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04/11/2019 | LUXEMBOURG | N°43526

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 novembre 2019, 43526


Tribunal administratif N° 43526 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 septembre 2019 4e chambre Audience publique extraordinaire du 4 novembre 2019 Recours formé par Monsieur …, Luxembourg, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art.35 (3), L. 18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43526 du rôle et déposée le 4 septembre 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Sébasti

en Lanoué, avocat à la Cour, assisté de Maître Marcel Marigo, avocat, tous deux inscrit...

Tribunal administratif N° 43526 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 septembre 2019 4e chambre Audience publique extraordinaire du 4 novembre 2019 Recours formé par Monsieur …, Luxembourg, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art.35 (3), L. 18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43526 du rôle et déposée le 4 septembre 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Sébastien Lanoué, avocat à la Cour, assisté de Maître Marcel Marigo, avocat, tous deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Togo), de nationalité togolaise, actuellement assigné à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg (SHUK) sise à L-1734 Luxembourg, 11, rue Carlo Hemmer, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 23 août 2019 par laquelle les autorités luxembourgeoises ont pris la décision de le transférer vers l’Allemagne, Etat membre compétent pour connaître de sa demande de protection internationale ;

Vu l’ordonnance du 6 septembre 2019, inscrite sous le numéro du rôle 43527 du rôle ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 octobre 2019 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Marcel Marigo, en remplacement de Maître Sébastien Lanoué, et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth Pesch en leurs plaidoiries respectives.

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Le 8 juillet 2019, Monsieur …, de nationalité togolaise, introduisit au ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent de la police grand-ducale, service de police judiciaire, section de la criminalité organisée - police des étrangers, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Il s’avéra à cette occasion, suite à une recherche effectuée dans la base de données VIS, que Monsieur … était en possession d’un visa Schengen numéro D055675700 délivré par l’Allemagne et valable du 15 juin au 14 juillet 2019.

1 Toujours le 8 juillet 2019, Monsieur … passa également un entretien auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dénommé ci-après « le règlement Dublin III ».

Par décision du même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », notifia à Monsieur … un arrêté ordonnant son assignation à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg (SHUK) pour une durée de trois mois.

En date du 9 juillet 2019, les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités allemandes aux fins de la prise, respectivement de la reprise en charge de Monsieur … sur base de la considération que l’intéressé était en possession d’un visa Schengen délivré par l’Allemagne lui ayant permis d’entrer sur le territoire d’un Etat membre et qu’il ne serait pas prouvé qu’il aurait quitté le territoire de l’Union européenne par la suite.

Par courrier du 19 juillet 2019, les autorités allemandes acceptèrent la demande de prise en charge des autorités luxembourgeoises conformément à l’article 12, paragraphe (2), du règlement Dublin III.

Par décision du 23 août 2019, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le même jour, le ministre informa l’intéressé que le Grand-Duché de Luxembourg n’examinera pas sa demande de protection internationale et qu’il sera transféré vers l’Allemagne, Etat membre responsable pour examiner sa demande de protection internationale, le ministre invoquant plus particulièrement les dispositions des articles 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et 12, paragraphe (2), du règlement Dublin III.

Ladite décision est libellée comme suit :

« (…) Vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 8 juillet 2019 au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après « la loi du 18 décembre 2015 »). En vertu des dispositions de l'article 28(1) de la loi précitée et des dispositions de l'article 12(2) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 (ci-après « le règlement DIII »), le Grand-Duché de Luxembourg n'examinera pas votre demande de protection internationale et vous serez transféré vers l'Allemagne qui est l'Etat membre responsable pour traiter cette demande.

Les faits concernant votre demande, la motivation à la base de la présente décision, les bases légales sur lesquelles elle s'appuie, de même que les informations quant aux voies de recours ouvertes sont précisés ci-après.

En mains le rapport de Police Judiciaire du 8 juillet 2019 et le rapport d'entretien Dublin III sur votre demande de protection internationale du 8 juillet 2019.

1. Quant aux faits à la base de votre demande de protection internationale 2 En date du 8 juillet 2019, vous avez introduit une demande de protection internationale auprès du service compétent de la Direction de l'immigration.

