Tribunal administratif N° 42686 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 avril 2019 2e chambre Audience publique extraordinaire du 2 août 2019 Recours formé par la société …, Luxembourg contre une décision du directeur de l’administration des Contribution directes en matière d’échange de renseignements
___________________________________________________________________________
Vu la requête inscrite sous le numéro 42686 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 avril 2019 par la société en commandite simple Bonn Steichen & Patners, établie et ayant son siège social à L-2370 Howald, 2 rue Peternelchen, Immeuble C2, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, représentée par son gérant commandité actuellement en fonctions, la société à responsabilité limitée BSP S.à.r.l., établie et ayant son siège social à L-2370 Howald, 2 rue Peternelchen, Immeuble C2, elle-même représentée aux fins de la présente procédure par son gérant, Maître Alain Steichen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme …, établie et ayant son siège social à …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, inscrite au Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro …, tendant à l’annulation de la décision d’injonction du directeur de l’administration des Contributions directes du 20 mars 2019 de fournir des renseignements en vertu de l’article 3, paragraphe 3 de la loi modifiée du 25 novembre 2014 prévoyant la procédure applicable à l’échange de renseignements sur demande en matière fiscale, référencée sous le numéro 2019-0222-S1 LS ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 mai 2019 ;
Vu l’ordonnance du président de la deuxième chambre du tribunal administratif du 8 mai 2019 autorisant, sur requête de la société en commandite simple Bonn Steichen & Partners, représentée par la société à responsabilité limitée BSP S.à.r.l., elle-même représentée par Maître Alain Steichen, le dépôt d’un mémoire supplémentaire par partie pour le 29 mai 2019, respectivement le 14 juin 2019 ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 29 mai 2019 par la société en commandite simple Bonn Steichen & Partners, représentée par la société à responsabilité limitée BSP S.à.r.l., elle-même représentée par Maître Alain Steichen, au nom de la société anonyme … ;
Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 juin 2019 ;
Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Olivier Schank, en remplacement de Maître Alain Steichen, et Madame le délégué du gouvernement Caroline Peffer en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 juin 2019 ;
Vu l’avis du tribunal administratif du 19 juin 2019 informant les parties de la rupture du délibéré ;
Vu l’ordonnance du président de la deuxième chambre du tribunal administratif du 19 juin 2019 autorisant le dépôt d’un mémoire supplémentaire par partie pour le 27 juin 2019, respectivement le 5 juillet 2019, afin de prendre position par rapport aux pièces déposées au tribunal par le délégué du gouvernement à l’audience publique du 17 juin 2019 ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 27 juin 2019 par la société en commandite simple Bonn Steichen & Partners, représentée par la société à responsabilité limitée BSP S.à.r.l., elle-même représentée par Maître Alain Steichen, au nom de la société anonyme … ;
Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 3 juillet 2019 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Le juge rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Pol Mellina, en remplacement de Maître Alain Steichen, et Madame le délégué du gouvernement Caroline Peffer en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 juillet 2019.
___________________________________________________________________________
Par courrier du 20 mars 2019, le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », adressa à la société anonyme …, ci-après désignée par « la Société », une décision d’injonction en vertu de l’article 3, paragraphe 3 de la loi modifiée du 25 novembre 2014 prévoyant la procédure applicable à l’échange de renseignement sur demande en matière fiscale, ci-après dénommée « la loi du 25 novembre 2014 », avec prière de fournir pour la période du 1er janvier 2000 au 31 janvier 2019 des renseignements et documents relatifs aux relations bancaires énumérées dans ladite injonction concernant la société de droit panaméen …, ci-après désignée par « la société … », suite à une demande d’échange de renseignements du 7 mars 2019 de la part de l’autorité compétente danoise en vertu de la Convention fiscale modifiée entre le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg et le Gouvernement du Royaume du Danemark tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune du 17 novembre 1980, ci-après dénommée « la Convention », dernièrement modifiée par la loi du 1er juillet 2014 portant approbation du Protocole et de l’échange de lettres relatifs à ladite Convention. La décision d’injonction étant libellée comme suit :
« En date du 7 mars 2019, l’autorité compétente de l’administration fiscale danoise nous a transmis une demande de renseignements en vertu de la convention fiscale entre le Luxembourg et le Danemark du 17 novembre 1980, dernièrement modifiée par la loi du 1er juillet 2014 portant approbation du Protocole et de l’échange de lettres relatif à ladite convention.
L’autorité compétente luxembourgeoise a vérifié la régularité formelle de ladite demande de renseignements (y inclus celle prévue à l’article 2, paragraphe 3 de la loi du 25 novembre 2014) et exclu l’absence manifeste de pertinence vraisemblable.
La personne morale concernée par la demande est la société … 2 Je vous prie de bien vouloir nous fournir, pour la période du 1er janvier 2000 au 31 janvier 2019, les renseignements et documents suivants pour le 24 avril 2019 au plus tard.
Pour des raisons de meilleure lisibilité, nous avons repris le questionnaire anglais de la demande d’information des autorités danoises pour les points suivants.
— Please confirm if the company … is, or has been, a customer of your institution.
— Please provide information for all accounts held in the name of … and/or its owner or legal representative, including, but not limited to, the following:
o Account opening forms and due diligence documents and forms identifying the owner, beneficial owner and/or legal representative of each account.
o Any documents containing the signature of the owner, beneficial owner and/or legal representative of the company concerning the arrangement between the owner and/or … and your institution, documenting the legal basis on which … and/or its accounts, deposits and/or portfolios are founded, i.e. any and all documents and logs, including legal documents and/or contracts concerning … — If the company … and/or its owner or legal representative are not customers of your institution anymore, please specify to which bank the deposits have been transferred to.
Je tiens à vous rendre attentif que, conformément à l’article 2 (2) de la loi modifiée du 25 novembre 2014 précitée, le détenteur des renseignements est obligé de fournir les renseignements demandés ainsi que les pièces sur lesquelles ces renseignements sont fondés en totalité, de manière précise et sans altération.
Je vous prie de bien vouloir nous envoyer les renseignements et documents par le biais du système d’envoi de fichiers par OTX (voir à cet effet https://impotsdirects.public.lu/fr/echanges_electroniques/Echangederenseignementssurdeman de.html pour le guide d’utilisateur).
Conformément à l’article 6 (1) de la loi modifiée du 25 novembre 2014 précitée, un recours en annulation est ouvert devant le tribunal administratif au détenteur des renseignements à l’encontre de la présente décision d’injonction. Ce recours doit être introduit dans le délai d’un mois à partir de la notification de la décision au détenteur des renseignements demandés (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 avril 2019, la Société a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du 20 mars 2019 prise par le directeur.
Etant donné que l’article 6 de la loi du 25 novembre 2014 prévoit un recours en annulation contre la décision d’injonction adressée au détenteur des renseignements demandés, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation dirigé contre la décision du directeur du 20 mars 2019, telle que déférée, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, la Société expose tout d’abord les faits et rétroactes à la base du présent litige.
En droit, la Société estime que son recours serait à déclarer fondé en ce que les renseignements demandés ne seraient pas « vraisemblablement pertinents ». Elle soulève que, tel qu’indiqué dans la décision d’injonction, les autorités luxembourgeoises auraient été saisies d’une demande d’échange de renseignements des autorités danoises en vertu de la Convention.
La prédite Convention prévoirait en son article 4 que seules des « renseignements vraisemblablement pertinents » pour élucider les affaires fiscales d’un contribuable déterminé devraient être échangés entre les Etats. La Société relève qu’en prévoyant une telle limite quant à la nature des informations susceptibles d’être échangées, les auteurs de la convention modèle de l’Organisation de coopération et de développement économiques, ci-après dénommée « l’OCDE », sur laquelle serait basée la Convention, auraient voulu empêcher l’utilisation par un Etat de l’instrument d’échange d’informations pour « aller à la pêche aux renseignements » en vue d’obtenir des renseignements dont il serait peu probable qu’ils soient pertinents pour élucider les affaires fiscales d’un contribuable déterminé.
