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04/09/2019 | LUXEMBOURG | N°43505

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 septembre 2019, 43505


Tribunal administratif N° 43505 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 août 2019 chambre de vacation Audience publique de vacation du 4 septembre 2019 Recours formé par Monsieur …, alias …, Findel contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120. L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43505 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 août 2019 par Maître Alexandre Chateaux, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxemb

ourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Guinée) et être de nationalité...

Tribunal administratif N° 43505 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 août 2019 chambre de vacation Audience publique de vacation du 4 septembre 2019 Recours formé par Monsieur …, alias …, Findel contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120. L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43505 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 août 2019 par Maître Alexandre Chateaux, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Guinée) et être de nationalité guinéenne, alias …, de nationalité …-guinéenne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l'Immigration et de l’Asile du 21 août 2019 prorogeant son placement au Centre de rétention pour la durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 septembre 2019 ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Alexandre Chateaux déposé au greffe du tribunal administratif le 3 septembre 2019 au nom et pour le compte de Monsieur …, préqualifié ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 septembre 2019 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Stéphanie Collmann, en remplacement de Maître Alexandre Chateaux, et Madame le délégué du gouvernement Danitza Greffrath en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de vacation de ce jour.

Le 24 septembre 2015, Monsieur …, connu sous plusieurs alias dont notamment celui de …, déposa une demande de protection internationale auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », demande qui fut considérée comme implicitement retirée par décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », du 8 décembre 2015.

Le 21 novembre 2018, les autorités luxembourgeoises acceptèrent la demande de reprise en charge de Monsieur … formulée par les autorités autrichiennes sur base de l’article 18, paragraphe (1), point c), du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du 1Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

Le transfert eut lieu le 11 février 2019.

Par arrêté du 7 février 2019, notifié à l’intéressé le 11 février 2019, le ministre constata le séjour irrégulier de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de quitter le territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, la Guinée, ou à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité, ou à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner et lui interdit l'entrée sur le même territoire pour une durée de trois années.

Par arrêté séparé du même jour, lui notifié également en date du 11 février 2019, Monsieur … fit l'objet d'une mesure de placement au Centre de rétention pour la durée d'un mois à compter de sa notification.

Par arrêtés des 7 mars, 3 avril, 7 mai, 5 juin et 4 juillet 2019, notifiés à l’intéressé respectivement en date des 11 mars, 11 avril, 10 mai et 7 juin 2019, le ministre prorogea à chaque fois la mesure de placement en rétention pour une durée d’un mois à partir de sa notification.

Le 17 juillet 2019, Monsieur … fut libéré du Centre de rétention avec effet immédiat.

Le 18 juillet 2019, le ministre pria la police grand-ducale de procéder au signalement national de Monsieur ….

Suivant un procès-verbal de la police grand-ducale, région capitale, commissariat Luxembourg C3R, référencé sous le numéro R45221 du 25 juillet 2019, Monsieur … fut appréhendé à cette date par la police lors d’un contrôle d’identité.

Par arrêté du même jour, lui notifié en date du 25 juillet 2019, Monsieur … fit l'objet d'une mesure de placement au Centre de rétention pour la durée d'un mois à compter de sa notification. Cet arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :

« (…) Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport no R45221 du 25 juillet 2019 établi par la Police grand-ducale, unité Commissariat Luxembourg C3R ;

Vu ma décision de retour et ma décision d’interdiction d’entrée sur le territoire du 7 février 2019, lui notifiée le 11 février 2019 ;

Attendu que l'intéressé est démuni de tout document d'identité et de voyage valable ;

Attendu que l’intéressé s’est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ;

Attendu que l’intéressé n’est pas disposé à retourner volontairement dans son pays d’origine ;

Attendu que l’intéressé n’a jusqu’à présent pas fait des démarches pour un retour volontaire dans son pays d’origine ;

2Attendu qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu que l’intéressé évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé ont été engagées ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».

Suite à la délivrance par les autorités …-guinéennes d’un laissez-passer, l’autorité ministérielle pria la police judicaire, section criminalité organisée – police des étrangers, par un courrier du 7 août 2019, d’organiser le départ de l’intéressé.

Par arrêté du 21 août 2019, notifié à l’intéressé le 23 août 2019, le ministre prorogea la mesure de placement de Monsieur … pour une durée d’un mois. Ledit arrêté est libellé comme suit :

« (…) Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 25 juillet 2019, notifié le même jour, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 25 juillet 2019 subsistent dans le chef de l'intéressé ;

Considérant que les démarches en vue de l’éloignement ont été engagées ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 août 2019, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 21 août 2019 ayant ordonné la prorogation de son placement en rétention pour une durée d’un mois à partir de sa notification.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1), de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce, qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur reprend, en substance, les faits et rétroactes tel que relatés ci-dessus.