Il résulte des recherches effectuées dans le cadre de votre demande de protection internationale que l'Allemagne vous a délivré un visa Schengen valable du 15 juin 2019 au 14 juillet 2019 vous ayant effectivement permis d'entrer sur le territoire d'un Etat membre.

Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat responsable, un entretien Dublin III a été mené en date du 8 juillet 2019.

Sur cette base, la Direction de l'immigration a adressé en date du 9 juillet 2019 une demande de prise en charge aux autorités allemandes sur base de l'article 12(2) du règlement DIII, demande qui fut acceptée par lesdites autorités allemandes en date du 19 juillet 2019.

2. Quant aux bases légales En tant qu'Etat membre de l'Union européenne, I'Etat luxembourgeois est tenu de mener un examen aux fins de déterminer l'Etat responsable conformément aux dispositions du règlement DIII établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

S'il ressort de cet examen qu'un autre Etat est responsable du traitement de la demande de protection internationale, la Direction de l'immigration rend une décision de transfert après que l'Etat requis a accepté la prise ou la reprise en charge du demandeur.

Aux termes de l'article 28(1) de la loi du 18 décembre 2015, le Luxembourg n'est pas responsable pour le traitement d'une demande de protection internationale si cette responsabilité revient à un autre Etat.

La responsabilité de l'Allemagne est acquise suivant l'article 12(2) du règlement DIII en ce que le demandeur est titulaire d'un visa en cours de validité au moment de l'introduction de la demande de protection internationale au Luxembourg et que l'État membre qui l'a délivré est responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

3. Quant à la motivation de la présente décision de transfert En l'espèce, il résulte des recherches effectuées dans le cadre de votre demande de protection internationale que l'Allemagne vous a délivré un visa Schengen valable du 15 juin 2019 au 14 juillet 2019 vous ayant effectivement permis d'entrer sur le territoire d'un Etat membre.

Selon vos déclarations, vous auriez quitté le Togo en date du 16 juin 2019 par voie aérienne en direction de la Belgique. Un oncle de votre épouse serait passeur et vous aurait aidé à obtenir un visa. Il vous aurait expliqué que vous ne pourriez pas rester en Belgique et vous aurait emmené en Allemagne où il vous aurait pris vos documents. Vous n'auriez pas eu l'opportunité d'introduire une demande de protection internationale, car après deux jours dans la rue, vous auriez rencontré une personne qui vous aurait proposé de vous emmener au Luxembourg où vous seriez arrivé en date du 20 juin 2019.

3 Lors de votre entretien Dublin III en date du 8 juillet 2019, vous n'avez pas fait mention d'éventuelles particularités sur votre état de santé ou autres problèmes généraux empêchant un transfert vers l'Allemagne qui est l'Etat membre responsable pour traiter votre demande de protection internationale.

Par ailleurs, cet Etat est présumé respecter ses obligations tirées du droit international public, en particulier le principe de non-refoulement énoncé expressément à l'article 33 de la Convention de Genève, ainsi que l'interdiction des mauvais traitements ancrée à l'article 3 CEDH et à l'article 3 de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de même que les conditions minimales d'accueil fixées dans la directive Accueil.

Aussi, les informations à ma disposition ne sauraient donner lieu à l'application des articles 8, 9, 10 et 11 du règlement DIII.

Il n'existe en outre pas non plus de raisons pour une application de l'article 16(1) du règlement DIII pouvant amener le Luxembourg à assumer la responsabilité de l'examen au fond de votre demande de protection internationale.

Il convient encore de souligner qu'en vertu de l'article 17(1) du règlement DIII (clause de souveraineté), chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par le ressortissant d'un pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, pour des raisons humanitaires ou exceptionnelles. Les autorités luxembourgeoises disposent d'un pouvoir discrétionnaire à cet égard, et l'application de la clause de souveraineté ne constitue pas une obligation.

Il ne ressort pas de l'ensemble des éléments de votre dossier que les autorités luxembourgeoises auraient dû faire application de la clause de souveraineté prévue à l'article 17(1) du règlement DIII. En effet, vous ne faites valoir aucun élément humanitaire ou exceptionnel qui ne serait pas couvert par les dispositions du règlement DIII et qui devrait amener les autorités luxembourgeoises à se déclarer responsables pour le traitement de votre demande de protection internationale.

