Tribunal administratif N° 41987 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 novembre 2018 4e chambre Audience publique du 3 juillet 2020 Recours formé par Monsieur …, … (Belgique), contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière d’appel en garantie
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 41987 du rôle et déposée le 21 novembre 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel Cravatte, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Diekirch, au nom de Monsieur …, demeurant au …, B-… (Belgique), tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 6 septembre 2018 portant rejet d’une réclamation introduite à l’encontre du bulletin d’appel en garantie émis par le bureau d’imposition RTS Luxembourg 1 en date du 27 février 2018 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 février 2019 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 19 mars 2019 par Maître Daniel Cravatte pour le compte de son mandant ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 avril 2019 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Daniel Cravatte et Monsieur le délégué du gouvernement Steve Collart en leurs plaidoiries respectives.
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En date du 27 février 2018, le bureau d’imposition Sociétés Diekirch de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », émit à l’égard de Monsieur … un bulletin d’appel en garantie (« Haftungsbescheid ») sur le fondement du paragraphe 118 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », en raison de sa qualité de gérant unique de la société à responsabilité limitée … SARL, entretemps déclarée en faillite par un jugement du tribunal d’arrondissement de et à Diekirch du … 2018, ledit bulletin déclarant Monsieur … codébiteur solidaire d’un montant de ….-
euros, en principal et intérêts, au titre des impôts dus par la société … SARL au sujet de l’impôt sur le revenu des collectivités, l’impôt commercial communal, l’impôt sur la fortune et l’impôt surle revenu des capitaux.
Ledit bulletin est libellé comme suit :
« (…) Il est dû à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg par la société … s.à.r.l. en faillite ayant eu son siège social à L- …, immatriculée sous le dossier fiscal … à titre de :
l’impôt sur le revenu des collectivités Année 2013 Principal … € Année 2013 Intérêts … € Année 2015 Principal … € Année 2015 Intérêts … € l’impôt commercial communal Année 2013 Principal … € Année 2013 Intérêts … € Année 2015 Principal … € l’impôt sur la fortune Année 2017 Principal … € l’impôt sur le revenu de capitaux Année 2013 Principal … € Année 2014 Principal … € Année 2014 Intérêts … € Année 2015 Principal … € Année 2015 Intérêts … € Il résulte de la publication au Mémorial C N° … page … du … 2012 que lors de l’assemblée générale extraordinaire du 5 juillet 2011 de la société … s.à.r.l. en faillite que Monsieur … a été nommé gérant unique de la société et délégué à la gestion journalière avec les pouvoirs d’agir au nom de la société en toutes circonstances et de faire et autoriser les actes et opérations relatifs à son objet par sa seule signature.
Par conséquent et conformément aux termes des §§ 108 et 103 AO vous étiez personnellement tenu à l’accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société … s.à.r.l. en faillite dont notamment le paiement des impôts dus par la société à l’aide des fonds administrés.
Votre faute personnelle consiste dans le fait de ne pas avoir accompli ou veillé à l’accomplissement des obligations qui incombent à la personne représentée, et notamment dans le manque de diligence ou de soin apporté à l’exécution des obligations fiscales de la société avec 2 comme conséquence une insuffisance de l’impôt payé par rapport à l’impôt dû.
Notamment dépôt tardif des déclarations fiscales des années 2013 à 2016 et et défaut de dépôts des bilans au registre de commerce pour la publication.
Ceci constitue manifestement une faute grave de vos obligations en tant qu’administrateur représentant légal de la société … s.à.r.l. en faillite.
Suite à l’inexécution fautive de vos obligations, le receveur de l’Administration des contributions directes n’a pas perçu les impôts d’un montant de … € Ce montant de … euros se compose comme suit :
l’impôt sur le revenu des collectivités Année 2013 Principal … € Année 2013 Intérêts … € Année 2015 Principal … € Année 2015 Intérêts … € l’impôt commercial communal Année 2013 Principal … € Année 2013 Intérêts … € Année 2015 Principal … € l’impôt sur la fortune Année 2017 Principal … € l’impôt sur le revenu de capitaux Année 2013 Principal … € Année 2014 Principal … € Année 2014 Intérêts … € Année 2015 Principal … € Année 2015 Intérêts … € En vertu du § 110 AO votre responsabilité pour les actes accomplis pendant la période de vos fonctions survit à l’extinction de votre pouvoir de représentation.
Considérant qu’en vertu du § 103 AO vous êtes tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société … s.à.r.l. en faillite.
Considérant que l’inexécution des ces obligations est à qualifier de fautive.
3 Considérant que l’inexécution fautive de vos obligations a empêché la perception d’impôts d’un montant de … euros.
Considérant que dans la mesure où, par l’inexécution fautive de vos obligations, vous avez empêché la perception de l’impôt légalement dû, vous êtes constitué codébiteur solidaire de ce montant conformément au § 109 AO.
Considérant que le § 118 AO m’autorise à engager votre responsabilité.
Considérant le fait qu’en votre qualité de représentant légal vous êtes chargé de la gestion journalière de la société … s.à.r.l. en faillite j’engage votre seule responsabilité, l’appel en garantie s’élève au montant de … euros, sans préjudice des intérêts de retard ultérieurs (…) ».
Par courrier de son litismandataire daté du 24 avril 2018, Monsieur … fit introduire une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé le « directeur », à l’encontre du prédit bulletin d’appel en garantie du 27 février 2018.
