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04/09/2019 | LUXEMBOURG | N°43232

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 septembre 2019, 43232


Tribunal administratif N° 43232 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 juillet 2019 chambre de vacation Audience publique de vacation du 4 septembre 2019 Recours formé par Monsieur …, Luxembourg, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (3), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43232 du rôle et déposée le 8 juillet 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardav

an Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxemb...

Tribunal administratif N° 43232 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 juillet 2019 chambre de vacation Audience publique de vacation du 4 septembre 2019 Recours formé par Monsieur …, Luxembourg, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (3), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43232 du rôle et déposée le 8 juillet 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Afghanistan), et être de nationalité afghane, ayant au moment de l’introduction du recours demeuré à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg (SHUK), élisant domicile en l’étude de Maître Ardavan Fatholahzadeh, préqualifié, sise à L-1940 Luxembourg, 310, route de Longwy, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 1er juillet 2019 de le transférer vers la Suède, l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 août 2019 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh et Madame le délégué du gouvernement Danitza Greffrath en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de vacation de ce jour.

Le 23 avril 2019, Monsieur … introduisit auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, désignée ci-après par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent de la police grand-ducale du service de police judiciaire, service criminalité organisée - police des étrangers, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Il s’avéra à cette occasion, suite à la comparaison des empreintes digitales de l’intéressé avec la base de données EURODAC, ainsi que suivant ses propres déclarations, qu’il avait précédemment introduit une demande de protection internationale en Suède en date du 20 octobre 2015.

Par décision du 29 mai 2019, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-

après par « le ministre », notifia à Monsieur … en mains propres un arrêté ordonnant son 1assignation à résidence à la structure d’hébergement d’urgence au Kirchberg (SHUK) pour une durée de trois mois.

Toujours le 29 mai 2019, Monsieur … passa un entretien auprès du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III».

En date du même jour, les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités suédoises aux fins de la reprise en charge de Monsieur … sur base de la considération que l’intéressé avait précédemment introduit une demande de protection internationale en Suède.

Par courrier du 11 juin 2019, les autorités suédoises informèrent les autorités luxembourgeoises que la Suède acceptait de reprendre en charge Monsieur … sur base de l’article 18, paragraphe (1), point d) du règlement Dublin III.

Le 12 juin 2019, la direction de l’Immigration envoya aux autorités suédoises, à la demande de celles-ci alors que Monsieur … y était considéré comme étant un mineur, une copie des résultats des tests osseux de l’intéressé réalisés au Luxembourg le 7 mai 2019.

Par décision du 1er juillet 2019, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le même jour, le ministre informa Monsieur … que le Grand-Duché de Luxembourg avait pris la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale et qu’il sera transféré vers la Suède, sur base des dispositions des articles 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et 18, paragraphe (1), point d) du règlement Dublin III, le ministre insistant plus particulièrement sur le fait que Monsieur … avait précédemment introduit une demande de protection internationale en Suède en date du 20 octobre 2015 et que les autorités suédoises avaient, le 11 juin 2019, accepté de le reprendre en charge.

Ladite décision est libellée comme suit :

« […] Vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 23 avril 2019 au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après « la loi du 18 décembre 2015 »). En vertu des dispositions de l'article 28(1) de la loi précitée et des dispositions de l'article 18(1)d du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 (ci-après « le règlement DIII »), le Grand-Duché de Luxembourg n'examinera pas votre demande de protection internationale et vous serez transféré vers la Suède qui est l'Etat membre responsable pour traiter cette demande.

Les faits concernant votre demande, la motivation à la base de la présente décision, les bases légales sur lesquelles elle s'appuie, de même que les informations quant aux voies de recours ouvertes sont précisés ci-après.

En mains le rapport de Police Judiciaire du 23 avril 2019 et le rapport d'entretien Dublin III sur votre demande de protection internationale du 29 mai 2019.

21. Quant aux faits à la base de votre demande de protection internationale En date du 23 avril 2019, vous avez introduit une demande de protection internationale auprès du service compétent de la Direction de l'immigration.

La comparaison de vos empreintes dactyloscopiques avec la base de données Eurodac a révélé que vous avez précédemment introduit une demande de protection internationale en Suède en date du 20 octobre 2015.

Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat responsable, un entretien Dublin III a été mené en date du 29 mai 2019.

Sur cette base, la Direction de l'immigration a adressé en date du 29 mai 2019 une demande de reprise en charge aux autorités suédoises sur base de l'article 18(1)d du règlement DIII, demande qui fut acceptée par lesdites autorités suédoises en date du 11 juin 2019.

L'examen médico-légal du 7 mai 2019 a confirmé votre majorité. Les résultats de l'expertise médicale ont été transmis aux autorités suédoises, le 12 juin 2019.

2. Quant aux bases légales En tant qu'Etat membre de l'Union européenne, l'Etat luxembourgeois est tenu de mener un examen aux fins de déterminer l'Etat responsable conformément aux dispositions du règlement DIII établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

S'il ressort de cet examen qu'un autre Etat est responsable du traitement de la demande de protection internationale, la Direction de l'immigration rend une décision de transfert après que l'Etat requis a accepté la prise ou la reprise en charge du demandeur.

Aux termes de l'article 28(1) de la loi du 18 décembre 2015, le Luxembourg n'est pas responsable pour le traitement d'une demande de protection internationale si cette compétence revient à un autre Etat.

Dans le cadre d'une reprise en charge, et notamment conformément à l'article 18(1), point d) du règlement DIII, l'Etat responsable de l'examen d'une demande de protection internationale en vertu du règlement est tenu de reprendre en charge — dans les conditions prévues aux art. 23, 24, 25 et 29 — le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre.

Un Etat n'est pas non plus autorisé à transférer un demandeur vers l'Etat normalement responsable lorsqu'il existe des preuves ou indices avérés qu'un demandeur risquerait dans son cas particulier d'être soumis dans cet Etat à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 CEDH ou 4 de la Charte UE.

33. Quant à la motivation de la présente décision de transfert En l'espèce, il ressort des résultats du 23 avril 2019 de la comparaison de vos données dactyloscopiques avec celles enregistrées dans la base de données Eurodac que vous avez introduit une demande de protection internationale en Suède en date du 20 octobre 2015.

Selon vos déclarations vous auriez quitté votre pays d'origine il y a quatre ans. Vous auriez pris le bateau en Turquie afin d'arriver en Grèce. Vous auriez ensuite traversé les pays des Balkans et vous seriez allé en Suède. Vous y avez introduit une demande de protection internationale et vous auriez déclaré aux autorités suédoises être né en date du 14 octobre 2001 sans apporter de preuves. Envers les autorités luxembourgeoises, vous avez cependant prétendu être né en date du 4 mars 2004.

