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25/09/2019 | LUXEMBOURG | N°41086

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 septembre 2019, 41086


Tribunal administratif N° 41086 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 avril 2018 1re chambre Audience publique du 25 septembre 2019 Recours formé par la société civile …, Mamer, contre un arrêté du ministre de la Culture, en matière de sites et monuments

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41086 du rôle et déposée le 27 avril 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Roy Nathan, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société civile …, établie et ayant son siège social à

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Tribunal administratif N° 41086 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 avril 2018 1re chambre Audience publique du 25 septembre 2019 Recours formé par la société civile …, Mamer, contre un arrêté du ministre de la Culture, en matière de sites et monuments

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41086 du rôle et déposée le 27 avril 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Roy Nathan, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société civile …, établie et ayant son siège social à …, inscrite au registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil de gérance actuellement en fonctions, tendant à l’annulation d’un arrêté du ministre de la Culture du 1er février 2018 portant inscription à l’inventaire supplémentaire des monuments nationaux de la maison sise à …, …, inscrite au cadastre de la commune de Luxembourg, section … de …, sous le numéro … ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 septembre 2018 ;

Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour de Maître Aline Condrotte, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déposée au greffe du tribunal administratif le 24 octobre 2018, au nom de la société civile …, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Aline Condrotte, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 octobre 2018 au nom de la société civile …, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26 novembre 2018 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté critiqué ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Aline Condrotte et Madame le délégué du gouvernement Jeannine Dennewald en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 juin 2019.

_________________________________________________________________________

Il se dégage des éléments versés en cause que la société civile …, ci-après désignée par « la société … », est propriétaire d’une maison sise à …, …, inscrite au cadastre de la commune de Luxembourg, section … de …, sous le numéro ….

Dans sa séance du 27 mars 2014, la commission des Sites et Monuments nationaux, ci-

après désignée par « la COSIMO », se prononça en faveur de l’inscription de ladite maison à l’inventaire supplémentaire des monuments nationaux.

Par courrier recommandé du 1er juillet 2014, le ministre de la Culture, désigné ci-après « le ministre », informa la société … de son intention d’inscrire la maison préqualifiée à l’inventaire supplémentaire des monuments nationaux conformément à l’article 17 de la loi modifiée du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux, ci-après « la loi du 18 juillet 1983 ».

Par le biais de ce même courrier, la société … fut invitée à faire connaître au ministre dans un délai de trois mois ses observations éventuelles par rapport à l’inscription envisagée.

Par courrier recommandé du 12 septembre 2014, la société … informa le ministre qu’elle s’opposait à une inscription de son immeuble à l’inventaire supplémentaire.

Dans sa séance du 17 janvier 2018, la COSIMO se prononça, dans le cadre de la demande de protection introduite par Madame … le 22 janvier 2014 concernant la maison lui appartenant sise au numéro …, en faveur de l’inscription à l’inventaire supplémentaire des monuments nationaux de ladite maison, ainsi que des maisons sises … et … « avec lesquelles elle forme un ensemble ».

Par arrêté ministériel du 1er février 2018, la maison sise au numéro … fut inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments nationaux, arrêté qui est libellé comme suit :

« […] Vu l'article 17 de la loi du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux ;

Vu les avis de la Commission des sites et monuments nationaux du 27 mars 2014 et 17 janvier 2018 ;

L’avis du Conseil communal de la Ville de Luxembourg, demandé ;

Vu la lettre du 12 septembre 2014 de Maître Roy Nathan, défendant les intérêts de la société « …», propriétaire de la maison à protéger ;

Arrête :

Art. 1er- Est inscrite à l'inventaire supplémentaire des monuments nationaux, conformément aux dispositions de l'article 17 de la loi modifiée du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux, en raison de son intérêt historique, architectural, et esthétique, la maison sise …, inscrite au cadastre de la commune de Luxembourg, section … de …, sous le numéro …, appartenant à ….

Art. 2.- L'intérêt historique, architectural et esthétique est motivé comme suit :

La maison unifamiliale sise … fait partie d’un ensemble de 3 maisons mitoyennes (BYT) érigées simultanément autour de 1932.

Elle se situe dans le quartier de …, où travaillaient, il y a seulement quelques décennies, un grand nombre d’artisans (SOZ). Les parcelles ont été occupées et morcelées au fur et à mesure des besoins. Les traces de cette occupation successive des parcelles sont toujours visibles, sous forme de nombreuses annexes ou murs de séparation en moellons (ENT).

La maison est identique à celle située au numéro …, le mur mitoyen constitue un axe de symétrie. Seules les lucarnes en toiture ne sont pas présentes au numéro … (AUT).

La typologie de la maison principale et sa façade classique sont des éléments typiques de son époque de construction (CHA). L’aspect modeste de l’extérieur de cette maison mitoyenne est typique pour l’architecture domestique du début du XXème siècle, A l’intérieur, l’immeuble présente toutes les subdivisions et finissions, qui, comparées à la maison voisine (N°…), sont cependant de moindre envergure (AUT).

La maison, faisant partie de cet ensemble, est un des rares témoins restants de l’occupation progressive des intérieurs d’îlots (SEL). Il s’agit d’un élément authentique et caractéristique de son époque de construction. En plus, elle est un témoin du développement urbanistique, social et démographique, de la ville et notamment du …. En effet elle remplit les critères d’authenticité, [d]e rareté, d’histoire sociale, de type de bâti, d’évolution du bâti et elle est caractéristique pour sa période de construction. Ainsi, la maison présente au point de vue historique, architectural et esthétique un intérêt public à être protégée.

Art. 3.- La présente décision est susceptible d'un recours en annulation devant le Tribunal administratif de et à Luxembourg. Ce recours doit être intenté par ministère d'avocat dans les trois mois de la notification du présent arrêté au moyen d'une requête à déposer au secrétariat du Tribunal administratif.

Art. 4.- Le présent arrêté est notifié au propriétaire concerné et à la Ville de Luxembourg, pour information et gouverne. […] ».

Ledit arrêté ministériel du 1er février 2018 fut notifié à la société … par le biais d’un courrier recommandé du même jour.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 avril 2018, la société … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de l’arrêté ministériel du 1er février 2018, précité.

Aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en la présente matière, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation introduit contre l’arrêté ministériel du 1er février 2018, ledit recours étant encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Le tribunal, saisi d’un recours en annulation, vérifie si les motifs sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et contrôle si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés.

Le tribunal n’étant pas lié par l’ordre des moyens dans lequel ils lui ont été soumis, il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

Il appartient, par ailleurs, en l’espèce, d’abord au tribunal de vérifier la légalité extrinsèque de l’acte lui déféré, avant de se livrer, par le biais de l’examen de la légalité des motifs, au contrôle de sa légalité intrinsèque.

La société demanderesse sollicite l’annulation de l’arrêté ministériel déféré au motif que l’article 1er du règlement grand-ducal du 17 mars 1998 fixant les modalités d’application de l’article 17 de la loi du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 17 mars 1998 », en conférant au ministre la compétence pour procéder à l’inscription d’un immeuble à l’inventaire supplémentaire, serait contraire à l’article 32 (3), de la Constitution, alors que la loi du 18 juillet 1983 et plus particulièrement son article 17 ne détermineraient pas l’autorité compétente pour procéder à l’inscription d’un immeuble à l’inventaire supplémentaire, et ce, alors même qu’une telle inscription, en ce qu’elle limiterait l’usage du droit de propriété, tel que consacré à l’article 16 de la Constitution, relèverait d’une matière réservée à la loi au sens de l’article 32 (3) de la Constitution.

