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28/08/2019 | LUXEMBOURG | N°43305

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 août 2019, 43305


Tribunal administratif N° 43305 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 juillet 2019 chambre de vacation Audience publique du 28 août 2019 Recours formé par Monsieur … et consorts, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 28 (1), L. 18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43305 du rôle et déposée le 19 juillet 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Frank Wies, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de

Monsieur …, né le … à … (Iran), et de son épouse, Madame …, née le … à …, agissant e...

Tribunal administratif N° 43305 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 juillet 2019 chambre de vacation Audience publique du 28 août 2019 Recours formé par Monsieur … et consorts, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 28 (1), L. 18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43305 du rôle et déposée le 19 juillet 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Frank Wies, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Iran), et de son épouse, Madame …, née le … à …, agissant en leur nom personnel ainsi qu’au nom et pour le compte de leurs enfants mineurs, …, née le … à … (Allemagne), et …, né le … à …, tous de nationalité iranienne, demeurant ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 4 juillet 2019 de les transférer vers l’Allemagne, l’Etat membre responsable de l’examen de leur demande de protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er août 2019 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sarah Braun, en remplacement de Maître Frank Wies, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de vacation de ce jour.

___________________________________________________________________________

Le 15 mai 2019, Monsieur …, et son épouse, Madame …, accompagnés de leurs enfants mineurs, … et …, ci-après désignés par « les consorts … », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-

après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, désignée ci-après par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée/police des étrangers, de la police grand-ducale, sur son identité et sur celle des membres de sa famille, ainsi que sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il s’avéra à cette occasion, sur base du résultat des recherches effectuées dans la base de données EURODAC et des informations du Centre de coopération policière et douanière (CCPD), ainsi que suivant ses propres déclarations, que les consorts … avaient précédemment introduit une demande de protection internationale au Luxembourg le 11 septembre 2015 et en Allemagne le 13 octobre 2016.

Monsieur … et Madame … furent entendus séparément en date du 16 mai 2019 par un agent du ministère, en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de leur demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dénommé ci-après « le règlement Dublin III ».

En date du 20 mai 2019, les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités allemandes en vue de la reprise en charge des consorts … sur base de la considération que les intéressés avaient précédemment introduit une demande de protection internationale en Allemagne en date du 13 octobre 2016, demande qui fut acceptée par les autorités allemandes le 24 mai 2019 sur le fondement de l’article 18, paragraphe (1), point d) du règlement Dublin III.

Par décision du 4 juillet 2019, expédiée le même jour par courrier recommandé, le ministre informa les consorts … de sa décision de ne pas examiner leur demande de protection internationale et de les transférer vers l’Allemagne, sur base des dispositions de l’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et de celles de l’article 18, paragraphe (1), point d), du règlement Dublin III, ladite décision étant libellée comme suit :

« (…) Vous avez introduit des demandes de protection internationale au Luxembourg en date du 15 mai 2019 au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après « la loi du 18 décembre 2015 »). En vertu des dispositions de l’article 28(1) de la loi précitée et des dispositions de l’article 18(1)d du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 (ci-après « le règlement DIII »), le Grand-Duché de Luxembourg n’examinera pas vos demandes de protection internationale et vous serez transférés vers l’Allemagne qui est l’Etat membre responsable pour traiter ces demandes.

Rappelons que vous avez déjà déposé des demandes de protection internationale au Luxembourg en date du 11 septembre 2015 et des entretiens sur les motifs à la base de vos demandes ont été faits en date du 28 juin 2016 et du 5 juillet 2016. Cependant, comme vous ne vous êtes plus présentés au ministère pour prolonger vos attestations de protection internationale à partir du 5 août 2016, vos demandes ont été considérées comme implicitement retirées en date du 17 juillet 2017, conformément à l’article 23(2)b de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Les faits concernant vos demandes, la motivation à la base de la présente décision, les bases légales sur lesquelles elle s’appuie, de même que les informations quant aux voies de recours ouvertes sont précisés ci-après.