Dans ce contexte, la Société donne à considérer que suite à la demande de renseignements, la direction des Contributions directes aurait jugé utile d’émettre la décision d’injonction du 20 mars 2019 en vertu de la loi du 25 novembre 2014, afin de la contraindre à fournir les informations requises par les autorités danoises. La Société cite, à cet égard, l’article 3, paragraphe (1) de la loi du 25 novembre 2014, et relève que d’après la jurisprudence constante en la matière, la vérification de la pertinence vraisemblable des renseignements demandés s’articulerait principalement autour de l’identité du contribuable concerné par la demande et la finalité fiscale des informations demandées. En ce qui concerne l’identité du contribuable visé par la demande d’échange de renseignements, la Société insiste sur le fait que la décision d’injonction préciserait qu’il s’agirait de la société …, s’agissant, en revanche, de la finalité fiscale poursuivie par l’échange de renseignements, la décision d’injonction resterait muette à ce sujet.
La Société reproche à ce titre à la décision directoriale du 20 mars 2019 d’être restée en défaut de lui fournir des informations plus détaillées quant au but fiscal des autorités danoises et explique qu’elle devrait, à ce stade, assumer que le but fiscal des autorités danoises serait de vérifier la situation fiscale de la société concernée par la demande d’échange de renseignements, qui en tant qu’entité de droit panaméen, ne devrait être soumise à l’impôt danois qu’en raison de ses revenus de source danoise. Elle affirme dès lors comprendre que les autorités danoises demanderaient des informations visant à identifier, voire à quantifier, de tels revenus de source danoise et elle s’est engagée, à cet effet, à fournir les informations relatives aux relations commerciales entre la société concernée par la demande d’échange de renseignements et elle-
même, ainsi que, le cas échéant, celles relatives à l’identification des comptes qui seraient détenus par la société … auprès de son institution.
Or, concernant les autres informations ayant trait en réalité non pas à la société concernée par la demande d’échange de renseignements, mais à toute personne qui pourrait en être le propriétaire, le bénéficiaire effectif ou le représentant légal, la Société est d’avis que celles-ci ne sauraient être utiles à la clarification de la situation fiscale de la société …, alors qu’il ne serait, en effet, pas du tout clair en quoi l’identité du propriétaire, du bénéficiaire effectif ou encore du représentant légal pourrait influer d’une quelconque façon sur l’imposition d’un non-résident au Danemark.
Ainsi, la Société explique qu’en l’absence de toute information complémentaire quant au but fiscal poursuivi, elle pourrait donc s’arrêter aux informations relatives aux revenus de source danoise du contribuable visé par la demande de renseignement et conclure légitimement à l’absence totale de pertinence vraisemblable des autres informations demandées.
Par ailleurs, elle estime que toute tentative d’identifier des personnes autres que celles visées par une enquête fiscale existante dans l’Etat requérant sur base d’une simple suspicion vague, non autrement étayée, serait clairement révélatrice d’une pêche aux renseignements. A cet égard, la société se prévaut d’un exemple fourni par l’OCDE pour illustrer une situation typique de pêche aux renseignements dans laquelle les Etats ne sont pas tenus de fournir des informations en réponse à une demande d’échange de renseignements et constate que ledit exemple ressemblerait très fortement à la démarche des autorités danoises en l’espèce et permettrait d’évacuer tout doute quant à l’absence manifeste de pertinence vraisemblable. Elle insiste sur le fait que la demande des autorités danoises serait encore plus large que l’exemple donné par l’OCDE, en ce que la décision d’injonction ne préciserait aucun lien avec le Danemark, ni ne limiterait les informations demandées aux résidents danois qui pourraient être les propriétaires, bénéficiaires effectifs ou représentants légaux de la société concernée par la demande d’échange de renseignements. En précisant que la décision d’injonction serait manifestement basée sur une demande étrangère s’analysant comme une pêche aux renseignements, la Société déduit que celle-ci violerait le critère de la pertinence vraisemblable et devrait partant être annulée.
Enfin, la Société relève que la partie étatique devrait, en tout état de cause, fournir la substance des informations contenues dans la demande d’échange de renseignements, ainsi que, le cas échéant, dans les compléments d’information délivrés par l’Etat requérant, notamment pour ce qui concernerait les informations minimales jugées nécessaires afin d’apprécier la pertinence vraisemblable de la demande étrangère, à savoir l’identité du contribuable visé et le but fiscal renseigné. Selon la Société, cette dernière indication ne lui aurait pas été communiquée dans le cadre de la décision d’injonction. Or, ce ne serait qu’à l’issue de cette communication minimale qu’elle pourrait être en possession des précisions nécessaires pour lui permettre de préparer utilement sa défense.
Partant, elle sollicite, dans l’intérêt de l’instruction de l’affaire et afin de préserver ses droits, la communication des informations minimales en question, ainsi que le droit de prendre position par rapport à ces informations dans un mémoire supplémentaire en application de l’article 6, paragraphe (2) de la loi du 25 novembre 2014, telle que modifiée.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement relève que la partie demanderesse aurait refusé de fournir les renseignements relatifs à l’identité des propriétaires, bénéficiaires effectifs et représentants légaux de la société … au motif que les renseignements demandés ne seraient pas « vraisemblablement pertinents » pour l’imposition de cette personne.
Dans ce contexte, il cite un descriptif du cas d’imposition et du but fiscal que l’autorité compétente étrangère lui aurait fourni dans le cadre de sa demande d’échange de renseignements, duquel il ressortirait que contrairement aux affirmations de la partie demanderesse, une société de droit panaméen pourrait être pleinement imposable au Danemark tant sur son revenu de source danoise que sur son revenu de droit étranger lorsqu’elle y dispose d’un siège de direction. Le délégué du gouvernement donne ainsi à considérer qu’afin de vérifier si la société concernée par la demande d’échange de renseignements a effectivement son siège de direction au Danemark, toutes les informations demandées, notamment cellesrelatives à l’identité des propriétaires, bénéficiaires effectifs et représentants légaux seraient pertinentes.
Ainsi, le délégué du gouvernement conclut qu’il résulterait de tout ce qui précède que la décision d’injonction litigieuse se fonderait sur une demande suffisamment motivée de l’autorité compétente étrangère portant sur des informations qui n’apparaitraient pas, de manière manifeste, être dépourvues de toute pertinence vraisemblable eu égard, d’une part, à l’identité de la personne visée par la demande, et, d’autre part, à la finalité fiscale poursuivie.
La décision d’injonction répondrait à la condition de légalité tenant à la pertinence vraisemblable des informations demandées.
A toutes fins utiles, il donne encore à considérer que l’autorité compétente danoise aurait fourni des explications générales supplémentaires après l’introduction du présent recours qui confirmeraient les conclusions de l’autorité compétente luxembourgeoise en ce qui concerne la pertinence vraisemblable des renseignements demandés. Comme la demande de renseignements remplirait toutes les conditions prévues ab initio, les explications en question ne constitueraient pas des compléments d’information à délivrer en présence d’une demande d’échange de renseignements incomplète en application de l’article 3, paragraphe (2) de la loi du 25 novembre 2014. Le délégué du gouvernement rajoute qu’en cas de besoin, ces informations pourraient être communiquées à la demande du tribunal.
Dans son mémoire supplémentaire, la Société cite un extrait d’un arrêt de la Cour administrative du 27 mai 2014, inscrit sous le numéro 34291C du rôle, duquel elle déduit qu’en matière d’échange de renseignements, il serait de jurisprudence qu’ « en ce qui concerne le contrôle de la condition de la pertinence vraisemblable des renseignements demandés, le rôle du juge administratif est limité, en la présente matière, d’une part à la vérification de la cohérence de l’ensemble des explications exposées par l’autorité requérante à la base de sa demande, sans que celle-ci n’ait à prouver la matérialité des faits invoqués, et, d’autre part, au contrôle de la pertinence vraisemblable des renseignements demandés par rapport au cas d’imposition précis et spécifique, c’est-à-dire au point de savoir s’il existe un lien probable et rétractable entre le cas d’imposition mis en avant par l’autorité requérante et les informations sollicitées ».
