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25/09/2019 | LUXEMBOURG | N°41186

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 septembre 2019, 41186


Tribunal administratif N° 41186 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 mai 2018 3e chambre Audience publique du 25 septembre 2019 Recours formé par Madame …, … (Belgique), contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’appel en garantie

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41186 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 mai 2018 par Maître Amélie BAGNES, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à B-… (

Belgique), …, …, ayant élu domicile en l’étude de Maître Amélie BAGNES sise à L-1255 Luxe...

Tribunal administratif N° 41186 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 mai 2018 3e chambre Audience publique du 25 septembre 2019 Recours formé par Madame …, … (Belgique), contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’appel en garantie

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41186 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 mai 2018 par Maître Amélie BAGNES, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à B-… (Belgique), …, …, ayant élu domicile en l’étude de Maître Amélie BAGNES sise à L-1255 Luxembourg, 29, rue de Bragance, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 28 février 2018, répertoriée sous le numéro C …, ayant rejeté sa réclamation contre le bulletin d’appel en garantie émise à son encontre le 4 juillet 2017 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 septembre 2018 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 octobre 2018 par Maître Amélie BAGNES au nom et pour le compte de Madame … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Thibault CHEVRIER, en remplacement de Maître Amélie BAGNES, et Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 mars 2019.

En date du 4 juillet 2017, le bureau d’imposition … de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », émit un bulletin d’appel en garantie (« Haftungsbescheid ») en vertu du paragraphe 118 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », à l’encontre de Madame … en sa qualité d’administratrice de la société anonyme … SA, dénommée ci-après la « société … », déclarée en faillite, ledit bulletin déclarant Madame … codébitrice solidaire d’un montant de … euros, en principal et intérêts au titre de l’impôt sur le revenu des collectivités pour les années 2012 à 2015, de l’impôt commercial communal pour l’année 2013, ainsi que de l’impôt sur la fortune pour l’année d’imposition 2014 qui auraient dû être payés à l’administration des Contributions directes par la société ….

Ledit bulletin est libellé comme suit :

« […] Il est dû à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg par la société …, … s.a en faillite ayant eu son siège social à L- …, zone industrielle … immatriculée sous le dossier fiscal … à titre de :

l'impôt sur le revenu des collectivités Année 2012 Principal … € Année 2012 Intérêts … € Année 2014 Principal … € Année 2014 Intérêts … € Année 2015 Principal … € Année 2015 Intérêts … € l’impôt commercial communal Année 2013 Intérêts … € l'impôt sur la fortune Année 2014 Principal … € Il résulte de la publication au Mémorial C No … du … que lors de l'assemblée générale du 29 juin 2009 de la société, vous avez été nommée administrateur de la société …, … s.a en faillite.

En cette qualité d'administrateur, vous disposiez du pouvoir d'engager l'entreprise à partir de cette assemblée générale.

Par conséquent et conformément aux termes des §§ 108 et 103 AO vous êtes personnellement tenue à l'accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société …, … s.a. en faillite, dont notamment le paiement des impôts dus par la société à l'aide des fonds administrés.

Votre faute personnelle consiste dans le fait de ne pas avoir accompli ou veillé à l'accomplissement des obligations qui incombent à la personne représentée, et notamment dans le manque de diligence ou de soin apporté à l'exécution des obligations fiscales de la société avec comme conséquence une insuffisance de l'impôt payé par rapport à l'impôt dû.

Notamment dépôt tardif des déclarations fiscales des années 2012 à 2013, non dépôt des déclarations fiscales des années 2014 et 2015 défaut de dépôt des bilans au registre de commerce pour la publication pour les années 2014 et 2015, ceci constitue manifestement une faute grave de vos obligations en tant qu'administrateur de la société …, … s.a. en faillite.

Suite à l'inexécution fautive de vos obligations, le receveur de l'Administration des contributions directes n'a pas perçu les impôts d'un montant de … €.

Ce montant de … euros se compose comme suit :

l'impôt sur le revenu des collectivités Année 2012 Principal … € Année 2012 Intérêts … € Année 2014 Principal … € Année 2014 Intérêts … € Année 2015 Principal … € Année 2015 Intérêts … € l’impôt commercial communal Année 2013 Intérêts … € l'impôt sur la fortune Année 2014 Principal … € En vertu du § 110 AO votre responsabilité pour les actes accomplis pendant la période de vos fonctions survit à l'extinction de votre pouvoir de représentation.

Considérant qu'en vertu du § 103 AO vous êtes tenue de remplir les obligations fiscales incombant à la société …, … s.a. en faillite.

Considérant que l'inexécution des ces obligations est à qualifier de fautive Considérant que l'inexécution fautive de vos obligations a empêché la perception d’impôts d'un montant de … euros.

Considérant que dans la mesure où, par l'inexécution fautive de vos obligations, vous avez empêché la perception de l'impôt légalement dû, vous êtes constituée codébiteur solidaire de ce montant conformément au § 109 AO.

Considérant que le § 118 AO m'autorise à engager votre responsabilité.