En mains le rapport de Police Judiciaire du 15 mai 2019 et les rapports d’entretien Dublin III sur vos demandes de protection internationale du 16 mai 2019.

1. Quant aux faits à la base de vos demandes de protection internationale 2 En date du 15 mai 2019, vous avez introduit des demandes de protection internationale auprès du service compétent de la Direction de l’immigration.

La comparaison de vos empreintes dactyloscopiques avec la base de données Eurodac a révélé que vous avez précédemment déposé, respectivement introduit des demandes de protection internationale au Luxembourg en date du 11 septembre 2015 et en Allemagne en date du 13 octobre 2016.

Afin de faciliter le processus de détermination de l’Etat responsable, des entretiens Dublin III ont été menés en date du 16 mai 2019.

Sur cette base, la Direction de l’immigration a adressé en date du 20 mai 2019 des demandes de reprise en charge aux autorités allemandes sur base de l’article 18(1)d du règlement DIII, demandes qui furent acceptées par lesdites autorités allemandes en date du 24 mai 2019.

2. Quant aux bases légales En tant qu’Etat membre de l’Union européenne, l’Etat luxembourgeois est tenu de mener un examen aux fins de déterminer l’Etat responsable conformément aux dispositions du règlement DIII établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

S’il ressort de cet examen qu’un autre Etat est responsable du traitement de la demande de protection internationale, la Direction de l’immigration rend une décision de transfert après que l’Etat requis a accepté la prise ou la reprise en charge du demandeur.

Aux termes de l’article 28(1) de la loi du 18 décembre 2015, le Luxembourg n’est pas responsable pour le traitement d’une demande de protection internationale si cette responsabilité revient à un autre Etat.

Dans le cadre d’une reprise en charge, et notamment conformément à l’article 18(1), point d) du règlement DIII, l’Etat responsable de l’examen d’une demande de protection internationale en vertu du règlement est tenu de reprendre en charge — dans les conditions prévues aux art. 23, 24, 25 et 29 — le ressortissant de pays tiers ou l’apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d’un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre Etat membre.

3. Quant à la motivation de la présente décision de transfert En l’espèce, Madame, Monsieur, il ressort des résultats du 16 mai 2019 de la comparaison de vos données dactyloscopiques avec celles enregistrées dans la base de données Eurodac que vous avez précédemment déposé, respectivement introduit des demandes de protection internationale au Luxembourg en date du 11 septembre 2015 et en Allemagne en date du 13 octobre 2016.

Monsieur, selon vos déclarations, vous auriez quitté l’Iran en date du 16 juillet 2015 en direction de la Turquie où vous auriez embarqué sur un bateau en direction de la Grèce.

Vous auriez continué votre voyage en direction du Luxembourg où vous auriez vécu pendant 3 douze mois et où vous auriez déposé une demande de protection internationale. Ensuite, vous vous seriez rendu en Allemagne où vous auriez vécu entre le 13 octobre 2016 et le 12 mai 2019 et où vous auriez introduit une nouvelle demande de protection internationale qui aurait été rejetée. Vous seriez alors revenu au Luxembourg en date du 12 mai 2019.

Madame, vous confirmez les déclarations de votre époux.

Madame, Monsieur, lors de vos entretiens Dublin III en date du 16 mai 2019, vous n’avez pas fait mention d’éventuelles particularités sur vos états de santé respectifs ou autres problèmes généraux empêchant un transfert vers l’Allemagne qui est l’Etat membre responsable pour traiter vos demandes de protection internationale.

En l’occurrence, dans l’hypothèse où les autorités allemandes auraient effectivement rendu une décision de renvoi vers votre pays d’origine, vous ne rapportez pas la preuve que vos demandes de protection internationale n’auraient pas fait l’objet d’une analyse juste et équitable, ni que vous n’auriez pas les moyens de les faire valoir, notamment devant les autorités judiciaires allemandes.

Vous n’avez fourni aucun élément susceptible de démontrer que l’Allemagne ne respecterait pas le principe de non-refoulement à vos égards et faillirait à ses obligations internationales en vous renvoyant dans un pays où vos vies, vos intégrités corporelles respectives ou vos libertés seraient sérieusement menacées.