Selon la Société, il résulterait des indications de l’extrait de la demande danoise, reproduite par le délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse, que les autorités fiscales danoises soupçonneraient que le siège de direction effective de la société … se trouverait au Danemark. Elle soulève que ces soupçons seraient apparemment basés sur les informations d’une source anonyme achetée par les autorités fiscales danoises dans le contexte des « Panama Papers ». Il conviendrait donc de conclure, même si l’extrait de la demande danoise ne le confirmerait pas de façon explicite, que le but fiscal des renseignements demandés serait la vérification du siège de direction effective de la société concernée par la demande de renseignements.
Concernant, dès lors, la pertinence vraisemblable des renseignements demandés par rapport au but fiscal identifié, la Société donne à considérer qu’il faudrait encore qu’il y ait « un lien probable et rétractable entre le cas d’imposition mis en avant par l’autorité requérante et les informations sollicitées », autrement dit, il faudrait que les informations demandées puissent paraître utiles pour permettre à l’Etat requérant d’atteindre le but fiscal invoqué. Selon la Société, dans le cas présent, il faudrait donc que les informations sollicitées soient susceptibles d’aider les autorités danoises dans la détermination du siège de direction effective de la société… Dans ce contexte, la Société précise que d’après les commentaires de l’OCDE sur le modèle de la Convention fiscale concernant le revenu et la fortune OCDE, notamment concernant l’article 4 de ladite Convention, pour déterminer le siège de direction d’une société, il faudrait prendre « en considération divers facteurs tels que le lieu où les réunions du conseil d’administration de la personne ou de tout autre organe équivalent se tienne généralement, le lieu où le directeur général et les autres dirigeants exercent généralement leur activité, le lieu où s’exerce la gestion supérieure des affaires courantes de la personne, le lieu où se situe le siège de la personne morale, l’Etat dont la législation régit le statut juridique de la personne morale, le lieu où sa comptabilité est tenue (…) ». Dans la mesure où l’identité des actionnaires et bénéficiaires effectifs de la société … ne jouerait aucun rôle dans la détermination du siège de direction effective, il serait évident que les informations demandées ne pourraient pas être utiles à l’administration danoise dans le cadre du but fiscal affiché. Seules les informations relatives au lieu de gestion de la société concernée par la demande d’échange de renseignements seraient pertinentes. La société estime que les autorités danoises auraient demandé des informations qui n’auraient aucun rapport avec le siège de direction effective, de sorte que la demande d’échange de renseignements devrait être qualifiée de « pêche aux renseignements ».
Ainsi, elle conclut que par voie de conséquence, la décision d’injonction litigieuse émise à son encontre devrait être annulée pour être basée sur une demande d’échange de renseignements qui ne satisferait pas au critère de la pertinence vraisemblable, tel que prévu par l’article 3 de la loi du 25 novembre 2014, tel que modifié.
Dans son mémoire supplémentaire, le délégué du gouvernement conteste l’argumentation de la partie demanderesse selon laquelle l’identité des actionnaires et bénéficiaires effectifs de la société concernée par la demande d’échange de renseignements ne jouerait aucun rôle dans la détermination du siège de direction effective de celle-ci. A cet égard, la partie gouvernementale donne à considérer que la partie demanderesse se réfèrerait au commentaire de l’article 4 du modèle de Convention fiscale de l’OCDE qui énumérerait divers facteurs à prendre en considération pour déterminer la résidence d’une personne morale aux fins de cette Convention, mais que les facteurs ne seraient pourtant pas énumérés de façon limitative, de sorte que l’identité des actionnaires et bénéficiaires effectifs pourrait aussi bien figurer parmi les éléments permettant d’apprécier si une société a son siège de direction au Danemark.
Le délégué du gouvernement souligne ensuite que l’autorité requérante disposerait toujours d’une marge d’appréciation pour déterminer les informations à demander et cite, dans ce contexte, un extrait de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne Berlioz du 16 mai 20171. Il estime que la demande ne pourrait être refusée que lorsque les informations sollicitées ne présenteraient manifestement aucun lien avec la personne visée par la demande d’échange de renseignements et l’enquête fiscale en cause. En l’espèce, les informations relatives à l’identité des actionnaires et bénéficiaires effectifs ne seraient pas de nature générale et abstraite, mais seraient clairement délimitées et liées à une personne spécifiquement déterminée, faisant l’objet de l’enquête fiscale en cause. Le but fiscal dans lequel les renseignements seraient demandés serait également clairement défini, de sorte que les informations demandées n’apparaîtraient pas, de manière manifeste, comme dépourvues de toute pertinence vraisemblable eu égard à l’identité de la personne concernée par la demande d’échange de renseignements, ainsi qu’aux besoins de la procédure fiscale en cause.
1 CJUE, arrêt du 16 mai 2017, Berlioz Investment Fund SA c. Directeur de l’administration des contributions directes, C-682/15, considérants 69 et 70.Dans la mesure où le délégué du gouvernement a remis à la demande du tribunal les pièces annoncées comme explications générales supplémentaires lors de l’audience publique du 17 juin 2019 et conformément au principe du contradictoire qui impose la communication des pièces versées au tribunal à la partie demanderesse afin qu’elle puisse présenter des observations y relatives, le tribunal a prononcé une rupture du délibéré afin de permettre aux parties de prendre position par rapport aux susdites pièces.
A cet égard, la Société relève qu’il ressortirait du mémoire en réponse du délégué du gouvernement, ainsi que des pièces versées au tribunal à l’audience des plaidoiries du 17 juin 2019, que l’administration des Contributions directes, ci-après dénommée « l’ACD », se serait adressée à l’administration fiscale danoise après l’introduction du présent recours, de sorte qu’elle aurait cherché à obtenir des informations supplémentaires au sujet de l’enquête fiscale en cours au Danemark, et ce, en application de l’article 3, paragraphe (2) de la loi du 25 novembre 2014. Elle estime que cette demande d’informations supplémentaires de la part de l’ACD démontrerait non seulement que la demande d’échange de renseignements d’origine danoise aurait été lacuneuse, mais encore que l’ACD aurait émis la décision d’injonction litigieuse, malgré l’absence d’informations suffisantes lui permettant de vérifier l’absence manifeste de pertinence vraisemblable des renseignements demandés. Ce ne serait qu’au moment de l’introduction du recours contentieux que l’ACD aurait réellement effectué le contrôle prévu par la loi, étant précisé que le courriel de réponse de l’administration fiscale danoise se référerait à une demande de l’ACD du 23 avril 2019, alors que la requête introductive d’instance aurait été déposée le « 15 avril 2019 ». La partie demanderesse conclut dès lors à l’annulation de la décision d’injonction pour violation de l’obligation légale de vérification de l’absence manifeste de pertinence vraisemblable telle qu’elle découlerait de l’article 3 de la loi du 25 novembre 2014.
A titre subsidiaire, la Société prend position sur la pertinence vraisemblable des renseignements demandés par les autorités fiscales danoises à la lumière du complément d’information fourni dans les pièces déposées par le délégué du gouvernement à l’audience du 17 juin 2019, en donnant à considérer que l’administration fiscale danoise aurait à plusieurs reprises précisé qu’en vertu du droit danois, la détermination du siège effectif se ferait par référence au lieu où les décisions de gestion quotidienne d’une société seraient prises. Comme ce constat rejoindrait en substance les développements de la Société dans son mémoire supplémentaire du 29 mai 2019, relevant du modèle de convention fiscale qui se référerait « au lieu où s’exerce la gestion supérieure des affaires courantes », force serait de constater que l’identité du ou des bénéficiaires effectifs n’affecterait en principe aucunement la détermination du lieu du siège de direction effective de la société, étant donné que le ou les bénéficiaires effectifs ne joueraient a priori aucun rôle dans la gestion quotidienne d’une société. Ces fonctions seraient au contraire exercées par la gérance ou le conseil d’administration de la société en question. La Société explique que le lien que l’administration fiscale danoise tenterait de faire en l’espèce entre le ou les bénéficiaires effectifs et le siège de direction effective d’une société se baserait sur une simple suspicion tirée d’observations faites dans d’autres dossiers ne présentant aucun lien avec l’affaire en cause en l’espèce. Ainsi, les autorités fiscales danoises feraient valoir que par le passé elles auraient été confrontées à des sociétés « offshores », qui auraient été gérées depuis le Danemark, or, la partie demanderesse souligne, qu’il aurait été question de situations très particulières où le ou les bénéficiaires effectifs d’une société offshore se seraient vus accorder une délégation générale du pouvoir de gestion de cette société, alors qu’en l’espèce, l’administration fiscale danoise ne disposerait d’aucune information quant à l’existence d’une telle délégation générale de pouvoir. La Société relève que l’administration fiscale danoise affirmerait simplement avoir eu des informations non autrement étayées d’unesource anonyme selon lesquelles la société faisant l’objet de la demande d’échange de renseignements aurait un lien – non autrement étayé – avec le Danemark. Sur base de ce prétendu lien avec le Danemark, l’administration fiscale danoise affirmerait être convaincue que la société en question serait également gérée à partir du Danemark.
