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31/07/2019 | LUXEMBOURG | N°43107

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 juillet 2019, 43107


Tribunal administratif N° 43107 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juin 2019 chambre de vacation Audience publique de vacation du 31 juillet 2019 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 28 (2), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43107 du rôle et déposée le 12 juin 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Nour E

. Hellal, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au n...

Tribunal administratif N° 43107 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juin 2019 chambre de vacation Audience publique de vacation du 31 juillet 2019 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 28 (2), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43107 du rôle et déposée le 12 juin 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Nour E. Hellal, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Irak), et son épouse, Madame …, née le …, agissant en leur nom personnel ainsi qu’au nom et pour le compte de leurs enfants mineurs, …, tous de nationalité irakienne, demeurant actuellement ensemble à L-

…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 27 mai 2019 ayant déclaré irrecevables leurs demandes de protection internationale sur le fondement de l’article 28, paragraphe (2), a) de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire et leur ayant ordonné de quitter le territoire luxembourgeois ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 juillet 2019 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Nour E. Hellal et Madame le délégué du gouvernement Stéphanie Linster en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de vacation du 1er août 2019.

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Le 21 mai 2019, Monsieur … et son épouse, Madame …, agissant en leur nom personnel et au nom et pour compte de leurs enfants mineurs, …, ci-après désignés par « les consorts … », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, ils furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée-police des étrangers, de la police grand-ducale, sur leurs identités et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Une recherche effectuée dans la base de données EURODAC releva qu’ils avaient auparavant déposé une demande de protection internationale en Grèce le 6 juin 2018 et que le statut de réfugié leur a été accordé le 26 septembre 2018.

Le 24 mai 2019, Monsieur … et Madame … furent encore entendus séparément par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur la recevabilité de leur demande de protection internationale déposée au Luxembourg.

Par décision du 27 mai 2019, notifiée aux intéressés par remise en mains propres en date du 29 mai 2019, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », déclara irrecevables les demandes de protection internationale des consorts … en application de l’article 28, paragraphe (2), point a) de la loi du 18 décembre 2015, tout en leur ordonnant de quitter le territoire. Ladite décision est libellée comme suit :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d'une protection internationale que vous avez introduites auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 21 mai 2019.

Vous êtes accompagnés de vos enfants mineurs …, les deux de nationalité irakienne.

En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 21 mai 2019, les rapports d'entretien sur la recevabilité de vos demandes de protection internationale du 24 mai 2019, ainsi que les documents versés à l'appui de vos demandes.

Il en ressort que vous avez introduit des demandes de protection internationale en Grèce le 6 juin 2018 et que le statut de réfugié vous a été accordé le 26 septembre 2018.

Monsieur, vous précisez avoir été logé dans un hôtel en Grèce mais ne pas avoir voulu y rester parce que ce serait « très difficile » de vivre en Grèce et que vos enfants n'y auraient pas été scolarisés. Vous dites qu'il y aurait la « mafia » et il y aurait beaucoup de drogues et de criminels qui y circuleraient. A cela s'ajoute que vous auriez été menacé par votre passeur.

Le 3 mars 2019, vous avez pris l'avion pour aller en Allemagne. Or, à l'aéroport, les autorités allemandes ont soupçonné que, contrairement à vos dires, vous comptiez séjourner pour une longue durée sur le territoire allemand, raison pour laquelle elles vous ont imposé de quitter le territoire. Le 5 mars 2019, vous êtes rentrés en Grèce à bord d'un avion.

Vous présentez des cartes d'identité irakiennes et signalez avoir détruit vos passeports grecs ainsi que les titres de séjour délivrés par les autorités grecques après votre arrivée au Luxembourg.

Je suis au regret de vous informer qu'en vertu des dispositions de l'article 28 (2) a) de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, vos demandes de protection internationale sont irrecevables au motif qu'une protection internationale vous a été accordée par un autre Etat membre de l'Union européenne.

En effet, il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire du 21 mai 2019 et des données figurant sur le relevé « Eurodac » que le statut de réfugié vous a été accordé en Grèce.

Il ne ressort pas des éléments en notre possession que vous auriez à craindre en Grèce pour votre vie ou pour votre liberté. En outre, la Grèce respecte le principe de non refoulement conformément à la Convention de Genève et l'interdiction de prendre des mesures d'éloignement contraires à l'interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants.

A cela s'ajoute qu'il ressort des informations en nos mains que contrairement à vos explications, vous pouvez bel et bien faire scolariser vos enfants en Grèce.