Il n’existe en outre pas non plus de raisons pour une application de l’article 16(1) du règlement DIII pouvant amener le Luxembourg à assumer la responsabilité de l’examen au fond de vos demandes de protection internationale.

Il convient encore de souligner qu’en vertu de l’article 17(1) du règlement DIII (clause de souveraineté), chaque Etat membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par le ressortissant d’un pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, pour des raisons humanitaires ou exceptionnelles. Les autorités luxembourgeoises disposent d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard, et l’application de la clause de souveraineté ne constitue pas une obligation.

Il ne ressort pas de l’ensemble des éléments de votre dossier que les autorités luxembourgeoises auraient dû faire application de la clause de souveraineté prévue à l’article 17(1) du règlement DIII. En effet, vous ne faites valoir aucun élément humanitaire ou exceptionnel qui ne serait pas couvert par les dispositions du règlement DIII et qui devrait amener les autorités luxembourgeoises à se déclarer responsables pour le traitement de vos demandes de protection internationale.

Pour l’exécution du transfert vers l’Allemagne, seule votre capacité de voyager est déterminante et fera l’objet d’une détermination définitive dans un délai raisonnable avant le transfert.

Si vos états de santé respectifs devaient temporairement constituer un obstacle à l’exécution de votre renvoi vers l’Allemagne, l’exécution du transfert serait suspendue jusqu’à ce que vous seriez à nouveau aptes à être transférés. Par ailleurs, si cela s’avère nécessaire, la Direction de l’immigration prendra en compte vos états de santé respectifs lors de 4 l’organisation du transfert vers l’Allemagne en informant les autorités allemandes conformément aux articles 31 et 32 du règlement DIII à condition que vous exprimiez votre consentement explicite à cette fin.

D’autres raisons individuelles pouvant éventuellement entraver la remise aux autorités allemandes n’ont pas été constatées. (…) ».

Le même jour, le ministre s’adressa au service de police judiciaire, section criminalité organisée/police des étrangers, de la police grand-ducale afin d’organiser le transfert des consorts ….

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 juillet 2019, inscrite sous le numéro 43305 du rôle, les consorts … ont fait introduire un recours en annulation contre la décision ministérielle précitée du 4 juillet 2019.

En vertu de l’article 35, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015, un recours en annulation peut être introduit contre une décision de transfert, de sorte que seul un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision ministérielle sous examen du 4 juillet 2019.

Le recours en annulation est encore recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours et au-delà des faits et rétroactes relatés ci-dessus, les demandeurs expliquent être ressortissants et originaires de la République islamique d’Iran. Ils relatent avoir été élevés dans la religion islamique et s’être convertis par convictions personnelles au christianisme. Suite à leur conversion, et au vu de la situation de rejet des chrétiens en Iran, ils n’auraient eu d’autre choix que de se cacher pour pratiquer leur foi. Les demandeurs exposent que Monsieur … aurait été séquestré à deux reprises par la police iranienne en 2013 et en 2014.

Lors de sa deuxième séquestration, il aurait été retenu pendant douze jours par les forces de l’ordre iraniennes qui l’auraient torturé et l’auraient menacé de mort. Monsieur … explique que lors de son procès, il aurait été contraint de signer un jugement rendu à son encontre le punissant à 80 coups de fouet sur le corps nu, indiquant en outre qu’il serait libéré uniquement sous garantie.

Les demandeurs ajoutent qu’au cours de l’été 2015, les autorités iraniennes auraient trouvé des documents chrétiens dans le coffre de la voiture de Monsieur …. Ils auraient dès lors décidé de fuir leur pays afin de sauver leur vie. Arrivés en Turquie, ils auraient été informés qu’ils seraient recherchés en Iran et que les biens de Monsieur … auraient été confisqués.