Sur base de ces faits, un examen médico-légal a été réalisé en date du 7 mai 2019. Le rapport médical du 15 mai 2019, établi par des experts de la médicine légale au Luxembourg, confirme votre majorité, même en admettant l'âge minimal de 18 ans retenu par l'expertise médicale.

Lors de votre entretien Dublin III en date du 29 mai 2019, vous n'avez pas fait mention d'éventuelles particularités sur votre état de santé ou autres problèmes généraux empêchant un transfert vers la Suède qui est l'Etat membre responsable pour traiter votre demande de protection internationale.

Rappelons à cet égard que la Suède est liée à la Charte UE, et est partie à la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après « la Convention de Genève »), à la CEDH et à la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (« Conv. torture »).

Il y a également lieu de soulever que la Suède est liée par la Directive (UE) n° 2013/32 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale [refonte] (« directive Procédure ») et par la Directive (UE) n° 2013/33 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale [refonte] (« directive Accueil »).

Par conséquent, en l'absence d'une pratique actuelle avérée en Suède de violation systématique de ces normes minimales de l'Union européenne, cet Etat est présumé respecter ses obligations tirées du droit international public, en particulier le principe de non-

refoulement énoncé expressément à l'article 33 de la Convention de Genève, ainsi que l'interdiction des mauvais traitements ancrée à l'article 3 CEDH et à l'article 3 Conv. torture.

En l'occurrence, vous ne rapportez pas la preuve que votre demande de protection internationale n'aurait pas fait l'objet d'une analyse juste et équitable, ni que vous n'auriez pas les moyens de les faire valoir, notamment devant les autorités judiciaires suédoises.

Vous n'avez fourni aucun élément susceptible de démontrer que la Suède ne respecterait pas le principe de non-refoulement à votre égard et faillirait à ses obligations internationales en vous renvoyant dans un pays où votre vie, votre intégrité corporelle ou votre liberté seraient sérieusement menacées.

4 Dans le cadre de la procédure « Dublin », il ne revient pas aux autorités luxembourgeoises d'analyser les risques d'être soumis à des traitements inhumains au sens de l'article 3 CEDH dans votre pays d'origine, mais dans l'Etat de destination, en l'occurrence la Suède. Vous ne faites valoir aucun indice que la Suède ne vous offrirait pas le droit à un recours effectif conformément à l'article 13 CEDH ou que vous n'aviez ou n'auriez pas la possibilité de faire valoir vos droits quant au fond de votre demande devant les juridictions suédoises, notamment en vertu de l'article 46 de la directive « Procédure ».

Monsieur, vous n'avez pas non plus démontré que, dans votre cas concret, vos conditions d'existence en Suède revêtiraient un tel degré de pénibilité et de gravité qu'elles seraient constitutives d'un traitement contraire à l'article 3 CEDH ou encore à l'article 3 Conv.

torture.

Il n'existe en outre pas non plus de raisons pour une application de l'article 16(1) du règlement DIII pouvant amener le Luxembourg à assumer la responsabilité de l'examen au fond de votre demande de protection internationale.

Il convient encore de souligner qu'en vertu de l'article 17(1) du règlement DIII (clause de souveraineté), chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par le ressortissant d'un pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, pour des raisons humanitaires ou exceptionnelles. Les autorités luxembourgeoises disposent d'un pouvoir discrétionnaire à cet égard, et l'application de la clause de souveraineté ne constitue pas une obligation.

Il ne ressort pas de l'ensemble des éléments de votre dossier que les autorités luxembourgeoises auraient dû faire application de la clause de souveraineté prévue à l'article 17(1) du règlement DIII. En effet, vous ne faites valoir aucun élément humanitaire ou exceptionnel qui ne serait pas couvert par les dispositions du règlement DIII et qui devrait amener les autorités luxembourgeoises à se déclarer responsables pour le traitement de votre demande de protection internationale.

Pour l'exécution du transfert vers la Suède, seule votre capacité de voyager est déterminante et fera l'objet d'une détermination définitive dans un délai raisonnable avant le transfert.

Si votre état de santé devait temporairement constituer un obstacle à l'exécution de votre renvoi vers la Suède, l'exécution du transfert serait suspendue jusqu'à ce que vous seriez à nouveau apte à être transféré. Par ailleurs, si cela s'avérait nécessaire, la Direction de l'immigration prendra en compte votre état de santé lors de l'organisation du transfert vers la Suède en informant les autorités suédoises conformément aux articles 31 et 32 du règlement DIII à condition que vous exprimiez votre consentement explicite à cette fin.

D'autres raisons individuelles pouvant éventuellement entraver la remise aux autorités suédoises n'ont pas été constatées. […] ».

Toujours le 1er juillet 2019, le ministre s’adressa au service de police judiciaire, section criminalité organisée - police des étrangers, afin d’organiser le transfert de Monsieur … vers la Suède, transfert qui fut prévu pour le 26 août 2019.

5Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 juillet 2019, inscrite sous le numéro 43232 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation contre la décision ministérielle précitée du 1er juillet 2019 décidant son transfert vers la Suède.

Suivant une information donnée par la SHUK, Monsieur … en a disparu depuis le 25 juillet 2019.

Le 30 juillet 2019, la direction de l’Immigration pria la police grand-ducale de bien vouloir procéder au signalement national de Monsieur ….

Dans la mesure où aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en la matière, l’article 35, paragraphe (3), de la loi du 18 décembre 2015 prévoyant expressément un recours en annulation contre la décision de transfert visée à l’article 28, paragraphe (1), de la même loi, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision ministérielle précitée du 1er juillet 2019 de transférer Monsieur … vers la Suède.

Quant à la recevabilité du recours Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement invoque de prime abord l’irrecevabilité du recours pour défaut d’adresse de Monsieur …, alors que celui-ci a disparu de la SHUK depuis le 25 juillet 2019, de sorte que l’adresse indiquée dans la requête introductive d’instance ne correspondrait plus à son adresse réelle et ne répondrait partant pas aux exigences de l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 ». Pour le surplus, il avance que les droits de la défense de la partie étatique seraient lésés, dans la mesure où la décision de transférer Monsieur … vers la Suède ne pourrait pas être exécutée, celui-ci ayant « disparu dans la nature » et son mandataire dissimulerait son adresse réelle.

En se référant à un jugement du tribunal administratif du 10 juillet 2019, inscrit sous le numéro 43033 du rôle, le délégué du gouvernement invoque encore l’irrecevabilité du recours au motif que le demandeur serait dépourvu d’un intérêt à agir. A l’audience des plaidoiries, il s’est encore prévalu, dans ce contexte, d’une ordonnance présidentielle du 26 juin 2019, inscrite sous le numéro 43151 du rôle.

