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07/08/2019 | LUXEMBOURG | N°43373

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 août 2019, 43373


Tribunal administratif Numéro 43373 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er août 2019 chambre de vacation Audience publique de vacation du 7 août 2019 Recours formé par Monsieur …., Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43373 du rôle et déposée le 1er août 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky Stoff

el, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M...

Tribunal administratif Numéro 43373 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er août 2019 chambre de vacation Audience publique de vacation du 7 août 2019 Recours formé par Monsieur …., Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43373 du rôle et déposée le 1er août 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …., déclarant être né le …. à ….

(Mauritanie) et être de nationalité mauritanienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d'une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 16 juillet 2019 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 août 2019 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sylvie Freitas, en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Madame le délégué du gouvernement Linda Maniewski en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de vacation du 7 août 2019.

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En date du 14 mai 2010, Monsieur …. introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après désignée par « la loi du 5 mai 2006 ».

Par une décision du 6 septembre 2010, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration considéra la demande de protection internationale comme ayant été implicitement retirée par Monsieur …., au motif que ce dernier ne s’était plus présenté au guichet du ministère.

Le 21 novembre 2013, les autorités suisses sollicitèrent la reprise en charge, par le Luxembourg, de Monsieur …., qui y avait déposé une demande de protection internationale, le transfert de ce dernier ayant eu lieu le 11 février 2014.

Le 31 mars 2014, les autorités allemandes sollicitèrent la reprise en charge de Monsieur …. par le Luxembourg, le transfert de ce dernier ayant eu lieu le 30 septembre 2015.

Par arrêté du 5 octobre 2015, notifié à l’intéressé en mains propres le 8 octobre 2015, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », constata que le séjour de Monsieur …. sur le territoire luxembourgeois était irrégulier et lui ordonna de quitter le territoire dans un délai de 30 jours sur le fondement des articles 100 et 109 à 115 de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 ».

En date du 8 octobre 2015, Monsieur …. introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une nouvelle demande de protection internationale, qui fut déclarée irrecevable par une décision du ministre du 9 novembre 2015 sur base de l’article 23 de la loi du 5 mai 2006.

Le 26 janvier 2016, les autorités allemandes sollicitèrent, une nouvelle fois, la reprise en charge de Monsieur …. par le Luxembourg, le transfert de ce dernier ayant eu lieu le 25 juillet 2016.

Par arrêté du 21 juillet 2016, notifié à l’intéressé le 25 juillet 2016, le ministre interdit à Monsieur …. l’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans sur le fondement de l’article 124, paragraphe (2) de la loi du 29 août 2008.

Par un arrêté pris le même jour, et notifié à l’intéressé le 25 juillet 2016, le ministre ordonna le placement en rétention de Monsieur …. pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question. Par arrêtés des 22 août, 19 septembre, 17 octobre 2016, 14 novembre 2016 et 19 décembre 2016, notifiés respectivement les 24 août, 23 septembre, 21 octobre 2016, 21 novembre 2016 et 21 décembre 2016, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur …., à chaque fois pour une durée d’un mois à compter de la notification de l’arrêté en question.

Les recours contentieux introduits contre les arrêtés des 22 août 2016, 17 octobre 2016, 14 novembre 2016 et 19 décembre 2016 furent rejetés respectivement par jugements du tribunal administratif du 28 septembre 2016, inscrit sous le n° 38498 du rôle, du 2 novembre 2016, inscrit sous le n° 38621 du rôle, du 7 décembre 2016, inscrit sous le n° 38777 du rôle, et du 30 décembre 2016, inscrit sous le n° 38910 du rôle.

Une demande de Monsieur …. en obtention d’un sursis à l’éloignement pour raisons médicales fut refusée par une décision du ministre du 28 décembre 2016.

Après sa remise en liberté le 20 janvier 2017 et suite à un contrôle d’identité à la Gare de Luxembourg, effectué par la police grand-ducale, unité C.I. Luxembourg, le même jour, le ministre prit, en date du 20 janvier 2017, un nouvel arrêté de placement en rétention à l’encontre de Monsieur …., qui fut annulé par un jugement du tribunal administratif du 17 février 2017, inscrit sous le numéro 39082 du rôle, jugement qui fut toutefois réformé par la Cour administrative à travers un arrêt du 28 février 2017, inscrit sous le n° 39129C du rôle.

Par arrêtés des 16 février, 15 mars, 18 avril et 16 mai 2017, le ministre prorogea à chaque fois pour une nouvelle durée d’un mois le placement en rétention de Monsieur ….. Les recours contentieux introduits contre lesdits arrêtés furent rejetés par des jugements du tribunal administratif du 7 avril 2017, inscrit sous le n° 39329 du rôle, et du 12 mai 2017, inscrit sous le n° 39501 du rôle. Le 24 mai 2017, Monsieur …. fut libéré du Centre de rétention.

A la suite d’une demande de reprise en charge des autorités néerlandaises, Monsieur …. fut transféré au Luxembourg le 21 juin 2019.