La Société estime que l’administration fiscale danoise chercherait en l’espèce à identifier les bénéficiaires effectifs de la société en question sur base d’une simple suspicion vague et générale, non autrement précisée au regard de circonstances factuelles concrètes. Ce serait précisément ce type de demandes spéculatives et aléatoires que le critère de la pertinence vraisemblable entendrait prohiber, de sorte que la demande d’échange de renseignements émise en l’espèce ne satisferait pas audit critère de la pertinence vraisemblable, malgré le complément d’information apporté par les autorités danoises. L’annulation de la décision d’injonction s’imposerait donc non seulement pour l’absence d’un contrôle de la part de l’administration fiscale luxembourgeoise, mais également pour avoir été basée sur une demande d’échange d’informations à qualifier de « pêche aux renseignements ».
Le délégué du gouvernement estime, pour sa part, que contrairement aux affirmations de la partie demanderesse, le directeur aurait pleinement respecté son obligation légale de vérification de l’absence manifeste de pertinence vraisemblable préalablement à l’émission de sa décision d’injonction, qui préciserait expressément que l’autorité compétente luxembourgeoise aurait non seulement vérifié la régularité formelle de la demande de renseignements, mais qu’elle aurait également exclu l’absence manifeste de pertinence vraisemblable. Il relève en outre que la demande d’échange de renseignements comporterait un descriptif détaillé du cas d’imposition et du but fiscal poursuivi permettant aisément à l’autorité requise de respecter son obligation de vérification.
Concernant l’obtention d’explications supplémentaires de la part de l’autorité requérante après l’envoi de la décision d’injonction, le délégué du gouvernement explique que cela n’établirait pas que la demande d’échange de renseignements aurait été lacunaire ou que l’autorité fiscale luxembourgeoise n’aurait pas respecté son obligation de vérification préalable.
Il soutient que dans le cadre de sa requête introductive d’instance, la partie demanderesse aurait remis en cause le pouvoir d’imposition des autorités fiscales danoises à l’égard de la société de droit panaméen, de sorte qu’il aurait été tout à fait légitime que l’autorité requise luxembourgeoise en informe l’autorité requérante danoise et demande à celle-ci de fournir, le cas échéant, des explications supplémentaires afin de lui permettre de préparer au mieux sa défense. Ainsi, l’autorité requérante aurait pris le soin d’indiquer les bases légales permettant d’imposer les sociétés non immatriculées au Danemark et de préciser l’application de ces dispositions légales dans le cadre de l’enquête fiscale concernée, mais cette description détaillée des dispositions légales serait sans conteste utile dans la présente cause, sans pour autant être requise afin d’établir le défaut d’absence manifeste de pertinence vraisemblable de la demande d’échange de renseignements préalablement à l’exécution de celle-ci. Le délégué du gouvernement conclut dès lors que les explications fournies par l’autorité danoise après l’introduction du recours ne sauraient être considérées comme des compléments d’information délivrés en présence d’une demande d’échange de renseignements incomplète en application de l’article 3, paragraphe (2) de la loi du 25 novembre 2014.
Quant au critère de l’absence manifeste de pertinence vraisemblable, le délégué du gouvernement expose que ce serait à tort que la partie demanderesse prétendrait que l’autorité fiscale danoise se baserait sur une simple suspicion tirée d’observations faites dans d’autres dossiers ne présentant aucun lien avec l’affaire en cause. Les autorités fiscales danoisesbaseraient leur enquête fiscale sur des sources anonymes qui auraient identifié les sociétés concernées comme étant détenues par des personnes physiques ayant des relations avec le Danemark. Comme les sources anonymes paraîtraient fiables, les autorités fiscales danoises auraient pu établir des corrélations dans d’autres dossiers, de sorte qu’elles disposeraient ainsi d’éléments factuels concrets justifiant pleinement l’ouverture d’une enquête fiscale à l’égard de la personne morale concernée, y compris le recours à l’assistance administrative entre autorités fiscales compétentes. Le délégué du gouvernement souligne que la demande d’échange de renseignements ne serait donc aucunement aléatoire ou spéculative. Il rajoute qu’il serait de jurisprudence qu’« une interprétation de la norme de pertinence vraisemblable comme imposant à l’autorité requérante de disposer de preuves incontestées des éléments qu’elle souhaite collecter auprès de l’autorité requise serait disproportionnée et contraire à la finalité de la directive 2011/16 »2. Partant, il conviendrait de conclure que la décision d’injonction litigieuse se fonderait sur une demande suffisamment motivée de l’autorité compétente étrangère portant sur des informations qui n’apparaîtraient pas, de manière manifeste, dépourvues de toute pertinence vraisemblable eu égard, d’une part, à l’identité de la personne visée par la demande, et, d’autre part, à la finalité fiscale poursuivie, la décision d’injonction répondant pleinement à la condition de légalité tenant à la pertinence vraisemblable des informations demandées.
Concernant le moyen ayant trait à l’omission d’indiquer, dans la décision d’injonction litigieuse, la finalité fiscale poursuivie par la demande d’échange de renseignements, empêchant ainsi de déceler les éléments qui ont amené le directeur à exclure toute pêche aux renseignements et la demanderesse de préparer utilement sa défense, il y a lieu de rappeler les dispositions de l’article 3 de la loi du 25 novembre 2014 : « (1) L'administration fiscale compétente vérifie la régularité formelle de la demande d'échange de renseignements. La demande d'échange de renseignements est régulière en la forme si elle contient l'indication de la base juridique et de l'autorité compétente dont émane la demande ainsi que les autres indications prévues par les Conventions et lois.
L'administration fiscale compétente s'assure que les renseignements demandés ne sont pas dépourvus de toute pertinence vraisemblable eu égard à l'identité de la personne visée par la demande d’échange de renseignements et à celle du détenteur des renseignements ainsi qu'aux besoins de la procédure fiscale en cause.
(2) Si la demande d'échange de renseignements ne remplit pas les conditions prévues au paragraphe 1er, un complément d'information est demandé à l'autorité compétente de l'État requérant.
L'administration fiscale compétente est tenue d'exécuter la demande d'échange de renseignements lorsque celle-ci est complète ou a été complétée.
(3) Si l'administration fiscale compétente ne détient pas les renseignements demandés, le directeur de l'administration fiscale compétente ou son délégué notifie par lettre recommandée adressée au détenteur des renseignements sa décision portant injonction de fournir les renseignements demandés.
(4) La demande d'échange de renseignements ne peut pas être divulguée. La décision d'injonction ne comporte que les indications qui sont indispensables pour permettre au détenteur des renseignements d'identifier les renseignements demandés. (…) ».