Pour l'exécution du transfert vers l'Allemagne, seule votre capacité de voyager est déterminante et fera l'objet d'une détermination définitive dans un délai raisonnable avant le transfert.

Si votre état de santé devait temporairement constituer un obstacle à l'exécution de votre renvoi vers l'Allemagne, l'exécution du transfert serait suspendue jusqu'à ce que vous seriez à nouveau apte à être transféré. Par ailleurs, si cela s'avère nécessaire, la Direction de l'immigration prendra en compte votre état de santé lors de l'organisation du transfert vers l'Allemagne en informant les autorités allemandes conformément aux articles 31 et 32 du règlement DIII à condition que vous exprimiez votre consentement explicite à cette fin.

D'autres raisons individuelles pouvant éventuellement entraver la remise aux autorités allemandes n'ont pas été constatées. (…) ».

4 3 Toujours le 23 août 2019, le ministre s’adressa au service de police judiciaire, section criminalité organisée - police des étrangers, afin d’organiser le transfert de Monsieur … vers l’Allemagne.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 septembre 2019, inscrite sous le numéro 43526 du rôle, Monsieur … a introduit un recours en annulation contre la décision ministérielle précitée du 23 août 2019.

Par requête séparée déposée en date du 4 septembre 2019, inscrite sous le numéro 43527 du rôle, le demandeur a introduit une demande en institution d’une mesure provisoire tendant en substance à voir surseoir à l’exécution de son transfert vers l’Allemagne jusqu’au jour où le tribunal administratif aura statué sur le mérite de son recours au fond, demande qui fut rejetée par une ordonnance présidentielle du 6 septembre 2019.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en annulation contre les décisions de transfert visées à l’article 28, paragraphe (1) de la même loi, telle que la décision litigieuse, seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre de cette dernière, qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur expose d’abord les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée.

Il relate tout d’abord qu’il aurait dû quitter son pays d’origine en abandonnant son épouse et ses quatre enfants mineurs pour se rendre en Europe aux fins d’y introduire une demande de protection internationale. Il explique qu’il aurait quitté son pays d’origine « Pour persécutions à mort par des gens formés appelés communément Miliciens du Togo. Et c’est suite au compagne et élection de décembre 2018. N.B. Election législative. », tel que cela ressortirait d’une fiche remplie par lui le jour du dépôt de sa demande de protection internationale.

Il relève, ensuite, qu’en date du 26 juillet 2019, il aurait appris sa séropositivité, ce qui aurait brusquement basculé sa vie.

En droit, en s’emparant de l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III, il reproche au ministre d’avoir pris hâtivement la décision de le transférer en Allemagne, sans avoir eu la moindre idée de son état de santé et de son état de vulnérabilité. Il critique le ministre pour avoir écarté l’application de la clause discrétionnaire prévue à l’article 17, paragraphe (1), du règlement Dublin III sans avoir eu égard aux résultats de l’examen médical dont il résulterait qu’il serait infecté par le virus du « SIDA asymptomatique » et qu’il souffrirait d’une « hépatite B chronique cytolytique avec fibrose de stade F3 avec indication thérapeutique ». Il en découlerait une appréciation incomplète et erronée de sa situation individuelle et réelle par le ministre. Il estime que l’existence d’un élément humanitaire ou exceptionnel dans son chef serait à apprécier à l’aune de son état de santé, mais également de la barrière communicationnelle à laquelle il devrait faire face en Allemagne, dès lors qu’il ne parlerait ni l’allemand, ni l’anglais, sa seule langue de communication étant le français. Il insiste, dans ce contexte, sur le fait qu’il aurait besoin d’être écouté et compris et qu’il serait important pour lui de comprendre les personnes chargées de sa prise en charge médicale. Or, il estime qu’au 5 vu de sa vulnérabilité, son transfert vers l’Allemagne dans ces circonstances ne ferait qu’aggraver sa situation personnelle, en l’exposant à un traitement inhumain et dégradant en violation des articles 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ci-après désignée par « la CEDH », et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par « la Charte ».