Par décision du 6 septembre 2018, inscrite sous le numéro C 24779, le directeur déclara non fondée la réclamation introduite par Monsieur … dans les termes suivants :
« (…) Vu la requête introduite le 26 avril 2018 par Maître Daniel Cravatte, au nom du sieur …, demeurant à B- …, pour réclamer contre le bulletin d’appel en garantie émis en vertu du § 118 de la loi générale des impôts (AO) par le bureau d’imposition Sociétés Diekirch en date du 27 février 2018 ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu le § 119, alinéa 1er AO, ensemble les §§ 228 et 301 AO ;
Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO) dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elle est partant recevable ;
Considérant que le bulletin attaqué a déclaré le réclamant codébiteur solidaire de l’impôt sur le revenu des collectivités, de l’impôt commercial communal, de l’impôt sur la fortune et de l’impôt sur le revenu de capitaux, y compris les intérêts accumulés depuis lors, des années 2013 (IRC, ICC et RRC), 2014 (RRC), 2015 (IRC, ICC et RRC) et 2017 (IF) au motif qu’il aurait, en sa qualité de représentant légal de la société à responsabilité limitée …, en faillite, commis une faute en ne veillant pas à ce que soient payées au receveur des Contributions, sur les fonds administrés, les sommes qui ont été retenues ou qui auraient dû être retenues au titre de l’impôt sur le revenu des collectivités, de l’impôt commercial communal, de l’impôt sur la fortune et de l’impôt sur le revenu de capitaux, et dont la société était (et est toujours) redevable ;
Considérant, à titre liminaire tout comme en matière de principe, que le représentant d’une personne morale est responsable du paiement des dettes d’impôt de la personne morale qu’il représente dans les conditions prévues aux §§ 103 et 109 AO ; qu’aux termes du § 103 AO il est tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société, notamment de remettre les 4 déclarations fiscales dans les délais légaux et de payer sur les fonds qu’il gère les impôts dont la société est redevable (CE du 20 octobre 1981, n° 6902) ;
Considérant dès lors que dans la mesure où le représentant, par l’inexécution fautive de ces obligations, a empêché la perception de l’impôt légalement dû, il est, en principe, constitué codébiteur solidaire des arriérés d’impôt de la société, conformément au § 109 AO ; que la responsabilité du représentant est à qualifier de fautive du moment que les impôts échus, même avant son entrée en fonction, ne sont pas payés sur les fonds disponibles de la société à l’administration ;
Considérant qu’il s’avère nécessaire dans ce contexte de mettre en exergue qu’en matière de responsabilité du fait personnel (article 1382 du code civil), l’auteur du dommage ne peut pas s’exonérer en invoquant une prétendue faute d’un tiers, lequel n’entrera en ligne de compte qu’au stade du recours entre les coresponsables ; que le représentant responsable sur le fondement du § 109 AO ne peut par ailleurs pas s’opposer à une poursuite au motif qu’elle n’a pas été engagée contre un autre ;
Considérant de surcroît qu’en vertu du § 118 AO la poursuite du tiers responsable, à la différence de l’imposition du contribuable, est toujours discrétionnaire et exige de ce fait et en vertu du § 2 de la loi d’adaptation fiscale (StAnpG) une appréciation effective et explicite des circonstances qui justifient la décision en raison et en équité (BFH du 19 février 1965 StRK § 44 EStG R.13 ; jurisprudence constante pour RTS, notamment BFH du 24 novembre 1961, BStBl.
1962.37 ; 3 février 1981, BStBl. 1981 II 493 ; cf Becker-Riewald-Koch § 2 StAnpG Anm. 5 Abs.
3) ; que l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire implique une motivation quant au principe même de la mise en œuvre de la responsabilité d’un ou de plusieurs représentants, quant à la désignation du représentant dont la responsabilité est engagée et quant au quantum de sa responsabilité ;
Considérant qu’un manquement à une obligation fiscale découlant du § 103 AO dans le chef de l’administrateur délégué d’une société n’est pas suffisant pour engager sa responsabilité en application du § 109, alinéa 1er AO et pour voir émettre à son encontre un bulletin d’appel en garantie, le législateur ayant posé à cet égard l’exigence supplémentaire d’une inexécution fautive - « schuldhafte Verletzung » - des obligations du représentant de la société envers le fisc (Cour administrative du 22 février 2000, n° 11694C du rôle) ; que la responsabilité du gérant est cependant à qualifier de fautive du moment qu’il n’accomplit pas ses obligations fiscales, dont notamment celle de veiller à ce que les impôts dus soient payés, même ceux datant d’avant son entrée en fonction, à l’aide des fonds administrés ; que cette dernière prémisse l’emporte, le cas échéant, ainsi de plein droit sur la situation telle qu’elle s’est présentée durant les années antérieures ;
Considérant encore qu’en ce qui concerne la notion de l’inexécution fautive, à savoir de la « schuldhafte Verletzung seiner steuerlichen Pflichten durch den Vertreter des Steuerpflichtigen » au sens du § 109, alinéa 1er AO, que la Cour administrative a consigné que :
1) « Dans la mesure où il n’est pas contesté que les bilans pour les années litigieuses n’ont pas été déposés dans les délais au RCS et que les déclarations fiscales n’ont pas non plus été déposées, ce qui a contraint le bureau d’imposition à procéder par la voie de la taxation d’office 5 pour les années 2008 à 2010 et par la fixation d’avances pour les années 2012 à 2014, le bureau d’imposition a en principe valablement pu retenir une inexécution fautive dans le chef de l’appelant, étant donné qu’en sa qualité de gérant unique, il était conformément au paragraphe 103 AO personnellement tenu à l’accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société (…), de sorte qu’il était tenu de veiller au dépôt des déclarations fiscales et au paiement des créances d’impôt et que l’omission de ce faire est à qualifier de comportement fautif.