2 Cour adm., 25 avril 2019, n° 42092C du rôle.
L’article 6, paragraphe (1) de la même loi prévoit encore que « Contre la décision d'injonction visée à l'article 3, paragraphe 3, un recours en annulation est ouvert devant le tribunal administratif au détenteur des renseignements. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 4, le tribunal a accès à la demande d'échange de renseignements ainsi que, le cas échéant, aux demandes de complément d'information et aux compléments d'information délivrés par l'État requérant. Les éléments y contenus et relatifs à l'identité de la personne visée par la demande d’échange de renseignements et à la finalité fiscale des renseignements demandés sont séparément énoncés dans le mémoire en réponse à déposer par la partie étatique. Pour préserver les droits de la défense du requérant, le tribunal peut ordonner que la substance des informations contenues dans la demande d'échange de renseignements ainsi que, le cas échéant, dans les compléments d'information délivrés par l'État requérant lui soit communiquée, pour autant que ces informations soient pertinentes aux fins de l'examen du recours et en veillant à ce que cette communication se fasse d'une manière qui tient compte de la confidentialité nécessaire. ».
En l’espèce, et dans la mesure où, d’un côté, le délégué du gouvernement a déposé au tribunal la demande de renseignements des autorités danoises avant l’audience des plaidoiries du 17 juin 2019 et a reproduit dans son mémoire en réponse du 7 mai 2019 les indications contenues dans ladite demande relatives à l’identité du contribuable concerné et à la finalité fiscale des renseignements demandés et, de l’autre côté, la demanderesse s’est vue, par l’ordonnance du président de la deuxième chambre du tribunal administratif du 8 mai 2019, autoriser, conformément à l’article 6, paragraphe (2) de la loi du 25 novembre 2014, à déposer un mémoire supplémentaire, ce qu’elle fit en date du 29 mai 2019, elle a ainsi eu l’occasion de prendre position par rapport aux indications contenues dans la demande de renseignements et reproduites dans le mémoire en réponse. Suite à la communication d’une pièce supplémentaire lors de l’audience publique du 17 juin 2019 ayant trait à la pertinence des renseignements demandés, le tribunal a par avis du 19 juin 2019 prononcé la rupture du délibéré et a par ordonnance du président de la deuxième chambre du tribunal administratif du 19 juin 2019 autorisé le dépôt d’un mémoire supplémentaire par partie. La demanderesse a pris position par rapport à ces nouveaux éléments et a déposé un mémoire en date du 27 juin 2019. Il s’ensuit que les dispositions légales précitées ont été respectées et que la finalité fiscale de la décision déférée a été indiquée par le délégué du gouvernement au cours de la présente instance contentieuse dans le cadre de son mémoire en réponse, tel que cela est prévu par la loi, de sorte que la partie demanderesse a pu prendre position quant à cette finalité fiscale et qu’aucune violation de ses droits de la défense ne peut être décelée en l’espèce.
Il s’ensuit que les reproches tendant à l’omission d’indiquer, dans la décision d’injonction litigieuse, la pertinence vraisemblable des informations demandées et la finalité fiscale de la demande d’échange de renseignements sont dès lors à rejeter pour ne pas être fondés.
Concernant le moyen selon lequel le directeur ne se serait au moment de la demande d’échange de renseignements pas assuré que les renseignements demandés ne seraient pas dépourvus de toute pertinence vraisemblable puisqu’il ne se serait adressé aux autorités danoises pour obtenir des informations supplémentaires qu’au moment du recours contentieux, à une date postérieure à la décision d’injonction, le tribunal constate que, contrairement aux dires de la partie demanderesse, les informations demandées ne s’inscrivent pas dans le cadre de l’article 3, paragraphe (2) de la loi du 25 novembre 2014 puisqu’aucune mention dans ce sens ne figure dans le courriel des autorités danoises et l’autorité étatique luxembourgeoise aexpliqué de manière cohérente que le complément d’information n’était pas la conséquence d’une demande d’échange de renseignements incomplète mais une demande d’explication supplémentaire générale afin de lui permettre de mieux préparer sa défense dans le cadre de nombreux contentieux ayant une problématique similaire.
A cet égard, la jurisprudence3 a déjà retenu que même si un texte de loi, comme en l’espèce l’article 3, paragraphe (2) de la loi du 24 novembre 2014 prévoit la faculté pour l’autorité compétente de l’Etat requis de relever des lacunes constatées dans la demande de renseignements ou la nécessité de fournir d’autres renseignements et de demander à l’autorité compétente de l’Etat requérant de compléter sa demande en ce sens, cette disposition tend cependant exclusivement à conférer cette faculté à l’autorité de l’Etat requis en vue de vérifier le contenu de la demande lui soumise et de solliciter des éléments complémentaires qu’elle considère comme nécessaires sans que le délai lui imparti par ce même article ne se trouve réduit par cet échange complémentaire entre les autorités compétentes. Ladite disposition ne peut pourtant pas être interprétée en ce sens qu’elle aurait pour but, voire seulement pour effet de figer définitivement le contour des éléments de fait et de droit qui pourraient être pris en compte à tous les stades de la procédure dans l’Etat requis afin de vérifier la validité de la demande de renseignements. En effet, la qualification d’une demande de renseignements comme complète par l’autorité en charge au niveau de l’Etat requis n’engage que celle-ci dans son propre champ de compétence et ne saurait l’empêcher de soumettre dans le cadre d’une instance contentieuse subséquente des éléments complémentaires destinés à corroborer la validité de la demande de renseignements. En outre, ni la Convention, ni la loi du 24 novembre 2015 ne comportent une disposition qui dérogerait à l’article 58 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives qui consacre l’admissibilité de moyens nouveaux. Ce moyen est dès lors à rejeter pour manquer en fait.
Concernant ensuite le bien-fondé de la décision d’injonction du 20 mars 2019, et afin de circonscrire le contenu des informations qui doivent être communiquées par l’autorité requérante à l’autorité requise, il est nécessaire de se référer aux dispositions de l’article 3 de la loi du 25 novembre 2014, telles que citées ci-avant sachant que l'administration fiscale compétente doit, d’une part, vérifier la régularité formelle de la demande d'échange de renseignements et, d’autre part, doit s'assurer que les renseignements demandés ne sont pas dépourvus de toute pertinence vraisemblable eu égard à l'identité de la personne visée par la demande d’échange de renseignements et à celle du détenteur des renseignements ainsi qu'aux besoins de la procédure fiscale en cause.
En ce qui concerne plus précisément le contrôle de la condition de la pertinence vraisemblable des renseignements demandés, force est au tribunal de constater qu’aux termes de l’article 26, paragraphe (1) de la Convention, « Les autorités compétentes des Etats contractants échangent les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la présente Convention ou pour l’administration ou l’application de la législation interne relative aux impôts de toute nature ou dénomination perçus pour le compte des Etats contractants, de leurs subdivisions politiques ou de leurs collectivités locales dans la mesure où l’imposition qu’elle prévoit n’est pas contraire à la Convention. L’échange de renseignements n’est pas restreint par les articles 1 et 2. (…) ».
L’échange de lettres relatif au Protocole signé à Luxembourg le 4 juin 2009 énumère les informations à fournir par l’autorité requérante afin de démontrer la pertinence vraisemblable des renseignements demandés comme suit : « (…) 2. L’autorité compétente de 3 en ce sens Cour adm., 21 mai 2015, n°36080C du rôle, Pas. adm. 2018, V° Impôts, n°1177.l’Etat requérant fournit les informations suivantes à l’autorité compétente de l’Etat requis lorsqu’elle soumet une demande de renseignements en vertu de la Convention, afin de démontrer la pertinence vraisemblable des renseignements demandés:
(a) l’identité de la personne faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête ;
(b) les indications concernant les renseignements recherchés, notamment leur nature et la forme sous laquelle l’Etat requérant souhaite recevoir les renseignements de l’Etat requis ;
(c) le but fiscal dans lequel les renseignements sont demandés.
(d) les raisons qui donnent à penser que les renseignements demandés sont détenus dans l'Etat requis ou sont en la possession ou sous le contrôle d'une personne relevant de la compétence de cet Etat ;
(e) dans la mesure où ils sont connus, les nom et adresse de toute personne dont il y a lieu de penser qu'elle est en possession des renseignements demandés;
(f) une déclaration précisant que la demande est conforme aux dispositions législatives et réglementaires ainsi qu’aux pratiques administratives de l’Etat requérant, que, si les renseignements demandés relevaient de la compétence de l’Etat requérant, l’autorité compétente de cet Etat pourrait obtenir les renseignements en vertu de son droit ou dans le cadre normal de ses pratiques administratives et que la demande est conforme à la présente Convention;
(g) une déclaration précisant que l’Etat requérant a utilisé pour obtenir les renseignements tous les moyens disponibles sur son propre territoire, hormis ceux qui susciteraient des difficultés disproportionnées. ».