En invoquant les dispositions de l’article 3, paragraphe (2), du règlement Dublin III, le demandeur avance ensuite l’argument suivant lequel, si l’état actuel de la jurisprudence ne permettrait pas de conclure à l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile de l’Etat allemand, les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale surtout ceux en provenance de l’Afrique subsaharienne, resteraient totalement inhumaines et dégradantes. Il cite, à cet égard, un extrait du rapport de l’organisation Amnesty International de 2017/2018 sur l’Allemagne faisant état d’un dénommé Oury Jalloh qui serait mort à cause d’un incendie survenu dans une cellule dans un poste de police de Dessau en 2005. Il soutient que les demandeurs d’asile en Allemagne seraient souvent enfermés dans des centres situés dans des endroits isolés, méthode qui serait, en effet, utilisée par les autorités allemandes en raison de ses effets psychologiques désastreux sur les demandeurs d’asile d’origine africaine et dont l’objectif principal serait de les pousser au retour volontaire dans leur pays d’origine. Il souligne que la décision querellée n’apporterait aucune garantie permettant d’espérer qu’il serait accueilli par les autorités allemandes dans le respect de sa dignité humaine et surtout de son intégrité physique.

Il soutient ainsi que la décision ministérielle aurait été prise en violation de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2, du règlement Dublin III et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, ci-après désignée par « la CJUE », en ce qu’elle ne tiendrait pas compte de la situation de vulnérabilité extrême des demandeurs de protection internationale en Allemagne occasionnée par l’isolement systématique de ceux-ci et des méthodes de brutalités utilisées par la police.

Il met, enfin, en exergue le fait que les autorités luxembourgeoises n’auraient pris, à ce stade, aucune mesure nécessaire pour s’assurer que les autorités allemandes seraient en mesure de lui garantir le respect à la lettre des dispositions de la « Directive accueil » et qu’elles lui apporteraient une assistance suffisante tant en matière de soins de santé que dans le cadre d’un accompagnement global dans la poursuite de sa demande de protection internationale et de ses droits fondamentaux en matière d’asile.

Il considère qu’une simple intention d’informer les autorités allemandes sur son état de santé ne serait pas suffisante pour répondre aux exigences posées par l’article 32, paragraphe (1), du règlement Dublin III, tout en rappelant qu’il serait séropositif et qu’il souffrirait d’une hépatite B nécessitant en urgence la prise de dispositifs de soins pour éviter une aggravation totale et généralisée de son état de santé.

En se référant à la jurisprudence de la CJUE, il avance finalement que les autorités luxembourgeoises n’auraient pris aucune mesure permettant d’exclure son expulsion par les autorités allemandes vers son pays d’origine.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

6 Le tribunal relève qu’en vertu de l’article 28, paragraphe (1), précité, de la loi du 18 décembre 2015, « Si, en application du règlement (UE) n°604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale ».

Il s’ensuit que si le ministre estime qu’en application du règlement Dublin III, un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce pays accepte la reprise en charge de l’intéressé, le ministre décide de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.

L’article 12, paragraphe (2) du règlement Dublin III, sur lequel le ministre s’est basé pour conclure à la responsabilité des autorités allemandes pour procéder à l’examen de la demande de protection internationale de Monsieur …, prévoit que « Si le demandeur est titulaire d’un visa en cours de validité, l’État membre qui l’a délivré est responsable de l’examen de la demande de protection internationale, sauf si ce visa a été délivré au nom d’un autre État membre en vertu d’un accord de représentation prévu à l’article 8 du règlement (CE) n o 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas ( 1 ). Dans ce cas, l’État membre représenté est responsable de l’examen de la demande de protection internationale. ».

Il est constant en l’espèce que la décision litigieuse a été adoptée par le ministre en application des prédits articles 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et 12, paragraphe (2) du règlement Dublin III, au motif que ce ne serait pas le Luxembourg qui serait responsable de l’examen de la demande de protection internationale présentée par Monsieur …, mais bien l’Allemagne, compte tenu de l’acceptation expresse de la part des autorités allemandes en date du 19 juillet 2019 de le reprendre en charge en vertu dudit article 12, paragraphe (2) du règlement Dublin III.