(…) Or, le fait pour l’appelant de ne pas avoir veillé, en tant que gérant unique de la société (…), à ce que les déclarations d’impôt soient déposées en temps utile auprès de l’administration des Contributions directes, est à qualifier d’inexécution fautive des obligations du représentant d’une société envers les autorités fiscales, de sorte que les conditions pour la mise en œuvre de sa responsabilité personnelle à l’égard des créances d’impôt visées dans le bulletin d’appel en garantie litigieux se trouvent réunies en cause. Cette conclusion ne saurait être invalidée par l’argumentation de l’appelant selon laquelle il serait inéquitable de le poursuivre personnellement après tous les efforts entrepris pour régulariser les affaires de la société, étant donné qu’il est resté trop longtemps inactif et qu’il semblerait, d’après les éléments du dossier, qu’il n’est devenu actif que lorsque le Parquet a décidé de demander la dissolution judiciaire de la société. » (CA du 23 août 2016, n° 38378C), et que :
2) « Les premiers juges ont essentiellement retenu que le « § 103 AO soumet les dirigeants d’une société à l’obligation de veiller à ce que les impôts dus soient payés au trésor public », pointant de la sorte essentiellement l’obligation des représentants d’une société de veiller au paiement des impôts dus (…).
La Cour ne saurait entériner cette vision des choses.
En premier lieu, il est erroné de limiter l’analyse sur l’obligation de paiement des impôts dus, mais il convient d’avoir égard à l’ensemble des obligations incombant au contribuable en vue de la fixation et du paiement de l’impôt dû.
(…) Cette façon de procéder au cours de la procédure d’imposition est aux antipodes de l’attitude que l’on peut attendre d’une société raisonnablement prudente et diligente et elle caractérise manifestement une violation des obligations incombant aux organes d’administration de la société (…). Le manquement ainsi dépeint est encore de toute évidence grave.
(…) (…), il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que Monsieur (…) a de façon prolongée rendu impossible la détermination exacte des bases d’imposition et qu’il a singulièrement et fautivement manqué de remplir les obligations fiscales qui lui incombaient en tant que représentant de la société (…), de sorte que les conditions pour la mise en oeuvre de sa responsabilité personnelle pour les impôts visés par le bulletin d’appel en garantie litigieux se 6 trouvent réunies en cause. » (CA du 31 janvier 2017, n° 38343C) ;
Considérant qu’il découle de tout ce qui précède que c’est à tort que le réclamant, en sa qualité de représentant légal de la société à responsabilité limitée …, en faillite, estime sa responsabilité personnelle ne pas devoir être engagée, de sorte que la mise à charge des sommes dues au titre de l’impôt sur le revenu des collectivités, de l’impôt commercial communal, de l’impôt sur la fortune et de l’impôt sur le revenu de capitaux, y compris les intérêts accumulés depuis lors, des années 2013 (IRC, ICC et RRC), 2014 (RRC), 2015 (IRC, ICC et RRC) et 2017 (IF), ainsi que l’ensemble des intérêts de retard y relatifs, est parfaitement justifiée en ce qui le concerne ;
PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme, la rejette comme non fondée (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 novembre 2018, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision directoriale précitée du 6 septembre 2018.
Dans son mémoire en réplique du 19 mars 2019, le demandeur fait valoir que le mémoire en réponse du délégué du gouvernement ne lui serait parvenu qu’en date du 14 mars 2019, alors qu’il semblerait qu’il aurait été notifié par erreur à un confrère, lequel le lui aurait remis à cette date, de sorte qu’il n’aurait disposé que de six jours afin de déposer son mémoire en réplique.
Quant à ce moyen ayant trait à une violation des droits de la défense du demandeur, lié à la date de réception du mémoire en réponse du délégué du gouvernement, force est au tribunal de relever que le litismandataire du demandeur a retiré ledit moyen à l’audience des plaidoiries. Il n’y a donc pas lieu de prendre position à son sujet.
Dans son mémoire en réponse et à titre liminaire, le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours subsidiaire en annulation.
Quant à la recevabilité du recours, il y a lieu de rappeler que conformément aux dispositions du paragraphe 119 AO, les personnes à l’encontre desquelles un bulletin d’appel en garantie a été émis bénéficient des mêmes voies de recours que celles ouvertes au contribuable. Or, conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée « la loi du 7 novembre 1996 », le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin de l’impôt.
Il s’ensuit qu’en l’espèce le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit par Monsieur … à l’encontre de la décision directoriale du 6 septembre 2018 précitée, ayant statué sur les mérites de la réclamation introduite contre le bulletin d’appel engarantie litigieux émis en date du 27 février 2018.
Ledit recours en réformation ayant, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.
Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours et en fait, le demandeur reprend en substance les faits et rétroactes tels que relatés ci-dessus, en expliquant qu’il aurait été nommé gérant unique de la société … SARL, dénommée ci-après la « société … », depuis le 5 juillet 2011. Il indique que ladite société aurait été déclarée en faillite par un jugement commercial du 21 février 2018.
En droit, le demandeur soutient, tout d’abord, que l’administration des Contributions directes aurait fondé son appel en garantie sur son manque de diligence dans l’accomplissement de ses obligations en tant que représentant de la société …, constituant une faute dans son chef, au motif que les déclarations fiscales des années 2013 à 2016 auraient été déposées tardivement et que les bilans n’auraient pas été déposés au registre de commerce en vue de leur publication.
Or, il relève, à cet égard, que les bilans des exercices 2013 à 2015 auraient été déposés et enregistrés au registre de commerce en date du 7 décembre 2016 et que le bilan relatif à l’exercice 2016 l’aurait été en date du 1er décembre 2017. Le même constat serait à formuler pour les déclarations fiscales. Le demandeur fait encore valoir que la preuve en serait qu’en date du 7 avril 2017, le bureau d’imposition aurait adressé à la société … un courrier relatif aux déclarations d’impôts pour les exercices 2013, 2014 et 2015, afin de procéder à des modifications de certains postes desdites déclarations, de sorte qu’elles auraient manifestement été déposées et qu’aucune négligence ne saurait lui être reprochée à cet égard.