Considérant le fait qu'en votre qualité d'administrateur vous êtes chargée ou à veiller à une gestion journalière correcte de la société …, … s.a. en faillite, j'engage votre seule responsabilité, l'appel en garantie s'élève au montant de … euros, sans préjudice des intérêts de retard ultérieurs. Par conséquent, vous êtes invitée à payer sans délai le montant de … euros, sans préjudice des intérêts de retard ultérieurs, au receveur de l'Administration des Contributions Directes à Ettelbruck. […] ».

Par courrier du 1er août 2017, entré à la direction de l’Administration des Contributions directes le 8 août 2017, Madame … introduisit une réclamation contre le bulletin d’appel en garantie précité du 4 juillet 2017 auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur ». Une réclamation complémentaire fut introduite par courrier de son litismandataire du 21 septembre 2017.

Par décision du 28 février 2018, inscrite sous le numéro C …, le directeur rejeta la réclamation introduite par Madame … dans les termes suivants :

« […] Vu la requête introduite le 8 août 2017 par la dame …, demeurant à B-… …, pour réclamer contre le bulletin d'appel en garantie émis en vertu du § 118 de la loi générale des impôts (AO) par le bureau d'imposition … en date du 4 juillet 2017 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu le § 119, alinéa 1er AO, ensemble les §§ 228 et 301 AO ;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO) dans les forme (§ 2… AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu'elle est partant recevable ;

Considérant que le bulletin attaqué a déclaré la réclamante codébitrice solidaire de l'impôt sur le revenu des collectivités des années 2012, 2014 et 2015, de l'impôt commercial communal de l'année 2013 et de l'impôt sur la fortune de l'année 2014, y compris l'ensemble des intérêts accumulés depuis lors, au motif qu'elle aurait en sa qualité de représentante légale de la société anonyme … …, actuellement en état de faillite, commis une faute en ne veillant pas à ce que soient payées au receveur des Contributions, sur les fonds administrés, les sommes qui ont été retenues ou qui auraient dû être retenues au titre de l'impôt sur le revenu des collectivités, de l'impôt commercial communal, et de l'impôt sur la fortune, et dont la société était (et l'est toujours) redevable ;

Considérant à titre liminaire tout comme en matière de principe que le représentant d'une personne morale est responsable du paiement des dettes d'impôt de la personne morale qu'il représente dans les conditions prévues aux §§ 103 et 109 AO ; qu'aux termes du § 103 AO il est tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société, notamment de remettre les déclarations fiscales dans les délais légaux et de payer sur les fonds qu'il gère les impôts dont la société est redevable (CE du 20 octobre 1981, n° 6902) ;

Considérant dès lors que dans la mesure où le représentant, par l'inexécution fautive de ces obligations, a empêché la perception de l'impôt légalement dû, il est en principe constitué codébiteur solidaire des impôts de la société, conformément au § 109 AO ; que la responsabilité du représentant est à qualifier de fautive du moment que les impôts échus, même avant son entrée en fonction, ne sont pas payés sur les fonds disponibles de la société à l'administration ;

Considérant qu'il s'avère nécessaire dans ce contexte de mettre en exergue qu'en matière de responsabilité du fait personnel (article 1382 du code civil), l'auteur du dommage ne peut pas s'exonérer en invoquant une prétendue faute d'un tiers, lequel n'entrera en ligne de compte qu'au stade du recours entre les coresponsables ; que le représentant responsable sur le fondement du § 109 AO ne peut par ailleurs pas s'opposer à une poursuite au motif qu'elle n'a pas été engagée contre un autre ;

Considérant de surcroît qu'en vertu du § 118 AO la poursuite du tiers responsable, à la différence de l'imposition du contribuable, est toujours discrétionnaire et exige de ce fait et en vertu du § 2 de la loi d'adaptation fiscale (StAnpG) une appréciation effective et explicite des circonstances qui justifient la décision en raison et en équité (BFH du 19 février 1965 StRK § 44 EStG R.13 ; jurisprudence constante pour RTS, notamment BFH du 24 novembre 1961, BStBI. 1962.37 ; 3 février 1981, BStBI. 1981 II …3 ; cf … § 2 StAnpG Anm. 5 Abs. 3) ;

que l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire implique une motivation quant au principe même de la mise en oeuvre de la responsabilité d'un ou de plusieurs représentants, quant à la désignation du ou des représentant(s) dont la responsabilité est engagée et quant au quantum de sa (leur) responsabilité ;

Considérant qu'un manquement à une obligation fiscale découlant du § 103 AO dans le chef du représentant d'une société qu'il représente dans les conditions prévues aux §§ 103 et 109 AO n'est pas suffisant pour engager sa responsabilité en application du § 109, alinéa 1er AO et pour voir émettre à son encontre un bulletin d'appel en garantie, le législateur ayant posé à cet égard l'exigence supplémentaire d'une inexécution fautive des obligations du représentant de la société envers le fisc (CA du 22 février 2000, n° 11694C du rôle) ; que la responsabilité du représentant est cependant à qualifier de fautive du moment qu'il n'accomplit pas ses obligations fiscales, dont notamment celle de veiller à ce que les impôts dus soient payés, même ceux datant d'avant son entrée en fonction, à l'aide des fonds administrés ; que cette dernière prémisse l'emporte, le cas échéant, ainsi de plein droit sur la situation telle qu'elle s'est présentée durant les années antérieures ;