3 Il soutient qu’il ne résulterait d’aucun élément du dossier que la procédure d’éloignement soit exécutée avec toute la diligence nécessaire, tout en mettant en exergue que les démarches effectuées lors de sa précédente rétention administrative, ayant duré plus de 6 mois, n’auraient pas abouti à son identification formelle. Il reproche, à cet égard, au ministre de s’être basé sur la simple copie d’un passeport pour conclure que son identité serait celle de « … », identité qui serait, par ailleurs, contestée.

Il réfute qu’il serait de nationalité …-guinéenne, tout en soutenant qu’il ne serait pas lusophone, mais francophone. A cela s’ajouterait, à admettre qu’il puisse s’identifier comme étant …, qu’il résulterait incontestablement des mentions contenues sur le passeport délivré à ce nom que son titulaire aurait la nationalité guinéenne sans autre précision et qu’il serait né à …, de sorte qu’il conviendrait d’en déduire que le pays dont il a la nationalité serait la Guinée-

… et non la Guinée-…. Ce serait dès lors à tort que le ministre a entrepris des démarches en vue de son éloignement vers la Guinée-….

Il soutient, ensuite, qu’aucun élément du dossier administratif ne serait de nature à lui refuser l’application de mesures moins coercitives. Il souligne, à cet égard, qu’eu égard aux délais qui seraient encore nécessaires afin de l’identifier à l’exclusion de tout doute et de préparer son accueil en Guinée-…, l’exécution de l’ordre de quitter le territoire aurait d’ores et déjà été prolongée à sept reprises sans que les démarches en vue de son éloignement n’auraient abouti à ce stade, tel que cela ressortirait de la décision de prolongation du 4 juillet 2019.

Or, dans la mesure où il n’aurait aucune attache dans les pays limitrophes du Grand-

Duché de Luxembourg, il offrirait des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite. Ceci serait d’autant plus vrai alors qu’après avoir quitté le Centre de rétention, il aurait passé ses journées devant la gare de Luxembourg, « non pas pour espérer y prendre le train, mais pour s’y sentir en sécurité dans la périphérie du commissariat de proximité y situé » où il aurait, par ailleurs, été appréhendé le 25 juillet 2019. Il met en exergue que sans document de voyage valable, il ne pourrait aller nulle part, les données factuelles démontreraient, d’ailleurs, à suffisance que la mesure de rétention ne serait pas nécessaire en l’espèce.

Dans sa réplique, le demandeur réitère son argumentation suivant laquelle la prorogation de son placement en rétention ne serait pas fondée, en ce qu’elle résulterait d’une « manipulation factuelle », tout en soutenant que la levée de son placement le 17 juillet 2019 ne serait « qu’une manœuvre pour tenter de justifier et fonder la décision du 25 juillet 2019 ».

Concernant le risque de fuite, il met en exergue que la partie étatique aurait soutenu dans son mémoire en réponse, d’une part, qu’il serait constant en cause qu’il ne disposerait pas de documents d’identité et de voyage en cours de validité, si ce n’est la copie d’un passeport guinéen dont l’authenticité serait sujette à caution, pour affirmer plus loin, d’autre part, que les diligences par les services du ministre auraient bien abouti à son identification formelle. Or, dans ce dernier cas, l’une des conditions de l’applicabilité d’un risque de fuite ne serait plus donnée.

S’agissant de son identification, il reproche au ministre de s’être basé, d’une part, sur les résultats obtenus suite à une prise d’empreintes digitales et, d’autre part, sur un passeport biométrique n° …, en vue de l’identifier, éléments qui, selon lui, ne seraient pas versés en cause, seule la prise d’empreintes de 2015 ainsi que le passeport n° … le seraient. Son identité comme étant … ne serait dès lors pas établi.

4 Il ajoute que ce serait « par pure extrapolation » que les instances ministérielles lui auraient attribué la nationalité …-guinéenne, alors qu’il serait acquis qu’il serait né à …. Il résulterait d’ailleurs de l’ensemble de ses déclarations actuelles et de celles faites en 2015, non contestées par la partie étatique, qu’il y aurait toujours vécu avec sa mère.

S’agissant des allégations qu’il aurait réagi à des observations formulées en langue créole lors d’une entrevue avec les autorités consulaires de l’ambassade de Guinée-…, il souligne que celles-ci ne seraient à l’heure actuelle pas autrement prouvées, si ce n’est que par des pièces unilatérales sans aucune force probante. Même à admettre qu’il puisse comprendre et qu’il ait des notions en langue créole, ce fait, s’expliquant par le fait qu’il s’agirait de la langue parlée par son père et qu’il aurait pu l’apprendre durant son enfance, ne serait pas de nature à permettre de retenir qu’il serait originaire de la Guinée-….