A l’audience des plaidoiries, le litismandataire de Monsieur … a conclu à la recevabilité du recours en précisant que son mandataire se trouverait toujours sur le territoire luxembourgeois.

Quant au moyen ayant trait au manquement à l’exigence de l’indication, dans la requête introductive d’instance, du domicile du demandeur, telle que prévue par l’article 1er de la loi du 21 juin 1999 aux termes duquel « […] La requête […] contient […] [le] domicile du requérant […] », le tribunal relève que cette disposition est à lire ensemble avec l’article 29 de la même loi aux termes duquel : « L’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense. ».

Il convient toutefois encore de relever qu’indépendamment de la question de savoir si l’article 1er de la loi du 21 juin 1999 a été violé en l’espèce, le tribunal ne saurait constater de lésion des droits de la défense de la partie étatique étant donné que celle-ci ne s’est pas méprise sur l’identité du demandeur et a utilement pris position quant au fond du litige.

6Dans ces circonstances, le moyen afférent est rejeté.

S’agissant du moyen tenant à l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de Monsieur …, le tribunal relève que l’intérêt à agir est l’utilité que présente pour le demandeur la solution du litige qu’il demande au juge d’adopter1, étant souligné que l’intérêt à agir n’est pas à confondre avec le fond du droit en ce qu’il se mesure non au bien-fondé des moyens invoqués à l’appui d’une prétention, mais à la satisfaction que la prétention est censée procurer à une partie, à supposer que les moyens invoqués soient justifiés2.

En matière de contentieux administratif portant sur des droits objectifs, l’intérêt ne consiste pas dans un droit allégué, mais dans le fait vérifié qu’une décision administrative affecte négativement la situation en fait et en droit d’un administré qui peut partant tirer un avantage corrélatif de la sanction de cette décision par le juge administratif3.

A cet égard, il convient de souligner que si stricto sensu l’intérêt à agir est à apprécier au moment de l’introduction du recours, il n’en reste pas moins que le maintien d’un intérêt à agir, ou plus précisément d’un intérêt à poursuivre une action, doit être vérifié au jour du jugement sous peine de vider ce dernier de tout effet utile, d’encombrer le rôle des juridictions administratives et d’entraver la bonne marche des services publics en imposant à l’autorité compétente de devoir se justifier inutilement devant les juridictions administratives, exposant, le cas échéant, ses décisions à la sanction de l’annulation ou de la réformation, sans que l’administré ayant initialement introduit le recours ne soit encore intéressé par l’issue de ce dernier4.

Or, la première personne à pouvoir justifier s’il existe effectivement dans son chef un intérêt concret et personnel suffisant pour intenter un procès et pour le poursuivre ensuite, est le justiciable lui-même qui a saisi le tribunal administratif d’une demande, et ce, en établissant qu’il a été porté atteinte à ses droits ou que ses intérêts ont été lésés et que le redressement obtenu au moyen d’une décision juridictionnelle apportera à sa situation une amélioration qui compense les frais qu’entraîne et les désagréments que comporte un procès. La volonté du justiciable, manifestée par l’introduction d’une demande en justice, de défendre ce qu’il considère comme un intérêt le concernant est donc le premier élément qui est nécessaire pour rendre possible la constatation que ce justiciable justifie effectivement de l’intérêt concret et personnel requis en droit pour être recevable à intenter un procès.

En l’espèce, le tribunal ne saurait suivre le raisonnement du délégué du gouvernement suivant lequel par le seul fait de son comportement tendant à refuser de se présenter à la SHUK, le demandeur aurait implicitement renoncé à son recours, de sorte à entraîner son irrecevabilité.

En effet, il échet de constater qu’à travers un courriel du 13 août 2019, le litismandataire de Monsieur … a confirmé son mandat pour plaider l’affaire, celui-ci aurait vu son mandant la veille à son étude. Ainsi, au vu de la considération que ce dernier déclare avoir toujours mandat 1 Voir Encyclopédie Dalloz, Contentieux administratif, V° Recours pour excès de pouvoir (Conditions de recevabilité), n°247.

2 trib. adm. prés., 27 septembre 2002, n° 15373 du rôle, Pas. adm. 2018, V° Procédure contentieuse, n° 4 et les autres références y citées.

3 Cour adm., 14 juillet 2009, nos 23857C et 23871C du rôle, Pas adm. 2018, V° Procédure contentieuse, n° 3 et les autres références y citées.

4 trib. adm. 11 mai 2016, n°35579 du rôle, Pas. adm. 2018, V° Procédure contentieuse, n°31 et les autres références y citées.

7pour défendre les droits de de son mandant en justice, et malgré le fait que le demandeur n’a pas communiqué sa nouvelle adresse à son litismandataire, il ne saurait être retenu un défaut d’intérêt dans le chef du demandeur de voir examiner au fond son recours contentieux dirigé contre la décision de transfert litigieuse.

Ce constat ne saurait être ébranlé par l’invocation par le délégué du gouvernement du jugement précité du tribunal administratif du 10 juillet 2019, ainsi que de l’ordonnance présidentielle précitée du 29 juin 2019, dans la mesure où les circonstances dans le cadre de cette affaire diffèrent de celles en l’espèce, alors qu’il ne ressort ni du dossier administratif ni des déclarations de part et d’autre que le demandeur aurait introduit une nouvelle demande de protection internationale dans un autre Etat membre sans en informer son mandataire de ces faits, de sorte à en déduire un comportement manifestement incohérent dans son chef et un défaut d’intérêt pour le déroulement et le maintien de l’instance.

Le moyen afférent est partant également rejeté.

Concernant, enfin, les critiques étatiques relatives à une impossibilité d’exécuter le transfert vers la Suède au vu de la disparition du demandeur, force est de souligner que ces considérations ont trait à l’exécution du jugement à venir et ne sauraient justifier un défaut d’intérêt à agir dans le chef de Monsieur …, de sorte que ce moyen d’irrecevabilité est pareillement à écarter.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent, et à défaut d’un autre moyen d’irrecevabilité, que le recours en annulation, ayant, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Quant au fond A l’appui de son recours et en fait, le demandeur expose, en substance, les faits et rétroactes tels que relatés ci-dessus.

En droit, il fait valoir que la décision querellée devrait être annulée pour violation de la loi et du règlement Dublin III, sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits.