Le demandeur ajoute que si le dépôt des documents en question se serait fait avec un certain retard, force serait cependant de relever que ce retard n’aurait pas entravé ou empêché la perception des impôts par l’administration des Contributions.
Il donne encore à considérer que la situation d’espèce différerait de l’hypothèse de la non continuation des retenues d’impôts sur salaires, en ce que les montants réclamés par l’administration des Contributions directes se rapporteraient aux impôts commerciaux communaux, aux impôts sur le revenu des capitaux ainsi qu’aux impôts sur la fortune. Il explique que les montants feraient, dans un premier temps, partie intégrante du patrimoine de la société et ne seraient dus à l’administration des Contributions directes qu’une fois le montant des impôts définitivement fixé, contrairement aux retenues d’impôts sur salaires qui ne feraient jamais partie intégrante du patrimoine de la société. Dès lors, il ne saurait être argumenté que le simple fait de ne pas procéder au paiement des impôts dus en l’espèce serait constitutif d’une faute dans le chef du gérant de la société.
Par ailleurs, le demandeur souligne qu’il aurait non seulement procédé au dépôt des bilans et des déclarations d’impôts, mais qu’il aurait également contesté le courrier de l’administration des Contributions directes du 7 avril 2017 l’informant de certaines modifications qu’elle aurait apportées aux déclarations et ce, par le biais d’un courrier du 28 avril 2017 de la part du comptablede la société …. En effet, il explique qu’une inertie fautive ne saurait lui être reprochée, alors qu’il aurait immédiatement contesté les modifications d’imposition projetées par l’administration des Contributions directes. Ainsi, le demandeur affirme que suite à l’impossibilité de donner suite au paiement réclamé, il n’aurait eu d’autre choix que de procéder à l’aveu de faillite.
Le demandeur estime, finalement, que le fait qu’une « divergence de vue » aurait existé entre la société … et l’administration des Contributions directes quant à certains postes des différentes déclarations d’impôts ne saurait être considéré comme constitutif d’un comportement fautif dans son chef, alors qu’en tant que gérant de la société, il aurait accompli toutes les démarches administratives. A cet égard, il critique le fait que le directeur n’aurait pas caractérisé la faute qu’il aurait prétendument commise, alors que l’existence de celle-ci constituerait la condition sine qua non de la régularité de l’appel en garantie émis à son encontre. Il souligne, dans ce contexte, que le simple non-paiement des impôts redus ne saurait suffire pour engager sa responsabilité personnelle et que le contraire reviendrait à dénaturer le sens et la portée du paragraphe 109 (1) AO qui exige l’existence d’une inexécution fautive. Il en conclut que faute pour le directeur d’avoir défini, caractérisé et rapporté la preuve de cette inexécution fautive, l’appel en garantie serait à déclarer non fondé.
Le demandeur sollicite, enfin, dans le cadre de son dispositif, la condamnation de la partie gouvernementale au paiement des frais et dépens de l’instance, d’une part, ainsi qu’à une indemnité de procédure d’un montant de 1.500.- euros, d’autre part.
Le délégué du gouvernement, quant à lui, conclut au rejet du recours sous analyse, en relevant, quant aux faits, que tant la société à responsabilité limitée … SARL, ci-après dénommée la « société … », que la société … auraient été constituées et gérées par le demandeur.
A cet égard, le représentant gouvernemental indique que la société … avait comptabilisé une provision de ….- euros pour créance douteuse envers la société …. Il ajoute que la société … a été déclarée en faillite en date du 18 juin 2014.
Il rappelle qu’en application du paragraphe 205 (3) AO, le bureau d’imposition aurait informé la société … qu’il envisagerait de procéder à des modifications par rapport aux déclarations des années 2013 à 2015, d’une part, afin de tenir compte de distributions cachées de bénéfices d’un montant de ….- euros, et, d’autre part, pour s’opposer à ce que la société … comptabilise une provision pour créance douteuse envers la société …. Il donne à considérer que les bulletins tenant compte des modifications auraient été émis le 24 mai 2017 et auraient dès lors acquis autorité de chose décidée.
Le délégué du gouvernement conteste ensuite l’affirmation du demandeur selon laquelle il aurait procédé à l’aveu de la faillite de la société …, alors que la société aurait été déclarée en faillite en date du 21 février 2018 et ce, non pas sur aveu mais sur assignation.
En droit, il se réfère au paragraphe 109 AO qui prévoirait les conditions de la mise en œuvre de la responsabilité d’un représentant de la société, dont notamment l’existence d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité entre le dommage et la faute. Le dommage consisterait dans le non-paiement des impôts de ….- euros. La faute serait constituée par les distributions cachées debénéfices, d’une part, et, d’autre part, dans les relations pour le moins obscures entretenues avec la société ….
Dans le cadre des relations obscures entretenues entre la société … et la société …, le délégué du gouvernement relève qu’aucune des deux sociétés n’aurait eu de salarié à l’époque où la société … aurait été créancière à l’égard de la société … d’un montant de ….- euros, créance qu’elle aurait tenté de provisionner comme créance douteuse, ce qui lui aurait toutefois été refusé.
Il soutient que la société … n’aurait à aucun moment donné des explications plausibles au sujet de la transaction intervenue entre les deux sociétés liées. Concernant la créance de la société … envers la société …, le délégué du gouvernement la considère comme un crédit qui aurait été accordé sans contrepartie réelle et il reproche, dans ce contexte, à la société … d’avoir voulu artificiellement réduire son bénéfice.
Quant au lien de causalité, le délégué du gouvernement estime qu’il serait constitué par des distributions de bénéfices cachés à hauteur de ….- euros et l’octroi d’un prêt sans garantie s’élevant au total à ….- euros, ce qui aurait largement suffi à apurer la dette fiscale.