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours.

Aux termes de l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée (…). Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ». En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, « (…) La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. (…) ».

Ainsi, l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 permet au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

5Une décision de prorogation d’une mesure de placement en rétention est partant soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

Il échet encore de rappeler qu’une mesure de rétention s’analyse en une mesure administrative privative de la liberté de mouvement de la personne concernée et qu’elle doit être limitée à la durée strictement nécessaire afin de permettre l’exécution d’une mesure d’éloignement. A cette fin, le ministre est dans l’obligation de faire entreprendre avec la diligence requise toutes les démarches nécessaires afin d’organiser cette mesure d’éloignement.

Il n’est pas contesté, en l’espèce, que le demandeur ne dispose ni de documents d’identité, ou d’un document de voyage, ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour ou de travail en cours de validité, de sorte qu’il se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg. De ce fait, il a fait l’objet d’une décision de retour et d’interdiction du territoire le 7 février 2019, décision qui ne fait pas l’objet du présent recours. En vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel le risque de fuite est présumé plus particulièrement si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi, respectivement s’il ne peut pas justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage valables et s’il se trouve donc en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois, le risque de fuite est présumé dans le chef du demandeur, sans qu’il ne dégage du dossier soumis au tribunal des éléments permettant de renverser la présomption du risque de fuite dans son chef, de sorte que le ministre a a priori valablement pu le placer au Centre de rétention.

Cette conclusion est encore confortée par le constat que le demandeur est connu sous différents alias, de sorte qu’il ne saurait être reproché au ministre de l’avoir placé en rétention en vue de son identification. Il échet, à cet égard, de relever que le fait pour les autorités luxembourgeoises d’avoir pu procéder à son identification formelle n’est en tout état de cause pas de nature à renverser le risque de fuite dans son chef ni à obliger le ministre à libérer le demandeur du Centre de rétention, l’identification de la personne concernée étant nécessairement une étape indispensable dans la procédure d’éloignement de celle-ci.

Par ailleurs, le fait pour un étranger de ne pas avoir obtempéré à l'invitation de quitter le pays après le rejet définitif de sa demande d'asile, ainsi que d'être resté clandestinement au pays en dépit de l'existence d’une décision de retour et d’interdiction d’entrée sur le territoire, est de nature à corroborer sérieusement la présomption de l'existence d'un risque de fuite dans son chef, alors que visiblement il n'a pas l'intention de quitter volontairement le pays.

Au vu de ce qui précède, les contestations du demandeur quant au risque de fuite sont dès lors à rejeter pour ne pas être fondées.

S’agissant encore de l’argumentation du demandeur selon laquelle une autre mesure moins coercitive que le placement en rétention aurait dû lui être appliquée, le tribunal relève que l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, dont Monsieur … se prévaut, prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de 6représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008] (…).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1), sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe (1), de sorte que pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité, aucune des autres mesures moins coercitives ne doit entrer en compte au vu des circonstances du cas particulier.

L’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée 7pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi. Ainsi, s’il existe, comme en l’espèce, une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

Au regard des contestations du demandeur, il y a lieu de vérifier si, en l’espèce, celui-

ci a fourni des garanties de représentation suffisantes pour prévenir un risque de fuite, qui, tel que cela a été retenu ci-avant, est présumé dans son chef.

En l’espèce, tel que cela a été retenu ci-avant, le tribunal constate que le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite qui existe dans son chef. En effet, il n’a présenté aucun élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 s’impose, ceci plus particulièrement dans la mesure où il ne dispose ni d’une adresse ni d’une quelconque autre attache au Luxembourg et qu’il ne semble pas être en mesure de déposer une garantie financière au sens de l’article 125 précité.

Ce constat ne saurait en tout état de cause pas être ébranlé par l’allégation du demandeur selon laquelle il ne disposerait pas d’attache dans les pays limitrophes au Luxembourg et qu’il aurait passé ses journées devant la gare de Luxembourg après avoir été libéré du Centre de rétention, ceci afin de se sentir en sécurité près du bureau de police y situé, la circonstance qu’il s’est maintenu de façon irrégulière sur le territoire luxembourgeois malgré la décision de retour et d’interdiction du territoire prises à son encontre, étant, au contraire, plutôt de nature à corroborer le risque de fuite, tel que cela a été retenu ci-avant.

C’est dès lors à juste titre que le délégué du gouvernement soutient que lesdites mesures moins coercitives ne sont pas envisageables en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à écarter.

