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25/07/2019 | LUXEMBOURG | N°43301

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 juillet 2019, 43301


Tribunal administratif N° 43301 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 juillet 2019 Chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 25 juillet 2019 Recours formé par Madame …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120. L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43301 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 19 juillet 2019 par Maître Stéphanie Collmann, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Lu

xembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Serbie), de nationalité serbe, actuelle...

Tribunal administratif N° 43301 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 juillet 2019 Chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 25 juillet 2019 Recours formé par Madame …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120. L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43301 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 19 juillet 2019 par Maître Stéphanie Collmann, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Serbie), de nationalité serbe, actuellement retenue au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 11 juillet 2019 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de sa notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 22 juillet 2019 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 juillet 2019 par Maître Stéphanie Collmann au nom de sa mandante ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Stéphanie Collmann et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth Pesch en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de vacation du 24 juillet 2019.

En date des 14 et 16 avril 1999, Madame … et son époux Monsieur … introduisirent en nom personnel et au nom et pour compte de leurs enfants mineurs … et … une demande en obtention du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève sur le statut des réfugiés du 28 juillet 1951. Le 4 août 2000, le ministre de la Justice prit une décision par laquelle il refusa aux époux …-… le statut de réfugié.

Le recours gracieux introduit par les époux … à l’encontre de cette décision de refus fut rejeté par une décision du même ministre du 10 novembre 2000.

Le recours contentieux introduit par les époux … à l’encontre des deux décisions ministérielles de refus précitées fut rejeté comme non fondé par un jugement du tribunal administratif du 2 juillet 2001, inscrit sous le numéro 12595C du rôle, confirmé en instance 1d’appel par un arrêt de la Cour administrative du 23 octobre 2001, inscrit sous le numéro 13805C du rôle.

En date du 26 novembre 2001, les époux … introduisirent une demande en obtention d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires, qui fut rejetée par décision du ministre de la Justice du 28 avril 2002. Le recours gracieux formé par courrier du 29 avril 2002 fut également rejeté par décision du ministre de la Justice du 10 mai 2002. Le recours contentieux introduit par les époux … fut déclaré non fondé par jugement du tribunal administratif du 5 février 2003, inscrit sous le numéro 15125 du rôle, confirmé par arrêt de la Cour administrative du 8 mai 2003, inscrit sous le numéro 16072C du rôle.

Le 17 novembre 2009, Madame … introduisit cette fois en son nom personnel et au nom et pour compte de ses filles mineures … et … auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères une nouvelle demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée la « loi du 5 mai 2006 », qui fut déclarée irrecevable sur la base de l’article 23 de la loi du 5 mai 2006 par décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, entretemps en charge du dossier du 3 février 2010. Le recours contentieux introduit par Madame … fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 6 mai 2010, inscrit sous le numéro 26781 du rôle.

Par courrier du 5 février 2013, Madame … introduisit une demande en obtention d’un titre de séjour autonome conformément à l’article 76 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », demande qui lui fut refusée par décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 10 juin 2013. La même décision comporta une décision de retour.

Par courriers des 28 novembre, respectivement 14 décembre 2017, Madame … introduisit une demande en autorisation de séjour pour travailleur salarié, qui fut refusée par décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », entretemps en charge du dossier, du 17 janvier 2018. La même décision comporta une décision de retour. Le recours gracieux introduit en date du 2 mars 2018 fut également rejeté par décision ministérielle du 12 avril 2018.

Par décision du 3 juillet 2018, le ministre prononça une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de trois ans à l’encontre de Madame … et ordonna par un arrêté séparé du même jour son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification. Ces deux arrêtés furent transmis au service de police judiciaire, section des étrangers et des jeux pour notification.

Il ressort d’un procès-verbal n° 2018/33543/5109/MP de la police grand-ducale du 16 septembre 2018 qu’à cette date, Madame … fit l’objet d’un contrôle policier lors duquel il s’avéra qu’il n’y avait plus de place au Centre de rétention.