Force est au tribunal de constater que le demandeur ne conteste ni la compétence de principe des autorités allemandes, et, par conséquent, ni l’incompétence de principe des autorités luxembourgeoises, mais soutient simplement que son transfert serait contraire aux articles 3, paragraphe (2) et 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III, ainsi qu’à l’article 3 CEDH et à l’article 4 de la Charte.

En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

S’agissant d’abord du moyen tiré de la violation de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, le tribunal relève que celui-ci prévoit ce qui suit : « Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’État membre procédant à la 7 détermination de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. ».

Force est au tribunal de constater que cette disposition impose à l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande de protection internationale d’un demandeur d’asile de s’abstenir de transférer l’intéressé vers l’Etat membre initialement désigné comme responsable, en application des critères prévus par le règlement Dublin III, s’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte.

La situation visée par ledit article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III est celle de l’existence de défaillances systémiques empêchant tout transfert de demandeurs d’asile vers un Etat membre déterminé.1 A cet égard, il convient de souligner que l’Allemagne est tenue, en tant que membre de l'Union européenne et signataire de la CEDH, au respect des dispositions de celle-ci et de celles du Pacte international des droits civils et politiques et de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 ainsi que des dispositions de la Convention de Genève et dispose a priori d'un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés.

Il y a encore lieu de souligner, dans ce contexte, que le système européen commun d'asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l'ensemble des Etats y participant, qu'ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, ainsi que dans la CEDH, et que les Etats membres peuvent s'accorder une confiance mutuelle à cet égard2. C'est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l'Union européenne a adopté le règlement Dublin III en vue de rationaliser le traitement des demandes d'asile et d'éviter l'engorgement du système par l'obligation, pour les autorités des Etats, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d'accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l'Etat responsable du traitement de la demande d'asile et ainsi d'éviter le « forum shopping », l'ensemble ayant pour objectif principal d'accélérer le traitement des demandes tant dans l'intérêt des demandeurs d'asile que des Etats participants3.

Dès lors, comme ce système européen commun d’asile repose sur la présomption – réfragable – que l’ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard, il appartient au demandeur de rapporter la preuve matérielle de défaillances avérées4.

1 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, pt. 92.

2 CJUE, 21 décembre 2011, affaires jointes C-411/10, N.S. c. Secretary of State for the Home Department et C-

493/10, M.E. et al. c. Refugee Applications Commissioner Minister for Justice, Equality and Law Reform., point 78.

3 Ibidem, point. 79 ; Voir également : trib. adm 26 février 2014, n° 33956 du rôle, trib. adm. 17 mars 2014, n° 34054 du rôle, ainsi que trib. adm. 2 avril 2014, n° 34133 du rôle, disponibles sur www.jurad.etat.lu.

4 Voir aussi Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg, 8 janvier 2015, n° A11 S 858/14.

8 Quant à la preuve à rapporter par le demandeur à l’appui de son moyen tiré de la violation de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, le tribunal précise qu’il se dégage d’un arrêt de la CJUE du 19 mars 20195 que pour relever de l’article 4 de la Charte, auquel ladite disposition du règlement Dublin III renvoie, des défaillances existant dans l’Etat membre responsable, au sens dudit règlement, doivent atteindre un seuil particulièrement élevé de gravité, qui dépend de l’ensemble des données de la cause. Aux termes de ce même arrêt, ce seuil particulièrement élevé de gravité serait atteint lorsque l’indifférence des autorités d’un État membre aurait pour conséquence qu’une personne entièrement dépendante de l’aide publique se trouverait, indépendamment de sa volonté et de ses choix personnels, dans une situation de dénuement matériel extrême, qui ne lui permettrait pas de faire face à ses besoins les plus élémentaires, tels que notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à sa santé physique ou mentale ou la mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine.6 Ledit seuil ne saurait donc couvrir des situations caractérisées même par une grande précarité ou une forte dégradation des conditions de vie de la personne concernée, lorsque celles-ci n’impliquent pas un dénuement matériel extrême plaçant cette personne dans une situation d’une gravité telle qu’elle peut être assimilée à un traitement inhumain ou dégradant.7 En l’espèce, le tribunal ne s’est pas vu soumettre d’éléments permettant de conclure à l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale en Allemagne, qui entraîneraient un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte, empêchant tout transfert de demandeurs d’asile vers ce pays.

