion d’un partage successoral, même en cas de paiement d’une soulte par l’alloti. Un règlement grand-ducal peut prévoir, pour des cas particuliers, des dérogations à la phrase qui précède.
4. Dans l’hypothèse visée à l’alinéa qui précède, le cédant est réputé avoir acquis le bien en cause à l’époque où il a été acquis par le détenteur ayant acquis le bien en dernier lieu à titre onéreux.
5. Lorsqu’un bien a été prélevé de l’actif net investi d’une entreprise ou d’une exploitation ou de l’actif net investi servant à l’exercice d’une profession libérale, la valeur attribuée à ce bien lors du prélèvement se substitue au prix d’acquisition. L’intervalle entre l’acquisition et l’aliénation est néanmoins calculé par rapport à la date effective d’acquisition.
6 Le prix d’acquisition à prendre en considération en vue de la détermination du revenu visé aux articles 99ter à 101 est réévalué par multiplication avec le coefficient correspondant, d’après le tableau ci-dessous à l’année où la dépense constitutive du prix d’acquisition a été engagée. […] » Quant au prix de cession Il se dégage des dispositions de l’article 99ter, alinéa 2 LIR, précité, que le bénéfice de cession est calculé à partir du prix de réalisation, donc du prix de vente du bien immobilier, prix qui est justement litigieux en l’espèce, les demandeurs critiquant, en effet, le bureau d’imposition pour avoir pris comme base de calcul la somme de … € telle que mentionnée dans l’acte notarié, en faisant valoir qu’en réalité, le prix de vente aurait été de … € et que la somme indiquée dans l’acte notarié résulterait de l’initiative du notaire instrumentaire, qui aurait modifié le prix convenu en dernière minute en raison du fait que les terrains cédés auraient été grevés d’une hypothèque pour garantir la ligne de crédit de la société … auprès d’une banque, qui elle aurait exigé l’apurement de cette ligne de crédit de l’ordre de … € avant de donner mainlevée de l’hypothèque, les demandeurs insistant sur le fait que ce serait seulement la somme de … €, après déduction des frais, que Monsieur … aurait touchée.
Il est constant en cause que par acte notarié du 24 juillet 2013, Monsieur … a cédé à sa sœur, Madame …, divers immeubles plus amplement décrits dans l’acte notarié et situés dans la commune de …, section … de ….
Il se dégage sans équivoque de l’acte authentique signé par Monsieur … que le prix convenu était bien de … €, somme que, suivant l’acte notarié, « le notaire déclare et reconnaît avoir reçu à l’instant même, de la partie acquéreuse, pour compte de la partie venderesse, dont QUITTANCE et décharge ». Ledit acte notarié comporte encore la mention que « les parties ont confirmé, chacune séparément, […] que l’acte exprime l’intégrité du prix convenu, et le notaire affirme qu’à sa connaissance il n’a été modifié ou contredit par aucune contre-lettre contenant une augmentation du prix ».
Dans la mesure où c’est l’acte notarié tel qu’il a été signé qui exprime la volonté des parties à la vente en son dernier état, plus particulièrement quant au prix convenu, aucun reproche ne saurait être adressé à l’administration pour s’être fiée au contenu de cet acte et pour avoir pris en compte la somme de … € à titre de prix de vente.
Si les demandeurs font état d’un prix inférieur, en voulant pour preuve le contenu d’un projet d’acte, le tribunal retient qu’un simple projet d’acte, qui traduit tout au plus l’état des négociations entre parties, ne saurait mettre en échec l’acte authentique qui finalement a été signé et qui lui seul exprime la volonté finale des parties.
Il se dégage encore certes des éléments du dossier que les immeubles cédés étaient grevés d’une inscription hypothécaire et que la banque n’en a donné mainlevée que moyennant versement de la somme de … € « au nom de … pour remboursement de la ligne de crédit », tel que cela se dégage du courrier de la … du 18 juillet 2013. Or, la circonstance qu’après l’apurement de la ligne de crédit auprès de la … à l’aide d’une partie du prix de vente et après déduction des frais d’acte, Monsieur … ne s’est vu créditer sur son compte que le solde, tel que cela se dégage du décompte invoqué par les demandeurs, est encore sans pertinence, dans la mesure où c’est le prix indiqué dans l’acte de vente qui reflète le prix de vente convenu et non pas la somme finalement versée au compte du vendeur après des opérations d’apurement de dettes à l’aide d’une partie du prix de vente. A cet égard, il convient de relever que suivant l’acte notarié, Monsieur … a déclaré vendre les immeubles « libre de toutes dettes, et charges privilégiées et hypothécaires quelconques », de sorte que l’apurement de la ligne de crédit à l’aide d’une partie du prix de vente fait partie des obligations de Monsieur … aux termes du contrat de vente.
La conclusion ci-avant retenue n’est pas énervée par l’affirmation du demandeur que depuis 2010, il aurait cédé ses parts sociales dans la société …, dans la mesure où cette question touche au décompte à faire, le cas échéant, entre Monsieur … et la société …, respectivement les associés de celle-ci à la suite de la vente, mais n’a aucune répercussion sur le prix de vente en tant que tel, qui se dégage de l’acte notarié signé par les parties venderesse et acquéreuse en présence du notaire.
