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31/07/2019 | LUXEMBOURG | N°43317

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 juillet 2019, 43317


Tribunal administratif N° 43317 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 juillet 2019 Chambre de vacation Audience publique de vacation du 31 juillet 2019 Recours formé par Monsieur …, connu sous différents alias, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120. L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43317 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 juillet 2019 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre de

s avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, connu sous différents alias, déclara...

Tribunal administratif N° 43317 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 juillet 2019 Chambre de vacation Audience publique de vacation du 31 juillet 2019 Recours formé par Monsieur …, connu sous différents alias, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120. L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43317 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 juillet 2019 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, connu sous différents alias, déclarant être né le … à … (Algérie) et être de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 27 juin 2019 prorogeant son placement au Centre de rétention pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification de ladite décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 juillet 2019 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Catherine Leidner, en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Madame le délégué du gouvernement Stéphanie Linster en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de vacation du 31 juillet 2019.

Par arrêté du 30 mai 2019, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », déclara irrégulier le séjour sur le territoire luxembourgeois de Monsieur …, connu sous différents alias, et lui ordonna de quitter le territoire luxembourgeois sans délai tout en lui interdisant l’entrée sur le territoire pendant une durée de trois ans.

A la même date, Monsieur … se vit encore notifier un arrêté ministériel du même jour ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question. Ledit arrêté est basé sur les considérations suivantes :

« (…) Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le procès-verbal du 29 mai 2019 établi par la Police grand-ducale, Région Capitale C2R Gare-Hollerich ;

Vu ma décision de retour du 29 mai 2019 ;

Attendu que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose 1 pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 juin 2019, Monsieur … fit introduire un recours contre la décision ministérielle précitée du 30 mai 2019.

Par jugement du 1er juillet 2019, inscrit sous le numéro 43165 du rôle, ledit recours fut rejeté par le tribunal administratif pour être non fondé.

Par arrêté du 27 juin 2019, notifié à l’intéressé le lendemain, le ministre prorogea pour une nouvelle durée d’un mois la mesure de placement initiale dans les termes suivants :

« (…) Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 30 mai 2019, notifié le même jour, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 30 mai 2019 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que les démarches en vue de l’éloignement ont été engagées ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ;

Considérant qu’en raison du manque de coopération de l’intéressé en vue de son identification il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure d’éloignement ; (…) ».

Une nouvelle décision prorogeant sa mise en rétention a été prise le 24 juillet 2019 et lui a été notifiée le 26 juillet 2019.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 22 juillet 2019, sous le numéro 43317 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle du 27 juin 2019 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification de la décision.

Etant donné que l’article 123 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.

A l’audience publique de plaidoiries, le tribunal a signalé que la mesure de placement déférée avait cessé de produire ses effets le 28 juillet 2019, de sorte qu’au stade actuel de laprocédure, le tribunal ne pourrait plus prononcer la libération du demandeur dans le cadre du recours en réformation dont il est saisi, mais uniquement statuer sur les moyens de légalité invoqués.

Le litismandataire du demandeur a conclu à la recevabilité de son recours dans la limite des moyens d’annulation.

Il ressort des pièces soumises à l’analyse du tribunal que l’arrêté ministériel du 27 juin 2019 a été notifié le lendemain à l’intéressé. Il s’ensuit que la mesure de placement en rétention administrative déférée n’est plus en vigueur au jour des plaidoiries, à savoir en date du 31 juillet 2019, mais que celle-ci est actuellement fondée sur un nouvel arrêté ministériel du 24 juillet 2019, notifié le 26 juillet 2019, de sorte que le tribunal n’est effectivement ainsi plus en mesure, au stade actuel de la procédure contentieuse, de faire droit à la demande tendant à la libération du demandeur. Le contrôle du tribunal ne peut donc désormais plus que porter sur les moyens de légalité invoqués dans le cadre du recours en réformation.

Au vu des considérations qui précèdent, le recours principal en réformation est recevable dans la limite des moyens d’annulation invoqués et devient sans objet pour le surplus.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, Monsieur … fait tout d’abord valoir que la prolongation systématique de la mesure de placement s’analyserait comme une démarche arbitraire. En se basant sur l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008, il estime que ledit article ne permettrait pas au ministre de placer systématiquement un étranger en situation irrégulière en rétention, mais qu’il lui accorderait cette possibilité pour éloigner l’étranger vers son pays d’origine.