Considérant encore qu'en ce qui concerne la notion de l'inexécution fautive, à savoir de la « schuldhafte Verletzung seiner steuerlichen Pflichten durch den Vertreter des Steuerpflichtigen » au sens du § 109, alinéa 1er AO, que la Cour administrative a consigné très récemment que :

1) « Dans la mesure où il n'est pas contesté que les bilans pour les années litigieuses n'ont pas été déposés dans les délais au RCS et que les déclarations fiscales n'ont pas non plus été déposées, ce qui a contraint le bureau d'imposition à procéder par la voie de la taxation d'office pour les années 2008 à 2010 et par la fixation d'avances pour les années 2012 à 2014, le bureau d'imposition a en principe valablement pu retenir une inexécution fautive dans le chef de l'appelant, étant donné qu'en sa qualité de gérant unique, il était conformément au paragraphe 103 AO personnellement tenu à l'accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société (…), de sorte qu'il était tenu de veiller au dépôt des déclarations fiscales et au paiement des créances d'impôt et que l'omission de ce faire est à qualifier de comportement fautif.

(…) Or, le fait pour l'appelant de ne pas avoir veillé, en tant que gérant unique de la société (…), à ce que les déclarations d'impôt soient déposées en temps utile auprès de l'administration des Contributions directes, est à qualifier d'inexécution fautive des obligations du représentant d'une société envers les autorités fiscales, de sorte que les conditions pour la mise en œuvre de sa responsabilité personnelle à l'égard des créances d'impôt visées dans le bulletin d'appel en garantie litigieux se trouvent réunies en cause.

Cette conclusion ne saurait être invalidée par l'argumentation de l'appelant selon laquelle il serait inéquitable de le poursuivre personnellement après tous les efforts entrepris pour régulariser les affaires de la société, étant donné qu'il est resté trop longtemps inactif et qu'il semblerait, d'après les éléments du dossier, qu'il n'est devenu actif que lorsque le Parquet a décidé de demander la dissolution judiciaire de la société. » (CA du 23 août 2016, n° 38378C), et que :

2) « Les premiers juges ont essentiellement retenu que le « § 103 AO soumet les dirigeants d'une société à l'obligation de veiller à ce que les impôts dus soient payés au trésor public », pointant de la sorte essentiellement l'obligation des représentants d'une société de veiller au paiement des impôts dus (…).

La Cour ne saurait entériner cette vision des choses.

En premier lieu, il est erroné de limiter l'analyse sur l'obligation de paiement des impôts dus, mais il convient d'avoir égard à l'ensemble des obligations incombant au contribuable en vue de la fixation et du paiement de l'impôt dû.

(…) Cette façon de procéder au cours de la procédure d'imposition est aux antipodes de l'attitude que l'on peut attendre d'une société raisonnablement prudente et diligente et elle caractérise manifestement une violation des obligations incombant aux organes d'administration de la société (…). Le manquement ainsi dépeint est encore de toute évidence grave.

(…) (…), il se dégage de l'ensemble des considérations qui précèdent que Monsieur (…) a de façon prolongée rendu impossible la détermination exacte des bases d'imposition et qu'il a singulièrement et fautivement manqué de remplir les obligations fiscales qui lui incombaient en tant que représentant de la société (…), de sorte que les conditions pour la mise en oeuvre de sa responsabilité personnelle pour les impôts visés par le bulletin d'appel en garantie litigieux se trouvent réunies en cause. » (CA du 31 janvier 2017, n° 38343C) ;

Considérant qu'il est donc sans le moindre conteste que la mise à charge des arriérés de la société anonyme … …, actuellement en état de faillite, au titre de l'impôt sur le revenu des collectivités des années 2012, 2014 et 2015, de l'impôt commercial communal de l'année 2013 et de l'impôt sur la fortune de l'année 2014, y compris les intérêts accumulés depuis lors, est parfaitement justifiée en la personne de la requérante ;

PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme, la rejette comme non fondée. […]. ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 mai 2018, Madame … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision du directeur du 28 février 2018, répertoriée sous le numéro C …, ayant rejeté la réclamation lui adressée en date du 1er août 2017.

Le délégué du gouvernement, dans son mémoire en réponse, se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du recours.

Quant à la recevabilité du recours, il y a lieu de rappeler que conformément aux dispositions du paragraphe 119 AO, les personnes à l’encontre desquelles un bulletin d’appel en garantie a été émis bénéficient des mêmes voies de recours que celles ouvertes au contribuable. Or, conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après la « loi du 7 novembre 1996 », le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin de l’impôt.