Le demandeur fait répliquer que la partie gouvernementale se serait contredite en relevant, d’abord, qu’un manquement à une obligation fiscale découlant du paragraphe 103 AO ne serait pas suffisant pour engager la responsabilité du représentant de la société en application de l’alinéa 1er du paragraphe 109 AO, tout en estimant que son comportement serait à qualifier de fautif du moment qu’il n’accomplirait pas ses obligations fiscales, dont notamment celle de veiller à ce que les impôts dus soient payés à l’aide de fonds administrés. En effet, le demandeur estime que dès lors que le paragraphe 109 AO n’instaurerait pas de solidarité d’office entre la personne morale et son représentant légal, le comportement fautif du représentant ne saurait être constitué par la seule absence de règlement des dettes fiscales.
En réponse au moyen présenté par le délégué du gouvernement quant aux créances que la société … n’aurait pas pu récupérer à l’égard de la société …, le demandeur expose, dans un premier temps, que le principe des créances non récupérées ne serait pas contesté. Dans ce contexte, il se prévaut d’un relevé fournisseurs, versé à l’appui de son recours, aux fins d’établir que des paiements partiels à hauteur de ….- euros auraient été effectués par la société … avant la mise en faillite de cette dernière. Le demandeur soutient avoir déposé une déclaration de créance dans la faillite de la société …, laquelle aurait été admise au passif de la faillite, de sorte que le bien-fondé des revendications de la société … auraient été reconnues par le curateur et le juge-commissaire, et que l’on ne saurait lui reprocher un quelconque manque de diligence à l’égard de la société ….
Dans un deuxième temps, le demandeur fait valoir que la société … aurait aisément pu s’acquitter de ses dettes envers la société … si ses débiteurs avaient respecté leurs obligations. A cet égard, il se prévaut d’une convention transactionnelle conclue entre le curateur de la société … et cinq sociétés belges à l’égard desquelles la société … aurait disposé d’une créance. Il souligne que ladite convention transactionnelle aurait été approuvée par le tribunal. Le demandeur en conclut que le fait pour la société … de fournir des prestations pour la société … ne saurait être qualifié de fautif, alors que cette dernière aurait disposé des moyens nécessaires pour payer les factures de la société …, à condition de s’être elle-même fait payer par ses débiteurs belges. Il ne saurait donc être reproché à la société …, respectivement à son représentant légal, une absence deréaction quant à cette situation.
Quant au moyen du délégué du gouvernement concernant la distribution cachée de bénéfices, le demandeur explique qu’il aurait été opportun de comptabiliser les montants des factures non récupérées comme créances douteuses, étant donné qu’il se serait avéré que la société … serait tombée en faillite en date du 18 juin 2014. Il conclut que ces éléments ne suffiraient pas pour caractériser une quelconque faute dans son chef comme représentant de la société …, au contraire, il aurait effectué les démarches nécessaires pour comptabiliser les créances sous forme de créances douteuses et il aurait procédé au dépôt d’une déclaration de créance au passif de la faillite de la société ….
Il donne encore à considérer que s’il est vrai que les créances n’auraient pas été intégralement payées, ce constat ne suffirait pas pour qualifier la faute, alors que raisonner ainsi reviendrait à ériger en fait fautif chaque situation où une société ne se ferait pas payer ses créances, condition dépassant de loin les conditions légales.
Le demandeur précise ensuite que les montants ouverts auraient trait à des prestations de consultance, de sorte qu’il ne s’agirait pas d’un prêt accordé à la société …, tel qu’affirmé par le délégué du gouvernement. Il conteste ainsi l’existence d’une distribution cachée de bénéfices en relevant que si l’administration des Contributions directes a certes considéré que les frais encodés auraient dû faire l’objet d’une autre comptabilisation, une telle circonstance ne constituerait pas, ipso facto, une faute dans son chef.
Le demandeur critique, par ailleurs, le fait qu’aucune référence n’aurait été faite à la société … dans le bulletin d’appel en garantie du 27 février 2018, ni à une prétendue distribution cachée de bénéfices liée à cette société. La décision sur réclamation du 6 septembre 2018 ne ferait pas non plus référence à de tels reproches. Il indique que ce ne serait que dans le cadre du mémoire en réponse du délégué du gouvernement que ces observations auraient été formulées, de sorte qu’il se serait vu priver d’une grande partie de ses droits de la défense, alors qu’il n’aurait pas pu prendre position sur ces questions préalablement, notamment dans sa réclamation du 24 avril 2018.
Concernant finalement l’existence d’une faute dans son chef, le demandeur rappelle qu’elle ne serait pas en lien de causalité avec l’insuffisance d’impôts perçus, alors que le simple non-
paiement du montant des impôts ne saurait suffire à établir ce lien de causalité. Il souligne que suivant le raisonnement du délégué du gouvernement, sa faute consisterait dans la comptabilisation en tant que créances douteuses des revendications de la société … à l’égard de la société …, et il précise à cet égard qu’en tout état de cause, même en dehors d’une telle comptabilisation, lesdites créances n’auraient de toute façon pas pu être récupérées, de sorte que cette comptabilisation ne serait pas à l’origine du prétendu dommage de la partie gouvernementale.
Dans le cadre de son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement explique que la société … aurait presté des services d’étude et de conseil commercial pour compte de la société …, alors que le demandeur aurait été tant le bénéficiaire économique que le dirigeant des deux sociétés et que ces services auraient été chiffrés à ….- euros pour les années 2012 et 2013. Les deux sociétés auraient eu le même objet social, ce qui rendrait les prestations de services encore plus douteuses.