Il donne tout d’abord à considérer que lors du dépôt de sa demande de protection internationale en Suède le 20 octobre 2015, il aurait été enregistré sous la date de naissance du 14 octobre 2001, alors qu’il aurait déclaré être né le 4 mars 2004. Il se réfère, à cet égard, à un courrier de son assistante sociale en Suède du 10 juin 2019 duquel il résulterait qu’il serait encore mineur.

Après que sa demande d’asile aurait été rejetée en Suède, il se serait rendu au Luxembourg en vue d’y introduire une nouvelle demande de protection internationale, laquelle aurait été enregistrée, contre son gré, à la date de naissance du 1er janvier 2001, le demandeur soulignant qu’un courrier sollicitant la rectification de sa date de naissance, respectivement la nomination d’un administrateur ad hoc, aurait été adressé par son mandataire à l’autorité ministérielle le 27 mai 2019.

Il conteste ensuite le résultat de l’examen médical s’étant déroulé le 7 mai 2019 suivant lequel que « L'âge osseux est à considérer comme de l'ordre de 19 ans avec une très haute probabilité. », alors que les marges d’erreur ne seraient pas négligeables en cette matière, tel 8que cela aurait été confirmé dans deux arrêts de la Cour d’appel des 28 mars et 18 avril 2012, ce d’autant plus que l’expertise médicale aurait eu lieu sans la présence d’un représentant légal.

Il soutient, ensuite, que sa sécurité se trouverait particulièrement menacée dans son pays d’origine du fait qu’il appartiendrait « à des groupes des personnes vulnérables en Afghanistan». Il serait, par ailleurs, faux de prétendre, tel que le ferait le ministre à travers la décision attaquée, que les autorités suédoises vont examiner sa demande de protection internationale, alors qu’au contraire, elles le renverraient en Afghanistan. Le demandeur renvoie, à cet égard, à un rapport publié par Amnesty International, intitulé « Afghanistan 2017/2018 » à travers lequel ladite organisation dénoncerait le renvoi forcé d’Afghans déboutés de leur demande de protection internationale opéré par certains pays européens, et ce, alors même que le nombre des victimes civiles aurait augmenté en Afghanistan. Il insiste sur le fait qu’un retour dans son pays d’origine serait néfaste pour lui et ce pour des raisons tenant à sa sécurité et à l’existence d’une guerre généralisée y régnant, craintes qui seraient encore confirmées dans un rapport de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) intitulé «Afghanistan : profils à risque », publié en date du 12 septembre 2018. Il se réfère ensuite à un article de presse, non communiqué en l’espèce, du 27 juillet 2018 pour souligner le refoulement de réfugiés afghans vers leur pays d’origine par les pays scandinaves, l’Allemagne et la Suède. Pour ce qui est de la situation générale prévalant actuellement dans son pays d’origine, le demandeur renvoie à un arrêt de la Cour administrative du 4 janvier 2018, n°40256C du rôle, dans lequel celle-ci a retenu que l’Afghanistan était actuellement en proie à un conflit armé interne au sens de l’article 48, point c) de la loi du 18 décembre 2015, au motif que des forces régulières d’un Etat, ainsi que des forces alliées internationales, affronteraient un ou plusieurs groupes armés, dont notamment les Talibans et des groupes appartenant à la mouvance de l’Etat islamique.

En se basant sur l’article 20 de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur conteste, ensuite, la légalité de l’expertise médicale, en ce que malgré les documents émis par les autorités suédoises mentionnant sa minorité, l’autorité ministérielle aurait refusé d'introduire une requête en nomination d'un administrateur ad hoc, et cela, nonobstant la demande de son mandataire. Dans la mesure où il résulterait de ces documents qu’il serait né le 17 octobre 2001, il n'aurait pas appartenu à l'autorité ministérielle de remettre en cause les décisions prises par les autorités suédoises concernant son l'âge, rendant, par conséquent, non seulement l'expertise médicale illégale, mais également non nécessaire. Il met en exergue qu’il n’aurait pas été assisté d'un administrateur ad hoc lors de son expertise, alors qu'il aurait dû lui en être désigné un dans l'intérêt supérieur de l'enfant au sens de l'article 20, paragraphe (1), précité.

Quant aux résultats de l’expertise médicale, le demandeur conteste la validité des tests osseux effectués à son égard et retenant que son âge serait estimé à 19 ans. Il s’appuie, à cet égard, sur une ordonnance du juge des tutelles auprès du Tribunal de la jeunesse et des tutelles près le Tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg du 19 août 2013, ainsi que sur une interview du Docteur …, vice-président de l'ordre des médecins « Mineurs isolés : « Les tests osseux ne sont fiables que lorsqu'on est très loin de la majorité. » », pour soutenir que les tests osseux ne seraient pas fiables surtout lorsque la personne concernée n’est pas loin de la majorité et que ce seraient les données de l’état civil qui devraient prévaloir, de sorte qu’il serait à considérer comme ayant été mineur tant au moment de l’introduction de sa demande de protection internationale au Luxembourg qu’au moment du dépôt de la requête introductive d’instance.

9Il se prévaut, ensuite, d’une violation de l’article 8, paragraphe (4), du règlement Dublin III prévoyant qu’en l'absence de membres de la famille, de frères ou sœurs ou de proches visés aux paragraphes (1) et (2) dudit article 8, l'État membre responsable est celui dans lequel le mineur non accompagné a introduit sa demande de protection internationale, à condition que ce soit dans l'intérêt supérieur du mineur. Il se réfère, dans ce contexte, à une ordonnance présidentielle du 28 mars 2017, inscrite sous le numéro 39300 du rôle, ayant retenu qu'il convient d'accorder une attention particulière aux mineurs non accompagnés qui forment une catégorie de personnes particulièrement vulnérables, et qu’il importe de ne pas prolonger plus que strictement nécessaire la procédure de détermination de l'État membre responsable, ce qui implique qu’en principe, ils ne soient pas transférés vers un autre État membre. Dans la mesure où il serait, conformément aux documents remis par les autorités suédoises, respectivement au courrier émis par son assistante sociale, mineur n’ayant aucun membre de sa famille en Suède, il serait dans son intérieur supérieur que sa demande soit examinée par les autorités luxembourgeoises.

