Tribunal administratif N° 41042 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 avril 2018 1re chambre Audience publique du 6 mai 2019 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Koerich, en matière de permis de construire
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 41042 du rôle et déposée le 19 avril 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Marisa Roberto, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame ……, demeurant ensemble à L-…, tendant, suivant le dispositif de la requête, à l’annulation d’une décision implicite de refus du bourgmestre de la commune de Koerich résultant de son silence de plus de trois mois après l’introduction en date du 17 mars 2017, respectivement du 31 mars 2017, d’une demande en obtention d’une autorisation pour la transformation d’un jardin d’un immeuble sis à …en un emplacement de parking ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Geoffrey Gallé, demeurant à Luxembourg, du 24 avril 2018 portant signification de ce recours à l’administration communale de Koerich, établie en sa maison communale à L-8385 Koerich, Hôtel de Ville, 2, rue du Château, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 22 mai 2018 par Maître Anne-Laure Jabin, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la commune de Koerich, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 12 septembre 2018 par Maître Anne-Laure Jabin, au nom de la commune de Koerich, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réplique, erronément intitulé mémoire en duplique, déposé au greffe du tribunal administratif le 10 octobre 2018 par Maître Marisa Roberto, au nom de Madame …et …, préqualifiés ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 12 novembre 2018 par Maître Anne-Laure Jabin, au nom de la commune de Koerich, préqualifiée ;
Vu les pièces versées en cause ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Céline Bottazzo, avocat à la Cour, en remplacement de Maître Marisa Roberto, et Maître Anne-Laure Jabin en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 mars 2019.
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1 En date du 17 mars 2017, Madame …sollicita par le biais de son architecte auprès du bourgmestre de la commune de Koerich, ci-après désigné par « le bourgmestre », une autorisation « pour la transformation du jardin privé en emplacements de parking » sur un terrain sis à …, inscrit au cadastre de la commune de Koerich sous le numéro …, section … de Koerich, en vue de « la régularisation de sa propriété ».
A la requête de la commune de Koerich, cette demande d’autorisation fut complétée en date du 31 mars 2017 par un certain nombre de documents, à savoir une demande d’autorisation de bâtir signée par les propriétaires et l’usufruitier exclusif du terrain en question, la preuve du changement d’usufruitier, un plan à l’échelle 1:100 en 2 exemplaires ainsi que des photographies de la situation existante.
Par un courrier recommandé du 3 avril 2017, Madame … s’adressa au service technique de la commune de Koerich en faisant valoir qu’elle « souhaite améliorer la qualité de vie de [ses] locataires […] en pouvant leur offrir un emplacement pour se garer étant donné que beaucoup d’entre eux sont obligés à se garer sur la rue », mais qu’après plusieurs tentatives de communication avec le service technique, elle se trouverait « saturée avec [les] argumentations » de la commune concernant l’exclusivité de sa qualité d’usufruitier de la propriété en question, tout en sollicitant de la part de la commune de Koerich de recevoir une réponse à sa demande d’autorisation « au plus vite possible ».
Par courrier du 19 juin 2017, le bourgmestre s’adressa à l’architecte de Madame … dans les termes suivants :
« […] Faisant suite à votre demande portant sur l'objet mentionné sous rubrique, je vous prie de bien vouloir prendre connaissance des observations y relatives, en l'occurrence :
- Extrait d'un plan cadastral récent avec les titres de propriétés actuels (les enfants devront obligatoirement signer la demande).
- Indiquer les côtes du nouveau mur à construire.
- Les emplacements de stationnement devront avoir un accès facile et permanent sur la voie publique tenant compte des impératifs de sécurité de la circulation (article 37.3).
- Respecter l'article 38. LES ACCÈS À LA VOIRIE qui dit entre autres: « 38.1 Toute construction destinée au séjour prolongé de personnes doit disposer d'un accès relié à une voie desservante, dont la largeur n'excédera pas 5m par parcelle. Art.
38.2 Cet accès doit être aménagé de façon :
- à éviter toute perturbation de la circulation sur la voie publique ;
- à assurer une visibilité suffisante ;
- à tenir compte des impératifs de sécurité de la circulation publique ;
- à empêcher tout écoulement d'eau sur la voie publique y compris les cheminements piétonniers ».
- Seuls les emplacements ayant un accès direct à la voirie seront pris en compte pour le calcul du nombre des emplacements. Les emplacements situés à l'arrière d'un autre emplacement ne sont pas calculés. Le plan soumis représente seulement 3 emplacements réels lesquels sont à numéroter de 1 - 3 sur le plan de demande.