En effet, les éléments et pièces invoqués par le demandeur pour faire constater des déficiences systémiques en Allemagne consistent essentiellement en un extrait du rapport d’Amnesty International de 2017/2018. Or, il est manifeste à la lecture de ce rapport que les faits y relatés qui concernent (i) des contrôles d’identité discriminatoires à l’égard de membres de minorité ethniques et religieuses, (ii) des mauvais traitements infligés par des policiers lors de manifestations et (iii) la clôture de l’enquête relative au décès en 2005 d’un détenu ressortissant du Sierra Leone ne permettent pas de conclure à l'existence de défaillances systémique dans l'accueil des demandeurs d'asile en Allemagne, dès lors que les agissements des policiers concernent une situation étrangère à celle de l’accueil des demandeurs d’asile. La même conclusion s’impose pour le décès en 2005 du ressortissant du Sierra Leone qui était détenu. L’affirmation du demandeur selon laquelle les demandeurs d'asile en Allemagne seraient « souvent enfermés dans des centres situés dans des endroits isolés », méthode qui serait utilisée en raison des effets psychologiques qu’elle produirait à leur encontre pour les inciter à rentrer dans leur pays d'origine, relève de la pure spéculation, n’étant corroborée par aucune pièce ou élément versé au dossier.

Partant, il ne se dégage pas des pièces et éléments soumis à l’appréciation du tribunal que l’Allemagne doive faire face à des carences structurelles d'une ampleur telle qu'il y aurait lieu de conclure à l'existence d'un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la CEDH ou de l'article 4 de la Charte. Il y a lieu de retenir que le demandeur reste 5 CJUE, grande chambre, 19 mars 2019, affaire C-163/17, Abubacarr Jawo c. Bundesrepublik Deutschland, pt.

91.

6 Ibid., pt. 92.

7 Ibid., pt. 93.

9 donc en défaut de rapporter la preuve que la situation actuelle en Allemagne serait telle qu'il y aurait lieu de retenir l'existence de défaillances systémiques.

Il échet de relever ensuite que le demandeur reste en défaut d'invoquer une jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme relative à une suspension générale des transferts vers l’Allemagne, voire à une demande en ce sens de la part de l'UNHCR. De plus, le demandeur ne fait pas non plus état de l'existence d'un rapport ou avis émanant de l'UNHCR, ou d'autres institutions ou organismes internationaux, interdisant ou recommandant l'arrêt des transferts vers l’Allemagne dans le cadre du règlement Dublin III en raison plus particulièrement de la politique d'asile allemande qui exposerait les demandeurs de protection internationales à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la CEDH et de l'article 4 de la Charte.

Il y a encore lieu de suivre le délégué du gouvernement dans ses conclusions relatives au cas précis du demandeur qui reste en défaut de rapporter la preuve qu’en ce qui le concerne personnellement, les autorités allemandes seraient amenées à ne pas respecter leurs obligations découlant des directives applicables en la matière. Plus particulièrement, il ne ressort d'aucun élément du dossier que les autorités allemandes ne traiteront pas sa demande d'asile suivant une procédure juste et équitable à laquelle elles sont tenues en vertu de leurs obligations de droit communautaire, rappelées plus en avant. En tout état de cause, si les autorités allemandes devaient débouter le demandeur de sa demande, il lui appartiendrait de saisir les juridictions allemandes pour faire valoir ses droits, l'Allemagne disposant a priori d'un système judiciaire étant à même de lui offrir un recours effectif au sens de l'article 13 de la CEDH. Il y a encore lieu de relèver que l’affirmation du demandeur selon laquelle il ne comprendrait pas la langue allemande, ne saurait entraîner l'illégalité de la décision déférée, étant donné qu’il appartient aux autorités allemandes de mettre tout en œuvre pour garantir au demandeur le respect de ses droits fondamentaux telle que cette obligation découle du système européen commun d’asile reposant sur une confiance mutuelle entre les Etats membres ainsi que cela a été relevé plus en avant et qui permet précisément d’éviter une situation de « forum shopping » dans laquelle le demandeur fait prévaloir ses convenances personnelles sur l’intérêt collectif.