S’agissant, ensuite, des contestations du demandeur quant aux diligences entreprises par le ministre afin d’organiser son retour, force est au tribunal de constater qu’au cours de sa première mesure de placement au Centre de rétention, les autorités luxembourgeoises ont, dès le 10 avril 2019, entrepris des démarches auprès de l’ambassade de la République de Guinée-

… en vue de la délivrance d’un laissez-passer. Après plusieurs tentatives échouées, une entrevue a finalement eu lieu le 24 juin 2019 entre le demandeur et les autorités consulaires …-

guinéennes au Centre de rétention. Le 27 juin 2019, la direction de l’Immigration a relancé les autorités …-guinéennes de bien vouloir émettre un laissez-passer en vue d’un retour de Monsieur …. Cette demande a été réitérée par courrier du 10 juillet 2019. Après sa libération du Centre de rétention le 17 juillet 2019, la direction de l’Immigration a encore contacté l’ambassade de Guinée-… à … le 18 juillet 2019 en vue de la délivrance d’un laissez-passer.

S’agissant des diligences effectuées à partir de la mesure de placement initiale du 25 juillet 2019 jusqu’à ce jour, le tribunal relève que suivant une note de l’agent en charge du dossier du 25 juillet 2019, un entretien a eu lieu le 29 juillet 2019 entre le demandeur et une personne de l’encadrement psychosocial du Centre de rétention quant à un éventuel retour volontaire, tentative qui s’est soldée par un échec, tel que cela résulte d’un courriel du 29 juillet 1 Trib. adm. 6 mai 2016, n° 37829 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

82019. Après s’être vu transmettre un laissez-passer par les autorités …-guinéennes, le ministre a prié la police judicaire, section criminalité organisée – police des étrangers, en date du 7 août 2019, d’organiser le départ du demandeur. Le 26 août 2019, la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux a transmis au ministère un plan de vol à destination de Guinée-

…. Le 27 août 2019, l’ambassade de Guinée-… à … a été informée que l’éloignement du demandeur aura lieu le 5 septembre 2019. Après avoir confirmé la date proposée pour le retour, celle-ci a fait parvenir au ministère un formulaire de demande de visa pour les agents de police en charge d’escorter Monsieur …, alias …, le 28 août 2019.

Au regard de ces éléments, le tribunal est amené à retenir, qu’en l’espèce, le dispositif d’éloignement est actuellement toujours en cours et est toujours poursuivi avec la diligence requise conformément aux exigences posées par l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, les démarches entreprises par les autorités luxembourgeoises ayant d’ailleurs abouti à l’identification formelle du demandeur ainsi qu’à la délivrance d’un laissez-passer par les autorités …-guinéennes en vue d’un retour.

Quant aux contestations du demandeur relatives à son identité comme étant celle de …, de nationalité …-guinéenne, le tribunal relève tout d’abord qu’il résulte du dossier administratif que le demandeur s’est présenté lui-même aux autorités autrichiennes sous l’identité de …. Il ressort, ensuite, d’un rapport de la police grand-ducale, police des étrangers et des jeux, référencé sous les numéro 2015/46841/1./15/HU du 24 septembre 2015, que suivant des recherches effectuées dans la base de données VIS sur base d’empreintes digitales de Monsieur …, celui-ci est en possession passeport biométrique n°C00042274 émis le 3 juillet 2015 par les autorités …-guinéennes à … (Espagne) valable jusqu’au 3 juillet 2020 sous l’identité de …, né le … à … (Guinée-…). Il se dégage encore d’un rapport au dossier que lors d’une entrevue à l’ambassade de la République du Guinée le 26 février 2019, l’intéressé a affirmé que son père a la nationalité …-guinéenne, tout en relevant « qu’il ne peut pas retourner au Guinée car il n’y connait personne. ». Il résulte, enfin, d’un rapport au dossier que suite à une entrevue ayant eu lieu le 24 juin 2019 entre le demandeur et les autorités consulaires …-guinéennes il semblerait que le demander maîtrise le dialecte parlé en Guinée-….

Au vu de l’ensemble de ces éléments, le tribunal ne saurait faire droit au moyen tenant à reprocher au ministre d’avoir entrepris des démarches auprès des autorités …-guinéennes en vue de son éloignement ni aux doutes mis en avant par le demandeur quant à son identité, ceci plus particulièrement dans la mesure où les autorités …-guinéennes ont identifié le demandeur et délivré un laissez-passer en vue de son rapatriement et dans la mesure où son éloignement pour le 5 septembre 2019 a été confirmé par celles-ci. Le moyen afférent est dès lors également à rejeter comme étant infondé.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

9au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 4 septembre 2019 par :

Paul Nourissier, premier juge, Géraldine Anelli, juge, Alexandra Bochet, juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 septembre 2019 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 43505
Date de la décision : 04/09/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2019-09-04;43505 ?

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