Après avoir cité le troisième paragraphe de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, il relève qu’il appartiendrait au ministre de vérifier que les conditions permettant le maintien de la rétention seraient toujours remplies et que des mesures moins coercitives ne seraient pas applicables conformément à l’article 125 de la loi du 29 août 2008. Le demandeur poursuit en relevant qu’il appartiendrait au ministre de mener toutes les diligences requises afin d’écourter sa rétention conformément à la jurisprudence du tribunal administratif. Le ministre serait également dans l’obligation de documenter avec précision les démarches nécessaires et entreprises pour lui permettre d’apprécier si son éloignement est possible et sur le point d’être organisé, ainsi que pour vérifier que les démarches réalisées permettraient d’écourter la durée de sa privation de liberté. Il reproche dans ce contexte à la décision déférée de n’avoir pas précisé ni les mesures actuellement prises pour l’éloigner vers son pays d’origine, ni les autorités auprès desquelles les démarches auraient été effectuées, ni s’il existerait des chances raisonnables de croire que l’éloignement pourrait être exécuté. Les éléments du dossier administratif ne renseigneraient pas non plus sur l’efficacité des démarches en cours, ni sur l’état d’avancement de celles-ci, de sorte que la prorogation de sa mesure de placement ne serait pas justifiée. En citant une jurisprudence du tribunal administratif du 12 novembre 2000, inscrit sous le numéro 14130 du rôle, il invoque une privation de liberté injustifiée dans son chef, ce qui serait contraire à l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ci-après dénommée « la CEDH », et à l’article 6 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par « la Charte », qui consacreraient le droit fondamental de la libre circulation. Il estime qu’au lieu d’une prorogation de sa rétention, il y aurait lieu d’utiliser une mesure moins coercitive à son égard en application de l’article 125 de la loi du 29 août 2008, telle qu’une assignation à résidence, ce qui serait une mesure plus appropriée étant donné que son éloignement ne pourrait pas avoir lieu actuellement.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Le tribunal n’est pas tenu de suivre l’ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse mais, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, peut les traiter suivant un ordre différent1.

Dans le cadre de cette analyse, il appartient d’abord au tribunal de vérifier la légalité extrinsèque de l’acte lui déféré, avant de se livrer, par le biais de l’examen de la légalité des motifs, au contrôle de la légalité intrinsèque.

En ce qui concerne en premier lieu la légalité externe de la décision déférée, et plus précisément le reproche du demandeur qu’elle ne serait pas suffisamment motivée, le tribunal est amené à retenir qu’il n’existe aucun texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une mesure de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, étant relevé que l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, énumérant les catégories de décisions qui doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce. Ainsi, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision déférée, de sorte que le moyen fondé sur un défaut d’indication des motifs doit en tout état de cause être rejeté pour ne pas être fondé.

Par ailleurs, en tout état de cause, la sanction de l’absence de motivation ne consiste pas dans l’annulation de l’acte visé, mais dans la suspension des délais de recours et celui-ci reste a priori valable, l’administration pouvant produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois pendant la phase contentieuse2.

Or, pour autant que de besoin, force est au tribunal de constater, qu’en l’espèce, la motivation se trouvant à la base de la décision de placement en rétention reprise in extenso ci-

avant, ressort de l’arrêté litigieux, dans la mesure où il comporte, avec une précision suffisante et par référence aux textes légaux applicables, à savoir les articles 111 et 120 à 123 de la loi du 29 août 2008 et la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention, les motifs à la base de la mesure de placement en rétention, en l’occurrence les considérations selon lesquelles (i) les démarches en vue de l’éloignement auraient été engagées mais n’auraient pas encore abouti, (ii) toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement auraient été entreprises auprès des autorités compétentes, (iii) qu’il y aurait lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure d’éloignement, et (iv) que le manque de coopération de Monsieur … en vue de son identification entraînerait le maintien de la mesure de placement en vue de garantir l’exécution de son éloignement, de sorte que le moyen tiré d’une insuffisance de motivation est, en tout état de cause, à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne ensuite la légalité interne de la décision litigieuse, l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit que : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure 1 Trib. adm., 21 novembre 2001, n° 12921 du rôle, Pas. adm. 2018, V° Procédure contentieuse, n° 455 et les autres références y citées.

2 Cour adm. 20 octobre 2009, n° 25738C du rôle, Pas. adm. 2018, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 85 et les autres références y citées.d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120 (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

Il échet encore de rappeler qu’une mesure de rétention s’analyse en une mesure administrative privative de la liberté de mouvement de la personne concernée et qu’elle doit être limitée à la durée strictement nécessaire afin de permettre l’exécution d’une mesure d’éloignement. A cette fin, le ministre est dans l’obligation de faire entreprendre avec la diligence requise toutes les démarches nécessaires afin d’organiser cette mesure d’éloignement.

Il y a lieu de rappeler, tel que cela a d’ailleurs été retenu dans le jugement précité du 1er juillet 2019, que le demandeur ne conteste pas être démuni de tout document d’identité ou devoyage en cours de validité au moment de son placement en rétention, ni qu’il ne dispose pas d’adresse au Luxembourg.

Ainsi, au vu des décisions ministérielles précitées et en application de l’article 111 (3), point c), de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel le risque de fuite est présumé, entre autres, si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi, s’il n’est pas en possession de documents d’identité ou de voyage valables ou s’il dissimule son identité, le tribunal est amené à constater que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120 (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement. Il pouvait également proroger cette mesure en raison de la subsistance des motifs du premier arrêté de placement en rétention. Il aurait, par conséquent, appartenu au demandeur de renverser cette présomption de risque de fuite.