En conséquence, le règlement grand-ducal du 17 mars 1983 devrait être écarté sur base de l’article 95 de la Constitution pour être contraire à celui-ci.

La partie étatique conclut, quant à elle, au rejet de ce moyen, en se contentant de renvoyer à la version de l’article 17 de la loi du 18 juillet 1983 issue de la loi du 3 mars 2017, dite Omnibus.

Le tribunal est tout d’abord amené à relever que le moyen d’inconstitutionnalité tel qu’invoqué par la société demanderesse est fondé sur la prémisse erronée que l’article 17 de la loi du 18 juillet 1983 serait applicable à la décision déférée dans sa version initiale. Or, la loi du 3 mars 2017, dite Omnibus, a, entre autres, remplacé les alinéas 1er à 3 de l’article 17 de la loi du 18 juillet 1983, dont la teneur était, au moment de la prise de l’arrêté ministériel litigieux, la suivante : « Les immeubles répondant à la définition établie à l’article 1er, alinéa 1er, qui, sans justifier une demande de classement immédiat, présentent cependant un intérêt suffisant pour en rendre désirable la préservation, sont inscrits sur une liste appelée inventaire supplémentaire.

Il en est de même des immeubles définis à l’alinéa 3 de l’article 1er. Sauf les cas d’urgence, la Commission des Sites et Monuments nationaux et le conseil communal de la ou des communes où se trouve l’immeuble sont entendus en leurs avis, lesquels doivent être produits dans le délai de trois mois à partir de la notification de la proposition d’inscription.

Passé ce délai, la proposition est censée agréée.

L’arrêté ministériel portant inscription sur la liste visée ci-dessus est notifié par lettre recommandée aux propriétaires et entraîne pour eux l’obligation de ne procéder à aucune modification de l’immeuble ou partie de l’immeuble inscrit sans avoir, trente jours auparavant, informé par écrit le Ministre de leur intention et indiqué les travaux qu’ils se proposent d’effectuer. […] ».

Il se dégage, à cet égard, des travaux préparatoires de la loi du 3 mars 2017 que le législateur a décidé de modifier les alinéas 1er à 3 de l’article 17 de la loi du 18 juillet 1983 afin de conférer une base légale au pouvoir de décision du ministre et ce, sur base du constat que, conformément à une jurisprudence constante des juridictions administratives, le ministre n’était pas légalement habilité à inscrire un immeuble sur l’inventaire supplémentaire, et que la compétence afférente, ancrée dans le règlement grand-ducal du 17 mars 1998 avait conduit à maintes reprises à des annulations par les juridictions administratives.

Ainsi, contrairement à l’ancien article 17 qui ne précisait pas expressément l’organe compétent pour inscrire un immeuble à l’inventaire supplémentaire, l’article 17 précise dans son nouvel alinéa 1er issu de la loi du 3 mars 2017 que l’inscription à l’inventaire supplémentaire se fait par arrêté ministériel, tandis qu’il se dégage de l’article 2 de la même loi que le terme de « ministre » désigne, dans le cadre de la loi en question, le ministre ayant dans ses attributions les affaires culturelles.

L’exception d’illégalité du règlement grand-ducal du 17 mars 1998 telle que soulevée par la société demanderesse, en ce qu’elle est fondée sur la prémisse erronée que la loi du 18 juillet 1983, respectivement son article 17 ne détermineraient pas l’autorité compétente pour procéder à l’inscription d’un immeuble, est dès lors à rejeter pour ne pas être fondée.

A titre superfétatoire, le tribunal tient à relever que, de toute façon, même en l’absence de détermination expresse dans la loi du 18 juillet 1983 de l’autorité compétente pour inscrire un immeuble à l’inventaire supplémentaire, il y a lieu de relever que l’arrêté royal grand-ducal modifié du 9 juillet 1857 portant organisation du Gouvernement grand-ducal arrête en son article 1er la composition du Gouvernement. Son article 4 dispose que chaque membre du gouvernement a la direction d’un département ministériel, tandis que, suivant son article 5, chaque membre du gouvernement exerce, relativement aux affaires de son département, les attributions que la Constitution, les lois et les règlements attribuent aux Conseillers de la Couronne, aux Administrateurs généraux et au Gouvernement.

Pour la période pertinente dans laquelle s’inscrit l’arrêté ministériel déféré, c’est l’arrêté grand-ducal du 23 décembre 2013 portant constitution des Ministères qui porte énumération des ministères avec, au numéro 4 de son article 1er, le Ministère de la Culture.

Suivant l’arrêté grand-ducal du 23 décembre 2013 portant constitution des ministères pour la période pertinente, l’article 1er prévoit sous son point 4 intitulé « Ministère de la Culture » à la rubrique 1. notamment la « Protection du Patrimoine » et la « Politique architecturale », ainsi que la « Commission des Sites et Monuments Nationaux », tandis que sous la rubrique 3 figure in fine le « Service des Sites et Monuments Nationaux ».

Il résulte de l’ensemble des dispositions de l’ordonnancement juridique précitées concernant la mise en place de la structure du Gouvernement que, de manière générale, pour une matière donnée, le ministre dans le département ministériel duquel elles tombent, revêt une compétence de principe pour prendre les décisions administratives individuelles relevant ratione materiae des attributions tombant sous la compétence de son ministère. De manière ponctuelle, la matière de l’inscription d’un immeuble à l’inventaire supplémentaire des monuments nationaux relève du patrimoine culturel national, tombant lui-même dans le champ d’activité du Service des Sites et Monuments Nationaux (SSMN), ainsi que de la COSIMO, tous ces domaines relevant du département du Ministère de la Culture.

Il s’ensuit que, même en l’absence d’une désignation expresse, la compétence du ministre ayant la Culture dans ses attributions, en l’occurrence le ministre de la Culture, se trouve vérifiée en principe, sauf dérogation expresse non vérifiée comme telle au niveau de l’ordonnancement juridique existant. Ledit ministre se trouve dès lors revêtu de la compétence pour prendre toute décision administrative individuelle concernant une matière relevant du champ d’attribution de son ministère. Plus particulièrement, s’agissant même d’une matière réservée, point n’est besoin que la loi énonce de manière expresse parmi les conditions, modalités et fins suivant lesquels les éléments moins essentiels peuvent être réglés par des règlements et arrêtés pris par le Grand-Duc, la compétence du ministre à la tête du département ministériel dont relève la matière concernée pour inscrire un immeuble à l’inventaire supplémentaire des monuments nationaux, opération visée précisément par l’article 17 de la loi du 18 juillet 19831.

La société … reproche ensuite au ministre d’avoir violé son obligation de statuer dans un délai raisonnable, tel que consacré à l’article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH).