Je me pose la question pourquoi le coin du mur ne pourra pas être démoli afin de simplifier la circulation des voitures dans l'enceinte du parking projeté. […] ».
2 En réponse à ce courrier, l’architecte de Madame … informa la commune de Koerich par courriel électronique du 10 juillet 2017 que celle-ci aimerait régulariser la situation de sa propriété en commençant par une demande d’autorisation de bâtir pour réaliser les emplacements de parking au fond de son jardin, tout en exposant les raisons pour lesquelles le coin du mur ne pourrait, à son sens, pas être démoli et en l’avisant que le dossier aurait été complété avec les extraits cadastraux, l’acte attestant la qualité d’usufruitier dans le chef de Madame … ainsi que les plans signés tant par les enfants en leur qualité de nu-propriétaires que par la mère disposant d’un usufruit exclusif.
Par courrier recommandé du 26 octobre 2017, le litismandataire de Madame …, après avoir exposé les faits et rétroactes depuis la première réunion qui aurait eu lieu entre sa mandante et le service technique le 12 décembre 2016, invita la commune de Koerich à prendre position dans les meilleurs délais quant à la demande de transformation introduite le 17 mars 2017.
Par un courrier recommandé du 4 décembre 2017, le litismandatiare de Madame … relança la commune de Koerich à défaut de réponse de sa part.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 19 avril 2018, Madame …et … Madame …et Monsieur…, ci-après désignés par « les consorts … », ont fait introduire un recours tendant, suivant le dispositif de la requête auquel le tribunal est seul tenu, à l’annulation de la décision implicite de refus résultant du silence de plus de trois mois du bourgmestre après l’introduction en date du 17 mars 2017, respectivement en date du 31 mars 2017 de leur demande en obtention d’une autorisation pour la transformation d’un jardin d’un immeuble sis à … en emplacements de parking.
Aucune disposition légale ne prévoyant de recours au fond en matière d’autorisation de construire, seul un recours en annulation a pu être dirigé contre l’autorisation de construire litigieuse.
A l’appui de leur recours, les consorts … invoquent principalement une violation par la commune de Koerich du principe général de bonne administration et de collaboration avec l’administré, en insistant sur l’absence de réponse de la commune malgré le fait qu’elle aurait disposé d’un dossier complet, ce à quoi s’ajouterait qu’elle aurait sollicité de leur part des pièces qui ne seraient pas prévues par le règlement sur les bâtisses de la commune de Koerich dont notamment le titre prouvant la qualité d’usufruitier dans le chef de Madame …. Ils soutiennent, par ailleurs, que la demande d’autorisation serait en conformité avec les dispositions légales et réglementaires existantes et que le bourgmestre aurait été obligé de leur délivrer le permis sollicité, ce d’autant plus que celui-ci ne se serait prévalu que de considérations que la réglementation urbanistique ne prévoirait pas expressément, de sorte à avoir commis un abus respectivement un excès pourvoir.
Dans son mémoire en réponse, la commune de Koerich soulève l’irrecevabilité du recours sous analyse pour défaut d’objet au motif qu’une autorisation n° 32/2018 a été délivrée par le bourgmestre le 10 septembre 2018 permettant aux consorts … d’aménager les emplacements de stationnement sollicités sur le terrain de leur jardin privé.
Dans leur mémoire en réplique, erronément intitulé mémoire en duplique, les consorts …, tout en prenant acte de la délivrance de l’autorisation de construire du 10 septembre 2018 3et en admettant que leur recours en ce qu’il vise l’annulation de la décision implicite de refus résultant du silence gardé par le bourgmestre pendant plus de trois mois après l’introduction en date du 17 mars 2017, respectivement en date du 31 mars 2017 de leur demande en obtention d’une autorisation pour la transformation du jardin de l’immeuble leur appartenant en emplacements de parking, est, de ce fait, devenu sans objet, déclarent vouloir maintenir ledit recours dans son volet visant à obtenir la condamnation de la commune de Koerich au paiement d’une indemnité de procédure d’un montant de … euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », ainsi qu’aux frais et dépens de l’instance. A cet égard, ils insistent plus particulièrement sur le fait qu’ils auraient été dans l’obligation d’introduire une procédure judiciaire pour faire valoir leurs droits, ce d’autant plus que la commune de Koerich n’aurait remis en cause le bien-fondé de leur demande que par des considérations sans rapport avec le litige et qui ne justifieraient en rien l’absence de traitement normal et diligent de leur demande de permis de construire de la part du bourgmestre. Ils reprochent, par ailleurs, au bourgmestre de les avoir ignorés plutôt que de remplir sa mission et d’adopter à leur égard une attitude normale que toute administration devrait avoir à l’égard de ses administrés, en ne délivrant finalement l’autorisation sollicitée que lorsqu’il n’aurait plus eu d’autre choix. Ils estiment qu’en tout état de cause, il serait inadmissible et inéquitable de laisser à leur charge les frais exposés par eux et non compris dans les dépens, de sorte qu’il y aurait lieu de faire droit à leur demande en allocation d’une indemnité de procédure.