A cet égard, il soutient que le demandeur aurait également donné des « conseils à crédit » à dessociétés liées établies en Belgique pour un montant total de ….- euros. Le délégué du gouvernement considère que ce serait, dès lors, à tort que le demandeur se serait prévalu de créances pour un montant total de ….- euros, alors qu’il ressortirait de la convention transactionnelle versée en la cause que les créances envers différentes sociétés auraient été apurées par compensation, respectivement moyennant le paiement d’un montant unique de ….- euros.
Il souligne finalement que la valeur des distributions cachées de bénéfices aurait suffi à apurer la somme de la dette fiscale réclamée dans le bulletin d’appel en garantie et qu’un représentant normalement diligent et raisonnable n’aurait pas accordé du crédit à son autre société intimement liée, mais aurait dû apurer son passif fiscal en exigeant des garanties de paiement par des sociétés tierces.
Le tribunal n’étant pas lié par l’ordre des moyens dans lequel ils lui ont été soumis, il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.
Comme le demandeur entend contester la distribution cachée de bénéfices retenue par le bureau d’imposition à l’encontre de la société … au sens de l’article 164, paragraphe (3) de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, dénommée ci-après « LIR », et, par conséquent, la soumission du débiteur principal à l’impôt ou la cote d’impôt fixée à son égard, il convient d’abord d’analyser ce moyen.
S’il est vrai que cet élément de motivation de l’appel en garantie de Monsieur … n’a pas initialement été spécialement libellé par le bureau d’imposition, voire par la suite par le directeur, il n’en reste pas moins que l’administration des Contributions directes n’est pour autant pas forclose à en faire état, étant donné qu’il est généralement admis que l’obligation de motivation se conçoit en matière d’appel en garantie à travers le principe général du droit au respect des droits de la défense, en ce sens que le contribuable doit être en mesure de connaître la motivation d’une décision au plus tard au cours de la procédure contentieuse devant les juridictions administratives afin de pouvoir préparer utilement sa défense, ce à quoi il a été satisfait en cause, le demandeur ayant utilement été en mesure de discuter le reproche afférent. Il s’ensuit que le moyen tenant à une violation des droits de la défense y relative est à rejeter.
Ensuite, le tribunal relève que le paragraphe 119 AO prévoit ce qui suit :
« (1) Wer neben dem Steuerpflichtigen oder an dessen Stelle persönlich auf Zahlung einer Steuer in Anspruch genommen wird (§ 97 Absatz 2), kann gegen seine Heranziehung die Rechtsmittel geltend machen, die dem Steuerpflichtigen zustehen. Die Frist zur Einlegung des Rechtsmittels beginnt mit Ablauf des Tags, an dem Ihm der Beschluss über seine Heranziehung zugestellt oder, wenn keine Zustellung vorgeschrieben ist, bekannt gemacht worden ist.
(2) Ist die Steuerschuld dem Steuerpflichtigen gegenüber unanfechtbar festgestellt, so hat dies gegen sich gelten zu lassen, wer als Rechtsnachfolger des Steuerpflichtigen haftet oder wer in der Lage gewesen wäre, den gegen den Steuerpflichtigen erlassenen Bescheid als dessen Vertreter, Bevollmächtigter oder kraft eigenen Rechts anzufechten ».
Cette disposition pose le principe suivant lequel le tiers appelé en garantie peut introduireles mêmes voies de recours et faire valoir les mêmes moyens contre le bulletin d’appel en garantie que ceux dont dispose le débiteur principal de l’impôt.
Cette faculté de faire valoir les mêmes moyens contre le bulletin d’appel en garantie que ceux dont peut se prévaloir le débiteur principal de l’impôt implique que la personne appelée en garantie est en droit de soulever tant des moyens dirigés contre la décision de l’appeler en garantie, en ce que les conditions afférentes ne se trouveraient pas réunies dans son chef, que des moyens tendant à contester la soumission du débiteur principal à l’impôt ou la cote d’impôt fixée à son égard. Le paragraphe 119 AO est, sous cet aspect, une application de l’assimilation de la personne appelée en garantie au débiteur même de l’impôt posée par le paragraphe 97 (2) AO1.
Il n’est dérogé à cette étendue des voies de recours à disposition de la personne appelée en garantie que dans les hypothèses prévues par le paragraphe 119 (2) AO, dont notamment celle où la personne appelée en garantie était le représentant du débiteur principal en temps utile, de manière à avoir été en mesure d’introduire en cette qualité une voie de recours contre le bulletin d’impôt émis à l’égard du débiteur principal, mais que l’absence de recours a emporté l’autorité de chose décidée dans le chef dudit bulletin.
En l’espèce, force est au tribunal de constater qu’il ressort des pièces soumises à son appréciation et non contestées en cause que Monsieur … a été nommé lors de l’assemblée générale extraordinaire du 5 juillet 2011 à la fonction de gérant unique de la société … et qu’en cette qualité, il avait le pouvoir d’engager valablement la société par sa seule signature et ceci jusqu’à la faillite de la société en date du 21 février 2018.
Monsieur … doit dès lors être considéré comme représentant du débiteur principal en temps utile, de manière à avoir été en mesure d’introduire en cette qualité une voie de recours contre les bulletins d’impôts émis à l’égard du débiteur principal au sens du paragraphe 119 (2) AO, précité.
Force est ensuite au tribunal de relever qu’il ressort effectivement des pièces du dossier fiscal que les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités des années 2013 à 2015 du 24 mai 2017, dans lesquels le bureau d’imposition a retenu une distribution cachée de bénéfices à hauteur de respectivement ….- euros, ….- euros et ….- euros, sont coulés en force de chose décidée du fait de n’avoir fait l’objet d’aucune réclamation de la part de la société … remettant en cause le bien-
fondé, respectivement la légalité de ces bulletins d’impôts. Il y a dès lors lieu de retenir que les bulletins d’impôts des années 2013 à 2015 sont devenus définitifs, de sorte que le principe de l’intangibilité ou du moins de l’incontestabilité des actes administratifs devenus définitifs y est attaché. Il en va de même, pour les mêmes raisons, du refus de provisionnement de la créance douteuse envers la société ….