Les consorts … indiquent qu’ils seraient, dans un premier temps, venus au Luxembourg afin d’y déposer une demande de protection internationale. Au cours de leur séjour, ils auraient toutefois fait l’objet de menaces de mort de la part d’un ressortissant iranien vivant également sur le territoire luxembourgeois. Ce dernier les aurait visés à cause de leur conversion au christianisme. Ils auraient alors décidé de fuir le Luxembourg afin de s’installer en Allemagne où ils auraient introduit une nouvelle demande de protection internationale en date du 13 octobre 2016. Les demandeurs déclarent qu’après avoir pris connaissance du rejet de leurdemande d’asile en Allemagne, ils seraient revenus au Luxembourg afin d’y déposer une nouvelle demande de protection internationale en date du 15 mai 2019.

En droit, les demandeurs font valoir qu’en application de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 1er, du règlement Dublin III, les autorités luxembourgeoises seraient responsables pour l’examen de leur demande de protection internationale, dans la mesure où une première demande de protection internationale aurait été déposée en date du 11 septembre 2015 au Luxembourg. En s’appuyant sur un arrêt du 26 juillet 20171 rendu par la Cour de Justice de l’Union européenne, dénommée ci-après « la CJUE », sur le fondement de l’article 20, paragraphe (2), du règlement Dublin III, les demandeurs donnent à considérer que la procédure pour une demande de protection internationale aurait été entamée au Luxembourg et que cette procédure comporterait bien un document écrit établi par les autorités luxembourgeoises qui attesterait qu’ils auraient sollicité la protection internationale auprès du Luxembourg. De plus, les deux entretiens auxquels les époux … ont participé en 2016 au Luxembourg seraient à considérer comme des procès-verbaux au sens de l’interprétation de la CJUE. Il serait donc constant en cause que le premier Etat membre auprès duquel une demande de protection internationale aurait été introduite serait le Luxembourg qui serait donc responsable pour analyser leur nouvelle demande.

En se prévalant d’une violation de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2, du règlement Dublin III, les demandeurs donnent à considérer que le ministre aurait fait abstraction des défaillances systémiques dans la procédure d’asile qui existeraient en Allemagne et qui entraîneraient un risque réel de traitement inhumain et dégradant pour eux au sens de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par « la Charte ». Ils expliquent craindre d’être renvoyés par l’Allemagne dans leur pays d’origine, alors qu’un retour vers l’Iran violerait le principe de non-refoulement, tel qu’il serait prévu par l’article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, dénommée ci-après « la Convention de Genève ».

Quant à la situation en Iran, les demandeurs exposent que la liberté religieuse des minorités religieuses y serait gravement réprimée et s’appuient, dans ce contexte, sur un rapport de l’organisation internationale Amnesty International du 22 février 2018, intitulé « Amnesty International Rapport 2017/2018 – La situation des droits humains dans le monde », ainsi que sur un rapport de l’Observatoire de la Liberté Religieuse du 14 juin 2017, intitulé « Iran : house churches ; situation of practicing Christians ; treatment by authorities of Christian converts’ family members ».

Enfin, ils revendiquent la compétence des autorités luxembourgeoises sur base de la clause discrétionnaire prévue à l’article 17, paragraphe (1), du règlement Dublin III.

Le délégué du gouvernement, pour sa part, conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 « Si, en application du règlement (UE) n°604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la 1 Pièce n° 7 versée par les consorts … : CJUE, 26 juillet 2017, Tsegezab Mengesteab c. Allemagne, C-670/16.personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale ».

L’article 18, paragraphe (1), point d), du règlement Dublin III, sur lequel le ministre s’est basé pour conclure à la responsabilité des autorités allemandes pour procéder à l’examen de la demande de protection internationale des consorts …, prévoit que « 1. L’État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (…) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l’apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d’un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre ».

Il s’ensuit que si le ministre estime qu’en application du règlement Dublin III, un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce pays accepte la reprise en charge de l’intéressé, le ministre décide de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.

Le tribunal constate qu’il est constant en cause que la décision de transférer les demandeurs vers l’Allemagne et de ne pas examiner leur demande de protection internationale a été adoptée par le ministre en application des prédits articles 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et 18, paragraphe (1), point d), du règlement Dublin III, au motif que l’Etat responsable de l’examen de leur demande de protection internationale et de ses suites est l’Allemagne, en ce qu’ils y ont introduit une demande de protection internationale en date du 13 octobre 2016 et que les autorités allemandes ont accepté leur reprise en charge le 24 mai 2019, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de ne pas examiner la demande de protection internationale déposée par les demandeurs au Luxembourg et de les transférer vers l’Allemagne.