Or, Monsieur … n’ayant soumis au tribunal aucun élément probant permettant de renverser cette présomption de risque de fuite dans son chef, le moyen y afférent est dès lors à rejeter pour être non fondé.

En ce qui concerne les mesures moins coercitives qui, selon Monsieur …, auraient dû lui être appliquées, notamment une assignation à domicile ou à résidence, le tribunal relève que l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit que : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) (…).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été 6 opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125 (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111 (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes.3 En l’espèce, le tribunal constate que le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments de nature à renverser la présomption du risque de fuite qui existe dans son chef, tel que retenu ci-

avant. Il n’a, notamment, pas justifié de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.

Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce.

Dès lors, le moyen fondé sur l’application d’une mesure moins coercitive que le placement en rétention à l’encontre du demandeur est à rejeter pour être non fondé.

S’agissant, ensuite, des diligences entreprises en vue de procéder à son éloignement, le tribunal a conclu dans son jugement précité du 1er juillet 2019 que les démarches accomplies à cette dernière date par les autorités luxembourgeoises devaient être considérées comme étant suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008. Quant aux diligences entreprises depuis lors, le tribunal constate que les autorités luxembourgeoises ont reçu, le 2 juillet 2019, un courrier du consulat de la République Algérienne Démocratique et Populaire à Bruxelles daté du 27 juin 2019 informant le ministre que le dossier de Monsieur … était en cours d’instruction. Les autorités luxembourgeoises ont relancé, les 5 et 24 juillet 2019, les autorités consulaires algériennes quant à l’état d’avancement de l’instruction de la demande d’identification. Par courrier électronique des 6 et 24 juillet 2019, ces dernières ont informé les autorités luxembourgeoises que le dossier de Monsieur … est toujours en cours d’identification auprès des services algériens compétents.

Si le ministre doit certes s’assurer que les services sous sa responsabilité accomplissent les démarches avec la diligence requise, il n’a pas de mainmise sur les autorités de pays tiers saisies de demandes de délivrance de documents de voyage et il est tributaire de la collaboration 3 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2018, V° Etrangers, n° 876 et les autres références y citées.desdites autorités. S’il est vrai que la personne soumise à la mesure de rétention ne doit pas pâtir de telles prescriptions, il n’en reste pas moins, qu’en l’espèce, les démarches concrètement accomplies par les services du ministère sont à considérer comme correspondant à des efforts raisonnables en vue de procéder à l’éloignement du demandeur.

Au regard des diligences ainsi déployées, le tribunal est amené à retenir que le dispositif d’éloignement est actuellement toujours en cours et est toujours poursuivi avec la diligence requise conformément aux exigences posées par l’article 120 (3) de la loi du 29 août 2008, ce d’autant plus que les autorités luxembourgeoises sont tributaires de la collaboration et de l’efficacité des autorités algériennes, étant à cet égard relevé qu’elles ne sauraient nuire aux relations diplomatiques par un nombre exagéré de rappels adressés aux autorités étrangères compétentes. Les contestations afférentes du demandeur sont, dès lors, à écarter.

Enfin, en ce qui concerne la privation de liberté dont le demandeur fait l’objet et qu’il estime être contraire aux articles 5 de la CEDH et 6 de la Charte, l’article 5 de la CEDH dispose que « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :

a) s’il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent ;

b) s’il a fait l’objet d’une arrestation ou d’une détention régulières pour insoumission à une ordonnance rendue, conformément à la loi, par un tribunal ou en vue de garantir l’exécution d’une obligation prescrite par la loi ;

c) s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci ;

d) s’il s’agit de la détention régulière d’un mineur, décidée pour son éducation surveillée ou de sa détention régulière, afin de le traduire devant l’autorité compétente ;

e) s’il s’agit de la détention régulière d’une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d’un aliéné, d’un alcoolique, d’un toxicomane ou d’un vagabond ;

f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. (…) », et l’article 6 de la Charte prévoit quant à lui que « Toute personne a droit à la liberté et à la sureté ».

Or, étant donné que le tribunal est arrivé, dans les développements qui précèdent, à la conclusion que l’arrêté ministériel du 27 juin 2019 prorogeant le maintien en détention de Monsieur … était justifiée en vue de son éloignement vers son pays d’origine, et que l’article 5 de la CEDH prévoit expressément ce cas de figure au point f) de son premier alinéa, il échet de constater que la privation de liberté de ce dernier n’est contraire ni à l’article 5 de la CEDH ni à l’article 6 de la Charte. Le moyen du demandeur y afférent est donc à rejeter pour ne pas être fondé.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, le recours en réformation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme dans la limite des moyens de légalité invoqués et le déclare sans objet pour le surplus ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Olivier Poos, premier juge, Hélène Steichen, juge, Carine Reinesch, attaché de justice, et lu à l’audience publique de vacation du 31 juillet 2019, par le premier juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

s. Arny Schmit s. Olivier Poos Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 31 juillet 2019 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 43317
Date de la décision : 31/07/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2019-07-31;43317 ?

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