Il s’ensuit que le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, Madame … rappelle, tout d’abord, les faits et rétroactes à la base du présent litige, en expliquant avoir été salariée de la société à responsabilité limitée … SARL, ci-après désignée par « la société … », société-mère de la société …, dont elle a été nommée administratrice depuis le 29 juin 2009, avant de démissionner, d’une part, de son emploi en date du 23 mars 2015, et, d’autre part, de son mandat d’administratrice le 29 mai 2015, la faillite de la société … ayant été prononcée le …2015. La société … aurait été détenue à 100 % par la société …, active dans la production et la vente d’œufs et de dérivés d’œufs, laquelle aurait commencé à rencontrer des difficultés financières et aurait bénéficié, en ce qui concerne ses 6 filiales belges, d’une procédure de réorganisation judiciaire du 5 décembre 2014 au 15 août 2015, en vue de trouver un acquéreur, négociations cependant infructueuses, de sorte que les filiales ont dû faire l’aveu de la faillite, suivi de la société …, dont l’activité dépendait exclusivement du groupe et dont les créances étaient uniquement des créances intra-groupe. Le non-paiement des créances fiscales aurait résulté, non pas d’une volonté de se soustraire à ses obligations, mais d’une réelle incapacité de ce faire, faute d’actifs.

En droit, la demanderesse soutient, tout d’abord, en s’appuyant sur les paragraphes 103 et 109 AO, ainsi que sur les paragraphes 2 et 7 de la loi modifiée d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934 appelée « Steueranpassungsgesetz », désignée ci-après par « StAnpG », que même si l’obligation de déclarer et de verser l’impôt, en cas de société, serait transmise à la personne ayant le pouvoir de représenter ladite société à l’égard de tiers, le simple constat d’un manquement à une obligation fiscale ne serait pas suffisant pour engager la responsabilité personnelle d’un administrateur, mais que l’administration des Contributions directes devrait, au contraire, démontrer dans le chef de celui-ci une inexécution fautive desdites obligations fiscales par une appréciation effective et explicite des circonstances justifiant la décision en raison et en équité, la motivation devant porter sur le principe même de la mise en œuvre de la responsabilité d’un ou de plusieurs représentants, sur le choix du, respectivement des codébiteurs contre lesquels le bulletin d’appel en garantie est émis, ainsi que sur le quantum de sa responsabilité, chaque fois compte tenu des circonstances particulières de l’espèce.

Or, en l’espèce, la demanderesse n’aurait pas été la seule représentante de la société …, Monsieur … ayant également été administrateur de ladite société, jusqu’à sa démission le 18 décembre 2012, tout comme la société … …. … Ltd ci-après désignée par « la société … », représentée par Monsieur … …, tous les deux domiciliés à … … (Israël), …, …, laquelle aurait été l’administratrice-déléguée en charge de la gestion journalière de la société …. Selon Madame …, il aurait plutôt appartenu aux autorités fiscales d’adresser un bulletin d’appel en garantie, en ce qui concerne les dettes d’impôt de la société …, à la société …, ce qui n’aurait cependant pas été fait, vu son domicile en Israël, et que cela aurait été pour des raisons de facilité, au regard de son domicile en Belgique, que sa responsabilité personnelle aurait été engagée.

Elle conteste encore toute inexécution fautive dans son chef, en ce qui concerne le dépôt tardif des déclarations fiscales des années 2012 à 2013, ainsi qu’en ce qui concerne le défaut de dépôt, tant des déclarations fiscales que des bilans des années 2014 et 2015. Dans ce cadre, elle fait valoir qu’elle aurait été salariée de la société … et administratrice de la société …, en charge de la comptabilité, le tout sous les ordres de la société …, laquelle aurait été l’administratrice-déléguée tant de … que de …. Cette situation aurait compliquée l’exercice de son mandat d’administrateur de la société … – qui n’aurait pas été rémunéré –, raison pour laquelle elle aurait cherché à en démissionner le 12 mai 2011, ce que son employeur aurait cependant refusé, de sorte que, par après, l’existence d’un lien de subordination à l’encontre de l’administrateur-délégué, ainsi que sa démission en tant que salarié en mars 2015 auraient encore alourdi sa tâche d’administratrice. Par ailleurs, l’obligation de dépôt des déclarations fiscales et des bilans incomberait au conseil d’administration, conformément à l’article 461-8 de la loi modifiée du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales, ci-après désignée par « la loi du 10 août 1915 ». Elle soutient finalement qu’elle n’aurait pas eu le pouvoir d’engager par sa seule signature la société …, circonstance ayant conduit la Cour administrative1, dans une affaire similaire, à ne pas reconnaître la responsabilité de l’administrateur poursuivi.

