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14/08/2019 | LUXEMBOURG | N°43418

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 août 2019, 43418


Tribunal administratif N° 43418 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 août 2019 Chambre de vacation Audience publique de vacation du 14 août 2019 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120. L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43418 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 août 2019 par Maître Maria Ana REAL GERALDO DIAS, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au

nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Nigéria) et être de nationalité nigéria...

Tribunal administratif N° 43418 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 août 2019 Chambre de vacation Audience publique de vacation du 14 août 2019 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120. L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43418 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 août 2019 par Maître Maria Ana REAL GERALDO DIAS, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Nigéria) et être de nationalité nigériane, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 9 juillet 2019 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de ladite décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 août 2019;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Florence KÖNNER, en remplacement de Maître Maria Ana REAL GERALDO DIAS, et Madame le délégué du gouvernement Christiane MARTIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de vacation de ce jour.

Il ressort d’un acte d’écrou du 24 avril 2017 délivré par le Centre pénitentiaire de Luxembourg que Monsieur … fut condamné par jugement du Tribunal correctionnel de et à Luxembourg du 16 mars 2017 à une peine d’emprisonnement de 18 mois, assortie d’un sursis de 9 mois, pour infraction à la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie, ci-après désignée par « la loi du 19 février 1973 ».

.

Par arrêté du 8 mai 2017, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », déclara irrégulier le séjour sur le territoire luxembourgeois de Monsieur … et lui ordonna de quitter ledit territoire sans délai tout en lui interdisant l’entrée sur le territoire pendant une durée de trois ans.

Par courrier du 9 août 2018 du service administratif du Centre pénitentiaire de Luxembourg, le ministre fut informé que Monsieur … fut placé en détention préventive pour infraction à la loi du 19 février 1973.

Le 9 juillet 2019, le ministre prit un arrêté de placement en rétention administrativepour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question à l’encontre de Monsieur …, arrêté lui notifié le même jour et basé sur les considérations suivantes :

« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu les antécédents judiciaires de l’intéressé ;

Vu ma décision de retour et ma décision d’interdiction d’entrée sur le territoire du 8 mai 2017 lui notifiée le 9 mai 2017 ;

Attendu que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Attendu que l’intéressé se trouve de nouveau sur le territoire luxembourgeois malgré ma décision d’interdiction du territoire du 8 mai 2017 ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125 paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par requête déposée le 9 août 2019 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 43418 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation, de la décision précitée du 9 juillet 2019 ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1), de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.

Il ressort tant des explications non contestées du délégué du gouvernement que des pièces figurant au dossier administratif que l’arrêté ministériel de placement sous analyse a cessé de produire ses effets dans la mesure où le ministre a pris un nouvel arrêté de placement en rétention à l’égard de Monsieur … en date du 6 août 2019, notifié à ce dernier le 9 août 2019.

Il s’ensuit que la mesure de placement en rétention administrative déférée n’est plus en vigueur à l’audience des plaidoiries de ce jour, de sorte que le tribunal n’est ainsi plus en mesure, au stade actuel de la procédure contentieuse, de faire droit à la demande tendant à la réformation de la décision déférée. Le contrôle du tribunal ne peut donc désormais plus que porter sur les moyens de légalité invoqués dans le cadre du recours en réformation.

Au vu des considérations qui précèdent, le recours principal en réformation est recevable dans la limite des moyens d’annulation invoqués et devient sans objet pour le surplus.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours Monsieur … souligne avoir été placé en rétention après la fin de son incarcération au Centre pénitentiaire de Schrassig. Il donne encore à considérer qu’il disposerait d’un passeport nigérien, d’un permis de séjour émis par les autorités compétentes de la région de Bolzano en Italie, ainsi que d’une pièce d’identité valide jusqu’au 25 octobre2021, laquelle lui aurait été délivrée par la commune de Merano en Italie, pièce d’identité dont il aurait ignoré qu’elle ne serait pas valide à l’étranger.

En mettant en avant sa bonne foi, le demandeur conteste ensuite tout risque de fuite dans son chef. A cet égard, il souligne que pour arriver à la conclusion de l’existence d’un tel risque de fuite, le ministre se serait basé sur le fait qu’il ne disposerait pas d’une adresse au Luxembourg. Or, le « permis de séjour » lui délivré par les autorités italiennes lui interdirait de s’établir au Luxembourg, de sorte qu’il ne saurait en tout état de cause pas disposer d’une adresse sur le territoire luxembourgeois. Il fait encore valoir que les documents d’identité dont il disposerait lui permettraient de retourner en Italie et il précise avoir d’ores et déjà contacté les autorités ministérielles en vue d’un tel retour volontaire.

