Tribunal administratif N° 42590 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 avril 2019 2e chambre Audience publique du 23 mai 2019 Recours formé par Monsieur …, alias …, alias …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 28 (1), L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 42590 du rôle et déposée le 2 avril 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Françoise Nsan-Nwet, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Cameroun), alias …, né le … à … (Cameroun), alias …, né le … à …, de nationalité camerounaise, actuellement assigné à résidence à la structure d’hébergement du Kirchberg (SHUK) sise à L-1734 Luxembourg, 11, rue Carlo Hemmer, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 14 mars 2019 de le transférer vers l’Allemagne comme étant l’Etat membre responsable pour connaître de sa demande de protection internationale ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 mai 2019 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Françoise Nsan-Nwet et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth Pesch en leurs plaidoiries à l’audience publique du 13 mai 2019.
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Le 11 février 2019, Monsieur …, alias …, alias …, ci-après dénommé « Monsieur … », introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée/police des étrangers de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.
Il s’avéra à cette occasion, tel que confirmé par une recherche dans la base de données EURODAC, que Monsieur … avait préalablement déposé une demande de protection internationale en Allemagne le 23 octobre 2013.
Par arrêté du 11 février 2019, notifié à l’intéressé par remise en mains propres le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », ordonna son assignation à résidence à la SHUK pour une durée de trois mois.
Toujours le même jour, il fut entendu par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement UE 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit « règlement Dublin III ».
Le 19 février 2019, le ministre contacta les autorités allemandes aux fins de la reprise en charge de Monsieur …, ce qu’elles acceptèrent le 22 février 2019.
Par décision du 14 mars 2019, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée envoyée le lendemain, le ministre informa Monsieur … que le Grand-Duché de Luxembourg n’examinera pas sa demande de protection internationale et qu’il sera transféré vers l’Allemagne, Etat membre responsable pour examiner sa demande de protection internationale, la décision étant libellée comme suit :
« (…) J’accuse réception de votre demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire que vous avez présentée en date du 11 février 2019.
En vertu des dispositions de l’article 28(1) de la loi précitée et des dispositions de l’article 18§1d du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013, le Grand-Duché de Luxembourg n’examinera pas votre demande de protection internationale et vous serez transféré vers l’Allemagne qui est l’Etat membre responsable pour examiner votre demande de protection internationale.
Selon vos déclarations vous auriez quitté votre pays d’origine en février 2013 et vous auriez pris le bateau au Marco pour vous rendre en Espagne en date du 15 juin 2013. Après un séjour de deux mois vous seriez parti en Allemagne, où vous seriez resté pour la durée de cinq ans. Vous y avez déposé une demande de protection internationale. Après le rejet de celle-
ci, vous seriez venu au Luxembourg en date du 10 février 2019 afin de faire une nouvelle demande.
Il résulte par ailleurs des recherches effectuées dans le cadre de votre demande de protection internationale, notamment dans la base de données EURODAC, que vous avez précédemment introduit une demande de protection internationale en Allemagne en date du 23 octobre 2013.
Sur base des informations à disposition, le Grand-Duché de Luxembourg a adressé une demande de reprise en charge aux autorités allemandes qui ont accepté en date du 22 février 2019 de vous reprendre en charge en vertu de l’article 18§1d du règlement UE Nr 604/2013 susmentionné.
Lors de votre audition en date du 11 février 2019, vous n’avez pas fait mention d’éventuelles particularités sur votre état de santé ou autres problèmes généraux empêchant un transfert vers l’Allemagne qui est l’État membre responsable pour traiter votre demande de protection internationale.
Aussi, les informations à ma disposition ne sauraient donner lieu à l’application des articles 8, 9, 10 et 11 du règlement UE Nr 604/2013.
Vous n’avez par ailleurs pas fait valoir des raisons particulières ou humanitaires qui auraient dû amener l’État luxembourgeois à faire application de l’article 17(1) du règlement UE Nr 604/2013.
D’autres raisons individuelles pouvant éventuellement entraver la remise aux autorités allemandes n’ont pas été constatées. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 avril 2019, inscrite sous le numéro 42590 du rôle, Monsieur … a introduit un recours tendant à l’annulation de la prédite décision ministérielle du 14 mars 2019.