La demanderesse conclut finalement à la réformation de la décision directoriale déférée pour violation du paragraphe 205 (3) AO, en ce qu’elle n’aurait jamais reçu une quelconque lettre de la part de l’administration des Contributions directes l’informant de l’absence de paiement des impôts pour les années d’imposition actuellement litigieuses et lui permettant de prendre position de manière effective et dans un délai raisonnable préalablement à l’émission du bulletin litigieux.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse réitère son argumentation factuelle et juridique à l’égard de la décision directoriale déférée du 28 février 2018, en insistant, d’une part, sur la circonstance qu’elle aurait été salariée de la société … et administratrice de la société …, sans pouvoir d’engager seul cette dernière, Madame … ayant été, dans les deux cas, sous les ordres de la société …, laquelle aurait été l’administratrice-déléguée des deux sociétés et les aurait gérées seul, et, d’autre part, sur le fait qu’elle aurait été dans l’impossibilité de démissionner avant le 29 mai 2015, vu sa situation de subordination salariale ayant perduré jusqu’à son départ le 31 mai 2015. Elle affirme encore avoir clôturé les comptes annuels de 2014 et d’avoir tenu la comptabilité à jour jusqu’à son départ, documents auxquels elle n’aurait plus eu accès à compter de cette date et qu’elle aurait été dans l’impossibilité de se procurer pour s’en prévaloir dans le cadre de la présente instance, malgré ses nombreuses démarches auprès des anciens responsables des sociétés … et …, ainsi que du curateur de cette dernière société.

Elle conteste encore toute inexécution fautive dans son chef en se prévalant d’un arrêt de la Cour administrative du 4 avril 2017, inscrit sous le n° 38878C du rôle, dans la mesure où elle n’aurait pas disposé du pouvoir d’engager seul la société en faillite et dans la mesure où, en raison de son statut de salariée auprès de la société …, elle aurait été soumise à l’autorité et aux agissements d’un administrateur-délégué omnipotent au sein de la société …, en l’occurrence la société ….

1 Cour adm., 21 mai 2015, n° 35698C du rôle.

Elle critique ensuite le choix des autorités fiscales d’avoir engagé sa responsabilité, en ce qui concerne la dette fiscale de la société …, et non celle de la société …, alors même que cette dernière aurait disposé du pouvoir de gestion effective de la société … et aurait été mandaté, par le conseil d’administration à accomplir les formalités nécessaires pour faire l’aveu de la faillite, ce qui aurait impliqué le dépôt des comptes annuels du dernier exercice, ainsi que d’une situation de trésorerie récente.

Finalement, dans son mémoire en réplique, la demanderesse conteste encore les montants retenus à sa charge au titre des dettes fiscales de la société …. Ainsi, en ce qui concerne les années d’imposition 2012 et 2013, pour lesquelles les déclarations fiscales auraient été déposées tardivement et les impôts litigieux n’auraient pas été payés, elle fait valoir qu’elle n’aurait pas pu, par sa seule signature, procéder au paiement desdits impôts, ainsi que des intérêts, d’un montant de … euros. Pour les années d’imposition 2014 et 2015, l’absence de dépôt des déclarations afférentes ne saurait être reprochée ni à la société …, ni à elle-même, dans la mesure où le délai pour ce faire n’aurait expiré que le 31 juillet 2015, respectivement le 31 juillet 2016, tandis que la société … aurait été déclarée en faillite par un jugement du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière commerciale, le …2015. Par ailleurs, elle fait état d’un commandement de payer … euros lui signifié le 20 août 2018 pour lequel elle aurait obtenu la possibilité d’un paiement échelonné mensuel à hauteur de … euros, une charge financière importante au regard de sa situation financière et familiale marquée par un salaire mensuel de … euros et trois enfants à charge, dont deux effectuant actuellement des études universitaires. Au regard de la divergence entre le montant du bulletin d’appel en garantie et celui réclamé à travers le commandement de payer, la demanderesse conteste le montant mis à sa charge et conclut, de ce chef, à la réformation de la décision directoriale litigieuse.

Le délégué du gouvernement, quant à lui, conclut au rejet du recours sous analyse, sans cependant avoir pris position quant à la violation alléguée du paragraphe 205 AO, ni quant aux contestations de la demanderesse par rapport aux montants mis à sa charge et par rapport à la prétendue contrariété entre le montant lui réclamé à travers le bulletin d’appel en garantie du 4 juillet 2017 et celui ayant fait l’objet du commandement à payer lui signifié le 20 août 2018.

Dans la mesure où il appartient au tribunal de déterminer la suite du traitement des moyens et arguments des parties compte tenu de la logique juridique dans laquelle ils s’inscrivent, sans être lié par l’ordre dans lequel les moyens ont été présentés par les parties, l’examen des moyens tenant à la légalité externe devant précéder celui des moyens tenant à la légalité interne, il y a lieu de trancher d’abord le moyen tiré d’une violation du paragraphe 205 AO, en ce que les autorités fiscales auraient omises de l’informer de l’absence de paiement des impôts pour les années d’imposition actuellement litigieuses et de lui permettre de prendre position de manière effective et dans un délai raisonnable préalablement à l’émission du bulletin litigieux.

Force est au tribunal de constater que le paragraphe 205 AO, aux termes duquel « […] (3) Wenn von der Steuererklärung abgewichen werden soll, sind dem Steuerpflichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Äußerung mitzuteilen […] », n’est pas applicable dans le cadre de l’élaboration d’un bulletin d’appel en garantie, dans la mesure où un tel bulletin n’est pas établi sur base d’une déclaration fiscale, préalablement déposée par la personne appelée en garantie, de laquelle ledit bulletin pourrait diverger. Aucune autre disposition normative n’imposant une audition ou une information de la personne concernée, préalablement à l’émission d’un bulletin d’appel en garantie à son encontre, pour que cette dernière puisse présenter ses observations dans un délai raisonnable, le moyen tiré d’une violation du paragraphe 205 AO encourt le rejet.