Il y a encore lieu de rejeter l’argumentation des demandeurs fondée sur la considération qu’ils auraient légitimement pu introduire leur demande de protection internationale au Luxembourg, au motif que leur première demande de protection internationale aurait été introduite au Luxembourg en date du 11 septembre 2015, dans la mesure où non seulement leur demande a été considérée par les autorités luxembourgeoises comme implicitement retirée en date du 17 juillet 2017, conformément à l’article 23, paragraphe (2), point b) de la loi du 18 décembre 2015, mais qu’en tout état de cause la décision est expressément fondée sur l’article 18, paragraphe (1), point d), du règlement Dublin III qui impose à l’Etat membre ayant définitivement débouté un demandeur de protection internationale de reprendre, non pas l’examen de sa demande de protection internationale, mais de reprendre en charge le demandeur lui-même, de sorte que l’Allemagne a été, à juste titre, considérée par le ministre, comme l’Etat membre responsable du traitement de leur demande de protection internationale, respectivement des suites à apporter à celle-ci une fois que leur examen a abouti à la prise d’une décision de rejet définitive. Ainsi, le fait que les demandeurs aient vu rejeter leur demande de protection internationale en Allemagne et qu’un ordre de quitter le territoire allemand ait été prononcé à leur encontre, n’est pas de nature à rendre compétentes les autorités luxembourgeoises pour examiner leur demande de protection internationale.

Le tribunal constate ensuite que les demandeurs reprochent au ministre que leur transfert serait contraire aux articles 3, paragraphe (2), et 17, paragraphe (1), du règlement Dublin III, ainsi qu’au principe de non-refoulement prévu à l’article 33 de la Convention de Genève.

Quant au moyen tiré de l’existence, en Allemagne, de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale, le tribunal relève que l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2, du règlement Dublin III, invoqué par les demandeurs, est libellé comme suit : « Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable ».

Force est au tribunal de constater que cette disposition impose à l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande de protection internationale d’un demandeur d’asile de s’abstenir de transférer l’intéressé vers l’Etat membre initialement désigné comme responsable, en application des critères prévus par le règlement Dublin III, s’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans le cadre de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après dénommée « la CEDH », respectivement de l’article 4 de la Charte.

La situation visée par ledit article 3, paragraphe (2), du règlement Dublin III est celle de l’existence de défaillances systémiques empêchant tout transfert de demandeurs d’asile vers un Etat membre déterminé2.

A cet égard, le tribunal relève que l’Allemagne est tenue, en tant que membre de l’Union européenne et signataire de la CEDH, au respect des dispositions de celle-ci et de celles du Pacte international des droits civils et politiques et de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ainsi que du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève et dispose a priori d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés.

Il y a encore lieu de souligner, dans ce contexte, que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant, qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, ainsi que dans la CEDH, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard3. C’est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union européenne a adopté le règlement Dublin III en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des Etats, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi d’éviter le « forum shopping », l’ensemble ayant pour objectif principal 2 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, pt. 92.

3 CJUE, 21 décembre 2011, affaires jointes C-411/10, N.S, c. Secretary of State for the Home Department et C-493/10, M.E.

et al c. Refugee Applications Commissioner Minister for Justice, Equality and Law Reform., point 78.d’accélérer le traitement des demandes tant dans l’intérêt des demandeurs d’asile que des Etats participants4/5.

Dès lors, comme ce système européen commun d’asile repose sur la présomption – réfragable – que l’ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard, il appartient au demandeur de rapporter la preuve matérielle de défaillances avérées6. Dans son arrêt du 16 février 2017, la CJUE a, d’ailleurs, expressément réaffirmé l’existence tant de ce principe de confiance mutuelle que de la présomption réfragable s’en dégageant du respect des droits fondamentaux par les Etats participant au système européen commun d’asile7, tout en apportant des précisions quant à l’interprétation de l’article 4 de la Charte et aux obligations en découlant pour les Etats membres.