Il ressort d’un « Brm » du service de police judiciaire du 25 janvier 2019, Criminalité organisée, police des étrangers à la direction de l’immigration que Madame … n’a pu être trouvée à son adresse à … et que si les devoirs demandés étaient toujours d’actualité, il faudrait procéder par signalisation de l’intéressée.

2Selon un procès-verbal n° 11474/2019 de la police grand-ducale, Région Nord, CP … du 11 juillet 2019, Madame … fit l’objet d’un contrôle.

Par arrêté du même jour, notifié à l’intéressée à la même date, le ministre lui interdit l’entrée sur le même territoire pour une durée de trois ans.

Par arrêté du même jour, également notifié à l’intéressé ce jour-là, le ministre ordonna le placement de Madame … en rétention administrative pour une durée d’un mois à compter de la notification. Cet arrêté est fondé sur les considérations et motifs suivants :

« (…) Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu les rapports no 2018/33543/5109/MP du 16 septembre 2018 et no 11474/2019 du 11 juillet 2019 établi par la Police grand-ducale ;

Vu le Brm du 25 janvier 2019, établi par la Police grand-ducale ;

Vu mes décisions de retour des 10 juin 2013 et 17 janvier 2018 ;

Vu ma décision d’interdiction d’entrée sur le territoire du 11 juillet 2019 ;

Attendu que l’intéressée s’est maintenue sur le territoire au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire ;

Attendu que l’intéressée ne s’est pas présenté au Ministère des Affaires étrangères et européennes en vue de l’organisation de son retour volontaire dans son pays d’origine ;

Attendu que l’intéressée n’est pas disposée à retourner volontairement dans son pays d’origine ;

Attendu que l’intéressé n’a jusqu’à présent pas fait des démarches pour un retour volontaire dans son pays d’origine ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressée, alors qu’elle ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu que l’intéressée évite et empêche la préparation du retour et la procédure d’éloignement ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressée seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 juillet 2019, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 11 juillet 2019 ayant ordonné son placement en rétention pour une durée d’un mois.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1), de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce, qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

3 A l’appui de son recours, la demanderesse fait valoir qu’elle séjournerait depuis une durée « qui peut être qualifiée de très longue » sur le territoire grand-ducal et qu’il serait acquis que son séjour serait irrégulier. Elle soutient cependant qu’aucun élément du dossier administratif serait de nature à lui refuser l’application de mesures moins coercitives, étant donné qu’elle offrirait des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite, alors que (i) elle n’aurait aucune attache ailleurs au Luxembourg qu’à l’adresse où elle résiderait avec ses filles et Monsieur …, à savoir à L-…, ni dans les pays limitrophes du Luxembourg, (ii) son passeport lui aurait été retiré, de sorte qu’elle ne serait pas en mesure de quitter le Luxembourg et (iii) elle ne s’opposerait ni à devoir se présenter régulièrement auprès des services ministériels ni à se voir assigner à résidence.

Madame … conteste qu’elle éviterait ou empêcherait la procédure de son éloignement en remarquant que la décision déférée ne mentionnerait aucune donnée concrète de nature à motiver ou justifier cette affirmation.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse soutient que la préparation de l’exécution de la mesure d’éloignement n’aurait pas encore été entamée, dans la mesure où le ministre n’aurait pas encore approché les autorités serbes, ne serait-ce qu’en vue de son identification. Elle conteste tout risque de fuite dans son chef et insiste plus particulièrement sur le fait qu’elle disposerait d’attaches particulièrement fortes au Luxembourg et qu’elle ne disposerait pas de ressources financières suffisantes pour voyager hors du Luxembourg. Elle fait valoir que le fait de ne pas être inscrite sur les registres communaux ne saurait préjuger du fait qu’elle disposerait bien d’une adresse au Luxembourg et soutient que le fait de ne pas être disposée à quitter volontaire de Luxembourg, ne saurait préjuger de l’existence d’un risque de fuite. Elle donne à considérer à cet égard que, suite à la plainte déposée par son mari pour vol de voiture, elle aurait volontairement répondu à la convocation de la police grand-ducale.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.