Quant au fond, il y a lieu de relever que conformément au paragraphe 103 AO « die gesetzlichen Vertreter juristischer Personen und solcher Personen, die geschäftsunfähig oder in der Geschäftsfähigkeit beschränkt sind, haben alle Pflichten zu erfüllen, die denen Personen, die sie vertreten, obliegen; insbesondere haben sie dafür zu sorgen, dass die Steuern aus den Mitteln die sie verwalten, entrichtet werden. Für Zwangsgeldstrafen und Sicherungsgelder die gegen sie erkannt, und für Kosten von Zwangsmitteln die gegen sie festgesetzt werden, haften neben ihnen die von ihnen vertretenen Personen ».

Le paragraphe 103 AO appelle les administrateurs et autres représentants légaux en titre d’une société anonyme à remplir les obligations fiscales incombant à la société. Ils sont plus particulièrement appelés à remettre les déclarations fiscales dans les délais légaux et à payer sur les fonds qu’ils gèrent les impôts dont la société est redevable directement, respectivement ceux dont elle est redevable pour compte d’autrui. Dans ce contexte, il est erroné de limiter l’analyse sur l’obligation de paiement des impôts dus, mais il convient d’avoir égard à l’ensemble des obligations incombant au contribuable en vue de la fixation et du paiement de l’impôt dû2.

Il est constant en cause pour ne pas être contesté par les parties que Madame … était, depuis le 29 juin 2009, un des administrateurs de la société …, déclarée en faillite le …2015, et que la démission de son mandat date du 29 mai 2015. Il ressort, par ailleurs, des statuts de la société … que celle-ci se trouvait engagée par la signature conjointe de deux administrateurs, respectivement par la signature de son administrateur-délégué. Par voie de conséquence, le tribunal est amené à conclure que Madame … avait un droit de signature conjoint avec un autre administrateur, de sorte qu’elle avait un droit d’engager valablement la société. Dans la mesure où la demanderesse a été nommée à partir du 29 juin 2009 jusqu’à sa démission le 29 mai 2015, à la fonction d’administratrice de la société …, elle doit être considérée comme ayant été, pendant cette période, officiellement en charge de l’administration de la société, et, conformément à l’article 441-93 de la loi du 10 août 1915, comme ayant, pendant cette même période, été un des représentants légaux de ladite société à l’égard des tiers, la société … ayant été représentée à l’égard des tiers par son conseil d’administration.

En tant que personne de jure en charge de l’administration de la société …, Madame … était, conformément au paragraphe 103 AO, pendant l’exercice de cette fonction, personnellement tenue à l’accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société, notamment du dépôt des déclarations fiscales et du paiement des impôts dus par la société à l’aide des fonds administrés.

Cette constatation n’est pas énervée par les affirmations de la demanderesse, suivant lesquelles elle aurait eu qu’une fonction de simple administrateur dans la société …, laquelle aurait, en réalité, été gérée par la société …, n’aurait pas été délégué à la gestion journalière, 2 Cour adm., 31 janvier 2017, n° 38343C du rôle, Pas. adm. 2018, V° Impôts, n° 442.

3 Version coordonnée annexée au règlement grand-ducal du 5 décembre 2017 portant coordination de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales.

n’aurait touché aucune rémunération en relation avec son mandat social et qu’elle n’aurait eu aucun pouvoir par rapport à la comptabilité de la société, étant donné, d’une part, qu’il s’agit d’allégations non autrement corroborées par une pièce probante soumise à l’analyse du tribunal, et, d’autre part, que le représentant qui a accepté sa fonction ne peut pas se contenter de contester son pouvoir. En effet, en n’exécutant pas les obligations légales de la société, il manque à son premier devoir, celui d’administrer4. Il échet, dans ce cadre, encore de relever, que, contrairement à l’affirmation de la demanderesse que celle-ci n’aurait eu aucune influence sur la gestion de la société … pendant la durée de son mandat d’administratrice, celle-ci a signé les déclarations fiscales litigieuses des années 2012 et 2013 déposées tardivement, de sorte à avoir nécessairement dû avoir un droit de regard sur la comptabilité de la société … – Madame … ayant, pour le surplus, été en charge de la comptabilité de la société …, la société-mère –, de sorte à avoir, en connaissance de cause continué son mandat d’administrateur malgré l’existence d’une dette d’impôt non payée. Par ailleurs, sa prétendue impossibilité de démissionner de son mandat d’administratrice avant le 29 mai 2015 ne saurait être retenue, alors qu’elle n’a avancé aucune explication plausible quant au fait qu’elle n’a pas concrètement démissionné, suite à la manifestation, par courrier électronique du 12 mai 2011, de son intention de ce faire, aucune réponse au prédit courrier n’étant soumise à l’appréciation du tribunal.