A cet égard, la société demanderesse fait valoir que la procédure d’inscription à l’inventaire supplémentaire de son immeuble aurait abouti seulement au bout de quatre ans, sans que le ministre n’établisse de quelque manière que ce soit qu’il aurait été procédé à des visites, des expertises ou bien des contre-expertises pouvant justifier une période d’attente aussi longue entre le courrier ministériel du 1er juillet 2014 portant information de son intention d’inscrire l’immeuble à l’inventaire supplémentaire et l’arrêté ministériel litigieux du 1er février 2018.

La société demanderesse explique s’être trouvée dans une situation d’insécurité juridique pendant toute cette période, alors qu’elle aurait entendu lancer un projet de construction.

Dans son mémoire en réponse, la partie étatique conclut au rejet de ce moyen en faisant valoir que suite au courrier ministériel du 1er juillet 2014, les propriétaires de l’immeuble litigieux et leur avocat se seraient manifestés pour s’opposer au projet d’inscription à l’inventaire supplémentaire et qu’une visite des lieux aurait été effectuée en automne de la même année, visite lors de laquelle l’intérêt patrimonial non seulement de l’immeuble litigieux, mais surtout de l’ensemble des trois maisons dont il ferait partie, se serait confirmé pour les représentants étatiques.

Elle ajoute qu’à cette même époque, tout aurait porté à croire que comme la Ville de Luxembourg préparait une modification ponctuelle de son plan d’aménagement général relative aux ensembles sensibles, l’ensemble constitué par les trois immeubles en question bénéficierait de ces nouvelles dispositions. Elle précise, à cet égard, que la modification ponctuelle du PAG aurait été introduite en date du 26 janvier 2015 et que, dans son avis du 4 juin 2015, la Commission d’aménagement du ministère de l’Intérieur aurait mentionné les trois immeubles en question, tout en demandant qu’ils soient reconnus dans un ensemble sensible.

Or, lorsqu’en décembre 2015, le ministre de l’Intérieur a approuvé la modification du PAG, les maisons en question n’auraient toutefois pas été prises en considération.

La partie étatique explique encore que, par la suite, la Ville de Luxembourg aurait également procédé à la refonte complète de son PAG et que le nouveau PAG serait entré en procédure le 13 juin 2016 et il aurait été validé par le ministre de l’Intérieur le 5 octobre 2017, tout en insistant sur le fait qu’alors même que, dans son avis du 17 octobre 2016, la Commission d’aménagement aurait de nouveau repris les trois maisons afin de les faire bénéficier cette fois-

ci d’une protection au niveau communal, la Ville de Luxembourg n’aurait pas donné suite à cette demande.

1 Cour adm. 3 juin 2014, n°33873C du rôle, Pas. adm. 2018, V° Sites et monuments, n°11.

Ce serait au vu de ces considérations que le ministre, en ce qu’il aurait été convaincu de la valeur patrimoniale des immeubles en question et à défaut de protection communale ayant pu substituer une protection nationale, n’aurait pas eu d’autre choix que de procéder, quatre mois après l’entrée en vigueur du nouveau PAG, à une inscription de l’immeuble litigieux à l’inventaire supplémentaire.

La partie étatique ajoute que rien n’aurait empêché les propriétaires de l’immeuble litigieux de lancer un projet de construction entre 2014 et 2018. En effet, elle estime que, dans la mesure où, contrairement aux immeubles faisant l’objet d’une procédure de classement, ceux dont il est prévu de les inscrire à l’inventaire supplémentaire ne bénéficieraient pas d’une protection au cours de la procédure de protection, ils auraient pu à tout moment introduire un tel projet auprès de la Ville de Luxembourg. Elle précise que, lors d’une rencontre en date du 16 décembre 2016 avec l’un des propriétaires de l’immeuble litigieux, celui-ci aurait informé l’architecte du SSMN qu’aucun projet n’était envisagé à court terme sur le terrain en question et que les propriétaires ne seraient pas pressés de procéder à une réalisation immobilière.

Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse fait valoir que les explications étatiques ne feraient que démontrer l’acharnement avec lequel le ministre aurait voulu faire classer la maison litigieuse, ainsi que les deux autres avec lesquelles elle formerait un ensemble. Elle insiste sur le fait que pendant toute cette période, la Ville de Luxembourg n’aurait jamais donné suite aux demandes de protection du ministre.

Elle maintient également qu’elle se serait retrouvée dans une situation d’insécurité juridique pendant toute la période en cause, tout en contestant que l’un des propriétaires de l’immeuble litigieux ait, lors d’un entretien du 16 décembre 2016 avec l’architecte du SSMN, tenu les propos décrits par la partie étatique.

Elle avance que dans la mesure où la Ville de Luxembourg aurait été au courant de la procédure d’inscription à l’inventaire supplémentaire lancée par le ministre, il y aurait lieu de partir du principe qu’elle n’aurait jamais consenti à valider un projet susceptible d’engendrer un litige. Elle souligne, par ailleurs, ne pas avoir voulu engager encore plus de frais pour un projet qui n’aurait pas été validé.

Elle conclut qu’en tout état de cause, la partie étatique ne prouverait pas que la lenteur de la procédure litigieuse s’expliquerait par des devoirs qui auraient dû être accomplis, tout en insistant sur le fait que la partie étatique resterait, par ailleurs, en défaut de fournir les courriers qui auraient été échangés entre le ministre et la Ville de Luxembourg entre juin 2015 et octobre 2016.

Dans son mémoire en duplique, la partie étatique renvoie, en substance, à ses écrits précédents, en insistant sur le fait qu’elle n’aurait pas renvoyé dans son mémoire en réponse à des courriers ministériels datant de juin 2015 et octobre 2016, tel que l’exposerait erronément la société demanderesse, mais à deux avis de la commission d’aménagement du ministère de l’Intérieur mentionnant les trois immeubles en question et demandant la reconnaissance de ceux-ci dans un ensemble sensible.

Le tribunal est tout d’abord amené à relever que s’il est vrai que le principe du respect du délai raisonnable en tant que principe général de droit administratif, existant au-delà du champ d’application de l’article 6 de la CEDH et imposant à l’administration d’adopter ses décisions dans un délai raisonnable, même lorsque la loi ne lui impose pas un délai obligatoire d’intervention, est susceptible de s’appliquer à toute matière, il ne peut être invoqué utilement pour tout type d’acte. Ainsi, le Conseil d’Etat belge retient que le moyen fondé sur la violation du principe du délai raisonnable n’est recevable que s’il présente un intérêt pour le requérant, si l’acte a des effets défavorables sur la situation de celui-ci, en l’occurrence parce qu’il est sanctionné, qu’un avantage lui a été retiré ou qu’il a été évalué défavorablement2. Or, la décision déférée ne correspond à aucun des cas de figure énumérés ci-avant.

En l’espèce, annuler l’arrêté litigieux pour violation du principe général du délai raisonnable au titre d’un vice de procédure comme l’entend la société demanderesse, amènerait inéluctablement le ministre à se prononcer une nouvelle fois sur l’inscription de la maison litigieuse à l’inventaire supplémentaire plaçant de ce fait la société … de nouveau dans l’expectative quant à l’inscription de sa maison, le but d’une bonne administration étant de fixer le destinataire d’un acte administratif sur le sort que lui réserve l’autorité administrative le plus rapidement possible.