En vertu de l’article 35 (3) de la loi du 18 décembre 2015, le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours en annulation introduit contre la décision de transfert litigieuse. Le recours en annulation est encore recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, Monsieur … soutient avoir quitté son pays d’origine, suite à des agressions violentes dont il aurait fait l’objet en raison de son homosexualité. Il explique être atteint de tuberculose, ce qui occasionnerait un risque lors de son transfert, et verse des résultats de l’inspection sanitaire à cet effet. Dans ce contexte, il reproche au ministre la violation de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par « la Charte », en cas de transfert en Allemagne. Il renvoie à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 16 février 2017, rendu dans l’affaire C-578/16 PPU, pour retenir que le transfert d’une personne devrait être suspendu si son état de santé est tel que le transfert en lui-même entraînerait un traitement inhumain ou dégradant dans le chef de l’individu concerné.
Le demandeur renvoie ensuite à l’article 31 (2) du règlement Dublin III, en relevant qu’il ne serait pas garanti qu’il puisse bénéficier d’un traitement adapté à son état de santé et qu’il puisse bénéficier du suivi nécessaire en Allemagne, de sorte qu’il serait impossible de le transférer dans ledit pays conformément à l’article 3 (2) du règlement Dublin III.
Enfin, il invoque l’article 13 (2) du règlement Dublin III pour retenir que l’Etat membre responsable serait le Luxembourg, dans la mesure où celui-ci serait le dernier Etat dans lequel il aurait séjourné.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.
Aux termes de l’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015 « Si, en application du règlement (UE) n°604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale. ».
Il s’ensuit que si le ministre estime qu’en application du règlement Dublin III un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et de ses suites, et si ce pays accepte la reprise en charge de l’intéressé, le ministre décide de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable sans examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.
L’article 18 (1) d) du règlement Dublin III, sur lequel le ministre s’est basé pour conclure à la responsabilité des autorités allemandes pour procéder à l’examen de la demande de protection internationale de Monsieur …, prévoit que « L’État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de (…) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25, et 29, le ressortissant de pays tiers ou l’apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d’un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre Etat membre ».
Il est constant en l’espèce que la décision litigieuse a été adoptée par le ministre en application de l’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 18 (1) d) du règlement Dublin III, au motif que ce ne serait pas le Luxembourg qui serait compétent pour le traitement de la demande de protection internationale présentée par Monsieur … et de ses suites, mais bien l’Allemagne, Etat dans lequel il a déposé une demande de protection internationale le 23 octobre 2013 et qui a accepté de le reprendre en charge le 22 février 2019, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de le transférer vers l’Allemagne et de ne pas examiner sa demande de protection internationale déposée au Luxembourg.
Il convient tout d’abord de préciser que le tribunal n’est pas lié par l’ordre des moyens dans lequel ils lui ont été soumis et qu’il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile qui s’en dégage.
En premier lieu, concernant l’application de l’article 13 (2) du règlement Dublin III, celui-ci dispose que « Lorsqu’un État membre ne peut pas, ou ne peut plus, être tenu pour responsable conformément au paragraphe 1 du présent article et qu’il est établi, sur la base de preuves ou d’indices tels qu’ils figurent dans les deux listes mentionnées à l’article 22, paragraphe 3, que le demandeur qui est entré irrégulièrement sur le territoire des États membres ou dont les circonstances de l’entrée sur ce territoire ne peuvent être établies a séjourné dans un État membre pendant une période continue d’au moins cinq mois avant d’introduire sa demande de protection internationale, cet État membre est responsable de l’examen de la demande de protection internationale. », le paragraphe 1 y visé concernant plus exactement la responsabilité de l’Etat membre lors d’un franchissement irrégulier de ses frontières par l’intéressé.
Or, la demande de reprise en charge de Monsieur … a été adressée aux autorités allemandes sur base de l’article 18 (1) d) du règlement Dublin III, en raison du dépôt par Monsieur … d’une demande de protection internationale en Allemagne le 23 octobre 2013, -
reprise en charge qu’elle a expressément acceptée en date du 22 février 2019 sur la même base légale, et non pas en raison du franchissement irrégulier de ses frontières -, de sorte que l’article 13 du règlement Dublin III ne trouve pas application en l’espèce.
Le moyen du demandeur y afférent est dès lors à rejeter pour être non fondé.