S’agissant du critère de pertinence vraisemblable, le tribunal relève qu’il se dégage plus particulièrement de l’échange de lettres précité qu’une demande d’échange de renseignements émanant des autorités compétentes danoises est a priori conforme au commun accord des parties contractantes si elle décrit l’identité de la personne faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête, si elle contient des indications concernant les renseignements recherchés, notamment leur nature et la forme sous laquelle l’Etat requérant souhaite recevoir les renseignements de l’Etat requis, le but fiscal dans lequel les renseignements sont demandés, les raisons qui donnent à penser que les renseignements demandés sont détenus dans l'Etat contractant requis ou sont en la possession ou sous le contrôle d'une personne relevant de la compétence de cet Etat, dans la mesure où ils sont connus, les nom et adresse de toute personne dont il y a lieu de penser qu'elle est en possession des renseignements demandés, ainsi que la mention que les voies de recherche ont été épuisées.
Enfin, il a été pris soin de préciser dans l’échange de lettres que l’Etat requis n’aura pas à prendre des mesures administratives qui ne seraient pas autorisées par la législation ou les pratiques de l’Etat requérant, ni à communiquer des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de la législation ou dans le cadre de la pratique administrative normale de l’Etat requérant.
A travers la modification de l’article 26 de la Convention opérée par le Protocole et l’échange de lettres y relatif, le Luxembourg a entendu convenir avec le Danemark un« échange de renseignements sur demande selon le standard OCDE, tel qu’il est consacré par l’article 26 paragraphe 5 du Modèle de Convention de l’OCDE en sa version de 2005 »,4 de sorte que l’interprétation de l’article 26 de la Convention peut utilement s’appuyer sur le commentaire du Modèle de convention, relatif à l’article 26 dans sa teneur de l’année 2005, ainsi que sur le Manuel de l’OCDE sur la mise en œuvre des dispositions relatives aux échanges de renseignements en matière fiscale du 23 janvier 2006, ci-après dénommé « le Manuel », dans la mesure de leur compatibilité avec le contenu de l’échange de lettres susvisé.
Ainsi, l’article 26 du Modèle de convention, et donc également l’article 26 de la Convention, prévoient un échange de renseignements dans la mesure la plus large possible, l’échange de renseignements portant sur toutes les informations dont on peut penser qu’elles seront pertinentes pour l’administration ou l’application de la législation nationale des parties contractantes en matière fiscale, mais qu’il n’est pas loisible aux États contractants « d’aller à la pêche aux renseignements » ou de demander des renseignements dont il est peu probable qu’ils soient pertinents pour élucider les affaires fiscales d’un contribuable déterminé5, ou dont il est peu probable qu’ils aient un lien avec une enquête ou contrôle en cours, respectivement d’émettre des demandes de renseignements de nature spéculative qui n’apparaissent pas avoir de liens apparents avec une enquête ou des investigations en cours, l’équilibre entre ces deux considérations concurrentes devant être recherché dans la condition de la « pertinence vraisemblable ».6 Or, la condition de la pertinence vraisemblable des renseignements demandés implique d’abord que la demande porte sur un cas d’imposition précis et spécifique et qu’elle soit relative à un contribuable déterminé7, les renseignements demandés devant être vraisemblablement pertinents afin de permettre à l’Etat requérant de solutionner le cas d’imposition en cause. En somme, il faut qu’il existe une possibilité raisonnable que les renseignements demandés se révèleront pertinents.
Le Manuel précise ainsi que « l’échange de renseignements sur demande correspond au cas dans lequel l’autorité compétente d’un pays demande des renseignements pour un cas précis à l’autorité compétente d’une autre partie contractante » 8. L’échange de lettres entre les ministres compétents danois et luxembourgeois confirme l’applicabilité de cette condition dans le cadre de l’application de l’article 26 de la Convention en précisant au niveau de l’alinéa 2, sous a) du texte approuvé qu’une demande de renseignements doit indiquer « l’identité de la personne faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête ».
En ce qui concerne le rôle du tribunal saisi d’un recours en annulation contre une injonction de communiquer des renseignements, celui-ci est circonscrit par une triple limitation, à savoir, premièrement, celle découlant de sa compétence limitée de juge de l’annulation, deuxièmement, celle découlant du fait que la décision directoriale repose à la base sur la décision d’une autorité étrangère, dont la légalité, le bien-fondé et l’opportunité échappent au contrôle du juge luxembourgeois, et, troisièmement, celle du critère s’imposant tant au directeur 4 Voir Projet de loi portant approbation de plusieurs conventions fiscales et prévoyant la procédure y applicable en matière d’échange de renseignements sur demande, doc. Parl. 6072, commentaire des articles, p. 27.
5 Voir Projet de loi portant approbation de plusieurs conventions fiscales et prévoyant la procédure applicable en matière d’échange de renseignements sur demande, doc. Parl. 6072, commentaire des articles, p. 27, idem Modèle de convention, commentaire de l’article 26, n° 5 .
6 Trib. adm., 12 juillet 2012, n°30164 du rôle, Pas. adm. 2018, V° Impôts, n°1169.
7 Voir Modèle de convention, commentaire de l’article 26 n° 5, 5.1 et 9 8 Voir le manuel de l’OCDE sur la mise en œuvre des dispositions relatives aux échanges de renseignements à des fins fiscales du 23 janvier 2006, module sur les aspects généraux et juridiques de l’échange de renseignements, p.7qu’au juge administratif, à savoir celui de la « pertinence vraisemblable ». En ce qui concerne ce dernier critère, il y a lieu de relever que si le juge de l’annulation est communément appelé à examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, ce contrôle doit, en la présente matière, être considéré comme plus limité, puisque le juge n’est pas appelé à vérifier si la matérialité des faits donnant lieu au contrôle lequel justifie la demande de renseignements est positivement établie, mais seulement si les renseignements sollicités paraissent être vraisemblablement pertinents dans le cadre du contrôle ou de l’enquête poursuivie dans l’Etat requérant.9 Il suit de ces considérations que le rôle du juge administratif, en ce qui concerne le contrôle de la condition de la pertinence vraisemblable des renseignements demandés, est limité, en la présente matière, d’une part, à la vérification de la cohérence de l’ensemble des explications exposées par l’autorité requérante à la base de sa demande, sans que celle-ci n’ait à prouver la matérialité des faits invoqués, et, d’autre part, au contrôle de la pertinence vraisemblable des renseignements demandés par rapport au cas d’imposition précis et spécifique, c’est-à-dire s’il existe un lien probable entre le cas d’imposition mis en avant par l’autorité requérante et les informations sollicitées. En conséquence, tel que relevé ci-avant, il n’appartient pas au juge luxembourgeois de procéder, en la présente matière, à un contrôle de la matérialité des faits invoqués par l’autorité requérante.10 Il s’ensuit que les intéressés ne sauraient être admis à apporter la preuve, au cours de la phase contentieuse, que les explications soumis par l’Etat requérant reposent sur des faits inexacts, cette faculté imposerait en effet au tribunal de se livrer à un contrôle de la matérialité des faits à la base de la demande de renseignements de l’autorité étrangère. Or, ce débat doit être porté par le demandeur devant les autorités compétentes de l’Etat requérant. 11 Dans cette logique, le tribunal est encore amené à conclure que la conséquence de cette limitation de son rôle est nécessairement celle de qualifier uniquement ceux des renseignements demandés comme vraisemblablement pertinents qui se rattachent au strict cas d’imposition invoqué par l’Etat requérant, y compris la qualité dont est revêtu le contribuable selon les explications de l’Etat requérant. Par voie de conséquence, tout renseignement dépassant le cadre tracé par le cas d’imposition invoqué par l’Etat requérant est à qualifier de pêche aux renseignements.