Le tribunal relève, à cet égard, également que si la société demanderesse invoque, en l’espèce, la situation d’insécurité juridique dans laquelle elle se serait retrouvée du fait qu’elle n’aurait pas pu lancer un projet de construction, il n’en reste pas moins que contrairement à ce qui est le cas dans le cadre de la procédure de classement où tous les effets du classement s’appliquent à l’immeuble concerné à compter du jour où le ministre notifie au propriétaire sa proposition de classement, un immeuble dont il est proposé de l’inscrire à l’inventaire supplémentaire ne bénéficie d’aucune protection jusqu’à son inscription effective.

Il y a ainsi lieu de retenir que la méconnaissance du délai raisonnable, en l’absence d’obligation légale pour le ministre de prendre une décision d’inscription dans un délai prévu et en l’absence d’effets défavorables affectant la situation personnelle de la société demanderesse antérieurement à l’adoption de l’arrêté d’inscription à l’inventaire supplémentaire, est, en l’espèce, sans incidence sur la validité de la décision administrative prise à l’issue de la procédure précontentieuse.

A cela s’ajoute que si, comme l’affirme la société demanderesse, l’absence de prise d’une décision endéans un certain délai l’avait effectivement placée dans une situation d’insécurité juridique, rien ne l’aurait empêchée de s’adresser entretemps au ministre afin de s’enquérir de l’état d’avancement de la procédure d’inscription à l’inventaire supplémentaire.

Or, il se dégage des pièces versées en cause que depuis une visite des lieux s’étant tenue le 6 novembre 2014 et un courrier de son précédent litismandataire du 15 décembre 2014 réitérant son opposition à l’inscription de son immeuble à l’inventaire supplémentaire, la société demanderesse n’a plus eu d’échange avec le ministre. Or, si l’adoption d’une attitude purement passive est humainement compréhensible en l’espèce, la société demanderesse étant opposée à l’inscription de sa maison à l’inventaire supplémentaire, celle-ci se trouve néanmoins en contradiction avec l’invocation d’une violation du principe général du délai raisonnable.

Il s’ensuit que le moyen afférent est dès lors également à rejeter.

La société demanderesse invoque, ensuite, une violation de l’article 40 de la loi du 18 juillet 1983 au motif que les avis de la COSIMO des 27 mars 2014 et 17 janvier 2018 auxquels l’arrêté ministériel du 1er février 2018 se référerait, ne lui auraient jamais été transmis et ce, 2 Emmanuel Gourdin et Michel Kaiser, Les principes généraux de droit administratif, éditions Larcier, p.625 et 628.

alors même qu’il n’y aurait manifestement pas eu péril en la demeure au vu de la lenteur de la procédure.

Elle insiste, à cet égard, sur le fait qu’en exécution de l’article 4 de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, les règles établies par le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », s’appliqueraient à toutes les décisions administratives individuelles pour lesquelles un texte particulier n’organiserait pas une procédure spéciale présentant au moins des garanties équivalentes pour l’administré.

Il serait constant en cause que le règlement grand-ducal du 14 décembre 1983 fixant la composition et le fonctionnement de la COSIMO prévue à l’article 40 de la loi du 18 juillet 1983 ne règlerait pas la forme et le contenu du document reflétant l’avis donné. Ces modalités seraient, en effet, toisées par le seul article 4, alinéa 2, du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 qui serait applicable par voie de conséquence en la matière.

Or, contrairement à ce qui serait requis à l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, les avis de la COSIMO ne lui auraient, en l’espèce, pas été transmis, de sorte qu’elle aurait été mise dans l’impossibilité de vérifier le respect de la procédure légalement prévue. A cela s’ajouterait que l’avis du conseil communal de la Ville de Luxembourg ne lui aurait pas non plus été transmis et ce, alors même que celui-ci pourrait être opposé à celui de la COSIMO.

Elle estime que ce défaut de communication des avis en question constituerait également une violation de l’article 6 de la CEDH, alors qu’elle ne disposerait pas de tous les éléments nécessaires à son recours.

En conséquence et compte tenu de la violation des règles de forme et de l’absence de transmission des documents reflétant les avis donnés par la COSIMO et le conseil communal de la Ville de Luxembourg, il y aurait lieu d’annuler l’arrêté ministériel dont il serait impossible de connaître et de vérifier la base sur laquelle il repose.

Dans son mémoire en réponse, la partie étatique conclut au rejet de ce moyen en renvoyant à un arrêt de la Cour administrative du 8 octobre 2013, inscrit sous le numéro 32619C du rôle, pour soutenir que le ministre n’aurait été obligé ni de joindre les avis en question à l’arrêté ministériel ni de les communiquer spontanément à la société demanderesse.

Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse, réitère, en substance, les développements contenus dans sa requête introductive d’instance. Tout en concédant que les avis de la COSIMO lui auraient finalement été transmis, elle insiste sur le fait que l’avis du conseil communal de la Ville de Luxembourg ne lui aurait toujours pas été communiqué, de sorte qu’elle ne pourrait pas vérifier le respect de la procédure telle que prévue légalement, ce qui violerait son droit à un procès équitable et ses droits de la défense.

Elle estime qu’en tout état de cause, en omettant de mettre à sa disposition les avis du conseil communal et en ne mettant pas plus tôt à sa disposition ceux de la COSIMO, le ministre aurait, par ailleurs, violé l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979.

Dans son mémoire en duplique, la partie étatique insiste sur le fait que, tel que cela serait exigé par la loi, la Ville de Luxembourg se serait bien vu demander son avis. Comme elle n’aurait toutefois pas transmis son avis au ministre, celui-ci aurait été dans l’impossibilité de communiquer un tel avis à la société demanderesse. Elle souligne, par ailleurs, que l’intégralité du dossier administratif aurait été déposé au greffe du tribunal administratif et qu’en tout état de cause, il ne saurait être conclu à une violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, alors que l’Etat n’aurait pas pu communiquer une pièce dont il ne serait pas en possession.

En ce qui concerne la violation alléguée de l’article 40 de la loi du 18 juillet 1983, en ce que les avis de la COSIMO auxquels se réfère l’arrêté ministériel litigieux n’auraient pas été transmis à la société demanderesse et ce, alors même qu’il n’y aurait pas eu péril en la demeure, il y a tout d’abord lieu de relever qu’encore qu’au moment de la prise de la décision actuellement litigieuse, la loi du 18 juillet 1983, telle que modifiée suite à l’entrée en vigueur de la loi dite Omnibus, était applicable, il n’en reste pas moins que le moyen invoqué par la société demanderesse s’inscrit dans le cadre du respect, par le ministre, de la procédure ayant précédé la prise de la décision actuellement litigieuse et plus particulièrement au moment où il a notifié, en date du 1er juillet 2014, la proposition d’inscription de l’immeuble litigieux à l’inventaire supplémentaire. Dans la mesure où au moment de la notification de la proposition d’inscription à l’inventaire supplémentaire, la loi du 18 juillet 1983 dans sa version issue de la loi dite Omnibus, n’était pas encore applicable, l’examen du respect, par le ministre, de la procédure entourant la saisine de la COSIMO ne saurait se faire par rapport aux nouvelles dispositions de la loi du 18 juillet 1983 issues de la loi dite Omnibus, sous peine de conférer à cette loi un effet rétroactif, contraire à l’article 2 du Code civil.