Au vu de ce qui précède, il incombe donc aux demandeurs d’un statut de protection internationale de fournir des éléments concrets permettant de retenir l’existence de défaillances systémiques en Allemagne au sens de l’article 3, paragraphe (2), du règlement Dublin III.

Force est toutefois au tribunal de constater que les demandeurs restent en l’espèce en défaut de verser des rapports pertinents publiés par des organisations non gouvernementales ou autres agences accréditées dans le domaine de l’immigration qui seraient de nature à corroborer la thèse des défaillances systémiques dans le cadre de la procédure de demande d’asile, telle que soutenue par eux.

En l’absence de toute preuve matérielle de défaillances systémiques en Allemagne s’opposant à leur transfert, le moyen des demandeurs est, par conséquent, à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne, ensuite, plus particulièrement et de manière générale le risque allégué d’une expulsion en cascade, le tribunal constate tout d’abord que la décision attaquée n’implique pas un retour vers le pays d’origine des demandeurs, mais désigne uniquement l’Etat membre responsable pour le traitement de leur demande de protection internationale, respectivement de ses suites, étant relevé que ledit Etat membre, en l’occurrence l’Allemagne, a reconnu être compétent pour reprendre les demandeurs en charge.

Il n’en demeure pas moins qu’en vertu notamment de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, dénommée ci-après « CourEDH », dans certains cas, il ne peut être exclu que l’application des règles prescrites par le règlement Dublin III puisse être de nature à entraîner un risque sérieux qu’un demandeur de protection internationale soit, en cas de transfert vers un Etat, traité d’une manière incompatible avec les droits fondamentaux, étant relevé que la présomption selon laquelle les Etats participant au système instauré par le règlement Dublin III respectent les droits fondamentaux prévus par la CEDH est réfragable8.

4 Ibidem, point 79.

5 voir par exemple trib. adm., 1er juillet 2015, n° 36439 du rôle ; trib. adm., 1er juillet 2015, n° 36441 du rôle ; trib. adm., 14 octobre 2015, n° 36966 du rôle ; trib. adm., 21 octobre 2015, n° 36996 du rôle ; trib. adm. 28 octobre 2015, n° 37015 du rôle, disponibles sur www.jurad.etat.lu.

6 Voir aussi Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg, 8 janvier 2015, n° A11 S 858/14.

7 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, pt. 95.

8 CEDH, grande chambre, 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse, n° 29217/12 ; CEDH, grande chambre, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, n° 30696/09. Afin d’apprécier s’il y a des motifs sérieux et avérés de croire que le demandeur encourt un risque réel de traitement prohibé par l’article 3 de la CEDH, la CourEDH a jugé que pour vérifier l’existence d’un risque de mauvais traitements, il y a lieu d’examiner les conséquences prévisibles de l’éloignement du requérant dans le pays de destination, compte tenu de la situation générale dans ce pays et des circonstances propres au cas de la partie requérante9.

Le tribunal est toutefois amené à relever que dans les affaires mettant en cause l’expulsion d’un demandeur d’asile, la CourEDH10 a néanmoins précisé qu’elle se gardait d’examiner elle-même les demandes d’asile ou de contrôler la manière dont les Etats remplissent leurs obligations découlant de la Convention de Genève, sa préoccupation essentielle étant de savoir s’il existe des garanties effectives qui protègent le requérant contre un refoulement arbitraire, direct ou indirect, vers le pays qu’il a fui, la CourEDH ayant encore retenu que l’effectivité d’un recours ne dépend pas de la certitude d’une issue favorable pour le requérant11.