Le demandeur fait, ensuite, valoir que la décision attaquée violerait l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par « la Charte », et l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH ». En se référant à un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, ci-après désignée par « la CJUE », du 16 février 2017, rendu dans une affaire C-

578/16 PPU, il soutient que la CJUE aurait retenu dans cette affaire que les Etats membres, et, corrélativement, les juridictions nationales ne pourraient initier un transfert au titre du règlement Dublin III s’ils avaient des motifs sérieux de penser que ledit transfert se heurte aux dispositions de l’article 4 de la Charte. Il s’ensuivrait qu’à partir du moment où le Luxembourg aurait connaissance du fait que, après l’avoir définitivement débouté de sa demande de protection internationale, la Suède envisagerait de le rapatrier vers son pays d’origine, à savoir l’Afghanistan, il incomberait aux autorités luxembourgeoises de s’assurer que la mise en œuvre de cette mesure de rapatriement ne se heurte pas aux dispositions de l’article 4 de la Charte, respectivement à celles de l’article 3 de la CEDH. Le demandeur estime dès lors qu’en cas de renvoi en Suède, il pourrait y être exposé à un risque d’expulsion en cascade et ce, en violation des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, cette méthode d’expulsion en cascade aurait été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme (CourEDH). Comme il existerait un risque sérieux dans son chef de subir dans son pays d’origine un traitement inhumain ou dégradant au regard de sa situation particulière, un transfert en Suède, où il risquerait d’être renvoyé dans son pays d’origine, mettrait sa vie en danger et ce, en violation de l’article 4 de la Charte.

Le demandeur critique, enfin, la décision ministérielle attaquée en ce que ce serait à tort que le ministre n’aurait pas fait application de la clause discrétionnaire prévue à l’article 17, paragraphe (1), du règlement Dublin III. En se référant à l’arrêt précité de la CJUE du 16 février 2017, le demandeur donne à considérer que, dès lors que la Cour administrative aurait retenu dans son arrêt du 4 janvier 2018, précité, que la situation régnant actuellement en Afghanistan devrait s’analyser en un conflit armé interne au sens de l’article 48, point c) de la loi du 18 décembre 2015, chaque Etat membre serait tenu de faire application de la clause discrétionnaire. Il estime plus particulièrement qu’en raison de l’existence d’une violence aveugle régnant actuellement en Afghanistan, telle que constatée par la Cour administrative, la décision ministérielle de le transférer dans un pays qui entendrait procéder à son tour à son rapatriement en Afghanistan interviendrait en violation des articles 17 du règlement Dublin III et 4 de la Charte, alors qu’il aurait appartenu au ministre d’examiner sa demande de protection internationale même si cet examen ne lui incombait pas. Finalement, le demandeur fait valoir 10que s’il devait être retenu que l’application de la clause discrétionnaire relève du seul pouvoir souverain du ministre, il ne faudrait pas perdre de vue que l’exercice de ce pouvoir n’échapperait pas au contrôle de légalité du juge administratif, qui devrait notamment veiller au respect des principes de droit, tels que celui de la proportionnalité. En invoquant un article du site Editions législatives.fr « « Dublin » : Les Afghans ne peuvent pas être transférés vers l'Etat qui a rejeté leur demande d'asile » du 10 avril 2018 et un arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon du 3 avril 2018 ayant annulé une décision entreprise à l'égard d’un afghan relative au renvoi de ce dernier vers un autre Etat membre responsable, le demandeur soutient, qu’au regard des pièces versées en cause, il apparaîtrait disproportionné pour les autorités luxembourgeoises de l’obliger à retourner en Suède où il serait exposé à un retour forcé en Afghanistan et a fortiori à une violence aveugle.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

L’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 prévoit ce qui suit : « Si, en application du règlement (UE) n°604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale ».

Il s’ensuit que si le ministre estime qu’en application du règlement Dublin III, un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce pays accepte la reprise en charge de l’intéressé, le ministre décide de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.

L’article 18, paragraphe (1), point d), du règlement Dublin III, sur lequel le ministre s’est basé pour conclure à la responsabilité des autorités suédoises, prévoit que « L’État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de (…) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l’apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d’un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre. ».

Le tribunal constate de prime abord qu’il est constant en cause que la décision de transférer le demandeur vers la Suède et de ne pas examiner sa demande de protection internationale a été adoptée par le ministre en application de l’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 18, paragraphe (1), point d), du règlement Dublin III, au motif que l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale serait la Suède, en ce qu’il y aurait introduit auparavant une demande de protection internationale en date du 20 octobre 2015 et que les autorités suédoises auraient accepté sa reprise en charge le 11 juin 2019, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de le transférer vers la Suède et de ne pas examiner sa demande de protection internationale.

Si le demandeur se prévaut de l’article 8, paragraphe (4) du règlement Dublin III, aux termes duquel « En l’absence de membres de la famille, de frères ou sœurs ou de proches visés aux paragraphes 1 et 2, l’Etat membre responsable est celui dans lequel le mineur non accompagné a introduit sa demande de protection internationale, à condition que ce soit dans 11l’intérêt supérieur du mineur », pour contester l’incompétence du Luxembourg pour examiner sa demande de protection internationale, cette argumentation n’est susceptible d’être fondée que si le demandeur est mineur, de sorte qu’il appartient au tribunal d’examiner cette question.

Force est de prime abord de relever que les documents en langue suédoise versés en cause par le demandeur ne sont traduits dans aucune langue officielle au Luxembourg, de sorte qu’ils ne sauraient être pris en considération par le tribunal.

Il échet, ensuite, de constater que la date de naissance apposée sur le formulaire de données personnelles le jour du dépôt de sa demande de protection internationale est le 1er janvier 2001. Lors de son entretien auprès de l’agent de la police grand-ducale du service de police judiciaire du 23 avril 2019, le demandeur a affirmé avoir 16 ans et être né le 4 mars 2004, tout en avouant avoir été enregistré en Suède avec une date de naissance différente, à savoir le 14 octobre 20015. Cette même date a été répétée lors de l’entretien Dublin III du 29 mai 2019, le demandeur y ayant soutenu être né le 4 mars 20046. Dans un courrier du 27 mai 2019, le litismandataire a informé la direction de l’Immigration que son mandant serait né le 14 octobre 2001 et non le 1er janvier 2001.

Ce n’est, en effet, que le 23 juillet 2019, que le litismandatire a soumis aux services du ministre « l’original de la tazkaré » de Monsieur … avec l’original de la traduction assermentée sur lequel figure la date de naissance du 3 mars 2004.

Or, il résulte d’un rapport n° 2019/29994/784/BC du service centre UPA de la police grand-ducal, section expertise documents, du 14 août 2019 que le « tazkaré », communiqué par le demandeur, est une falsification et que le document en question avait été transmis aux services de police judiciaire pour enquête, de sorte que la minorité alléguée n’est pas établie, cela d’autant plus au regard du résultat de l’examen médical pratiqué sur le demandeur afin de déterminer son âge.