Or, l’article 40 de la loi du 18 juillet 1983, dans sa version applicable au moment de la notification de la proposition d’inscription de l’immeuble litigieux à l’inventaire supplémentaire, disposait comme suit : « Il est créé une Commission des Sites et Monuments nationaux dont la composition et le fonctionnement sont fixés par règlement grand-ducal. Ce même règlement grand-ducal détermine les modalités de la coopération entre la Commission des Sites et Monuments nationaux et le Service des Sites et Monuments nationaux. Sauf dans les cas d’urgence, la Commission est consultée pour toutes les mesures à prendre par le Gouvernement en exécution des dispositions qui précèdent. La commission propose d’office les mesures qu’elle juge nécessaires dans l’intérêt de la conservation, de la protection et de la mise en valeur des sites et monuments nationaux. ».

L’article 40 de la loi du 18 juillet 1983 prévoit ainsi que, sauf dans les cas d’urgence, la COSIMO est consultée pour toutes les mesures à prendre par le Gouvernement en exécution des dispositions de la loi du 18 juillet 1983 et dès lors également lorsque le ministre envisage de procéder à l’inscription d’un immeuble à l’inventaire supplémentaire, étant encore relevé que cette obligation de consultation préalable de la COSIMO est précisée à l’article 1er du règlement grand-ducal du 17 mars 1998, aux termes duquel : « Sauf les cas d’urgence ou s’il y a péril en la demeure, la Commission des sites et monuments nationaux et le conseil communal de la ou des communes où se trouve l’immeuble sont entendus en leurs avis, lesquels doivent être produits dans le délai de trois mois à partir de la notification de la proposition d’inscription. Passé ce délai, la proposition est censée être agréée. ».

D’après l’article 4 de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, les règles établies par le règlement grand-ducal du 8 juin 1979, précité, s’appliquent à toutes les décisions administratives individuelles pour lesquelles un texte particulier n’organise pas une procédure spéciale présentant au moins des garanties équivalentes pour l’administré.

Il est constant en cause que le règlement grand-ducal du 14 décembre 1983, précité, qui a été pris en exécution de l’article 40 de la loi du 18 juillet 1983, fixe la composition et le fonctionnement de la COSIMO prévue audit article 40 de la loi du 18 juillet 1983, mais il ne règle pas la forme et le contenu du document reflétant l’avis donné, modalités toisées par le seul article 4, alinéa 2, du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, applicable par voie de conséquence en la matière, conformément à l’article 4 de la loi du 1er décembre 1978 précitée.

Aux termes de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité : « Les avis des organismes consultatifs pris préalablement à une décision doivent être motivés et énoncer les éléments de fait et de droit sur lesquels ils se basent.

Lorsqu’il s’agit d’un organisme collégial, l’avis doit indiquer la composition de l’organisme, les noms des membres ayant assisté à la délibération et le nombre de voix exprimées en faveur de l’avis exprimé. Les avis séparés éventuels doivent être annexés, sans qu’ils puissent indiquer les noms de leurs auteurs ».

Force est de constater qu’aucune des dispositions légale ou réglementaire précitées n’impose que l’avis de la COSIMO soit communiqué spontanément par l’administration au propriétaire d’un immeuble faisant l’objet d’une proposition d’inscription ni qu’il soit joint, par après, à l’arrêté portant inscription d’un immeuble à l’inventaire supplémentaire.

Le même constat s’impose en ce qui concerne l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, aux termes duquel : « (1) Sauf s’il y a péril en la demeure, l’autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d’office pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors d’une initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l’amènent à agir. (2) Cette communication se fait par lettre recommandée.

Un délai d’au moins huit jours doit être accordé à la partie concernée pour présenter ses observations. (3) Lorsque la partie concernée le demande endéans le délai imparti, elle doit être entendue en personne. (4) L’obligation d’informer la partie concernée n’existe que pour autant que l’autorité compétente est à même de connaître son adresse. Les notifications sont valablement faites à l’adresse indiquée par la partie ou résultant de déclarations officielles. ».

En effet, contrairement à ce que soutient la société demanderesse, ledit article n’impose pas non plus que les avis des organismes consultatifs soient transmis spontanément à l’administré.

A cela s’ajoute que l’article 17, alinéa 3, de la loi du 18 juillet 1983, dans sa version, cette fois-ci, applicable au moment de la prise de l’arrêté ministériel litigieux, impose, par ailleurs, uniquement que l’arrêté ministériel portant inscription à l’inventaire supplémentaire soit communiqué au propriétaire de l’immeuble faisant l’objet de la proposition d’inscription.

Il s’ensuit que la circonstance que les avis de la COSIMO n’aient pas été annexés à l’arrêté ministériel du 1er février 2018, respectivement communiqués préalablement à la société demanderesse ne vicie pas ladite décision, dans la mesure où, à défaut d’un texte l’y obligeant, l’administration n’est pas tenue de communiquer les avis recueillis aux personnes concernées en l’absence d’une demande de communication de l’intéressé, à moins que dans sa décision, elle renvoie à la motivation contenue à l’avis3. Si en l’espèce, le ministre s’est certes référé aux avis de la COSIMO, il ne s’est pas contenté de s’y rallier, mais a explicitement énoncé dans sa décision les motifs justifiant, selon lui, l’inscription à l’inventaire supplémentaire, lesquels se recoupent avec ceux des avis de la COSIMO.

Le tribunal relève encore que, contrairement à ce qu’affirme la société demanderesse, il ne se dégage pas des éléments soumis à son appréciation que ladite société aurait demandé à se voir communiquer les avis de la COSIMO pendant la phase précontentieuse sans qu’il n’ait été donné suite à une telle demande.

Il suit des considérations qui précèdent que le moyen fondé sur une violation des articles 40 de la loi du 18 juillet 1983, ainsi que 4 et 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 au motif que les avis de la COSIMO ne lui auraient pas été transmis préalablement à la prise de l’arrêté litigieux sont à rejeter pour ne pas être fondés.

La société demanderesse est finalement d’avis que même si les avis de la COSIMO avaient entretemps été fournies par la partie étatique, encore que tardivement, il n’en resterait pas moins que l’avis du conseil communal de la Ville de Luxembourg n’aurait toujours pas été versé, de sorte qu’elle ne pourrait pas vérifier le respect de la procédure telle que prévue légalement, ce qui violerait son droit à un procès équitable et ses droits de la défense.

Dans la mesure où il se dégage toutefois des explications non contestées de la partie étatique qu’alors même qu’une demande d’avis a été adressée au conseil communal de la Ville de Luxembourg, celui-ci n’y a pas donné suite, aucun reproche ne saurait être adressé à la partie étatique pour ne pas avoir produit l’avis en question ensemble avec le dossier administratif, étant, à cet égard, relevé qu’une telle hypothèse de non réponse par l’organisme consultatif sollicité dans le délai imparti est justement envisagée à l’article 1er du règlement grand-ducal du 17 mars 1998, précité, ledit article prévoyant, en effet, qu’en cas d’absence de production d’un avis dans le délai de trois mois à partir de la notification de la proposition d’inscription, la proposition est censée être agréée par l’organisme consultatif en question.