En vertu de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 ou d’une demande de transit par voie aérienne en vertu de l’article 127 ou lorsque le maintien en zone d’attente dépasse la durée de quarante-huit heures prévue à l’article 119, l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) » et de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « (…) La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

4L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Il y a tout d’abord lieu de relever qu’en vertu de l’article 111, paragraphe 3, point c), de la loi du 29 août 2008, un risque de fuite est légalement présumé notamment lorsque l’étranger se trouve en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois.

Or, le tribunal constate qu’en l’espèce, il n’est pas contesté que la demanderesse a fait l’objet en date des 10 juin 2013 et 17 janvier 2018 d’une décision de retour, ainsi que d’une interdiction d’entrer sur le territoire pendant une durée de trois ans prise à son égard et lui notifié en date du 11 juillet 2019, se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, de sorte qu’en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel le risque de fuite est présumé plus particulièrement si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi, le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité de la loi du 29 août 2008, placer Madame … en rétention afin d’organiser son éloignement.

Quant à l’argumentation de la demanderesse selon laquelle le ministre aurait dû lui appliquer l’une des mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, il échet de constater que ledit article prévoit que «Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008] (…).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

5b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Ensuite, les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1), tel que modifié, sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe (1), pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier.

L’article 125, paragraphe (1), tel que modifié, de la loi du 29 août 2008, prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi. Il convient néanmoins de relever qu’il s’agit d’une simple prérogative pour le ministre et s’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef du demandeur, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment des garanties de représentation suffisantes.

6Or, il y a lieu de constater qu’en l’espèce, la demanderesse ne soumet au tribunal aucun élément concluant quant à des attaches particulières au Luxembourg susceptibles de constituer des garanties de représentation effectives et renversant la présomption d’un risque de fuite qui, en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008, est établie dans son chef, tel que retenu ci-avant.

En effet, le tribunal relève tout d’abord que la demanderesse s’est maintenue depuis 2001 en connaissance de cause sur le territoire luxembourgeois en séjour irrégulier.

A cela s’ajoute que, suite à une enquête policière effectuée en mars 2015, les autorités luxembourgeoises ont appris que depuis une période indéterminée, la demanderesse n’habitait plus à l’adresse sise à L- …, et qu’elle serait partie en Allemagne1.

Si, actuellement, la demanderesse affirme certes habiter à ladite adresse à L-…, et a produit un certificat d’hébergement établi par le prétendu propriétaire de l’immeuble concerné, il y a toutefois lieu de constater que cette circonstance n’est corroborée par aucun élément de nature à établir la réalité de son hébergement à cette adresse. A cela s’ajoute qu’au vu de sa résidence pendant au moins trois ans en Allemagne, tel qu’il ressort d’un courrier de la direction de l’Immigration au Médiateur du 29 octobre 2015, il n’est de toute façon pas de nature à témoigner de la constance de la résidence de la demanderesse à cette adresse, ni a fortiori à permettre d’en déduire que la demanderesse est susceptible d’être trouvée à cette adresse au moment de l’exécution de la mesure d’éloignement.

Le tribunal relève que non seulement les autorités luxembourgeoises ignorent où la demanderesse a résidé entre 2012 et 2015, mais encore la demanderesse a déclaré à plusieurs reprises à la police, respectivement aux autorités ministérielles ne pas avoir l’intention de rentrer volontairement en Serbie2, étant relevé que le risque de fuite ne constitue pas seulement le risque de quitter le Luxembourg, mais vise surtout le risque de soustraire à l’exécution d’un éloignement.

Au vu de ces éléments, le tribunal est amené à retenir que la demanderesse ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de fuite conformément à l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 - risque qui est, tel que relevé ci-dessus, présumé dans son chef -, de sorte que le constat du ministre qu’il n’existe pas de mesure suffisante, mais moins coercitive qu’une mesure de placement, n’encourt aucune critique.