En effet, il ressort d’un rapport médical du 15 mai 2019, lequel s'appuie sur un examen radiographique de la main gauche, du poignet gauche, ainsi que de la clavicule gauche et droite, de même que sur un examen dentaire et un examen physique de l'intéressé, que celui-ci avait au moment de l’examen, à savoir le 7 mai 2019, un âge de minimum de 18 ans (« Mindestalter von 18 Jahren »7). Le rapport précise que l’âge ainsi indiqué est à considérer comme l’âge minimum (« das niedrigste anzunehmende Alter ») et que l’âge probable (« das wahrscheinliche Alter ») est nettement plus élevé, les experts ayant retenu un âge de 19 ans ou plus par rapport à l’examen radiographique de la main gauche et du poignet gauche, un âge de 22,9 ans avec une déviation standard d’environ 1,8 ans et un minimum de 19,3 ans avec une certitude de 95% pour ce qui est de l’examen des clavicules, ainsi qu’un âge de 20,0 ans avec une déviation standard de 2,0 ans pour ce qui est de l’examen dentaire. Face à la déclaration que le demandeur serait né le 1er janvier 2001, les experts retiennent qu’un tel âge, à savoir 18 ans et 5 mois, au moment de l’examen médical, à savoir le 7 mai 2019, serait à rapprocher avec les résultats élevés de la médecine légale (« Das angegebene Alter ist mit den erhobenen Befunden aus rechtmedizinischer Sicht in Einklang zu bringen »). Ce rapport d’expertise qui est non équivoque en ce qu’il retient une majorité avec une certitude de plus de 95%, est de nature à mettre sérieusement en doute les déclarations du demandeur suivant lesquelles il serait mineur, qui, elles, s’appuient exclusivement sur un « tazkaré » ayant été déclaré comme étant 5 Page 2 du rapport n° SPJ/15/2019/75260/1/SC de la police grand-ducale du 23 avril 2019.

6 Page 6 du rapport d’entretien du 29 mai 2019.

7 Page 4 du rapport médical du 15 mai 2019.

12un document falsifié, et qui de plus sont contredites par les déclarations faites par le demandeur lui-même au moment de la présentation de sa demande de protection internationale.

S’il est vrai qu’en Suède, le demandeur a été considéré comme étant mineur, tel que cela résulte du courrier d’acceptation de reprise en charge des autorités suédoises du 11 juin 2019, force est toutefois au tribunal de constater que le fait d’être considéré pendant sa procédure d’asile en Suède comme mineur par les autorités suédoises n’est pas de nature à établir son âge et ne contredit en tout état de cause pas les résultats des examens médicaux effectués au Luxembourg.

Ce constat ne saurait par ailleurs être remis en cause par le courrier du 10 juin 2019 de l’assistante sociale … affirmant que le demandeur est enregistré en Suède comme ayant 17 ans jusqu’au 14 octobre 2019, celui-ci ne relevant, en effet, d’aucune autorité officielle compétente permettant d’établir la minorité de Monsieur ….

Par ailleurs, si l’alinéa 2 du paragraphe (4) de l’article 20 de la loi du 18 décembre 2015 dispose certes que « si, par la suite, des doutes sur l’âge du demandeur persistent, il est présumé que le demandeur est mineur », cette disposition s’inscrit dans la suite de l’alinéa 1er de ce paragraphe qui permet au ministre d’ordonner des examens médicaux afin de déterminer l’âge du mineur non accompagné lorsqu’il a des doutes à ce sujet après avoir pris connaissance de déclarations générales ou de tout autre élément pertinent, de sorte que la présomption de minorité ainsi consacrée joue en cas de doute subsistant à la suite d’un examen médical. Or, en l’espèce, l’expertise médicale est particulièrement claire, tel que cela a été retenu ci-avant, de sorte que le demandeur n’est pas fondé à se prévaloir de la présomption de minorité, ce d’autant plus au vu des incohérences concernant les déclarations de Monsieur … quant à son âge, tel que retenu ci-avant, et de son manque de collaboration lors de son entretien Dublin III, éléments qui sont de nature à mettre en doute la crédibilité générale des déclarations actuelles du demandeur concernant sa minorité.

S’agissant des contestations du demandeur quant au caractère fiable du rapport d’expertise, le tribunal constate, tel que cela a été relevé ci-avant, que les conclusions de l’expertise relatives à l’âge du demandeur s’appuient, outre sur des tests osseux, également sur le développement corporel extérieur ainsi que sur un examen du développement des dents, de sorte que les critiques d’ordre général soulevées par le demandeur quant à la fiabilité des tests osseux ne permettent pas ipso facto de mettre en doute le rapport médical dans son ensemble.

En tout état de cause, les jurisprudences citées par le demandeur ne sont pas transposables en l’espèce, dans la mesure où les circonstances n’étaient pas les mêmes. Par ailleurs, la validité des tests osseux a été accepté par la jurisprudence des juridictions administratives, tel notamment dans des jugements du tribunal administratif du 20 avril 2018, inscrit sous le numéro 41009 du rôle, et 11 mai 2018, inscrit sous le numéro 41007 du rôle.

Enfin, le fait que, dans une première phase, la Suède semble avoir reconnu la minorité du demandeur, n’est pas de nature à impliquer que la minorité alléguée soit établie, tel que cela a été retenu ci-avant.

Il s’ensuit que l’ensemble des moyens tablant sur la minorité avancée par le demandeur sont à rejeter.

13Quant aux moyens basés sur une violation des dispositions des articles 4 de la Charte et 3 de la CEDH, le tribunal est tout d’abord amené à rappeler que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant, qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par la « Convention de Genève », ainsi que dans la CEDH, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard8. C’est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union a adopté le règlement Dublin III en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des Etats, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi d’éviter le « forum shopping », l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes tant dans l’intérêt des demandeurs d’asile que des Etats participants.

En ce qui concerne plus particulièrement le risque allégué d’une expulsion en cascade, le tribunal constate tout d’abord que la décision attaquée n’implique pas un retour vers le pays d’origine du demandeur, mais désigne uniquement l’Etat membre responsable pour le traitement de la demande de protection internationale, respectivement de ses suites, étant relevé que ledit Etat-membre, en l’occurrence la Suède, a reconnu être compétent pour reprendre le demandeur en charge.

Il n’en demeure pas moins qu’en vertu notamment de la jurisprudence de la CourEDH, dans certains cas, il ne peut être exclu que l’application des règles prescrites par le règlement Dublin III puisse être de nature à entraîner un risque sérieux qu’un demandeur de protection internationale soit, en cas de transfert vers un Etat membre, traité d’une manière incompatible avec les droits fondamentaux, étant relevé que la présomption selon laquelle les Etats membres respectent les droits fondamentaux prévus par la CEDH et la Charte est réfragable9.