Enfin, les demandeurs ne sont pas fondés à se référer au concept de l’appréciation d’après des critères économiques en fonction de la réalité économique, dans la mesure où en l’espèce, un acte authentique a acté la volonté des parties. Il en est de même de l’article 27, dernier alinéa LIR invoqué dans ce contexte par les demandeurs, cette disposition étant non pertinente puisqu’elle vise la détermination de la valeur estimée de réalisation d’un bien, alors qu’en l’espèce il s’agit d’une vente, moyennant un prix fixé par convention entre parties.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les contestations des demandeurs quant au prix de vente pris en compte par le bureau d’imposition pour le calcul de la plus-value de cession sont à rejeter comme étant non fondées.
Quant à l’évaluation de la valeur de l’habitation personnelle du contribuable Conformément à l’article 99ter, alinéa 6 LIR, précité, l’imposition prévue à l’alinéa 1er dudit article 99ter LIR n’est pas applicable dans la mesure où l’aliénation porte sur un immeuble bâti qui constitue la résidence principale du contribuable au sens de l’article 102bis LIR.
Si, en l’espèce, le bureau d’imposition a tenu compte des contestations des demandeurs quant à la quote-part des immeubles cédés ayant été utilisée à titre de résidence principale, cette quote-part ayant, en effet, été fixée à 40% tel que cela se dégage d’un courrier de l’administration du 5 mai 2018, les demandeurs remettent en question la valeur à attribuer à cette quote-part de l’habitation principale au moment de la cession.
Le bureau d’imposition s’est basé, pour la détermination du prix d’acquisition, sur l’évaluation des immeubles faite en 1994 lors de leur prélèvement au moment de la liquidation de la société …, approche qui n’est pas contestée en tant que telle par les demandeurs.
En revanche, ceux-ci critiquent la valeur retenue pour la résidence principale au niveau du prix de réalisation, en affirmant que le marché immobilier aurait évolué depuis 1994, ce dont il faudrait tenir compte dans l’évaluation de la quote-part de la maison d’habitation lors de la cession en 2013, de sorte que la valeur à attribuer à la résidence principale serait, d’après eux, de … € et non pas de … €, tel que retenu par le bureau d’imposition.
Force est de constater que l’acte notarié du 24 juillet 2013 prévoit un prix global pour l’ensemble des immeubles cédés, sans faire de distinction entre la valeur attribuée à la partie des immeubles ayant servi d’habitation principale à Monsieur … et les autres immeubles.
A défaut d’une telle distinction opérée par l’acte de vente, le bureau d’imposition s’est référé à la proportion de la valeur de l’habitation telle que retenue en 1994 au moment du prélèvement, à savoir de l’ordre de 43.89% de la valeur totale des immeubles.
Les demandeurs appuient leurs contestations sur des extraits d’une publication de l’Observatoire de l’habitat intitulée « Offres et prix annoncés à la vente des logements », pour affirmer en substance que depuis 1994, les prix des habitations auraient augmenté plus que ceux des immeubles commerciaux et industriels.
Force est toutefois de constater que (i) les prix sur lesquels les demandeurs s’appuient, par référence à la publication précitée, sont les prix annoncés, sans que les demandeurs ne fournissent des indications sur les prix effectivement obtenus, (ii) les chiffres visent des maisons de 2 à 6 chambres, sans que les demandeurs n’aient donné des indications quant à la comparabilité par rapport aux surfaces d’habitation de l’espèce, étant relevé que le nombre de chambres disponibles est inconnu et que la situation est, par ailleurs, particulière puisqu’il s’agit d’un immeuble uniquement partiellement utilisé comme habitation (rez-de-chaussée 12m2, 1er étage 15m2 et 2e étage 143m2, suivant les indications du demandeur, le courrier de la fiduciaire de la demanderesse du 18 mai 2018 indiquant que le rez-de-chaussée était quasi exclusivement utilisé en tant que bureau de l’exploitation, de même que le 1er étage, où se trouvait aussi une cuisine et un séjour pour le personnel, la cuisine ayant également été utilisée par Monsieur …, et l’habitation personnelle de celui-ci s’étant trouvée sous le toit).
A défaut d’autres éléments fournis par les demandeurs qui sont de nature à mettre en question la proportion de la valeur de la partie habitation des immeubles cédés telle qu’elle a été retenue par le bureau d’imposition, la mise en avant de seules statistiques générales, sans que les demandeurs n’aient fourni une évaluation par un expert visant spécifiquement l’objet immobilier litigieux, l’approche du bureau d’imposition consistant à s’appuyer sur les proportions définies par Monsieur … lui-même lors du prélèvement des immeubles opéré en 1994 n’est pas sujette à critique.
Il s’ensuit que le recours est à rejeter comme étant non fondé.
Eu égard à l’issue du litige, la demande en, la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de … € telle que formulée par les demandeurs sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives est à rejeter pour ne pas être fondée.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation dirigé contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2013 ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par les demandeurs ;
condamne les demandeurs aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 22 juillet 2020 par :
Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, premier juge, Carine Reinesch, juge, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt s. Xavier Drebenstedt s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 23 juillet 2020 Le greffier du tribunal administratif 12