Cette constatation n’est pas énervée par l’affirmation du demandeur, selon laquelle il aurait procédé à la contestation immédiate de « la position adoptée » par l’administration des Contributions directes, alors qu’il lui aurait appartenu de former un recours contre les bulletins d’impôts suite à leur émission le 24 mai 2017, ce qu’il n’a pas fait, le demandeur restant en défaut d’alléguer et partant a fortiori d’établir qu’il aurait été dans l’impossibilité d’introduire un recours contre lesdits bulletins d’impôts. Or, à défaut d’avoir déposé, dans un délai de trois mois, une 1 Cour adm., 10 mars 2015, n°35065C du rôle, Pas. adm. 2019, V° Impôts, n° 467, et les autres références y citées.demande de faire retirer ou modifier lesdits bulletins d’impôts en vertu du paragraphe 94, alinéa 1er AO, respectivement une réclamation devant le directeur sur base du paragraphe 228 AO, le contribuable est forclos de critiquer l’imposition lui opposée devant le juge du fond.
Le tribunal est dès lors amené à retenir que la question de la vérification de l’existence de distributions cachées de bénéfices lui échappe et les contestations desdites distributions cachées de bénéfices sont partant à écarter. La même conclusion s’impose en ce qui concerne le refus de provision relative à la créance douteuse envers la société ….
En ce qui concerne ensuite la responsabilité personnelle de Monsieur …, il y a lieu de relever qu‘aux termes du paragraphe 103 AO : « Die gesetzlichen Vertreter juristischer Personen und solcher Personen, die geschäftsunfähig oder in der Geschäftsfähigkeit beschränkt sind, haben alle Pflichten zu erfüllen, die denen Personen, die sie vertreten, obliegen ; insbesondere haben sie dafür zu sorgen, dass die Steuern aus den Mitteln die sie verwalten, entrichtet werden. Für Zwangsgeldstrafen und Sicherungsgelder die gegen sie erkannt, und für Kosten von Zwangsmitteln die gegen sie festgesetzt werden, haften neben ihnen die von ihnen vertretenen Personen ».
Le paragraphe 103 AO appelle les représentants légaux d’une société à remplir les obligations fiscales incombant à la société qu’ils gèrent. Ils sont plus particulièrement appelés à remettre les déclarations fiscales dans les délais légaux et à payer sur les fonds qu’ils gèrent les impôts dont la société est redevable. Dans ce contexte, il est erroné de limiter l’analyse sur l’obligation de paiement des impôts dus, mais il convient d’avoir égard à l’ensemble des obligations incombant au contribuable en vue de la fixation et du paiement de l’impôt dû2.
Dans la mesure où le demandeur a été, tel que retenu ci-avant, nommé à l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires du 5 juillet 2011 à la fonction de gérant unique de la société … avec le pouvoir d’engager la société par sa seule signature, il doit être considéré comme ayant été, à partir de cette date, officiellement seul en charge de la gestion de ladite société durant les années fiscales litigieuses et personnellement tenu, en vertu des dispositions légales précitées, à l’accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société, notamment le paiement des impôts dus par la société à l’aide des fonds administrés.
Quant à la mise en œuvre de la responsabilité personnelle du fait du non-paiement des impôts dont est redevable une personne morale, il y a lieu de relever que le dirigeant d’une société ne peut être tenu personnellement responsable du non-paiement de ces impôts que dans les conditions plus particulièrement prévues au paragraphe 109 AO qui dispose dans son alinéa 1er que : « Die Vertreter und die übrigen in den §§ 103 bis 108 bezeichneten Personen haften insoweit persönlich neben dem Steuerpflichtigen, als durch schuldhafte Verletzung der ihnen in den §§ 103 bis 108 auferlegten Pflichten Steueransprüche verkürzt oder Erstattungen oder Vergütungen zu Unrecht gewährt worden sind ».
Il se dégage de ces dispositions légales que le simple constat d’un manquement à une obligation fiscale découlant du paragraphe 103 AO, précité, n’est pas suffisant pour engager la responsabilité personnelle des dirigeants d’une société en application du paragraphe 109, alinéa 1er AO et pour voir émettre à leur encontre un bulletin d’appel en garantie, le législateur ayant en 2 Cour adm., 31 janvier 2017, n° 38343C du rôle, Pas. adm. 2019, V° Impôts, n° 473.effet posé à cet égard l’exigence supplémentaire d’une inexécution fautive (« schuldhafte Verletzung ») des obligations du représentant de la société envers le fisc.
Le paragraphe 7 (3) de la loi modifiée d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, dite « Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StAnpG », dispose, par ailleurs, que « Jeder Gesamtschuldner schuldet die ganze Leistung. Dem Finanzamt steht es frei an welchen Gesamtschuldner es sich halten will. Es kann die geschuldete Leistung von jedem Gesamtschuldner ganz oder zu einem Teil fordern », de sorte que le pouvoir du bureau d’imposition d’engager une poursuite contre un tiers responsable, et, plus particulièrement, contre le représentant d’une société, ne relève pas d’une compétence liée, mais constitue un pouvoir d’appréciation dans son chef et ce, à un double titre, d’abord en ce qui concerne l’appréciation du degré fautif du comportement de la personne visée et, ensuite, en ce qui concerne le choix du ou des codébiteurs contre lesquels l’émission d’un bulletin d’appel en garantie est décidée, chaque fois compte tenu des circonstances particulières de l’espèce.