Il s’ensuit que l’argumentation de la demanderesse ayant trait à la circonstance que la dette d’impôt lui actuellement réclamée à travers la décision directoriale déférée du 28 février 2018 ne serait pas due à ses agissements fautifs, mais résulterait exclusivement de manquements de la part de la société …, l’administrateur-délégué de la société …, est à rejeter pour ne pas être fondée.

Quant à la mise en œuvre de la responsabilité personnelle du fait du non-paiement de l’impôt commercial communal de l’année 2013, de l’impôt sur le revenu des collectivités des années 2012 à 2015, ainsi que de l’impôt sur la fortune de l’année 2014, dont est redevable une personne morale, il y a lieu de relever que le dirigeant d’une société ne peut être tenu personnellement responsable du non-paiement de ces impôts que dans les conditions plus particulièrement prévues au paragraphe 109 AO qui dispose dans son alinéa 1er que : « die Vertreter und die übrigen in den §§ 103 bis 108 bezeichneten Personen haften insoweit persönlich neben dem Steuerpflichtigen, als durch schuldhafte Verletzung der ihnen in den §§ 103 bis 108 auferlegten Pflichten Steueransprüche verkürzt oder Erstattungen oder Vergütungen zu Unrecht gewährt worden sind ».

Il se dégage de ces dispositions légales que le simple constat d’un manquement à une obligation fiscale découlant du paragraphe 103 AO, précité, n’est pas suffisant pour engager la responsabilité personnelle des dirigeants d’une société en application du paragraphe 109, alinéa 1er AO et pour voir émettre à leur encontre un bulletin d’appel en garantie, le législateur ayant en effet posé à cet égard l’exigence supplémentaire d’une inexécution fautive (« schuldhafte Verletzung ») des obligations du représentant de la société envers le fisc.

Le paragraphe 7, alinéa (3) StAnpG, disposant, par ailleurs, que « Jeder Gesamtschuldner schuldet die ganze Leistung. Dem Finanzamt steht es frei an welchen Gesamtschuldner es sich halten will. Es kann die geschuldete Leistung von jedem 4 F. Rosen, « Obligations et responsabilités des dirigeants de société en matière de contributions directes », Droit fiscal luxembourgeois, Livre jubilaire de l’IFA Luxembourg, Bruylant, 2009, p. 199.

Gesamtschuldner ganz oder zu einem Teil fordern », le pouvoir du bureau d’imposition d’engager une poursuite contre un tiers responsable, et, plus particulièrement, contre le représentant d’une société, ne relève pas d’une compétence liée, mais constitue un pouvoir d’appréciation dans son chef et ce à un double titre, d’abord en ce qui concerne l’appréciation du degré fautif du comportement de la personne visée, et, ensuite, en ce qui concerne le choix du ou des codébiteurs contre lesquels l’émission d’un bulletin d’appel en garantie est décidée, chaque fois compte tenu des circonstances particulières de l’espèce.

En cas de pluralité de responsables, la possibilité de poursuivre simultanément tous les responsables résulte implicitement du paragraphe 7 StAnpG qui dispose que ceux qui sont poursuivis en qualité de responsables sont tenus solidairement. Le bureau d’imposition n’est, par contre, pas obligé de poursuivre tous les co-responsables et peut limiter son recours contre un ou plusieurs d’entre eux. En toute hypothèse, il appartient au bureau d’imposition de relever les circonstances particulières qui ont déterminé son choix5.

Conformément au paragraphe 2 StAnpG disposant dans son alinéa (1) que « Entscheidungen, die die Behörden nach ihrem Ermessen zu treffen haben (Ermessens-Entscheidungen) müssen sich in den Grenzen halten, die das Gesetz dem Ermessen zieht. (2) Innerhalb dieser Grenzen sind Ermessens-Entscheidungen nach Billigkeit und Zweckmässigkeit zu treffen », l’administration investie d’un pouvoir d’appréciation doit procéder selon des considérations d’équité et d’opportunité et partant se livrer à une appréciation effective et explicite des circonstances particulières susceptibles, en raison et en équité, de fonder sa décision.

En l’espèce, il résulte du bulletin d’appel en garantie que la faute reprochée à la demanderesse consiste (i) dans le non-paiement de l’impôt dû à l’aide des fonds administrés, (ii) dans le dépôt tardif des déclarations fiscales des années 2012 et 2013 (iii) dans le défaut de dépôt des déclarations fiscales des années 2014 et 2015, et (iv) dans le défaut de dépôt des bilans pour la publication au registre de commerce et des sociétés pour les années 2014 et 2015.

Concernant en premier lieu le reproche du non-paiement de l’impôt dû à l’aide des fonds administrés, force est au tribunal de constater que les bulletins d’impôt à la base du bulletin d’appel en garantie n’ont pas été versés en cause, mais uniquement des feuilles d’établissement desdits impôts de la part de l’administration des contributions en date des 16, respectivement 17 juillet 2015, lesquelles sont à la base des bulletins litigieux et portent l’adresse du curateur de la société …, nommé le …2015.