Force est toutefois de constater qu’en l’espèce, outre le fait que le demandeur n’affirme pas que, personnellement et concrètement, ses droits n’auraient pas été respectés en Suède lors du traitement de sa demande de protection internationale, il n’apporte pas non plus la preuve que, personnellement, ses droits ne seraient pas garantis en Suède, que, de manière générale, les droits des demandeurs de protection internationale déboutés en Suède ne seraient automatiquement et systématiquement pas respectés, ou encore que les demandeurs de protection internationale déboutés n’auraient en Suède aucun droit ou aucune possibilité de les faire valoir, étant encore relevé que la Suède est signataire de la Charte, de la CEDH et de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de la Convention de Genève - comprenant le principe de non-

refoulement y inscrit à l’article 33 - ainsi que du Protocole additionnel du 31 janvier 1967 relatif aux réfugiés et, à ce titre, censé en appliquer les dispositions.

Pour ce qui est plus particulièrement de la crainte mise en avant par le demandeur d’être expulsé par les autorités suédoises vers l’Afghanistan, force est au tribunal de relever qu’il reste en défaut d’étayer concrètement l’existence d’un tel risque dans son chef, le demandeur ne fournissant en effet pas d’éléments susceptibles de démontrer que la Suède ne respecterait pas 8 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. e.a., C-411/10 et C-493/10, point 78.

9 CourEDH, Grande Chambre, 23 mars 2016, F.G. c. Suède, n°43611/11.

14le principe du non-refoulement et faillirait dès lors à ses obligations internationales en le renvoyant dans un pays où sa vie, son intégrité physique ou sa liberté seraient sérieusement en danger ou encore qu’il risquerait d’être forcé de se rendre dans un tel pays.

En effet, si le demandeur affirme qu’il serait renvoyé dans son pays d’origine, même par la force, alors qu’il aurait été débouté de sa demande d’asile en Suède, il échet toutefois de constater qu’il ne se dégage ni du rapport d’Amnesty International ni de l’article du site Editions législatives.fr intitulé « « Dublin » : Les Afghans ne peuvent pas être transférés vers l'Etat qui a rejeté leur demande d'asile » du 10 avril 2018 ni du rapport de l’OSAR du 12 septembre 2018, lesquels parlent principalement du renvoi de ressortissants afghans à partir de l’Irak et du Pakistan, qu’au moment de la prise de la décision actuellement litigieuse, tout demandeur de protection internationale afghan définitivement débouté de sa demande de protection internationale en Suède risquerait d’être automatiquement et sans possibilité de recours éloigné de force vers son pays d’origine.

Le tribunal relève encore que le demandeur ne fournit pas de précisions quant à la situation générale des personnes transférées vers la Suède dans le cadre du règlement Dublin III, ni n’invoque-t-il une jurisprudence de la CourEDH relative à une suspension générale des transferts vers la Suède, voire une demande en ce sens de la part de l’UNHCR. Le demandeur ne fait pas non plus état de l’existence d’un rapport ou avis de l’UNHCR interdisant ou recommandant l’arrêt des transferts vers la Suède dans le cadre du règlement Dublin III en raison plus particulièrement de la politique d’asile suédoise ou du renvoi des demandeurs d’asile déboutés afghans qui les exposerait à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la CEDH et de l’article 4 de la Charte.

S’agissant de la référence à un arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon du 3 avril 2018 faite par le demandeur, le tribunal relève que celle-ci ne fait pas l’unanimité, dans la mesure où, à titre de contre-exemple, la Cour administrative d’appel de Bordeaux10 ainsi que la Cour administrative d’appel de Versailles11 estiment actuellement que la Suède ne présente pas de défaillances systémiques.

Par ailleurs, il ne se dégage pas des éléments soumis au tribunal que si les autorités suédoises devaient quand même décider de rapatrier le demandeur dans son pays d’origine en violation des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, alors même qu’il y serait exposé à un risque concret et grave pour sa vie, il ne lui serait pas possible de faire valoir ses droits directement auprès des autorités suédoises en usant des voies de droit adéquates12. A cela s’ajoute que même si toutes les voies de recours devaient être épuisées, il serait possible au demandeur de saisir la CourEDH pour lui demander, sur base de l’article 39 de son règlement intérieur, de demander aux autorités suédoises de surseoir à l’exécution du rapatriement jusqu’à l’issue de la procédure devant cet organe.

Il ne se dégage dès lors pas des éléments soumis au tribunal que le transfert du demandeur en Suède l’exposerait à un refoulement en cascade qui serait contraire au principe de non-refoulement ancré dans l’article 33 de la Convention de Genève ou découlant des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte.

10 CAA de Bordeaux, 6ème chambre, 27 avril 2018, n° 17BX04151, 18BX00410.

11 CAA de Versailles, 3ème chambre, 4 juin 2019, N° 19VE00035.

12 Voir article 26 de la directive n°2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale.

15Le moyen du demandeur fondé sur une violation par la décision ministérielle attaquée des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte est, par conséquent, à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne, ensuite, le moyen fondé sur une non-application, par le ministre, de la clause discrétionnaire instaurée par l’article 17, paragraphe (1), du règlement Dublin III, s’il est vrai que, lorsqu’en application des critères dudit règlement, l’Etat luxembourgeois n’est pas responsable de l’examen de la demande de protection internationale, il peut malgré tout décider d’examiner une demande de protection internationale en vertu de ladite clause discrétionnaire, cette possibilité relève cependant du pouvoir discrétionnaire du ministre, s’agissant d’une disposition facultative qui accorde un pouvoir d’appréciation étendu aux Etats membres13. Si un pouvoir discrétionnaire des autorités administratives ne s’entend certes pas comme un pouvoir absolu, inconditionné ou à tout égard arbitraire, mais comme la faculté qu’elles ont de choisir, dans le cadre des lois, la solution qui leur paraît préférable pour la satisfaction des intérêts publics dont elles ont la charge14, et s’il appartient au juge administratif de vérifier si les motifs invoqués ou résultant du dossier sont de nature à justifier la décision attaquée15, de sorte que lorsque l’autorité s’est méprise, à partir de données fausses en droit ou en fait, sur ses possibilités de choix et sur les limites de son pouvoir d’appréciation, il y a lieu d’annuler la décision en question, encore faut-il que pareille erreur dans le chef de l’autorité administrative résulte effectivement des éléments soumis au tribunal. Par ailleurs, dans le cadre du contrôle d’un pouvoir discrétionnaire, le tribunal est amené à sanctionner une disproportion si celle-ci est manifeste.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir ci-avant dans le cadre de l’examen de la légalité de la décision attaquée par rapport aux articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte que le demandeur est resté en défaut d’établir que tout demandeur de protection internationale afghan débouté soit automatiquement et sans possibilité de recours éloigné par les autorités suédoises vers l’Afghanistan et que c’est sur base de cette même argumentation que le demandeur estime que le ministre aurait dû appliquer la clause discrétionnaire, il y a lieu de retenir qu’il ne saurait pas davantage être reproché au ministre de s’être mépris sur ses possibilités de choix et sur les limites de son pouvoir d’appréciation en ne faisant pas usage de la simple faculté discrétionnaire lui offerte par l’article 17 du règlement Dublin III d’examiner la demande de protection internationale de Monsieur …, alors même que cet examen incombe aux autorités suédoises.

