Tribunal administratif N° 41563 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg inscrit le 8 août 2018 4e chambre Audience publique du 8 octobre 2019 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L. 18.12.2015)
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 41563 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 août 2018 par Maître Katrin Djaber, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Nigéria), de nationalité nigériane, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 9 juillet 2018 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 octobre 2018 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;
Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Katrin Djaber et Madame le délégué du gouvernement Sarah Ernst en leurs plaidoiries respectives.
Le 27 décembre 2016, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.
En date des 1er mars, 23 avril et 17 mai 2018, il fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 9 juillet 2018, notifiée par un courrier recommandé expédié le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé « le ministre », informa Monsieur … que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme étant non fondée tout en lui enjoignant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Cette décision est libellée comme suit :
1« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 27 décembre 2016.
Quant à vos déclarations auprès du Service de Police Judiciaire En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 27 décembre 2016.
Il ressort dudit rapport que vous êtes entré illégalement dans l'Union européenne, et plus particulièrement sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.
En ce qui concerne les raisons de votre fuite, vous évoquez que vous auriez eu des problèmes avec le clan des IGBO et que vous auriez été persécuté à cause de votre homosexualité. Vous concluez votre récit en précisant : « ich möchte in Luxemburg ein neues Leben anfangen, möchte arbeiten und eine Familie gründen. » Vous ne présentez aucun document d'identité.
Quant à vos déclarations auprès du Service Réfugiés En mains le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 1er mars, du 23 avril et du 17 mai 2018 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.
Il résulte de vos déclarations que vous seriez né le 20 septembre 1976 à … et que vous auriez vécu ensemble avec votre famille à Lagos, avant de vous installer auprès de votre sœur à … dans l'Etat d'… au Nigéria pendant deux mois. Il ressort en outre de votre récit que vous auriez un fils,…, né le …, fruit de votre relation avec ….
En ce qui concerne les raisons de votre départ du Nigéria, vous évoquez que vous risqueriez d'être maltraité par les membres de la communauté locale à cause de votre orientation sexuelle. Vous précisez que vous auriez découvert votre attirance pour les hommes à l'âge de 16 ans, tout en soulignant que vous auriez eu plusieurs relations avec des femmes et seulement des contacts irréguliers avec un dénommé … à partir de 2009. Vous poursuivez votre récit en indiquant que votre compagne … vous aurait quitté quelques mois après la naissance de votre fils et après avoir découvert que vous auriez eu une relation avec …. D'après vos dires votre copine aurait informé votre famille de votre orientation sexuelle. Dans ce contexte, vous soulignez que « The issue died and we never talked about it anymore. It was normal as it was before […].» (entretien, p.7/18); vous précisez par la suite que vous n'avez eu aucun problème à cause de votre orientation sexuelle entre 2009 et 2016.
Vous poursuivez votre récit en mentionnant que vous auriez été menacé par des villageois en date du 2 mars 2016 en présence de …. Vous indiquez que quelques voisins rassemblés à l'extérieur de la propriété familiale vous auraient accusé d'entretenir une relation plus qu'amicale avec …, tout en soulignant, « 1 knew that they were coming for us and then I was hiding me.» (entretien, p.7/18). Dans ce contexte, vous précisez que « I did not do anything with that man. […] We were just sitting and discussing. So I don't know how and why. » (entretien, p. 7/18).
Par la suite, vous vous seriez caché avec … à … pendant quatre mois. Après cinq jours passés à vous cacher, … vous aurait informé qu'une photo de vous aurait été publiée dans un journal, sans néanmoins fournir de plus amples détails sur le journal ou la date de parution 2du prétendu article. Par la suite, vous auriez loué un appartement à … pendant deux mois.
Pendant cette période vous auriez vécu en cachette par peur de représailles à cause de votre relation avec …. Vous expliquez en outre que votre famille aurait rompu le contact avec vous, à l'exception de votre sœur qui vous aurait logé pendant les deux mois avant votre départ du Nigéria. Le reste de votre famille aurait persisté à refuser de vous parler, comme « […] it is not only a family problem, now it is a big problem because I spoiled the name of my father in the community not only in the family. They see me as an evil. » (entretien, p.9/18).
Pour étayer vos dires, vous avez déposé une copie d'un article du « News Thumb Magazine », qui indique que vous seriez recherché par la communauté locale et par la police pour avoir eu une relation homosexuelle. A cet égard l'autorité ministérielle constate que l'authenticité du document susmentionné n'a pas pu être établi et que les informations y incluses ne sont par conséquent pas pris en compte dans l'analyse de votre dossier, alors que le document remis est une simple copie.