Or, dans la mesure où les bulletins d’impôt à la base du bulletin d’appel en garantie litigieux n’ont pas été versés en cause et dans la mesure où il ressort des feuilles d’établissement que ces bulletins d’imposition doivent être venus à échéance après le …2015, donc à une date où la demanderesse n’était plus administratrice de la société …, un défaut de paiement des sommes dues en vertu desdits bulletins ne saurait lui être légitimement reproché.

Concernant le reproche ayant trait au défaut de dépôt des bilans pour la publication au registre de commerce et des sociétés pour les années 2014 et 2015, force est de constater que, 5 Trib. adm., 14 juin 2010 n° 26277, confirmé par arrêt du 6 janvier 2011, n° 27126C, Pas. adm. 2018, V° Impôts, n° 445, et les autres références y citées.

mis à part le fait que l’extrait des publications au registre de commerce et des sociétés n’a été versé en cause par la partie étatique, le délai pour procéder audit dépôt n’était pas encore venu à échéance, dans la mesure où, conformément à l’article 75 de la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises6, la société … disposait jusqu’au 31 juillet 2015 pour faire publier ses comptes annuels au registre de commerce et des sociétés, en ce qui concerne l’année 2014, respectivement jusqu’au 31 juillet 2016, pour l’année subséquente. Aucun reproche ne saurait partant être dirigé contre Madame … à ce sujet, cette dernière ayant démissionné le 29 mai 2015, de sorte que le prédit manquement n’est pas non plus de nature à justifier l’émission d’un bulletin d’appel en garantie à son égard.

Concernant le reproche ayant trait au dépôt tardif des déclarations fiscales des années 2012 et 2013, respectivement le défaut de dépôt des déclarations fiscales pour les années 2014 et 2015, force est de constater, d’une part, que bien que les déclarations fiscales de la société …, pour les années 2012 et 2013, aient été déposées tardivement - ce qui constitue d’après la doctrine une pratique courante et admise des autorités fiscales7-, lesdites déclarations ont été acceptées et intégralement reprises par l’administration des Contributions directes, alors qu’il ne ressort pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal de céans que l’imposition desdites années aurait différée des déclarations fiscales, et, d’autre part, que le délai pour le dépôt des déclarations fiscales pour les années 2014 et 2015 n’était pas encore venu à échéance avant la démission de Madame …, de sorte que ces faits ne sont pas non plus de nature à justifier l’émission du bulletin d’appel en garantie litigieux à son égard.

En vertu de tout ce qui précède, il y a dès lors lieu de retenir qu’aucune inexécution fautive des obligations de Madame … envers le fisc en rapport avec la dette fiscale de la société … n’est établie en cause, de sorte que c’est à tort que le bureau d’imposition, confirmé par le directeur, a appelé la demanderesse en garantie en application de l’article 118 AO.

Il se dégage dès lors de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours est fondé, de sorte que la décision directoriale déférée encourt la réformation au sens des motifs énoncés ci-avant, sans qu’il n’y a lieu de statuer plus en avant.

En ce qui concerne la demande en allocation d’indemnité de procédure de ….- euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives formulée par la demanderesse, il y a lieu de conclure qu’étant donné que la partie étatique conteste tant le principe que le montant de cette demande et que la demanderesse omet de prouver en quoi il serait inéquitable de laisser à sa 6 Aux termes de l’article 75 de la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises : « Les entreprises visées à l’article 25 déposent auprès du registre de commerce et des sociétés les comptes annuels, dûment approuvés lorsqu’il s’agit de personnes morales, et le solde des comptes repris au plan comptable normalisé défini à l’article 12 alinéa 2 du Code de commerce dans le mois de leur approbation et au plus tard sept mois après la date de clôture de l’année civile lorsqu’il s’agit de commerçants personnes physiques, ou de clôture de l’exercice social lorsqu’il s’agit de personnes morales. […] ».

7 Manuel de droit fiscal – droit fiscal général, Alain Steichen, point 578, page 577 : « […] le dépôt tardif, souvent deux ou trois ans après la date limite légale, est la règle. L’administration accepte généralement les demandes de prorogation des délais parce que, en tout état de cause, elle n’est guère à même d’évacuer rapidement le dossier et de procéder à la fixation de la cote d’impôt. En somme, elle justifie un relâchement des obligations fiscales à charge des contribuables par sa propre incapacité d’émettre rapidement le bulletin d’imposition. […] ».

charge exclusive les frais exposés par elle dans la présente instance, il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme en ce qu’il est dirigé contre la décision directoriale du 28 février 2018 ;

au fond le déclare fondé ;

partant, par réformation de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 28 février 2018, n° C …, dit que c’est à tort que le bureau d’imposition … a déclaré Madame … codébitrice solidaire d’un montant de ….-€, en principal et intérêts, au titre des arriérés d’impôt de la société anonyme … SA pour les années d’imposition 2012 à 2015 ;

déboute la demanderesse de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de ….- euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 25 septembre 2019 par :

Paul Nourissier, premier juge, Géraldine Anelli, juge, Stéphanie Lommel, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 26 septembre 2019 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 41186
Date de la décision : 25/09/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2019-09-25;41186 ?

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