Le Grand-Duché de Luxembourg ne peut par conséquent pas donner suite à vos demandes déclarées irrecevables.

Conformément à l'article 34 (2) votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de la Grèce, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner. (…) ».

Le 3 juin 2019, les autorités luxembourgeoises requirent des autorités grecques la réadmission des consorts … sur le territoire grec sur base de l’article 6, paragraphe (2), de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, disposant que « Les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre et titulaires d’un titre de séjour valable ou d’une autre autorisation conférant un droit de séjour délivrés par un autre État membre sont tenus de se rendre immédiatement sur le territoire de cet autre État membre. En cas de non-respect de cette obligation par le ressortissant concerné d’un pays tiers ou lorsque le départ immédiat du ressortissant d’un pays tiers est requis pour des motifs relevant de l’ordre public ou de la sécurité nationale, le paragraphe 1 s’applique ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juin 2019, les consorts … ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 27 mai 2019 par laquelle leurs demandes en obtention de la protection internationale ont été déclarées irrecevables et contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

1) Quant au recours visant la décision du ministre ayant déclaré les demandes de protection internationale irrecevables Aucune disposition légale ne prévoyant de recours au fond et l’article 35, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015 prévoyant expressément un recours en annulation en la matière, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision ministérielle précitée du 27 mai 2019 ayant déclaré irrecevable la demande de protection internationale des consorts …. Le recours en annulation est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs expliquent qu’ils auraient été obligés de quitter la Grèce, étant donné que leur enfant … se trouverait dans une « situation d’urgence sanitaire » du fait d’être atteint de graves troubles oculaires, de problèmes dentaires, qui seraient en cours de diagnostic, ainsi que d’une névrose post-traumatique. De plus, il semblerait souffrir des conséquences d’une malnutrition passée. Les demandeurs estiment que la décision ministérielle n’aurait pas pris en compte l’intérêt supérieur des enfants, alors qu’ils auraient été obligés de quitter la Grèce où ils ne se seraient pas sentis en sécurité et où ils n’auraient été ni logés ni soignés de façon décente.

En droit, les demandeurs reprochent au ministre d’avoir violé leurs droits fondamentaux en prenant appui sur un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, ci-après désignée par « la CJUE », du 16 février 20171, pour en conclure que le transfert ne pourrait être opéré que dans des conditions excluant que ledit transfert entraîne un risque réel qu’ils subissent des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par « la Charte ».

Ils invoquent ensuite une violation de l’article 3 de la Convention de New York relative aux droits de l’enfant, ci-après désignée par « la Convention de New York », de l’article 24 de la Charte et de l’article 6 règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ». Ils font valoir plus particulièrement que l’intérêt supérieur de l’enfant devrait être une considération primordiale dans toutes les décisions concernant les enfants, tout en soulignant que la décision attaquée ne prendrait pas en compte les intérêts supérieurs des enfants impliqués dans le retour en Grèce.

Les consorts … font finalement valoir que le ministre aurait violé les articles 3, 8 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », en précisant, en substance, que la procédure d’asile grecque et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale seraient entachées de défaillances systémiques susceptibles d’être qualifiées de traitements inhumains et dégradants au sens de la Charte et de la CEDH. Ils soulignent qu’ils n’auraient pas voulu rester plus longtemps en Grèce afin de protéger leurs enfants mineurs.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Aux termes de l’article 28, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « (…) le ministre peut prendre une décision d’irrecevabilité, sans vérifier si les conditions d’octroi de la protection internationale sont réunies, dans les cas suivants: a) une protection internationale a été accordée par un autre Etat membre de l’Union européenne ; (…) ».

Il ressort de cette disposition que le ministre peut déclarer irrecevable une demande de protection internationale, sans vérifier si les conditions d’octroi en sont réunies, dans le cas où le demandeur s’est vu accorder une protection internationale dans un autre pays membre de l’Union européenne.

En l’espèce, il ressort d’un courrier électronique des autorités grecques adressé aux autorités luxembourgeoises le 6 juin 2019 que les consorts … bénéficient d’un statut de réfugié en Grèce depuis le 26 septembre 2018. Il ressort encore dudit courrier électronique qu’ils ont reçu un titre de séjour valable du 18 octobre 2018 au 17 octobre 2021.

Il est dès lors constant en cause que les demandeurs sont bénéficiaires du statut de réfugié en Grèce.