Il y a encore lieu de rejoindre le délégué du gouvernement dans son analyse suivant laquelle, si le demandeur met certes encore en avant son état de santé pour conclure à l'annulation de la décision déférée, il y a tout d'abord lieu de rappeler qu'en vertu de la jurisprudence de la CJUE6, un Etat ne doit pas transférer une personne dans un Etat dans lequel il existe des défaillances systémiques au sens l'article 3(2) 2 du règlement de Dublin III, de même lorsque la personne concernée prouve que, dans son cas précis, elle risquerait de faire l'objet de traitements inhumains ou dégradants sur le territoire de l'Etat requis. Or, il ressort des développements ci-dessus qu'il n'existe pas de défaillances systémiques en Allemagne, le demandeur restant par ailleurs en défaut de rapporter la preuve de l'existence dans son chef d'un risque réel d'être soumis à des traitements contraires à l'article 3 CEDH, alors que les Etats membres liés par la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, ci-

après désignée par « la directive 2013/33/UE » sont tenus, y compris dans le cadre de la procédure au titre du règlement Dublin III, conformément aux articles 17 à 19 de ladite directive, de fournir aux demandeurs d'asile les soins médicaux et l'assistance nécessaires comportant, au minimum, les soins urgents et le traitement essentiel des maladies et des troubles mentaux graves. Dans ces conditions, et conformément à la confiance mutuelle que s'accordent les Etats membres, il existe une forte présomption que les traitements médicaux 10 offerts aux demandeurs d'asile dans les Etats membres seront adéquats. Il s’y ajoute que le médecin-délégué a affirmé à cet égard dans son avis du 5 septembre 2019 que « les médicaments nécessaires y sont disponibles », de sorte qu’il n’y a aucune crainte qu’en cas de transfert en Allemagne le demandeur n’ait pas accès au traitement idoine. Par ailleurs, dans l’éventualité où le transfert d'un demandeur d'asile, présentant une affection mentale ou physique particulièrement grave, entraînerait le risque réel et avéré d'une détérioration significative et irrémédiable de son état de santé, ce transfert constituerait un traitement inhumain et dégradant, au sens de l'article 4 de la Charte. En conséquence, dès lors qu'un demandeur d'asile produit des éléments objectifs, telles que des attestations médicales établies au sujet de sa personne, de nature à démontrer la gravité particulière de son état de santé et les conséquences significatives et irrémédiables que pourrait entraîner un transfert sur celui-ci, les autorités de l'Etat membre requis sont tenues d'apprécier le risque lié au transfert et de vérifier si l'état de santé de la personne concernée est de nature à supporter le transfert.

En l'espèce, le demandeur a transmis au ministre un certificat médical du Dr B. du 27 août 2019 et duquel il ressort qu’il est atteint du virus du SIDA asymptomatique et d'une hépatite B chronique. Il ressort, par ailleurs, de l’avis du médecin délégué du 5 septembre 2019, que le demandeur, qui n’avait pas encore suivi de traitement thérapeutique, doit, dans un premier temps, disposer d’un traitement idoine qui, selon le médecin délégué, prendrait environ trois mois et qui devrait être intégralement administré au Luxembourg et à la suite duquel, il pourrait être transféré vers l'Allemagne. Il ressort encore d'un courriel d'un agent de la direction de l'Immigration que le Dr W. examinera le demandeur en date du 5 décembre 2019 en vue de réévaluer la situation de son état de santé. Il y a lieu de relever que la partie gouvernementale insiste dans ses écrits sur la circonstance suivant laquelle les données médicales du demandeur seront transmises aux autorités allemandes avant l'exécution du transfert, en vue de les informer au préalable de l'état de santé et des pathologies du demandeur, de même que des médicaments qui lui auront été prescrits conformément à l'article 32 du règlement Dublin III, de sorte que c’est à bon droit que la partie gouvernementale conclut que ces démarches sont suffisantes et conformes à ses obligations découlant du règlement Dublin III et qu’il n’appartenait pas au ministre de solliciter des garanties spécifiques et individuelles, notamment en ce qui concerne « un accompagnement global dans la poursuite de sa demande d'asile » .