Enfin, il ressort du rapport d'entretien du 1er mars, du 23 avril et du 17 mai 2018 qu'il n'y a plus d'autres faits à invoquer au sujet de votre demande de protection internationale et aux déclarations faites dans ce contexte.
Analyse ministérielle en matière de Protection internationale En application de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, votre demande de protection internationale est évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.
Soulignons dans ce contexte que l'examen et l'évaluation de votre situation personnelle ne se limitent pas à la pertinence des faits allégués, mais qu'il s'agit également d'apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité de vos déclarations.
Or, en l'occurrence l'autorité ministérielle a été amenée à émettre des doutes quant à la véracité de votre récit, alors qu'il résulte de l'examen des rapports d'entretien que vos déclarations présentent de nombreuses incohérences.
1. Quant à la Convention de Genève Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des Réfugiés.
Rappelons à cet égard que l'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 f) de la loi 18 décembre 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42(1) de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.
Selon l'article 1A paragraphe 2 de ladite Convention, le terme de réfugié s'applique à toute personne qui craint avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, qui 3se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner.
Monsieur, avant tout autre développement le ministère se permet de vous rappeler que la détermination de l'éligibilité à la protection internationale est menée en appliquant une approche en deux étapes. La première étape consiste à collecter les informations pertinentes, identifier les faits pertinents de la demande, et déterminer, le cas échéant, quelles déclarations du demandeur et quels autres éléments peuvent être acceptés. L'évaluation de la crédibilité fait donc partie intégrante de cette première étape. Les faits pertinents acceptés viennent appuyer l'examen qui sera effectué à la deuxième étape, qui consiste à déterminer le caractère fondé de la crainte de persécution de la part du demandeur, ou du risque de subir des atteintes graves.
L'évaluation de la crédibilité consiste donc à déterminer quels faits pertinents peuvent être acceptés, en prenant dûment en compte les indices de crédibilité au regard des circonstances individuelles et contextuelles du demandeur, ainsi que les facteurs pouvant affecter son interprétation des informations au cours de l'évaluation de la crédibilité de chaque fait pertinent. Ces faits acceptés seront alors pris en compte dans l'analyse du caractère fondé de la crainte de persécution et du risque réel d'atteintes graves.
Bien que l'autorité ministérielle note qu'il n'est pas évident de prouver objectivement l'orientation sexuelle d'un demandeur, elle est en droit d'attendre d'un demandeur qui se dit homosexuel qu'il soit convaincant sur son vécu et son parcours relatifs à son orientation sexuelle. Selon les principes directeurs sur la protection internationale de l’UNHCR « la détermination de la situation de LGBTI d'un demandeur est essentiellement une question de crédibilité ». Or, le caractère confus et peu vraisemblable de vos déclarations en altère la crédibilité, ce qui entraîne de sérieux doutes quant à votre orientation sexuelle et à votre raison de fuite.
L'autorité ministérielle est en effet amenée à émettre des doutes quant à la véracité de votre récit. Ce constat se base sur les faits suivants:
Premièrement, il convient de soulever que vous avez présenté deux récits différents quant aux motifs de votre départ du Nigeria. Sur votre fiche de motifs vous indiquez que vous risqueriez des persécutions à cause de votre prétendue appartenance au groupe des « Indigenous People of Biafra » et à cause de votre activisme politique. Vous n'y mentionnez aucunement votre prétendue orientation sexuelle et les prétendus problèmes que vous auriez connus à cause de votre prétendue relation avec …. Ce n'est qu'au cours de l'entretien avec la Police judiciaire et celui au Ministère des Affaires étrangères et européennes, c'est-à-dire plus d'un an après l'introduction de votre demande de protection internationale, que vous évoquez votre prétendue attirance pour les hommes et faites état des prétendus problèmes familiaux qui en auraient découlé. L'autorité ministérielle est donc d'avis qu'il n'est pas à exclure que vous auriez changé votre récit et inventé votre prétendue attirance pour les hommes pour augmenter vos chances en vue de l'octroi d'une protection internationale au Luxembourg.