En cas de pluralité de responsables, la possibilité de poursuivre simultanément tous les responsables résulte implicitement du paragraphe 7 StAnpG qui dispose que ceux qui sont poursuivis en qualité de responsables sont tenus solidairement. Le bureau d’imposition n’est par contre pas obligé de poursuivre tous les co-responsables et peut limiter son recours contre un ou plusieurs d’entre eux. En toute hypothèse, il appartient au bureau d’imposition de relever les circonstances particulières qui ont déterminé son choix.
Conformément au paragraphe 2 StAnpG, disposant que : « (1) Entscheidungen, die die Behörden nach ihrem Ermessen zu treffen haben (Ermessens-Entscheidungen), müssen sich in den Grenzen halten, die das Gesetz dem Ermessen zieht. (2) Innerhalb dieser Grenzen sind Ermessens-
Entscheidungen nach Billigkeit und Zweckmässigkeit zu treffen », l’administration, investie d’un pouvoir d’appréciation, doit procéder selon des considérations d’équité et d’opportunité et partant se livrer à une appréciation effective et explicite des circonstances particulières susceptibles de fonder sa décision en raison et en équité.
En l’espèce, il y a tout d’abord lieu de constater que le dommage pour l’Etat consiste dans l’insuffisance de l’impôt effectivement perçu par rapport à celui légalement dû conformément au bulletin d’appel en garantie du 27 février 2018, se référant aux impôts dus pour les années 2013 à 2017, ensemble les intérêts de retard y relatifs, soit en un montant de ….- euros, en principal et intérêts.
Il s’ensuit que la condition de l’existence d’un dommage se trouve vérifiée en l’espèce.
S’agissant ensuite de l’appréciation de la faute commise du fait du défaut de paiement des impôts, il est vrai que, tel que cela a été retenu ci avant, le seul non-respect d’une obligation fiscale n’est pas suffisant pour engager la responsabilité personnelle d’un dirigeant d’une société en application du paragraphe 109 (1) AO, mais il faut qu’une inexécution fautive soit vérifiée.
En l’espèce, il ressort du bulletin d’appel en garantie que la faute reprochée au demandeur consiste dans le manque de diligences ou de soins apporté à l’exécution des obligations fiscales de la société dont il était en charge en sa qualité de gérant unique avec comme conséquence uneinsuffisance de l’impôt payé par rapport à l’impôt dû, en raison (i) du dépôt tardif des déclarations fiscales des années 2013 à 2016 et (ii) du défaut de dépôt des bilans pour la publication au registre de commerce et des sociétés.
Concernant les reproches ayant trait au dépôt tardif des déclarations fiscales des années 2013 à 2016 et au non-dépôt dans les délais prescrits des bilans de la société … au registre de commerce et des sociétés, le tribunal est amené à retenir que s’il n’est pas contesté, en l’espèce, qu’il y a eu un certain retard dans le dépôt des déclarations fiscales et des comptes annuels de la société …, il ne ressort cependant pas de manière suffisante des éléments de l’espèce qu’un lien de causalité existe entre ce retard, d’ailleurs non exagéré, et l’insuffisance de la perception des impôts.
Or, en ce qui concerne le reproche, formulé une première fois par l’administration des Contributions directes dans son mémoire en réponse, relatif à la distribution cachée de bénéfices retenue à l’encontre de la société …, il échet de retenir que le demandeur a retiré, indûment, des sommes d’argent de la société …, liées à des frais de restaurant, de direction, de réception et de représentation, de téléphone et d’intérêts débiteurs sur compte courant associé d’un montant total de ….- euros, tel que cela ressort de la lettre du bureau d’imposition du 7 avril 2017, de sorte que la société … s’est vu réduire son actif qui aurait pu servir au paiement partiel de sa dette d’impôt.
Il s’ensuit que cette faute de comptabilisation a entraîné une diminution de l’actif de la société … et la faute ainsi commise par le demandeur en sa qualité de gérant unique est partant en lien causal avec le dommage occasionné du fait de l’insuffisance de l’impôt payé.
En ce qui concerne finalement la provision pour créance douteuse d’un montant de ….-
euros, en raison du caractère irrécouvrable d’une créance détenue par la société … à l’encontre de la société … dont le demandeur est également le bénéficiaire économique, il échet de retenir que le demandeur, en sa qualité de gérant unique de la société …, a commis une faute de gestion, en ce qu’il n’a pas, en temps utile, engagé toutes les procédures et mesures requises afin de recouvrer en temps utile, les sommes dont la société … était créancière, comportement d’autant plus fautif et reprochable qu’en fin de compte c’était une autre société dont il était le bénéficiaire qui en profitait.
Ainsi, il y a également lieu de retenir un lien causal entre cette faute de gestion et l’insuffisance de l’impôt payé, étant donné que s’il avait pu recouvrer ne serait-ce que partiellement ladite créance, ces sommes auraient aisément pu servir à l’apurement de la dette fiscale de la société ….
C’est dès lors à bon droit que le bureau d’imposition a engagé la responsabilité personnelle de Monsieur … pour l’insuffisance de l’impôt payé par la société … dont il était le gérant unique jusqu’à sa faillite.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent, et à défaut d’autres moyens, que le recours contre la décision du directeur est à rejeter pour être non fondé.
Au vu de l’issue du litige, il y a lieu de rejeter la demande en indemnité de procédure sollicitée par le demandeur.
Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
16 reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 6 septembre 2018 ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation introduit contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 6 septembre 2018 ;
rejette la demande en paiement d’une indemnité de procédure telle que formulée par le demandeur ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Anne Gosset, premier juge, Olivier Poos, premier juge, et lu à l’audience publique du 3 juillet 2020 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3 juillet 2020 Le greffier du tribunal administratif 17