Au vu des considérations qui précèdent, le moyen fondé sur une violation du droit à un procès équitable, respectivement des droits de la défense est à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne ensuite la légalité intrinsèque de l’acte attaqué, la partie demanderesse conteste tout d’abord la matérialité des faits sur lesquels le ministre s’est basé pour décider d’inscrire l’immeuble litigieux à l’inventaire supplémentaire, tout en insistant sur le fait que, dans la mesure où une telle inscription aurait vocation à limiter l’usage du droit de propriété, les dispositions légales y afférentes seraient à interpréter de manière stricte.

Elle soutient ensuite que l’arrêté ministériel litigieux ne reposerait sur aucune des bases prévues à l’article 1er de la loi du 18 juillet 1983. Elle estime, en effet, que la maison en cause ne présenterait pas un intérêt suffisant pour en rendre désirable la préservation. Elle reproche, dans ce contexte, au ministre d’avoir considéré que ledit immeuble présenterait notamment un intérêt architectural et ce, alors même qu’une telle notion ne figurerait pas à l’article 1er, alinéa 1er, de la loi du 18 juillet 1983.

3 Trib. adm. 11 juin 1997, n° 9641 du rôle Pas. adm. 2018, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 29 et les autres références y citées.

Le ministre serait, par ailleurs, resté en défaut de justifier à suffisance en quoi l’immeuble litigieux présente un quelconque intérêt artistique, esthétique, scientifique, technique, industriel, voire public, justifiant son inscription.

Il s’ensuivrait que le ministre n’établirait pas la matérialité des faits sur lesquels il s’est basé pour prendre sa décision.

La société demanderesse insiste, à cet égard, sur le fait que le ministre l’aurait informée par courrier du 1er juillet 2014 de son intention de faire inscrire l’immeuble litigieux à l’inventaire supplémentaire sans même s’être déplacé pour visiter ledit immeuble. Elle estime dès lors qu’il n’aurait nullement été tenu compte de l’aspect intérieur de celui-ci.

L’absence de visite préalable serait encore confirmée par le fait que l’affirmation ministérielle suivant laquelle il existerait une annexe à l’immeuble litigieux serait erronée, ladite annexe se situant, selon la société demanderesse au niveau de l’immeuble sis au numéro … ….

Elle dénie ensuite tout intérêt particulier d’un point de vue historique à l’immeuble litigieux en insistant sur le fait que s’il avait certes été érigé en 1932, il n’en resterait pas moins que la Ville de Luxembourg compterait de nombreux autres immeubles de ce type.

Elle estime, par ailleurs, que la motivation principale à l’appui de l’avis de la COSIMO suivant laquelle, dans son temps, des artisans se seraient établis progressivement dans le quartier du … serait dénuée de pertinence, ce d’autant plus que les artisans en question auraient tous disparu depuis longtemps dans ce quartier, en laissant la place, entre autres, à des stations-

services, des banques, des établissements financiers et autres.

La société demanderesse en conclut que ce serait à tort que le ministre se fonde sur un quelconque intérêt historique, de même que d’ailleurs sur un intérêt esthétique, alors que, selon elle, l’immeuble serait à qualifier « d’insignifiant et blafard ». Elle estime, par ailleurs, que l’existence, telle qu’invoquée par le ministre, d’un axe de symétrie entre la maison sise au numéro … et l’immeuble litigieux sis au numéro …, serait à qualifier de « générale et peu congruente ». A cela s’ajouterait que l’aspect modeste de l’extérieur de la maison en question ne serait pas digne d’une mesure de protection renforcée.

Dans son mémoire en réponse, la partie étatique insiste sur le fait qu’il existerait, en l’espèce, un intérêt suffisant pour inscrire l’immeuble litigieux à l’inventaire supplémentaire au motif que, d’un point de vue historique, architectural et esthétique, il devrait être considéré comme étant un pionnier urbanistique du quartier. Il s’agirait, en effet, avec les deux maisons voisines, d’une des premières opérations immobilières de l’endroit après les travaux de démantèlement de la forteresse.

Elle ajoute qu’en analysant le plan Stübben de 1901, il pourrait être constaté que les maisons situées aux numéros …, … et …, n’auraient pas connu de voisins et que ladite rue n’aurait presque pas compté d’autres bâtiments à l’époque.

La partie étatique fait ensuite valoir qu’il y aurait lieu de rectifier la datation historique telle qu’indiquée dans l’arrêté ministériel litigieux, alors que la date de construction de l’immeuble litigieux se situerait « davantage plus en arrière ». Elle explique, à cet égard, que de nouveaux éléments seraient apparus qui permettraient d’attribuer un âge plus important audit bâtiment qu’il faudrait, en effet, situer à la fin du XIXe siècle. Elle renvoie plus particulièrement à un extrait du « Plan d’ensemble des alignements du … de 1901 », qui aurait été commandé par la Ville de Luxembourg et dressé par l’urbaniste allemand Josef Stübben, et qui reprendrait les immeubles déjà existant à l’époque, dont notamment la maison litigieuse, ainsi que les maisons avoisinantes se situant toutes à l’extrémité Sud du quartier.

La partie étatique met également en avant que dans son analyse historique, établie par le docteur …, expert en restauration et conservation, pour la maison voisine située au numéro … …, celui-ci proposerait comme date de construction l’année 1882, année lors de laquelle les bâtiments en question auraient, en effet, été repérés pour la première fois par le cadastre.

Elle ajoute que s’il était malheureux que la datation invoquée pour la première fois au cours de la procédure contentieuse soit contraire à celle figurant dans le dossier ministériel, il n’en resterait pas moins que cette nouvelle information conférerait une importance encore plus grande au patrimoine en question.

Elle conteste, par ailleurs, que l’immeuble litigieux puisse être qualifié d’ « insignifiant et de blafard », alors qu’il ne faudrait pas perdre de vue qu’il s’agirait de l’un des premiers bâtiments érigés après le démantèlement de la forteresse, de sorte à constituer ensemble avec les deux autres bâtiments, aussi bien d’un point de vue de l’histoire sociale qu’au niveau de leur expression architecturale, un petit ensemble témoignant des activités architecturales et urbanistiques de la « Ville ouverte ».

La partie étatique fait également valoir qu’à côté des somptueuses villas construites aux boulevards Royal et Joseph II, la maison litigieuse témoignerait d’une « autre vie urbaine, voire [d’]une autre couche sociale », alors que ce seraient les artisans, artistes et commerçants qui auraient commencé à s’établir sous une nouvelle forme « dans cette toute jeune capitale d’un pays indépendant ».

Elle relève, par ailleurs, que, pour ce qui est de l’identité architecturale des façades principales, il y aurait lieu de tenir compte de la « composition rigoureuse affichant un équilibre intéressant au niveau des surfaces pleines et vides », qui n’aurait plus rien à voir avec « l’expression plus archaïque et plus fermé[e] des immeubles de la Ville fortifiée ». En effet, elle fait remarquer que l’élévation sur rue proposerait de grandes baies et, par conséquent, des surfaces minérales moins importantes, ce qui témoignerait de la volonté d’exprimer un « nouvel esprit accueillant le passant et le visiteur de la Ville autrement qu’au temps des portes et remparts ».

En guise de conclusion, la partie étatique insiste sur le fait que la maison litigieuse devrait être reconnue « comme figurant d’un petit ensemble » et que comme la construction de la nouvelle Ville aurait été un grand projet social et commun, ce serait cet ensemble qui constituerait un précieux témoin de l’esprit de l’époque de la fondation de l’Etat luxembourgeois.