Il n’en demeure pas moins que, compte tenu de l’importance que la CourEDH attache à l’article 3 de la CEDH et de la nature irréversible du dommage susceptible d’être causé en cas de réalisation du risque de torture ou de mauvais traitements, l’effectivité d’un recours demande impérativement un contrôle attentif par une autorité nationale, c’est-à-dire un examen indépendant et rigoureux de tout grief aux termes duquel il existe des motifs de croire à un risque de traitement contraire à l’article 3 de la CEDH12, la préoccupation essentielle de la CourEDH étant de savoir s’il existe, en l’espèce, des garanties effectives qui protègent le requérant contre un refoulement arbitraire, direct ou indirect, vers son pays d’origine13, la CourEDH ayant encore souligné que lorsqu’il y a eu une procédure interne, il n’entre pas dans les attributions de la CourEDH de substituer sa propre vision des faits à celle des cours et tribunaux internes, auxquels il appartient en principe de peser les données recueillies par eux14.

Il se dégage en conséquence de cette jurisprudence que le transfert d’un demandeur de protection internationale par le Grand-Duché de Luxembourg vers l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale et des suites à y donner, en application du règlement Dublin III, ne pourrait constituer une violation de l’article 3 de la CEDH, respectivement 4 de la Charte, qu’à la condition que l’intéressé démontre, soit qu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’il encourt un risque réel de subir la torture ou des traitements inhumains ou dégradants dans cet Etat, soit qu’il ne bénéficierait pas d’une protection contre le non-refoulement vers son pays d’origine dans l’Etat intermédiaire responsable du traitement de sa demande de protection internationale, à savoir en l’occurrence l’Allemagne.

Cette jurisprudence impose dès lors la vérification de l’existence d’un risque de mauvais traitement qui doit atteindre un seuil minimal de sévérité, l’examen de ce seuil minimum étant relatif et dépendant des circonstances concrètes du cas d’espèce de l’intéressé.

Or, force est toutefois de constater qu’en l’espèce, les demandeurs n’apportent aucun élément de nature à établir qu’ils risqueraient des mauvais traitements en cas de retour en 9 CEDH, 4 décembre 2008, Y./Russie, n°20113/07, point 78 ; ; CEDH, 28 février 2008, Saadie/Italie, n°37201/06, points 128-

129 ; CEDH, 30 octobre 1991, Vilvarajah et autres/Royaume-Uni, n°13448/87, point 108 in fine.

10 CEDH, grande chambre, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, n°30696/09, point 286.

11 Ibidem, point 289 ; voir également trib. adm. 30 novembre 2018, n°41764 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.

12 Ibidem, point 293.

13 Ibidem, point 298.

14 CEDH, grande chambre, 23 mars 2016, F.G. c. Suède, n°43611/11, point 118. Allemagne. Ainsi, ils n’établissent ni que, personnellement et concrètement, leurs droits n’auraient pas été respectés en Allemagne lors de l’introduction et de l’examen de leur demande de protection internationale, ni que leurs droits ne seraient pas garantis en Allemagne, ni que, de manière générale, les droits des demandeurs de protection internationale déboutés en Allemagne ne seraient automatiquement et systématiquement pas respectés, ou encore que ceux-ci n’auraient en Allemagne aucun droit ou aucune possibilité de les faire valoir auprès des autorités allemandes en usant des voies de droit adéquates15, étant encore relevé que l’Allemagne est signataire de la Charte, de la CEDH et de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de la Convention de Genève ainsi que du Protocole additionnel du 31 janvier 1967 relatif aux réfugiés et, à ce titre, est censé en appliquer les dispositions.

Par ailleurs, les demandeurs n’ont pas non plus indiqué de faits concrets permettant de relever que leurs conditions d’accueil dans ce pays auraient été mauvaises.

A cet égard, le tribunal relève encore que les demandeurs n’invoquent aucune jurisprudence de la CourEDH relative à une suspension générale des transferts vers l’Allemagne, voire une demande en ce sens de la part de l’UNHCR. Les demandeurs ne font pas non plus état de l’existence d’un rapport ou avis émanant de l’UNHCR, ou d’autres institutions ou organismes internationaux, interdisant ou recommandant l’arrêt des transferts vers l’Allemagne dans le cadre du règlement Dublin III en raison plus particulièrement de la politique d’asile allemande qui les exposerait à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la CEDH et de l’article 4 de la Charte.