Par un arrêté du 21 juin 2019, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre ordonna le placement en rétention de Monsieur …. pour une durée d’un mois, ledit arrêté étant libellé comme suit :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 5 octobre 2015 ;

Vu mon interdiction d'entrée sur le territoire de trois ans du 21 juillet 2016 ;

Attendu que l'intéressé est dépourvu de tout document d'identité et de voyage valable ;

Attendu que l'identité de l'intéressé n'est pas établie ;

Attendu qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […]».

Le recours contentieux introduit contre ledit arrêté fut déclaré non fondé par jugement du tribunal administratif du 10 juillet 2019, inscrit sous le numéro 43230 du rôle.

Par arrêté du 16 juillet 2019, notifié à l’intéressé en mains propres le 19 juillet 2019, le ministre prorogea pour une durée d’un mois l’arrêté de placement en rétention initial.

Ledit arrêté de prorogation est libellé comme suit :

« Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2009 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 21 juin 2019, notifié le même jour, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 21 juin 2019 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure d’éloignement ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 1er août 2019, Monsieur ….

a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 16 juillet 2019.

Etant donné que l'article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre l’arrêté ministériel du 16 juillet 2019. Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation introduit contre le même arrêté ministériel.

Le recours principal en réformation est recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.

Après avoir relaté les faits et rétroactes tels que repris ci-avant et affirmé que le fait qu’il a, à différentes reprises, fait l’objet de demandes de reprise en charge qui auraient eu des conséquences sur son état psychologique, le demandeur rappelle qu’en application de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, le ministre est obligé d’exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais avec toute la diligence requise, tout en reprochant au ministre de ne pas avoir entrepris les démarches qui s’imposeraient pour s’être limité à relancer le Consulat Général du Maroc. Il soutient que toutes les démarches qu’il aurait entreprises en vue de l’éloigner du territoire luxembourgeois auraient échoué dans la mesure où le ministre se serait heurté au manque de collaboration des autorités marocaines et mauritaniennes et qu’il y aurait actuellement lieu de constater qu’il n’existerait aucune perspective de l’éloigner ni vers le Maroc, ni vers la Mauritanie. Il souligne que le placement en rétention devrait rester une mesure exceptionnelle et que le ministre devrait faire état et documenter avec précision les démarches qu’il estime requises et qu’il est en train d’exécuter afin de lui permettre d’apprécier si un « éloignement valable » est possible et en voie d’organisation et que, par ailleurs, le ministre est en train d’entreprendre toutes les démarches suffisantes pour écourter au maximum sa privation de liberté. Or, en l’espèce, l’arrêté entrepris n’énoncerait pas clairement les mesures entreprises.

Il en conclut que les conditions d’un placement en rétention ne seraient pas remplies.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

En ce qui concerne tout d’abord le reproche du demandeur que la décision déférée ne serait pas suffisamment motivée, le tribunal est amené à conclure que s’il est vrai qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et les catégories de décisions y énumérées doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, le cas d’espèce sous examen ne tombe cependant dans aucune des hypothèses énumérées à l’alinéa 2 de l’article 6 précité, de sorte que l’obligation inscrite à l’article 6, alinéa 2, du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, d’ailleurs non invoqué par le demandeur, ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce. Comme il n’existe, en outre, aucun autre texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une mesure de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision déférée, de sorte que le moyen fondé sur un défaut d’indication des motifs doit être rejeté pour ne pas être fondé.

Quant au fond, l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 dispose comme suit : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ».

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment l’identification de l’intéressé, s’il ne dispose pas de documents d’identité, ensuite la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation est partant en principe soumise à la réunion de trois conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours et que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise.

Le tribunal relève qu’il est constant en cause, pour avoir été retenu à itératives reprises par les jugements et arrêts précités des juridictions administratives, que le demandeur est en situation irrégulière au Luxembourg, ce qui ressort, par ailleurs, de l’arrêté ministériel, précité, du 21 juillet 2016, et suivant lequel le demandeur s’est vu interdire l’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans, entraînant le constat de son séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois, de sorte que l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite est présumée, en vertu de l’article 111, paragraphe (3), c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « (…) Le risque de fuite est présumé (…) si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 (…) », étant encore précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, tel que prévu au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.

Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement et maintenir son placement, le demandeur ne contestant d’ailleurs pas le risque de fuite dans son chef.

S’agissant de l’argumentation du demandeur selon laquelle les diligences entreprises par le ministre pour exécuter son éloignement seraient insuffisantes, et que, par ailleurs, il n’existerait aucune perspective d’éloignement dans les plus brefs délais au regard des démarches infructueuses entreprises par le passé, il y a tout d’abord lieu de préciser que dans le cadre du jugement précité du 10 juillet 2019, inscrit sous le numéro 43230 du rôle, le tribunal, après avoir constaté que les autorités luxembourgeoises avaient contacté le Consulat général du Royaume du Maroc à Liège le 21 juin 2019 pour s’enquérir de l’état d’avancement de la demande d’identification lui adressée le 28 juillet 2016 et réitérée notamment le 16 juin 2017, tout en ayant relancé ledit consulat le 5 juillet 2019, a estimé que les diligences ainsi accomplies par les autorités luxembourgeoises jusqu’au moment où il avait été amené à statuer, étaient suffisantes pour justifier le placement et le maintien du demandeur au Centre de rétention.