Face à ce constat, le ministre a a priori valablement pu déclarer irrecevable la demande de protection internationale des demandeurs sur le fondement de l’article 28, paragraphe (2), point a) de la loi du 18 décembre 2015.

1 CJUE 16 février 2017, affaire C-578/16 PPU.

Cette conclusion n’est pas invalidée par l’argumentation fournie par les demandeurs à l’appui de leur recours.

En ce qui concerne le moyen ayant trait à une « violation des droits fondamentaux », soutenu par un arrêt de la CJUE rendu dans le cadre de l’application du règlement Dublin III, et à l’existence de « défaillances systémiques », qui affecteraient le système d’asile grec et qui, selon les demandeurs, empêcheraient leur renvoi dans ledit pays, le tribunal est tout d’abord amené à constater que l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, dispose que : « Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. ». Or, les demandeurs ont, tel que constaté ci-avant, obtenu le statut de réfugié en Grèce, de sorte qu’ils n’entrent pas dans le champ d’application du règlement Dublin III limité aux demandeurs d’une protection internationale, et ne peuvent, dès lors, invoquer l’existence de défaillances systémiques dans l’accueil des demandeurs de protection internationale pour empêcher leur transfert vers la Grèce, qui n’est d’ailleurs pas non plus initié sur base du règlement Dublin III.

Le moyen des demandeurs fondé sur l’existence de défaillances systémiques affectant le système d’asile en Grèce et une violation de droits fondamentaux, d’ailleurs non autrement circonstanciés, est partant à rejeter pour ne pas être pertinent en l’espèce.

Quant au moyen ayant trait à une violation du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, le tribunal précise que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant est consacré par l’article 3, paragraphe (1) de la Convention de New York, aux termes duquel « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale », et par l’article 24 (2) de la Charte, aux termes duquel « Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu'ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ».

Il en résulte que, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, l’autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l’intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

Or, les demandeurs se bornent à évoquer les dispositions légales précitées en affirmant que la décision attaquée ne ferait « nullement allusions aux intérêts supérieurs des enfants impliqués dans le retour en Grèce », sans fournir une quelconque explication à l’appui de ce moyen, de sorte que celui-ci doit être rejeté pour être simplement suggéré, sans être effectivement soutenu, étant précisé qu’il n’appartient pas au tribunal de pallier à l’absence d’une partie quant à l’énonciation d’un moyen juridique et de rechercher lui-même les conclusions y relative. La même conclusion s’impose quant à la référence par les demandeurs à l’article 6 du règlement Dublin III, qui, par ailleurs, tel que retenu ci-avant, n’est pas applicable au présent recours.

Il s’ensuit que le moyen des demandeurs basés sur une violation du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant est à rejeter.

S’agissant du moyen fondé sur une violation des articles 32, 83 et 134 de la CEDH, les demandeurs restent, en l’espèce, en défaut de démontrer qu’en cas de retour en Grèce, ils risquent d’encourir un quelconque traitement inhumain ou dégradant au sens des dispositions internationales précitées, nécessitant des actes devant revêtir un certain seuil de gravité et entraînant des souffrances physiques ou psychologiques intenses, étant relevé qu’ils se contentent, en effet, de formuler des critiques générales non circonscrites par des éléments concrets de leur vécu personnel ni ne font ils état de démarches infructueuses qu’ils auraient entamées à cet égard auprès des autorités ou des juridictions grecques. En effet, la simple affirmation vague selon laquelle ils auraient été logés dans un hôtel où ils auraient été mélangés à des « personnes dangereuses » et que l’enfant … souffrirait de graves troubles oculaires, de problèmes dentaires, par ailleurs soutenues par aucun élément probant à part une ordonnance médicale selon laquelle – dans les limites de la lisibilité de celle-ci – l’enfant … serait en principe porteur de lunettes qui seraient cassées, ne sauraient en tout état de cause suffire à établir, dans leur chef, un risque de traitements inhumains au sens des articles 3 de la CEDH.