Si le litismandataire du demandeur a certes encore expliqué à l’audience des plaidoiries que Madame … ou un membre de sa famille serait disposé à régler une caution de …- euros, telle que prévue à l’article 125, paragraphe (1), point c) de la loi du 29 août 2008, le tribunal relève qu’au-delà du constat que cette demande a été formulée pour la première fois oralement, alors que la procédure devant le tribunal administratif est essentiellement écrite, cette 1 Procès-verbal n 2015/7865/161/JP du 20 mars 2015 de la police grand-ducal, circonscription régionale …, Unité CP … : « (…) soll den Angaben von Herrn … und den Kindern zufolge irgendwo in Norddeutschland wohnhaft oder aufenthaltsam sein. Sie würde lediglich manchmal telefonischen Kontakt mit der Familie aufnehmen. Der Ehemann sowie die Kinder hätten selbst keine Telefonnummer von derselben. » 2 Procès-verbal n° 2017/26423/702/MP du 17 juillet 2017 de la police grand-ducale, circonscription régionale …, commissariat de proximité …. ; procès-verbal n° 2018/33543/5109/MP du 16 septembre 2018 de la police grand-

ducale, circonscription régionale …, Commissariat … ; procès-verbal n° 11474/2019 du 11 juillet 2019 de la police grand-ducale, Région Nord, CP … .

7déclaration ne se trouve matérialisée par aucune élément probant, étant plus particulièrement relevé que la demanderesse n’a versé aucune déclaration formelle d’engagement d’un membre de sa famille ni a fortiori la preuve du dépôt d’une caution à la caisse de consignation, alors que la demanderesse admet par ailleurs elle-même dans son mémoire en réplique de ne pas disposer de ressources financières suffisantes.

En ce qui concerne finalement les contestations soulevées par la demanderesse dans son mémoire en réplique quant aux diligences accomplies par le ministre en vue d’organiser son éloignement, celles-ci se limitent à la remise en cause générale, sans aucune précision, de la mise en œuvre par le ministre des démarches suffisantes pour procéder à son éloignement rapide, la demanderesse se bornant en effet à affirmer qu’aucune démarche utile n’aurait été entreprise.

A cet égard, force est au tribunal de rappeler qu’il ressort des éléments lui soumis que la demanderesse a fait l’objet d’une décision de retour, ainsi que d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans. Il y a encore lieu de relever qu’afin de pouvoir éloigner la demanderesse, les autorités luxembourgeoises doivent tout d’abord contacter les autorités serbes afin d’organiser son rapatriement, étant relevé que l’arrêté de placement en rétention sous examen est justement fondé sur le constat que les démarches nécessaires en vue de son éloignement seraient engagées dans les plus brefs délais.

Or, en l’espèce, en ce qui concerne les démarches concrètement entreprises par le ministre pour organiser l’éloignement de la demanderesse, il se dégage des éléments du dossier et des explications fournies par la partie étatique que dès le 12 juillet 2019, soit le lendemain de son placement au Centre de rétention, le ministre a mandaté le service de police judiciaire, section criminalité organisée – police des étrangers, pour organiser le rapatriement de la demanderesse en Serbie, qui est actuellement prévu par avion en date du 29 août 2019, tel que cela ressort d’un plan de vol adressé au ministre en date du 19 juillet 2019.

Au vu des diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, le tribunal est amené à retenir que la procédure d’éloignement de la demanderesse est en cours et que les démarches ainsi entreprises en l’espèce par les autorités luxembourgeoises doivent être considérées comme suffisantes, de sorte qu’il y a lieu de conclure que l’organisation de l’éloignement est toujours en cours et est exécutée avec toute la diligence requise.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, que le recours en réformation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne la demanderesse aux frais.

8Ainsi jugé par :

Annick Braun, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Michèle Stoffel, juge, et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 25 juillet 2019, à 15.00 heures, en présence du greffier Michèle Hoffmann.

s.Michèle Hoffmann s.Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25/7/2019 Le Greffier du Tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 43301
Date de la décision : 25/07/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2019-07-25;43301 ?

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