En ce qui concerne les démarches entreprises depuis ledit jugement du tribunal administratif du 10 juillet 2019, respectivement depuis la notification de l’arrêté de prorogation actuellement litigieux, il se dégage du dossier administratif que le 19 juillet 2019, les autorités luxembourgeoises ont relancé les autorités marocaines pour connaître l’état d’avancement de leur demande d’identification, de même que le 24 juillet 2019, un agent de la direction de l’Immigration a contacté l’agent du Consulat Général du Maroc par téléphone pour connaître l’état d’avancement du dossier, entretien téléphonique lors duquel il a été informé que la demande d’identification du demandeur était toujours en cours d’instruction.

A cela s’ajoute que dans la mesure où il n’est pas contesté que suite à sa libération du Centre de rétention le 24 mai 2017, le demandeur a disparu dans la nature, aucun reproche ne saurait être adressé aux autorités luxembourgeoises pour ne pas avoir continué à s’enquérir auprès des autorités marocaines de l’état d’avancement de la procédure d’identification du demandeur ni aux autorités marocaines pour ne pas avoir continué cette procédure.

Ainsi, au vu des démarches déployées concrètement par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, actuellement tributaire de la collaboration et de l’efficacité des autorités marocaines, le tribunal est amené à retenir que l’organisation de l’éloignement du demandeur est toujours en cours, mais qu’elle n’a pas encore abouti, étant encore relevé, à cet égard, que les autorités luxembourgeoises ne sauraient pas non plus nuire aux relations diplomatiques par un nombre exagéré de rappels adressés aux autorités étrangères compétentes. Le moyen afférent est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.

Le tribunal est finalement amené à retenir qu’il n’entrevoit à l’heure actuelle pas d’éléments permettant de conclure que l’éloignement vers le Maroc ne puisse pas être mené à bien.

En effet, même s’il est vrai que la personne soumise à la mesure de rétention ne doit pas pâtir d’un défaut de collaboration des autorités compétentes du pays d’origine mettant à néant toute perspective d’une exécution de la mesure d’éloignement, il n’en demeure pas moins qu’en l’espèce, au vu des démarches accomplies par les services du ministère depuis le placement en rétention initial et au vu de la justification apportée par les autorités marocaines par rapport aux difficultés auxquelles elles sont confrontées pour procéder à l’identification du demandeur - le dossier administratif révélant, en effet, que le Consulat général du Royaume du Maroc à Liège a expliqué en date du 5 janvier 2017 que les recherches en vue d’identifier le demandeur s’avéraient être plus difficiles du fait que le système automatique par empreintes digitales « AFIS » n’a confirmé aucune concordance des empreintes digitales du demandeur avec les empreintes sauvegardées dans la base de données en question, de sorte qu’il y avait lieu de procéder à des recherches sur base des seules empreintes de l’intéressé, qui toutefois correspondraient à un nombre élevé de candidats, entraînant que la durée des recherches restait « indéterminée », déclaration réitérée le 24 janvier 2017 -, le tribunal estime qu’une nouvelle mesure de placement devant le contexte d’une nouvelle tentative du ministre de mener à bien l’éloignement du demandeur, n’est, à ce stade, pas sujette à critique, le tribunal ne disposant, en effet, pas de suffisamment d’éléments pour conclure que l’exécution de l’éloignement s’avère actuellement impossible. Le tribunal relève encore que l’ensemble des démarches que le ministre a été obligé d’entreprendre afin de mener à bien l’éloignement du demandeur sont encore à voir devant la toile de fond du manque de collaboration du demandeur, dont l’identité, et en l’occurrence son pays de provenance, étaient incertains, celui-ci ayant déclaré originairement être d’origine mauritanienne, voire continuant à indiquer dans le cadre du recours sous analyse être de nationalité mauritanienne, sans toutefois fournir le moindre élément de nature à conforter cette affirmation et alors même qu’il se dégage d’une note au dossier administratif du 30 janvier 2017 que suite à une vidéoconférence du même jour, les autorités mauritaniennes ont conclu avec certitude que le demandeur était originaire du Maroc et non pas de Mauritanie.

En effet, un étranger placé en rétention ayant provoqué en grande partie lui-même des retards dans la procédure d’éloignement par son refus de collaborer et de révéler son identité et sa véritable origine, doublé d’une multiplication des identités et nationalités déclarées en cours de procédure, est malvenu de se plaindre du fait que les mesures d’instruction successives en vue de son éloignement requièrent un certain temps1.

1 Cour adm. 27 février 2014, n° 34049C, Pas. adm. 2018, V° Etrangers, n° 806.

Au vu de ce qui précède, le moyen tiré d’une prétendue impossibilité de procéder à l’éloignement du demandeur est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 7 août 2019 par :

Marc Sünnen, président, Alexandra Castegnaro, premier juge, Stéphanie Lommel, juge, en présence du greffier Monique Thill.

s. Monique Thill s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 07.08.2019 Le greffier du tribunal administratif .


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 43373
Date de la décision : 07/08/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2019-08-07;43373 ?

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