Il conteste ensuite que le ministre aurait entamé les démarches suffisantes pour écourter au maximum son placement en rétention. Ainsi, et en vue de procéder à son éloignement, les autorités luxembourgeoises auraient contacté les autorités italiennes, à une seule reprise et ce 5 jours seulement après son placement en rétention, à savoir le 16 juillet 2019, courrier qui n’aurait toutefois pas connu de suites. Le défaut de réponse des autorités italiennes justifierait sa mise en liberté immédiate, le demandeur insistant de nouveau sur le fait qu’il souhaite retourner volontairement en Italie tout en affirmant qu’il y aurait lieu « d’enjoindre au Ministère des Affaires Étrangères d’accorder quarante-huit heures au requérant afin de lui permettre de quitter le territoire par ses propres moyens et à destination de l’Italie ».

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement.

[…] ».

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008 : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire.

[…] ».

L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque, comme en l’espèce, l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettreson éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite jusqu’à une durée maximale, sous certaines conditions de six mois.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Il y a tout d’abord lieu de relever qu’en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), de la loi du 29 août 2008, un risque de fuite est légalement présumé notamment lorsque l’étranger se trouve en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois.

Il est constant en cause que le demandeur est en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois, l’arrêté du ministre du 8 mai 2017 constatant le séjour irrégulier du demandeur sur le territoire luxembourgeois étant coulé en force de chose décidée.

Il est encore constant en cause que contrairement à ses affirmations, le demandeur ne dispose pas d’un document d’identité ou de voyage en cours de validité, alors qu’il résulte tant des explications circonstanciées de la partie étatique que des pièces versées en cause que le passeport nigérian du demandeur a expiré le 11 janvier 2018, que son permis de séjour italien a expiré quant à lui le 1er septembre 2017 et que sa carte d’identité italienne est exclusivement valide sur le territoire italien.

Il échet dès lors de constater des éléments qui précèdent que le demandeur se trouve en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois et qu’en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel le risque de fuite est présumé plus particulièrement si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi, le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.

Cette conclusion n’est pas énervée par les affirmations du demandeur qu’il serait de bonne foi et qu’il souhaiterait retourner volontairement en Italie par ses propres moyens, alors qu’outre le fait qu’il s’agit de pures allégations, il ne dispose en tout état de cause pas de titre de séjour valable en Italie. Par ailleurs, il ressort d’un courriel des autorités italiennes adressé le 12 août 2019 aux autorités luxembourgeoises, que celles-ci refusent de le laisser entrer sur le territoire italien, alors qu’il fait l’objet d’un signalement au système d’information Schengen, ci-après désigné par « le SIS », par les autorités norvégiennes.

S’agissant ensuite des contestations du demandeur quant aux diligences entreprises par le ministre afin d’organiser son retour, force est au tribunal de constater qu’il ressort tant des explications circonstanciées de la partie étatique que des pièces versées en cause que Monsieur … a été présenté dès le lendemain de son placement en rétention, à savoir le 9 juillet 2019, au Consul de l’Ambassade du Nigéria. Il ressort encore des explications non contestées de la partie étatique ainsi que du rapport du 10 juillet 2019 de l’agent en charge du dossier du demandeurque c’est à cette date que celui-ci a affirmé qu’il disposerait d’un passeport nigérian et d’un titre de séjour italien en cours de validité. Le 16 juillet 2019, les autorités luxembourgeoises ont ainsi encore contacté les autorités italiennes en vue d’un éloignement éventuel du demandeur vers l’Italie et elles leur ont adressé un rappel le 12 août 2019, c’est-à-dire après l’expiration de la mesure de placement sous analyse. Le même jour, les autorités italiennes ont informé les autorités luxembourgeoises de leur refus de laisser le demandeur entrer sur le territoire italien vu son signalement au SIS, par les autorités norvégiennes.

Il échet dès lors de relever que les démarches entreprises en l’espèce par les autorités luxembourgeoises, qui étaient en l’espèce tributaires de la collaboration des autorités italiennes, doivent être considérées comme suffisantes, de sorte qu’il y a lieu de conclure que l’organisation de l’éloignement du demandeur est toujours en cours et qu’elle est exécutée avec toute la diligence requise. Les contestations afférentes du demandeur sont, dès lors, à écarter.

Enfin, et en ce qui concerne la demande de Monsieur … à se voir accorder un délai de 48 heures pour quitter volontairement le territoire luxembourgeois, dans la mesure où le tribunal est limité à l’analyse des moyens de légalité et qu’il ne peut donc pas ordonner la libération du demandeur et faute en outre de disposition légale investissant le tribunal d’un tel pouvoir, ladite demande est à rejeter.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme dans la limite des moyens de légalité invoqués et le déclare sans objet pour le surplus ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 14 août 2019 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Stéphanie Lommel, juge, Alexandra Bochet, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 août 2019 Le greffier du tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 43418
Date de la décision : 14/08/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2019-08-14;43418 ?

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