Pour ce qui est des finitions intérieures de l’immeuble, elle précise que la plupart des finitions historiques seraient encore en place et informeraient ainsi également de « l’ère de construction. ».

Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse, tout en renvoyant à ses développements antérieurs, insiste sur le fait que l’immeuble litigieux ne présenterait pas un intérêt suffisant pour en rendre désirable la conservation.

Il ne se dégagerait pas non plus du mémoire en réponse étatique dans quelle mesure ledit immeuble présenterait un quelconque intérêt artistique, esthétique, scientifique, technique, industriel ou encore un quelconque intérêt public, de sorte que la matérialité des faits sur lesquels le ministre s’est basé pour prendre sa décision resterait contestée.

Elle réitère, pour le surplus, que le courrier l’informant de la proposition d’inscription de l’immeuble litigieux à l’inventaire supplémentaire lui aurait été envoyé sans même que quelqu’un du ministère de la Culture ne se soit déplacé pour visiter l’immeuble et que, par ailleurs, l’aspect intérieur de l’immeuble n’aurait nullement été pris en compte dans le cadre de la prise de la décision, état de fait qui ne serait d’ailleurs pas contesté par la partie étatique.

Elle ajoute qu’il ne serait pas étonnant que la datation de la construction soit approximative, alors que les documents présentés en cours de procédure contentieuse ne seraient pas des documents nouveaux, tout en insistant sur le fait que le ministre aurait disposé de quatre ans pour fournir une expertise complète de la situation.

Elle estime, par ailleurs, qu’au vu des propos étatiques quant à la datation de l’immeuble, il y aurait lieu d’annuler la décision ministérielle prise sur base d’éléments incomplets.

Pour autant que de besoin, elle demande à voir ordonner une visite des lieux en présence de toutes les parties au litige, ainsi que d’un membre du conseil communal de la Ville de Luxembourg afin de constater que les arguments étatiques sont contraires à la réalité de la situation.

Finalement, elle maintient que l’immeuble litigieux ne pourrait pas être considéré comme étant un témoin authentique et caractéristique pour son époque de construction et du développement urbanistique de la Ville de Luxembourg, au motif qu’il n’y aurait aucun style ou époque auxquels ledit bâtiment pourrait être relié. Il ne serait, qui plus est, pas prouvé que l’immeuble relève d’une importance architecturale ou qu’il soit un témoin particulier pour l’histoire nationale, locale, sociale, politique, religieuse, militaire, technique ou industrielle, la société demanderesse estimant que le simple fait que des artisans aient pu y habiter ne suffirait pas à remplir lesdits critères.

Dans son mémoire en duplique, la partie étatique réitère, en substance, les développements contenus dans son mémoire en réponse, tout en concédant que si aucune visite des lieux n’avait eu lieu avant que la proposition d’inscription à l’inventaire ait été notifiée, il n’en resterait pas moins qu’une visite aurait eu lieu le 6 novembre 2014 en présence de la partie adverse et de son avocat de l’époque, ainsi que de représentants du SSMN et que lors de cette visite, il aurait pu être constaté que la plupart des finitions historiques avaient toujours été en place.

Tel que relevé ci-avant, l’article 17, alinéas 1er et 2, de la loi du 18 juillet 1983 dispose, dans sa version applicable au jour de la prise de la décision actuellement litigieuse, que « les immeubles répondant à la définition établie à l’article 1er, alinéa 1er de la même loi précitée de 1983 qui, sans justifier une demande de classement immédiat, présentent cependant un intérêt suffisant pour en rendre désirable la préservation, sont inscrits sur une liste appelée inventaire supplémentaire.

Il en est de même des immeubles définis à l’alinéa 3 de l’article 1er. […] ».

Sont ainsi visés, plus particulièrement par l’alinéa 1er de l’article 1er précité, applicable en l’espèce, « les immeubles, nus ou bâtis, dont la conservation présente au point de vue archéologique, historique, artistique, esthétique, scientifique, technique ou industriel, un intérêt public, […] en totalité ou en partie […] ».

En l’espèce, l’arrêté litigieux est fondé sur l’intérêt historique, architectural et esthétique de l’immeuble en cause. Il y a, à cet égard, tout d’abord lieu de préciser que s’il ressort d’une lecture restrictive du champ d’application de l’article 1er de la loi du 18 juillet 1983 que l’intérêt architectural n’est pas, en tant que tel, visé par le champ d’application de l’article 1er, alinéa 1er, précité, il n’en demeure pas moins que l’intérêt architectural est nécessairement visé par les concepts d’intérêt artistique, esthétique, historique voire même technique, la notion d’architecture recouvrant tant des considérations purement techniques que des considérations esthétiques et historiques, l’architecture étant, en effet, également le reflet d’une conception déterminée à un moment donné, tels qu’en témoignent les différents courants architecturaux, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a non seulement pu se baser sur l’éventuel intérêt historique et esthétique de l’immeuble litigieux, intérêts expressément visés par le champ d’application de la loi du 18 juillet 1983 précitée, mais également sur un prétendu intérêt architectural dudit immeuble qui se trouve, comme il se dégage de ce qui précède, également visé par le champ d’application de ladite loi.

Ensuite, il y a lieu de rappeler que dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à respecter le pouvoir d’appréciation du ministre, son contrôle consistant à vérifier si les faits à la base de la décision sont établis et si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits établis, seule une erreur manifeste d’appréciation de l’autorité ayant pris la décision déférée étant à sanctionner en conséquence. Il n’incombe, en effet, pas au juge administratif de substituer son appréciation à celle du ministre.

Quant à la matérialité des faits sur lesquels le ministre s’est basé pour inscrire la maison litigieuse à l’inventaire supplémentaire des monuments nationaux, le tribunal est amené à relever que tant dans le courrier portant notification de la proposition d’inscription à l’inventaire supplémentaire que dans l’arrêté portant inscription à ce même inventaire, l’intérêt historique, architectural et esthétique de l’immeuble litigieux a été motivé par le constat que la « maison unifamiliale sise … fait partie d’un ensemble de 3 maisons mitoyennes (BYT) érigées simultanément autour de 1932 » et repose ainsi sur la prémisse qu’il s’agirait d’une maison érigée au début du XXème siècle et serait typique pour cette époque, le ministre, et avant lui la COSIMO, ayant encore pris le soin de mettre notamment en avant que « L’aspect modeste de l’extérieur de cette maison mitoyenne est typique pour l’architecture domestique du début XXème siècle » et que la maison en question serait « un élément authentique et caractéristique de son époque de construction », qu’il a, tel que relevé ci-avant, située au début du XXème siècle, pour conclure qu’elle remplirait « les critères d’authenticité, de rareté, d’histoire sociale, de type de bâti, d’évolution du bâti et [qu’] elle est caractéristique de sa période de construction ». La COSIMO a d’ailleurs réitéré cette analyse dans sa séance du 17 janvier 2018 en donnant son avis relatif à « la demande de protection de Madame … du 22 janvier 2014 concernant la maison sise … à Luxembourg », dans lequel elle a également pris position par rapport aux caractéristiques des immeubles situés aux numéros … et … de ladite rue.