Aussi, le juge administratif, pour ce faire, vérifiera, d’une part, si les obligations imposées à l’autorité requérante ont été respectées quant à la transmission des informations nécessaires pour la mise en œuvre de l’échange d’information et, d’autre part, si l’autorité requise a respecté les obligations mises à sa charge.12 En l’espèce, les autorités danoises ont identifié la société … comme la personne faisant l’objet de leurs opérations de contrôle et quant à laquelle les renseignements sont demandés au Luxembourg, de sorte que la demande de renseignements satisfait à la condition de détermination du contribuable.
Quant à la condition selon laquelle la demande doit porter sur un cas d’imposition, de contrôle ou d’enquête précis et spécifique, force est au tribunal de constater que la demande de 9 trib. adm., 12 juillet 2012, n°30164 du rôle, Pas. adm. 2018, V° Impôts, n°1190.
10 Cour adm., 27 mai 2014, n°34291C du rôle, Pas. adm. 2018, V° Impôts, n°1190.
11 ibidem 12 Cour adm., 27 mai 2014, n°34291C du rôle, Pas. adm. 2018, V° Impôts, n°1190.renseignements indique encore le but fiscal dans lequel les renseignements sont demandés, à savoir que « The Danish Tax Agency (DTA) has received information in connection with the Panama Papers, which states that the company, … has, or has had, a bank account with …, Luxembourg.
As these offshore companies have proven to be fully tax liable due to place of management in Denmark, their tax liability extends to income from Denmark and abroad as well.
DTA has been informed that … is one of the companies related to the Panama Papers, where Danish tax subjects, with assistance from the … law firm and other intermediary clients in Luxembourg, have registered companies offshore.
DTA’s purchase of the Panama Papers, which were purchased from an anonymous source, contained information about several Danish tax subjects and offshore companies, which the anonymous source had identified as fully tax liable to Denmark.
So far, the identification of tax liability provided by the anonymous source has proved credible.
Therefore, we have a probable presumption that … is fully tax liable to Denmark.
However, due to lack of information regarding …, we request your assistance with determining the owner of … ».
S’il est vrai que la demande de renseignements indique « we request your assistance with determining the owner of … », il se dégage de la finalité fiscale décrite dans la demande et surtout des explications complémentaires du 1er mai 2019 que l’objectif de la demande est celui de clarifier la situation fiscale de la société … au regard de ce soupçon de l’existence d’un siège de direction effective au Danemark et d’assurer l’imposition de cette société au Danemark en cas d’existence d’une délégation de pouvoir à une personne physique située au Danemark. Le complément d’explications ayant à cet égard considéré que « the DTA has reached the overall conclusion that the companies related to the Panama Papers are tax liable to Denmark due to seat of management according to the Corporation Tax Act, section 1, subsection 6. » Il y a dès lors lieu de conclure qu’au regard des explications fournies, la demande vise un cas d’imposition déterminé, à savoir l’imposition de la société … au Danemark et tend à clarifier si cette société dispose d’un siège de direction effective au Danemark et si elle est susceptible d’être imposée à ce titre au Danemark.
En ce qui concerne la condition que les renseignements demandés doivent être qualifiables comme étant « vraisemblablement pertinents », de sorte à prévenir une « pêche aux renseignements », le tribunal vient de retenir ci-avant que la société … est désignée dans la demande de renseignements des autorités danoises comme la personne faisant l’objet du contrôle fiscal au Danemark et au sujet de laquelle des renseignements sont demandés au Luxembourg, notamment du fait que la société est selon une source anonyme impliquée dans les affaires des « Panama Papers » et qu’un certain nombre d’indices obtenus de sources inconnues auraient démontré qu’un grand nombre de sociétés offshores étaient par le biais d’une délégation de pouvoir générale gérées en réalité à partir du Danemark, de sorte que la gestion réelle de leur activité se situerait sur le territoire danois, rendant ces sociétés pleinement imposables au Danemark.
En substance, la partie étatique considère que la société … ayant certes son siège social statutaire au Panama, dispose en réalité d’un siège de direction effective au Danemark et que sur base de ce constat, les autorités danoises demandent des renseignements afin de permettre une correcte imposition au Danemark. Ces explications sont en principe suffisantes prima faciepour justifier le principe de la demande de renseignements sans que les autorités fiscales n’aient au regard des conclusions retenues ci-avant, à justifier la matérialité de leurs constats. Il n’est pas requis que le Danemark fournisse plus de preuves de l’existence d’un siège de direction effective au Danemark, mais il suffit qu’il existe, sur base d’informations vérifiables, un indice vraisemblable en ce sens. Or, au regard des explications fournies en l’espèce, le tribunal est amené à retenir l’existence d’indices suffisants à cet égard.
Néanmoins et par voie de conséquence, les renseignements demandés par les autorités danoises ne peuvent être qualifiés comme vraisemblablement pertinents que dans la mesure où ils présentent un lien effectif avec le cas d’imposition individuel de la société … Il ressort à cet égard des informations complémentaires qu’en droit danois le facteur le plus déterminant pour identifier le siège de direction effective d’une société est la détermination géographique à partir duquel est menée la gestion journalière. Pour les sociétés qui n’ont qu’une activité financière, les décisions de gestion étant limitées, la jurisprudence serait venue préciser les termes de décisions de gestion en considérant que peuvent notamment être considéré comme telles: (i) le choix de la banque ; (ii) dans quels instruments investir ; (iii) si les activités financières de la société doivent être transférées vers une autre banque ou, si nécessaire, (iv) si la société devait mettre fin à ses activités. A cet égard, il serait selon les autorités danoises déterminant de savoir qui bénéficierait d’une délégation de pouvoir car cette personne serait alors à considérer comme le bénéficiaire effectif de la société. L’idée étant de déterminer si la personne à qui une telle délégation de pouvoir a été accordée gère la société à partir du Danemark.
En ce qui concerne les questions précises posées, le tribunal est amené à retenir que les questions posées concernant des informations bancaires visant directement et uniquement la société … paraissent vraisemblablement pertinentes afin de clarifier l’existence d’un siège de direction effective au Danemark, puisque les questions ainsi posées tendent de manière générale à identifier la personne qui au sein de la société … prenait les décisions de gestion, incluant les décisions bancaires. Quant aux renseignements bancaires demandés, notamment concernant l’ouverture du compte de la société …, la gestion des portefeuilles et la tenue de la comptabilité, ceux-ci sont en principe susceptibles de renseigner les autorités fiscales danoises quant au lieu d’activité de la société …, de sorte que ces renseignements sont à considérer comme vraisemblablement pertinents par rapport au cas d’imposition visé et par rapport au but fiscal affirmé par les autorités danoises. Pareillement, les renseignements visant à déterminer s’il y a eu une délégation de pouvoir générale et inconditionnelle de la société … à une autre personne que celle représentant légalement la société sont de nature à éclairer les autorités fiscales danoises sur l’existence respectivement l’absence d’une activité réelle au Panama, respectivement au Danemark.
En revanche, en ce qui concerne les questions concernant les autres comptes bancaires détenus par les associés ou bénéficiaires économiques de la société … auprès de la Société, ainsi que les documents bancaires y relatifs, et les documents bancaires identifiant les associés et bénéficiaires de la société …, de même que tous les documents contenant la signature des associés ou bénéficiaires économiques de la société …et les contrats de tout genre - sauf celui concernant la délégation de pouvoir éventuelle prémentionnée - dans lesquels la société …, son bénéficiaire économique ou associé se sont engagés tendent non seulement à voir confirmer que la société …, qui est le contribuable visé par la demande, est effectivement gérée par son conseil d’administration, mais elle tend au-delà de cette confirmation à voir communiquer les identités d’autres personnes ayant les qualités d’associés et de bénéficiaires économiques. Or,ces questions doivent cependant être considérées comme étrangères au contrôle dont la société … fait l’objet et ne peuvent dès lors pas être considérées comme vraisemblablement pertinentes qu’en les limitant par rapport audit cas d’imposition.