En ce qui concerne, en deuxième lieu, l’article 3 (2), alinéa 2, du règlement Dublin III, aux termes duquel « Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable », il échet de relever qu’en ce qui concerne la situation où, comme en l’espèce, un Etat membre a accepté la prise, respectivement la reprise en charge d’un demandeur d’asile, ce dernier ne peut mettre en cause cette décision qu’en invoquant l’existence de défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans cet Etat membre qui constituent des motifs sérieux et avérés de croire que lesdits demandeurs courront un risque réel d’être soumis à des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 4 de la Charte1.
Par ailleurs, il y a lieu de rappeler à cet égard que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant, qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », ainsi que dans la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard2. C’est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union a adopté le règlement Dublin III en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des Etats, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi d’éviter le « forum shopping », l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes tant dans l’intérêt des demandeurs d’asile que des Etats participants3.
Dès lors, comme ce système européen commun d’asile repose sur la présomption - réfragable -
que l’ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard, il appartient au demandeur de rapporter la preuve matérielle de défaillances avérées4.
Monsieur … affirme, dans ce cadre, qu’il ne pourrait pas bénéficier d’un traitement adéquat pour soigner sa tuberculose en Allemagne.
En l’espèce, le tribunal est amené à constater que le demandeur n’avance ni un élément à l’appui de sa prédite affirmation, ni qu’il existerait des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs en Allemagne. Or, un moyen simplement suggéré sans être effectivement soutenu par le demandeur encourt le rejet, dans la mesure où il n’appartient pas au tribunal de suppléer la carence de ce dernier et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses affirmations.
1 CJUE, Grande chambre, 10 décembre 2013, Shamso Abdullahi c. Bundesasylamt, C-394/12, point 62.
2 CJUE, 21 décembre 2011, affaires jointes C-411/10 et C-493/10 « N.S. c. Secretary of State for the Home Department » et « M.E. et autres c. Refugee Applications Commissioner et Ministry of Justice, Equality and Law Reform », point 78.
3 Ibidem, point. 79.
4 Trib. adm. 26 février 2014, n° 33956 du rôle, Pas. adm. 2018, V° Etrangers, n° 952 et les autres références y citées.
En troisième lieu, s’agissant de l’argumentation du demandeur relative à son état de santé, le tribunal relève qu’il ne se dégage pas des pièces soumises à son appréciation que le transfert du demandeur vers l’Allemagne aurait pour lui des conséquences contraires à l’article 4 de la Charte. En effet, si dans les résultats de son contrôle médical versés par le demandeur daté du 8 mars 2019, le Docteur …, médecin-inspecteur chef de division de la direction de la Santé, ci-après désigné par « le médecin-inspecteur », s’adresse au Docteur … en vue de la prise en charge de Monsieur … pour la mise au point et le traitement d’une tuberculose latente pour laquelle il envisage une chimioprophylaxie, ni ledit document ni les autres éléments soumis à l’appréciation du tribunal ne permettent à ce dernier de conclure qu’au vu de cette affection, un transfert du demandeur vers l’Allemagne serait médicalement contre-indiqué. Au contraire, le médecin-inspecteur a noté, dans son avis du 26 avril 2019, tel que figurant au dossier administratif, que le demandeur « (…) peut être déplacé sans problème de Luxembourg vers l’Allemagne sans que ceci ne peut se répercuter de façon défavorable sur son état de santé ou mettre sa vie en danger et sans que cela ne constitue un problème de santé public (…) », ledit avis étant basé sur les considérations suivantes : « (…) Prend note que le concerné présente une tuberculose latente qui est une forme de tuberculose non-infectieuse.
Vu que la tuberculose latente est fréquente et est à traiter selon le cas entre 3 et 6 mois par antibiotiques spécifiques en vue d’éviter son évolution vers la forme dangereuse de la tuberculose.
Vu que le traitement est aussi bien disponible en Allemagne.
Constate qu’il n’y a aucun danger de santé publique qui puisse émaner de Monsieur … pour le moment. (…) ».