Force est toutefois de constater qu’au cours de la procédure contentieuse, la partie étatique a complété la motivation à la base de l’arrêté ministériel litigieux en expliquant que, depuis la prise de l’arrêté ministériel litigieux, de nouveaux éléments seraient apparus et que ceux-ci permettraient de situer l’immeuble en question non pas au début du XXème siècle, tel que cela se dégagerait du dossier ministériel, mais à la fin du XIXème siècle et plus particulièrement en 1882, tout en insistant sur le fait que la maison en question serait, de ce fait, à considérer comme un témoin des premières opérations immobilières de l’endroit après les travaux de démantèlement de la forteresse, ainsi que des activités architecturales et urbanistiques de la « Ville ouverte ».

Le tribunal se doit, à cet égard, de relever que dans la mesure où la faculté offerte par l’article 17, alinéa 1er, de la loi du 18 juillet 1983 au ministre d’inscrire à l’inventaire supplémentaire des immeubles répondant à la définition telle que figurant à l’article 1er, alinéa 1er, de la même loi et présentant un intérêt suffisant pour en rendre désirable la préservation, est susceptible de porter atteinte à la situation des propriétaires, il faut, en tout état de cause, que les caractéristiques, en l’occurrence d’ordre architectural, esthétique et historique sur lesquelles il s’est fondé pour conclure à l’existence d’un tel intérêt dans le chef de l’immeuble litigieux, apparaissent de manière évidente.

Tel que relevé ci-avant, les motifs ayant justifié l’inscription à l’inventaire supplémentaire, tels que se dégageant de l’arrêté actuellement litigieux, se recoupent avec ceux contenus dans les avis de la COSIMO qui a motivé l’intérêt suffisant à préserver l’immeuble litigieux - de même que les immeubles sis aux numéros … et … … -, en partant également de la prémisse que l’immeuble en question aurait été érigé simultanément avec les deux autres immeubles « autour de 1932 ».

Or, si, tel que le soutient pour la première fois la partie étatique en cours de procédure contentieuse, l’intérêt suffisant à préserver la maison litigieuse réside en réalité dans le fait qu’elle avait été érigée à la fin du XIXe siècle, de sorte à devoir être considérée comme un « pionnier urbanistique du quartier » du fait qu’il s’agirait « d’une des premières opérations immobilières de l’endroit après les travaux de démantèlement de la forteresse » et si ces caractéristiques avaient été à ce point évidentes dès le lancement de la procédure de préservation, elles auraient nécessairement dû être remarquées par les membres composant la COSIMO qui doivent, en effet, être considérés comme étant des experts en la matière et qui n’auraient alors pas caractérisé l’immeuble comme témoin des constructions des années 1930.

Cet état de fait à lui seul amène le tribunal, à l’instar de la société demanderesse, à la conclusion que l’immeuble ne peut pas être considéré comme présentant des caractéristiques faisant apparaître de manière évidente un intérêt à le voir conserver.

Cette conclusion est encore confortée par le fait que, malgré l’attitude incohérente adoptée par le ministre dans le dossier sous analyse et face aux contestations de la société demanderesse, qui affirme, en effet, que l’immeuble litigieux aurait bien été érigé en 1932 et non pas en 1882, la partie étatique reste en défaut de sous-tendre la motivation invoquée pour la première fois au cours de la procédure contentieuse par le moindre élément probant.

Ainsi, force est plus particulièrement de constater qu’elle ne verse pas l’analyse historique émanant du docteur …, expert en restauration et en conservation et qui proposerait finalement la date de 1882 comme date de construction probable dudit immeuble.

Le seul renvoi au plan Stübben de 1901 avec la précision que celui-ci permettrait de constater que les maisons situées aux numéros …, … et …, « ne connaissent pas de voisins » et que la « rue ne compte presque pas d’autres bâtiments à l’époque », n’est en tout état de cause pas suffisant pour établir la réalité de la date de construction située approximativement en 1882, qui est en contradiction avec la date à laquelle la maison avait initialement été située, à savoir autour de 1932, ni a fortiori si la maison litigieuse peut être considérée comme représentative de cette époque et donc si elle a un quelconque intérêt d’un point de vue historique, architectural ou esthétique par rapport à cette même époque. Ce constat est d’autant plus vrai que si un certain nombre de bâtiments sont repris dans le plan Stübben, les parcelles accueillant actuellement les immeubles sis aux numéros …, … et … sont vides. A cela s’ajoute qu’elle ne verse pas non plus la moindre photographie de l’extérieur ou de l’intérieur du bâtiment en question, de sorte que l’affirmation suivant laquelle la plupart des finitions historiques seraient encore en place et informeraient ainsi également de « l’ère de construction. », reste également à l’état de pure allégation.

Dans la mesure où, d’un côté, de l’aveu de la partie étatique, la motivation contenue dans l’arrêté ministériel litigieux est erronée et que, de l’autre côté, la partie étatique reste en défaut de sous-tendre à suffisance la matérialité des faits qui justifieraient l’inscription de l’immeuble litigieux à l’inventaire supplémentaire, telle qu’invoquée pour la première fois en cours de procédure contentieuse, le tribunal est amené à conclure qu’il ne se dégage pas à suffisance des éléments à sa disposition que l’immeuble litigieux puisse effectivement être considéré comme présentant les caractéristiques nécessaires pour justifier sa préservation au sens de l’article 17, alinéa 1er, de la loi du 18 juillet 1983, caractéristiques qui, tel que relevé ci-avant, doivent apparaître de manière évidente.

Au vu des considérations qui précèdent et sans qu’il n’y ait lieu de statuer plus en avant, notamment sur la demande visant à ordonner une visite des lieux, le recours est à déclarer fondé et l’arrêté ministériel du 1er février 2018 est annuler.

La partie demanderesse sollicite encore la condamnation de l’Etat à une indemnité de procédure d’un montant de … - euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 ». Cette demande est toutefois à rejeter, alors qu’elle n’établit pas en quoi il serait inéquitable de laisser à son unique charge les frais non compris dans les dépens.

S’agissant de la demande de bénéficier de l’effet suspensif du recours pendant le délai et l’instance d’appel formulé par la société demanderesse dans le dispositif de son mémoire en réplique, force est de constater qu’aux termes de l’article 35 de la loi du 21 juin 1999, si l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif, le tribunal peut, dans un jugement tranchant le principal, ordonner l’effet suspensif du recours pendant le délai et l’instance d’appel.

En l’espèce, force est de constater qu’il ne se dégage pas des éléments soumis à l’appréciation du tribunal ni plus particulièrement des explications de la société demanderesse que l’exécution de la décision déférée risque de lui causer un préjudice grave et définitif, de sorte que la demande tendant à voir ordonner l’effet suspensif du présent recours pendant le délai et l’instance d’appel est à rejeter pour ne pas être fondée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant, annule l’arrêté ministériel du 1er février 2018 ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par la partie demanderesse ;

rejette la demande en obtention de l’effet suspensif du recours pendant le délai et l’instance d’appel ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 25 septembre 2019 par :

Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, premier juge, Alexandra Bochet, juge en présence du greffier Michèle Hoffmann.

s.Michèle Hoffmann s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25 septembre 2019 Le greffier du tribunal administratif 19


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 41086
Date de la décision : 25/09/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 23/09/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2019-09-25;41086 ?

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