Par ailleurs, il ressort des pièces et éléments versés en cause, tels que confirmés par le délégué du gouvernement à l’audience des plaidoiries sur question afférente du tribunal, qu’au vu de la nécessité d’une mise au point d’un traitement antiviral adapté aux besoins du demandeur, le médecin délégué a décidé qu'il serait opportun que cette mise au point se fasse intégralement au Luxembourg, avant de procéder à son transfert vers l'Allemagne, de sorte que les autorités luxembourgeoises se sont engagées à ne pas transférer le demandeur préalablement à la fin de ce traitement devant s’étaler, selon toutes les prévisions, sur trois mois et à faire examiner le demandeur par le médecin délégué au bout de cette période pour réévaluer la situation. Il s’ensuit que l’exécution du transfert sera suspendue aussi longtemps que le médecin délégué n'aura pas donné son avis favorable. Or, cette circonstance relative aux modalités d’exécution du transfert ne saurait manifestement avoir une influence sur la légalité de la décision de transfert telle qu’elle est déférée. Partant, la décision déférée n'encourt aucune critique à cet égard.

Enfin quant au moyen du demandeur relatif l'article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III aux termes duquel un Etat peut se déclarer compétent pour le traitement d'une demande d'asile pour des raisons humanitaires ou exceptionnelles, alors même que cette 11 compétence ne lui revient pas suivant les critères de détermination du règlement Dublin III, force est au tribunal de constater que le demandeur invoque au titre des motifs humanitaires, d’une part, son état de santé et, d’autre part, « la barrière communicationnelle » en ce qu’il ne parlerait que le français. Or, il est manifeste que si l’état de santé du demandeur a bien été pris en compte par les autorités luxembourgeoises pour déterminer si l’exécution de la mesure du transfert peut être reportée en raison du traitement thérapeutique à suivre par le demandeur, il n’en demeure pas moins que l’état de santé d’un demandeur, à défaut d’un autre élément humanitaire exceptionnel, n’est pas de nature à entraîner la compétence des autorités requérantes sur pied de l’article 17 précité, d’autant plus qu’il n’est d’ailleurs pas contesté que le traitement de l’état de santé du demandeur est bien disponible en Allemagne. Par ailleurs, et dans la mesure où toutes les affirmations du demandeur sont susceptibles, si elles devaient être avérées, de tomber dans le champ d'application de l'article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, et qu'il vient d'être retenu ci-avant que l'ensemble de ces moyens est à rejeter pour ne pas constituer une violation de l'article 3 CEDH, sinon de l’article 4 de la Charte, le demandeur n’ayant pas apporté la preuve à suffisance de droit de l’existence d'éléments humanitaires ou exceptionnels dans son chef qui auraient dû amener le ministre à faire application de son pouvoir discrétionnaire prévu à l'article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III, c'est à bon droit que le ministre a décidé de le transférer vers l’Allemagne, Etat responsable de sa demande de protection internationale, sans faire usage de son pouvoir discrétionnaire prévu à l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III.

Au vu des conclusions qui précèdent en ce qui concerne les obligations se dégageant de la directive accueil, une seule question de méconnaissance linguistique ne saurait être de nature à devoir amener le ministre à appliquer l’article 17 du règlement Dublin III.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

donne acte au demandeur de ce qu’il a sollicité l’assistance judiciaire ;

donne acte à l’Etat de son engagement à ne pas exécuter le transfert du demandeur avant le feu vert du médecin délégué à la fin de la thérapie actuellement en cours ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Anne Gosset, premier juge, 12 Olivier Poos, premier juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 4 novembre 2019 à 15.00 heures, par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.

s. Marc Warken s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 5 novembre 2019 Le greffier du tribunal administratif 13


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 43526
Date de la décision : 04/11/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2019-11-04;43526 ?

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