Il ne se dégage dès lors pas des éléments soumis au tribunal que le transfert des demandeurs en Allemagne les exposerait à un traitement inhumain ou dégradant découlant des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte. Le moyen des demandeurs fondé sur une violation par la décision ministérielle attaquée des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte est, par conséquent, à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne ensuite le moyen fondé sur une non-application, par le ministre, de la clause discrétionnaire instaurée par l’article 17, paragraphe (1), du règlement Dublin III, il convient tout d’abord de souligner que le recours à une clause discrétionnaire relève d’une faculté pour les autorités administratives.

S’il est vrai que, lorsqu’en application des critères du règlement Dublin III, l’Etat luxembourgeois n’est pas responsable de l’examen de la demande de protection internationale, il peut malgré tout décider d’examiner une demande de protection internationale en vertu de ladite clause discrétionnaire, cette possibilité relève cependant du pouvoir discrétionnaire du ministre, s’agissant d’une disposition facultative qui accorde un pouvoir d’appréciation étendu aux Etats membres16. Si un pouvoir discrétionnaire des autorités administratives ne s’entend certes pas comme un pouvoir absolu, inconditionné ou à tout égard arbitraire, mais comme la faculté qu’elles ont de choisir, dans le cadre des lois, la solution qui leur paraît préférable pour la satisfaction des intérêts publics dont elles ont la charge17, et s’il appartient au juge administratif de vérifier si les motifs invoqués ou résultant du dossier sont de nature à justifier 15 Voir article 26 de la directive n°2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale.

16 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. e.a., C-411/10 et C-493/10, point 65.

17 « Les limites du pouvoir discrétionnaire des autorités administratives », in Rapports belges du VIIe Congrès international de Droit comparé, Bruxelles, CIDC, 1966, p.449.la décision attaquée18, de sorte que lorsque l’autorité s’est méprise, à partir de données fausses en droit ou en fait, sur ses possibilités de choix et sur les limites de son pouvoir d’appréciation, il y a lieu d’annuler la décision en question, encore faut-il que pareille erreur dans le chef de l’autorité administrative résulte effectivement des éléments soumis au tribunal. Par ailleurs, dans le cadre du contrôle d’un pouvoir discrétionnaire, le tribunal est amené à sanctionner une disproportion si celle-ci est manifeste.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir ci-avant dans le cadre de l’examen de la légalité de la décision attaquée par rapport aux articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte que les demandeurs sont restés en défaut d’établir qu’ils risqueraient des actes de torture ou des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Allemagne, respectivement d’être sans possibilité de recours au cas où ils risqueraient d’être éloignés par les autorités allemandes vers l’Iran, et que c’est sur base de cette même argumentation que les demandeurs estiment que le ministre aurait dû appliquer la clause discrétionnaire, il y a lieu de retenir qu’il ne saurait pas davantage être reproché au ministre de s’être mépris sur ses possibilités de choix et sur les limites de son pouvoir d’appréciation en ne faisant pas usage de la simple faculté discrétionnaire lui offerte par l’article 17 du règlement Dublin III d’examiner la demande de protection internationale des consorts …, alors même que cet examen incombe aux autorités allemandes, le contraire constituant, en effet, une façon de procéder qui relèverait toutefois du « forum shopping » que le règlement Dublin III vise justement à éviter.

Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit et sans commettre d’erreur d’appréciation, ni excéder ses pouvoirs, que le ministre a décidé de transférer les demandeurs vers l’Allemagne, l’Etat membre responsable de l’examen de leur demande de protection internationale, respectivement de ses suites, de sorte qu’à défaut d’autres moyens, le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

donne acte aux demandeurs de l’introduction d’une demande d’assistance judiciaire ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Géraldine Anelli, juge, Alexandra Bochet, juge, 18 CdE, 11 mars 1970, Pas. 21, p.339.

et lu à l’audience publique du 28 août 2019, par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.

s. Marc Warken s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 28 août 2019 Le greffier du tribunal administratif 13


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 43305
Date de la décision : 28/08/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2019-08-28;43305 ?

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