Dans ce contexte, le tribunal relève encore que la CJUE, dans son arrêt précité du 16 février 20175, a mis en évidence le fait, en ce qui concerne les conditions d’accueil et les soins disponibles dans l’Etat membre responsable, que les Etats membres liés par la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, ci-après désignée par « la directive 2013/33/UE », sont tenus, y compris dans le cadre de la procédure au titre du règlement Dublin III, conformément aux articles 17 à 19 de cette directive, de fournir aux demandeurs d’asile les soins médicaux et l’assistance médicale nécessaires comportant, au minimum, les soins urgents et le traitement essentiel des maladies et des troubles mentaux graves : « Dans ces conditions, et conformément à la confiance mutuelle que s’accordent les États membres, il existe une forte présomption que les traitements médicaux offerts aux demandeurs d’asile dans les États membres seront adéquats ». Aussi, ce ne serait que lorsqu’un demandeur d’asile produit des éléments objectifs, tels que des attestations médicales établies au sujet de sa personne, de nature à démontrer la gravité particulière de son état de santé et les conséquences significatives et irrémédiables que pourrait entraîner un transfert sur celui-ci, que les autorités de l’Etat membre concerné, y compris ses juridictions, doivent tenir compte de ces éléments, ces autorités étant alors tenues d’apprécier le risque que de telles conséquences se réalisent lorsqu’elles décident du transfert de l’intéressé ou, s’agissant d’une juridiction, de la légalité d’une décision de transfert, dès lors que l’exécution de cette décision pourrait conduire à un traitement inhumain ou dégradant de celui-ci.
Or, au vu des développements et constats faits ci-avant quant à l’état de santé du demandeur et en l’absence d’autres éléments, le tribunal est amené à conclure que ce dernier 5 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16 PPU.
n’a pas fourni d’éléments objectifs qui seraient de nature à démontrer la gravité particulière de son état de santé et les conséquences significatives et irrémédiables que pourrait entraîner le transfert sur lui.
En tout état de cause, il ne se dégage d’aucun élément soumis à l’appréciation du tribunal que le demandeur ne puisse le cas échéant trouver en Allemagne une aide spécifique au vu des besoins éventuels particuliers en matière d’accueil requis le cas échéant par son état de santé, à admettre l’existence de problèmes de santé graves. Etant donné que le tribunal vient ci-avant de conclure que le demandeur n’avait pas apporté la preuve de l’existence en Allemagne de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, au sens de l’article 3 (2), alinéa 2, du règlement Dublin III, il n’est, en l’absence d’autres éléments, pas établi que le traitement par chimioprophylaxie requis du fait de la tuberculose latente dont il est atteint serait inaccessible pour le demandeur.
En dernier lieu, en ce qui concerne la violation alléguée de l’article 31 (2) du règlement Dublin III, dont le demandeur se prévaut pour reprocher au ministre de ne pas avoir transmis les informations qui le concernent aux autorités allemandes afin de lui garantir une prise en charge de son état de santé en cas de transfert dans leur pays, il échet de constater que ledit article 31 (2) a trait à l’échange d’informations pertinentes concernant la santé avant l’exécution d’un transfert, de sorte qu’il n’affecte a priori pas la légalité de la décision de transfert en elle-
même.
A cela s’ajoute que si ledit article impose au ministre de communiquer les informations pertinentes sur l’état de santé de l’intéressé à l’Etat membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale, Monsieur … reste en défaut d’expliquer dans quelle mesure il se serait trouvé dans une situation nécessitant une assistance particulière. En effet, la seule affirmation non autrement circonstanciée, selon laquelle il ne serait pas garanti qu’il se voie dispenser le traitement adapté et puisse bénéficier du suivi nécessaire, n’est en tout état de cause pas suffisante à cet égard, d’autant plus qu’il a été retenu ci-avant que l’Allemagne était tenue, au titre des articles 17 à 19 de la directive 2013/33/UE, de fournir aux demandeurs d’asile les soins médicaux et l’assistance médicale nécessaires.
Partant, le moyen tiré d’une violation de l’article 31 (2) du règlement Dublin III est également à rejeter pour être non fondé.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent, et à défaut d’autres moyens, que le recours est à rejeter pour être non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
quant au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Françoise Eberhard, vice-président, Daniel Weber, juge, Michèle Stoffel, juge, et lu à l’audience publique du 23 mai 2019, par le vice-président, en présence du greffier assumé Lejila Adrovic.
s.Lejila Adrovic s.Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 23 mai 2019 Le greffier du tribunal administratif 8