La même conclusion s’impose quant aux allégations, non soutenues lors de leurs entretiens auprès de la direction de l’Immigration en date du 24 mai 2019, des demandeurs suivant lesquelles les enfants … et … n’auraient pas pu être scolarisés. Dans ce contexte, force est également au tribunal de constater que selon une source5 citée par le délégué du gouvernement, non énervée par un quelconque élément produit par les demandeurs, chaque enfant réfugié, quel que soit son statut, pourra être scolarisé en Grèce. S’agissant de l’affirmation des demandeurs selon laquelle l’enfant … serait atteint d’une névrose post-traumatique, il échet de constater, nonobstant la contradiction entre le compte-rendu du service de Santé des Migrants au sein de l’Inspection sanitaire de la Direction de la Santé du 11 juillet 2019 selon lequel l’enfant … serait atteint de crises d’angoisse et de colère et serait enfermé dans sa chambre et les affirmations des demandeurs lors de l’entretien du 24 mai 2019 selon lesquelles les enfants seraient heureux et que le comportement d’… aurait positivement changé depuis son arrivée au Luxembourg6, que s’il découle certes dudit compte-rendu qu’au cas où l’état de l’enfant … ne s’améliorait pas dans les 15 jours, une hospitalisation psychiatrique devrait être envisagée, il n’en reste pas moins que les demandeurs restent en défaut d’alléguer et a fortiori de démontrer que l’état psychique de l’enfant se serait à tel point dégradé qu’un retour en Grèce l’exposerait à des traitements inhumains ou dégradants, étant encore précisé qu’il ne découle d’aucun élément en cause, à part des affirmations vagues et non circonstanciées des demandeurs, que des soins auraient été refusés à ceux-ci en Grèce. Par ailleurs, force est au tribunal de relever que les demandeurs n’allèguent même pas qu’en tant que bénéficiaire d’une protection internationale, ils auraient été traités différemment des ressortissants grecs en termes d’accès à un logement ainsi qu’aux soins et à la scolarité. S’agissant du volet du moyen basé sur une violation des articles 8 et 13 de la CEDH, il échet de retenir que les demandeurs restent en défaut d’alléguer et a fortiori de démontrer que la situation en Grèce violerait leur droit à une vie privée et familiale, respectivement qu’un recours effectif devant une instance nationale leur aurait été refusé, de sorte qu’il est à rejeter pour être simplement suggéré.

2 « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».

3 « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance » 4 « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles ».

5 https://blog.refugee.info/greek-schools-open-for-refugees.

6 Entretien de Madame Sozan Saaed du 24 mai 2019, p.2.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent, et à défaut d’autres moyens, que le recours relatif à ce volet de la décision du 27 mai 2019 est à rejeter pour ne pas être fondé.

2) Quant au recours visant l’ordre de quitter le territoire Etant donné qu’aucune disposition légale ne prévoit un recours au fond contre un ordre de quitter le territoire, seul un recours en annulation a pu valablement être dirigé contre la décision ministérielle déférée. Le recours en annulation ayant, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.

Force est de constater que les demandeurs n’ont pas invoqué de moyen par rapport à l’ordre de quitter le territoire.

Aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 « une décision du ministre vaut décision de retour, à l’exception des décisions prises en vertu de l’article 28, paragraphe (1) et (2), point d) (…) ». La décision de l’espèce étant prise sur le fondement de l’article 28, paragraphe (2), point a) de la loi du 18 décembre 2015, non visé parmi les exceptions de l’article 34, paragraphe (2), précité, l’ordre de quitter est dès lors la conséquence automatique de la décision ministérielle d’irrecevabilité de la demande de protection internationale.

Etant donné que le tribunal vient de retenir que le recours contre la décision d’irrecevabilité de la demande de protection internationale des consorts … n’est pas fondé, alors que dans leur cas d’espèce, ils sont restés en défaut de démontrer qu’ils risqueraient de subir des traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 3 de la CEDH en cas de retour en Grèce et qu’à défaut d’un quelconque autre moyen y relatif, le tribunal ne dispose pas d’éléments permettant de mettre autrement en cause la légalité de l’ordre de quitter le territoire, de sorte que le recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire est également à rejeter pour être non fondé.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses deux volets.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 27 mai 2019 ayant déclaré les demandes de protection internationale des demandeurs irrecevables aux termes de l’article 28, paragraphe (2), point a) de la loi du 18 décembre 2015;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 27 mai 2019 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours non justifié, partant en déboute ;

donne acte de ce que les demandeurs déclarent bénéficier de l’assistance judiciaire ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

Olivier Poos, premier juge, Michèle Stoffel, juge, Carine Reinesch, attaché de justice, et prononcé à l’audience publique de vacation du 31 juillet 2019 par le premier juge en présence du greffier Arny Schmit.

Arny Schmit Olivier Poos Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 31.7.2019 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 43107
Date de la décision : 31/07/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2019-07-31;43107 ?

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