En effet, comme le demandeur reste en défaut d’avancer des raisons concrètes permettant de penser que les autorités suédoises n’ont pas analysé correctement sa demande de protection internationale avant de l’en débouter ou qu’en tant que demandeur de protection internationale débouté, il n’aurait pas accès à la justice suédoise pour, le cas échéant, faire valoir ses droits, que ce soit en relation avec la décision de rejet de sa demande de protection internationale ou avec une éventuelle mesure d’éloignement vers son pays d’origine, c’est à juste titre que la partie étatique soutient que, dans la mesure où les autorités suédoises sont présumées respecter leurs obligations découlant du droit international et européen, il n’appartient pas au ministre de mettre en doute leur décision de rejet en se fondant sur un arrêt de la Cour administrative ayant retenu l’existence d’un conflit armé interne généralisé en Afghanistan, le contraire aboutissant, en effet, à ce que le ministre procède à une nouvelle analyse d’une demande d’ores et déjà rejetée dans un Etat membre, façon de procéder qui relèverait toutefois du « forum shopping » 13 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. e.a., C-411/10 et C-493/10, point 78 14 « Les limites du pouvoir discrétionnaire des autorités administratives », in Rapports belges du VIIe Congrès international de Droit comparé, Bruxelles, CIDC, 1966, p.449.

15 CdE, 11 mars 1970, Pas. 21, p.339.

16que le règlement Dublin III vise justement à éviter, ledit arrêt étant, par ailleurs, inopérant en l’espèce, alors que dans cette affaire, il s’agissait de l’examen au fond d’une demande de protection internationale et non pas d’un transfert vers un Etat membre de l’Union européenne.

Il s’ensuit que c’est à bon droit et sans commettre d’erreur d’appréciation, ni excéder ses pouvoirs, que le ministre a décidé de transférer le demandeur vers la Suède, l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale, respectivement de ses suites.

Suivant le dispositif de la requête introductive, le demandeur sollicite encore, à titre subsidiaire, la suspension de son transfert vers la Suède jusqu’à la production par l’autorité ministérielle luxembourgeoise d’un document confirmant que les autorités suédoises n’entendent pas procéder à son rapatriement vers son pays d’origine. Toujours suivant le seul dispositif de la requête introductive, il demande à voir ordonner une mesure d’instruction complémentaire afin de déterminer s’il y a « de sérieuses raisons de croire qu’il existe un risque de renvoi forcé par les autorités suédoises à destination de son pays d’origine, c’est-à-

dire l’Afghanistan », ainsi que de soumettre à la CJUE une question préjudicielle afin de déterminer si, dans le cas d’espèce, un Etat-membre serait obligé de se déclarer compétent, sur base de l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III, lorsque le transfert de demandeurs de protection internationale sur base dudit règlement devrait avoir lieu vers un Etat membre qui pratiquerait le « renvoi forcé » de demandeurs de protection internationale vers leur pays d’origine « ou règne une violence aveugle », de sorte à les exposer à une violation des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte.

Au vu de la conclusion retenue ci-avant quant aux reproches du demandeur fondés sur le risque d’un refoulement en cascade, et des motifs la sous-tendant, il y a également lieu de rejeter la demande subsidiaire, telle que formulée par le demandeur, de suspendre son transfert vers la Suède jusqu’à la production par l’autorité ministérielle luxembourgeoise d’un document confirmant que les autorités suédoises n’entendent pas procéder à son rapatriement vers son pays d’origine. S’agissant de la demande à voir ordonner une mesure d’instruction complémentaire afin de déterminer s’il y a « de sérieuses raisons de croire qu’il existe un risque de renvoie forcé par les autorités suédoises à destination de son pays d’origine, c’est-

à-dire l’Afghanistan », le tribunal relève qu’il appartient au demandeur de fournir les explications et justifications nécessaires afin d’appuyer son argumentation fondée sur un risque de refoulement en cascade, et qu’il vient d’être retenu qu’une telle preuve n’est pas rapportée, étant soulevé que le demandeur tendant à une mesure d’instruction ne saurait suppléer à cette carence. En outre, il n’y a pas lieu de soumettre à la CJUE une question préjudicielle afin de déterminer si, dans le cas d’espèce, un Etat-membre serait obligé de se déclarer compétent, sur base de l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III, lorsque le transfert de demandeurs de protection internationale sur base dudit règlement devrait avoir lieu vers un Etat membre qui pratiquerait le « renvoi forcé » de demandeurs de protection internationale vers leur pays d’origine « ou règne une violence aveugle », de sorte à les exposer à une violation des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte. D’une part, les dispositions légales, de droit national et de droit européen, sont claires et ne nécessitent aucune interprétation de la part de la CJUE, étant relevé que la CJUE a déjà eu l’occasion de retenir à plusieurs reprises que l’article 17 du règlement Dublin III constitue une disposition facultative qui accorde un pouvoir d’appréciation étendu aux Etats membres16, de sorte à exclure toute obligation dans le chef des Etats membres, et, 16 Voir en ce sens CJUE, 21 décembre 2011, N.S. e.a., C-411/10 et C-493/10, point 78 et CJUE, 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. c. Republika Slovenija, C-578/16, points 88 et 97.

17d’autre part, le tribunal vient de retenir que le demandeur est resté en défaut d’établir l’existence d’une violation des articles des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte dans le chef des autorités suédoises, de sorte que la question que le demandeur souhaite soumettre à ladite Cour n’est pas pertinente pour la solution du présent litige.

Au vu des considérations qui précèdent, et à défaut d’autres moyens, le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, déclare le recours non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 4 septembre 2019, par :

Paul Nourissier, premier juge, Géraldine Anelli, juge, Alexandra Bochet, juge, en présence du greffier Marc Warken.

s. Marc Warken.

s. Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 septembre 2019 Le greffier du tribunal administratif 18


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 43232
Date de la décision : 04/09/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2019-09-04;43232 ?

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