En ce qui concerne finalement la dernière question, à savoir, celle de l’indication de la banque vers laquelle les dépôts ont été transférés dans l’hypothèse d’une clôture des comptes bancaires auprès de la Société, il appartient au tribunal de retenir qu’une telle information n’est pas de nature à éclairer les autorités danoises sur la question de la détermination du siège de direction effective de la société … puisqu’elle ne vise pas à déterminer l’identité de la personne qui a fait le choix de transférer ces valeurs, mais de connaître l’endroit où ces fonds se situent.
La réponse à cette question est donc étrangère à la détermination du lieu de la gestion journalière de la société …, de sorte qu’une telle question ne peut pas être considérée comme vraisemblablement pertinente par rapport à la finalité fiscale exposée.
Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que la décision directoriale déférée est conforme à l’article 26 de la Convention et à l’échange de lettres y relatif uniquement en ce qu’elle enjoint à la Société d’indiquer si la société … était pour la période concernée titulaire d’un compte bancaire auprès d’elle et de connaître l’identité de la personne qui a ouvert ce compte et qui était autorisée à effectuer des opérations sur ce compte, à gérer le portefeuille de la société et de fournir les documents bancaires pour cette période pour autant qu’elles renseignent des opérations de gestion effectuées par le représentant légal de la société … dans le cadre de la gestion de celle-ci. Ensuite, les autorités danoises ayant fait état du fait qu’il pourrait exister une différence entre la gestion de la société, telle qu’elle existerait légalement sur papier, et la gestion réelle de la société, il y a également lieu à la Société de renseigner les autorités danoises sur une éventuelle délégation de pouvoir du représentant légal de la société à une autre personne physique ou morale sous quelque forme que cela soit afin de vérifier l’hypothèse des autorités danoises selon laquelle les décisions de gestion seraient en réalité effectuées depuis le territoire danois.
Par contre, la décision directoriale déférée n’est pas conforme à l’article 26 de la Convention et à l’échange de lettres y relatif dans la mesure où elle tend à obtenir et à continuer aux autorités danoises des renseignements qui ne peuvent pas être considérés comme vraisemblablement pertinents dans le cadre du contrôle fiscal de ces dernières, en l’occurrence ceux dépassant les confins ci-avant tracés et visant les identités d’autres personnes, dont notamment celles des associés et bénéficiaires effectifs de la société, ces personnes n’étant par essence, a priori, pas en charge de la gestion journalière de la société … et ces informations ne seraient d’aucune utilité dans le cadre de la détermination du siège de direction effective de la société … Il n’y a également pas lieu de fournir des informations concernant une éventuelle transmission des fonds de la Société à une autre banque, dans la mesure où cette information est étrangère au cadre ci-avant précité de la détermination du siège de direction effective de la société … En ce sens la décision d’injonction déférée doit donc encourir l’annulation.
S’il est vrai qu’une décision administrative indivisible ne peut pas faire l’objet d’une annulation partielle, tel n’est pas le cas pour une décision dont l’illégalité ne s’étend qu’à certains de ses éléments, aisément dissociables, auquel cas rien ne s’oppose à ce que le juge ne prononce que l’annulation de ces chefs illégaux, laissant subsister le reste de la décision. Etant donné qu’en l’espèce, les renseignements valablement requis par le directeur peuvent être dissociés de ceux dont il n’a pas pu exiger la fourniture, il y a lieu d’annuler la décision directoriale dans la mesure précisée au dispositif.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est partiellement fondé.
Au vu de la solution au fond, il y a lieu de faire masse des dépens de l’instance et de les mettre pour moitié à charge des demandeurs et de l’Etat.
La demanderesse sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 5.000 euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives puisqu’elle aurait été contrainte d’exposer des frais considérables afin d’être en mesure de défendre ses droits dans le cadre de la présente instance. Elle insiste sur le fait que la décision d’injonction déférée n’indiquerait pas le but fiscal de la demande d’échange de renseignements d’origine danoise et elle considère que si elle n’avait pas introduit un recours contentieux, l’ACD n’aurait pas exercé le contrôle de la pertinence vraisemblable des informations demandées lui imposé par la loi.
Le délégué du gouvernement pour sa part fait référence à l’arrêt Berlioz, précité, qui aurait retenu que le secret de la demande d’informations pourrait être opposé à toute personne dans le cadre d’une enquête et qu’afin d’être en mesure de faire entendre sa cause de manière équitable, seul un accès aux informations essentielles de la demande d’informations serait nécessaire. Il rappelle à cet égard, les dispositions des articles 3, paragraphe (4) et 6, paragraphe (1) de la loi du 25 novembre 2014 et conclut que dans la mesure où la demande d’échange de renseignements et les éléments y contenus devraient rester confidentiels, ce serait à bon droit que la décision d’injonction ne comporterait pas un descriptif détaillé de la finalité fiscale de la demande, mais se contenterait d’indiquer les informations qui seraient indispensables pour permettre d’identifier les renseignements demandés, à savoir la personne morale et la période fiscale concernées.
Le tribunal est amené à constater que l’article 3, paragraphe (4) de la loi du 25 novembre 2014 consacre le principe selon lequel « la demande d’échange de renseignements ne peut pas être divulguée » et qu’aux termes de l’article 6, paragraphe (1) de cette même loi et par dérogation à ce principe, seuls les éléments contenus dans la demande d’échange de renseignements « relatifs à l’identité de la personne visée par la demande d’échange de renseignements et à la finalité fiscale des renseignements demandés sont séparément énoncés dans le mémoire en réponse à déposer par la partie étatique » dans le cadre de la procédure contentieuse. En l’espèce, la partie étatique s’est conformée à ces prescriptions légales, de sorte qu’il ne saurait lui être reprochée de ne pas avoir indiqué la finalité fiscale dans la décision d’injonction du 20 mars 2019 et de n’avoir communiqué les informations y relatives que dans le cadre de son mémoire en réponse. Il est certes vrai qu’une telle procédure oblige le détenteur d’informations d’introduire un recours contentieux contre la décision d’injonction afin de connaître la finalité fiscale de la demande d’échange renseignements et ainsi de vérifier la pertinence vraisemblable des informations demandées, néanmoins cette contrainte est nécessaire afin de garantir le caractère secret qui s’attache à ce document et ne saurait à elle seule justifier une indemnité de procédure.
Or, au vu des circonstances particulières et de l’issue du présent litige ayant mené à une annulation partielle, il paraît inéquitable de laisser à la charge de la partie demanderesse l’intégralité des frais et honoraires non compris dans les dépens.
Aussi, compte tenu des éléments d’appréciation en possession du tribunal, des devoirs et degré de difficulté de l’affaire ainsi que du montant réclamé, le tribunal accorde à la partiedemanderesse une indemnité de procédure sur le fondement de l’article 33 de la loi précitée du 21 juin 1999 qu’il évalue ex aequo et bono au montant de 500 euros.
Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare partiellement fondé ;
par conséquent, annule les passages biffés suivants de la décision directoriale du 20 mars 2019 :
— Please confirm if the company … is, or has been, a customer of your institution.
— Please provide information for all accounts held in the name of … and/or its owner or legal representative, including, but not limited to, the following:
o Account opening forms and due diligence documents and forms identifying the owner, beneficial owner and/or legal representative of each account.
o Any documents containing the signature of the owner, beneficial owner and/or legal representative of the company concerning the arrangement between the owner and/or … and your institution, documenting the legal basis on which … and/or its accounts, deposits and/or portfolios are founded, i.e. any and all documents and logs, including legal documents and/or contracts concerning … — If the company … and/or its owner or legal representative are not customers of your institution anymore, please specify to which bank the deposits have been transferred to.
condamne l’Etat à payer à la demanderesse un montant de 500.- euros à titre d’indemnité de procédure ;
fait masse des frais et les met pour moitié à charge de la demanderesse et pour moitié à charge de l’Etat ;
Ainsi jugé par :
Françoise Eberhard, vice-président, Hélène Steichen, juge, Michèle Stoffel, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 2 août 2019 par le vice-président, en présence du greffier Monique Thill.
Monique Thill Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 2.8.2019 Le greffier du tribunal administratif 21