Deuxièmement, il convient d'émettre des doutes quant à votre relation avec … et votre récit y relatif. Dans ce contexte, l'autorité ministérielle remarque que vous ne fournissez qu'une description très vague de votre compagnon … , malgré le fait que vous connaitriez … depuis l'école primaire et que vous auriez eu une relation de plus de sept ans. Force est en outre de constater qu'il est surprenant que vous auriez invité votre compagnon à participer à une fête 4familiale en 2016 si votre famille n'aurait pas accepté cette relation découverte en 2009 et que vous auriez cherché à cacher votre relation depuis. A cela s'ajoute qu'il est d'après la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada peu vraisemblable que vous auriez pu louer une chambre avec … à …, etant donné que « two people of the same sex cannot live together openly, and would be denied renting a home together ». Force est de constater que cette déclaration ne correspond pas à la réalité nigériane et qu'il est par conséquent peu probable que vous auriez loué une chambre avec …, comme vous le prétendez.
Troisièmement, l'autorité ministérielle est amenée à émettre des doutes quant à la véracité du volet de votre récit quant à votre prétendue orientation sexuelle. Ce constat se base notamment sur le fait que vous n'avez manifestement aucune connaissance sur cadre légal concernant les personnes LGBTI dans votre pays d'origine. A cela s'ajoute qu'il est surprenant que vous n'avez aucun contact avec d'autres membres de la communauté homosexuelle au Nigeria et que vos connaissances concernant des activistes et des associations de défense des droits de personnes LGBTI sont inexistantes, surtout si on considère que vous auriez découvert votre prétendue homosexualité à l'âge de 16 ans et que vous avez eu le réflexe de contacter l'association CIGALE suite à votre arrivée au Luxembourg. Dans ce contexte, il convient de soulever que d'après les informations du Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO) il existe au moins deux foyers pour personnes LGBTI au Nigeria et environ dix associations actives dans le domaine basées à Lagos, Abuja et Kano. C'est notamment l'association « Initiative for Equal Rights (TIERs) » qui travaille dans la promotion des droits de la communauté LGBTI, offre un numéro vert 24/24 heures et offre même une assistance juridique gratuite. Le fait que vous soulignez lors de votre entretien « it is a daily job for refugees to look for native women in Luxembourg to marry » (entretien, p. 12/18), soutient la suspicion que vous auriez inventé votre homosexualité pour améliorer vos chances d'obtenir une protection internationale.
En ce qui concerne la présentation du prétendu article de presse diffamant, il convient de réitérer que l'article de presse que vous avez versé est une simple copie, dont l'authenticité ne saurait pas être valablement établie. A cela s'ajoute qu'il est surprenant que vous avez découvert l'existence des deux articles publiés dans le magazine « News Thumb » en mars 2016 et en avril 2018 deux mois après votre dernier entretien et plus d'un an après l'introduction de votre demande de protection internationale. Au regard de ce qui précède, aucun crédit ne saurait être accordé à cet article de presse qui semble être fabriqué de toutes pièces, surtout si on considère que les archives du magazine sautent de mars 2016 à janvier 2018, ce qui laisse penser que le premier article y aurait été inséré ultérieurement. En tout état de cause, le magazine « News Thumb », ne saurait être considéré comme un journal sérieux et par conséquent l'autorité ministérielle est d'avis que cette pièce ne peut pas inverser les arguments qui précèdent.
En conclusion, notons que votre demande de protection internationale repose sur des raisons matérielles, un constat qui est soutenu par vos difficultés de subvenir à vos besoins après avoir quitté l'entreprise familiale. A cela s'ajoute qu'il n peut pas être exclu que vous seriez à la recherche d'une meilleure vie au Luxembourg, vous soulignez même « It is a daily job for refugees to look for native women in Luxembourg to marry » (entretien, p. 12/18), après que votre ex-copine a rompu tout contact avec vous et vous refuse même un droit de visite pour votre fils. Or, des raisons économiques et votre volonté de vous établir au Luxembourg ne sauraient davantage justifier un motif de persécution prévu par la Convention de Genève de 1951.
* 5En conclusion, les faits que vous alléguez ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 42 et 43 de la loi précitée du 18 décembre 2015.
Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.
2. Quant à la Protection subsidiaire L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d'application de l'article 48 de la loi précitée du 18 décembre 2015, à savoir qu'ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de ladite loi, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
En l'espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous basez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié. En effet, vous indiquez avoir eu des problèmes à cause de votre orientation sexuelle.
Au vu de ce qui précède, l'autorité ministérielle conclut que vous ne courez aucun risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
De tout ce qui précède, les conditions permettant la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire ne sont pas remplies.
* Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.
Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination du Nigéria, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 août 2018, Monsieur … a introduit un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du 9 juillet 2018 portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale, ainsi qu’un recours en réformation de l’ordre de quitter le territoire y énoncé.
61) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre portant refus d’une protection internationale En application de l’article 35, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, qui prévoit l’ouverture d’un recours en réformation contre les décisions ministérielles de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours en réformation introduit par Monsieur … contre la décision du ministre du 9 juillet 2018 portant refus de sa demande de protection internationale.
A titre liminaire, le délégué du gouvernement conclut à l'irrecevabilité du recours pour défaut de signature, notant que la copie conforme du recours dont il disposerait ne serait pas signée. Il renvoie, à ce sujet, à un jugement du tribunal administratif du 6 février 2017, portant le numéro 38947 du rôle, dans lequel il aurait été retenu qu'aux termes de l'article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, dénommée ci-après « la loi du 21 juin 1999 », tout recours, en matière contentieuse, introduit devant le tribunal administratif, devrait être formé par une requête signée d'un avocat inscrit à la liste 1 des tableaux dressés par les conseils des Ordres des avocats et que le respect de cette exigence relative au recours à un avocat à la Cour se matérialiserait par l'apposition manuscrite sur l'acte introductif d'instance de la signature de l'avocat à la Cour constitué. Il y aurait également été retenu que cette formalité relèverait, au même titre d'ailleurs que le ministère d'avocat à la Cour obligatoire, d'une condition substantielle de la procédure contentieuse applicable, de sorte que toute insuffisance y relative constituerait un vice entachant la requête introductive d'instance et entraînant l'irrecevabilité du recours. Un raisonnement identique aurait été suivi par la Cour administrative dans un arrêt du 7 juin 2018, portant le numéro 41040C du rôle, relatif à l'irrecevabilité d'un acte d'appel non signé.
A l’audience publique des plaidoiries, le litismandataire du demandeur estima que l’indication manuscrite du nom d’un autre avocat à la Cour, apposé sous son propre nom, pourrait être considérée comme signature valable au sens de l’article 1er de la loi du 21 juin 1999.
Aux termes de l’article 1er de la loi du 21 juin 1999, « Tout recours, en matière contentieuse, introduit devant le tribunal administratif, dénommé ci-après « tribunal », est formé par requête signée d’un avocat inscrit à la liste I des tableaux dressés par les conseils des Ordres des avocats. (…) ».
Il a été jugé que la formalité de la signature de la requête introductive d’instance par un avocat inscrit à la liste I des tableaux dressés par les conseils des Ordres des avocats est une condition substantielle de recevabilité de la procédure contentieuse par laquelle le mandataire des parties en cause manifeste, par rapport à la juridiction saisie, son mandat ainsi que l’élection de domicile accordée à ses mandants, en l’absence d’une telle signature, la requête introductive d’instance est irrecevable.1 En l’espèce, force est de constater que la requête, dactylographiée au nom de Maître Katrin Djaber, porte une indication manuscrite précisant qu’en lieu et place de cette dernière, l’acte serait à signer par un autre avocat à la Cour, en l’occurrence Maître Fahima Bouchra. Or, 1 trib. adm. 10 février 1999, n° 10933 du rôle, Pas. adm. 2018, V° Procédure Contentieuse, n° 466 et autres références y citées.
7mis à part cette information, l’acte ne comporte aucun autre élément manuscrit et partant aucune signature proprement dite.
Ce constat n’est pas énervé par l’argumentation de la partie demanderesse selon laquelle l’indication du nom de l’avocat censé remplacer le litismandataire pour la signature de l’acte a été faite de manière manuscrite, de sorte à pouvoir être considérée comme une signature. En effet, cette argumentation laisse de convaincre faute d’explications plus concrètes quant à la personne ayant apposé ladite mention sur la requête introductive d’instance2 et faute pour la partie demanderesse d’établir que cette indication manuscrite correspond effectivement à la signature de l’avocat en question.
Il suit de ces considérations que la requête introductive d’instance viole les prescriptions de l’article 1er de la loi du 21 juin 1999, de sorte que le recours est à déclarer irrecevable.
Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
déclare irrecevable le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 9 juillet 2018 portant rejet d’un statut de protection internationale dans le chef de Monsieur … et ordre de quitter le territoire à son encontre ;
donne acte au demandeur de ce qu’il déclare avoir demandé le bénéficie de l'assistance judiciaire ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Anne Gosset, premier juge, Olivier Poos, premier juge, et lu à l’audience publique du 8 octobre 2019 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 8 octobre 2019 Le greffier du tribunal administratif 2 trib. adm. 28 octobre 2010, n° 27390 du rôle, Pas. adm. 2018, V° Procédure Contentieuse, n° 471.