A l’audience des plaidoiries et sur question afférente du tribunal, le litismandataire des consorts … a déclaré renoncer au volet du recours visant à obtenir l’annulation de la décision implicite du bourgmestre telle que déférée Il y a dès lors lieu de donner acte aux consorts … qu’ils renoncent à leur demande en annulation de la décision implicite de refus du bourgmestre, précitée.
La commune de Koerich conclut, quant à elle, au rejet de cette demande au motif que les consorts … ne préciseraient pas en quoi il serait inéquitable de laisser les frais à leur charge, tout en insistant sur le fait qu’ils n’auraient pas été contraints de déposer un recours contentieux s’ils avaient procédé au préalable à une régularisation complète de la situation juridique de leur immeuble, en ce qu’ils auraient dû demander un changement d’affectation des locaux exploités auparavant en tant que boulangerie et qui seraient actuellement affectés au logement sans autorisation afférente.
Concernant la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure de ….-
euros formulée et maintenue par les consorts …, il y a de prime abord lieu de constater qu’une demande en obtention d’une indemnité de procédure n’est pas atteinte par les effets de la disparition de l’objet du recours, dès lors que ladite demande, procédant d’une cause juridique particulière et autonome, à savoir l’article 33 de la loi du 21 juin 19991, a une individualité propre et doit être toisée à la demande du demandeur.
Il s’ensuit que la renonciation au recours pour autant qu’il tend à l’annulation de la décision implicite de refus résultant du silence de plus de trois mois gardé par le bourgmestre après l’introduction en date du 17 mars 2017 de la demande en obtention d’une autorisation pour la transformation du jardin en emplacements de parking, respectivement la disparition de 1 Trib. adm. 15 juillet 2015, n°34244 du rôle, Pas. adm. 2018, V° Procédure contentieuse, n°1054, et les autres références y citées.
4l’objet du recours, n’empêche pas le maintien de la demande en allocation d’une indemnité de procédure2.
Aux termes de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, précitée : « Lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer le montant qu’il détermine.».
Le tribunal se doit de constater qu’alors même qu’à la demande de la commune de Koerich, la demande d’autorisation du 17 mars 2017 a été complétée le 31 mars 2017 par les documents sollicités et que suite au courrier de la commune du 19 juin 2017, l’architecte des consorts … a encore fourni un certain nombre d’explications par rapport aux emplacements de parking projetés suivies de deux courriers recommandés de la part du litismandataire des demandeurs invitant la commune à prendre position par rapport à ladite demande d’autorisation dans les meilleurs délais, la commune n’a pas donné suite aux itératives relances provenant des consorts …, de sorte que ceux-ci étaient contraints d’introduire une procédure contentieuse contre le refus implicite découlant du silence du bourgmestre pendant une période de plus de trois mois suivant l’introduction de leur demande du 17 mars 2017. Or, ce n’est qu’une fois que le recours sous analyse a été déposé au greffe du tribunal administratif et signifié à la commune que le bourgmestre a pris position par rapport à ladite demande en délivrant finalement le permis de construire sollicité depuis le 17 mars 2017 en date du 10 septembre 2018.
Au vu des circonstances particulières de l’espèce, et notamment en raison de l’attitude affichée par la commune qui a tout d’abord gardé le silence par rapport à la demande d’autorisation lui soumise, de sorte à obliger les requérants à engager une instance en justice, impliquant la représentation obligatoire par un avocat, pour ensuite, en cours de procédure leur donner, du moins implicitement, gain de cause, en délivrant le permis de construire sollicité, il serait inéquitable de laisser à leur seule charge les sommes exposées par eux pour faire valoir leurs droits et qui ne sont pas comprises dans les dépens.
Si la commune fait état dans son mémoire en réponse de la situation illégale de l’immeuble en question au vu du fait que celui-ci aurait auparavant essentiellement servi à l’exploitation d’une boulangerie, mais que les consorts … auraient procédé à des changements d’affectation importants dudit immeuble en y aménageant des logements sans autorisation, force est au tribunal de constater que ni dans son courrier du 19 juin 2017, ni d’ailleurs dans les écrits contentieux sous examen, la commune n’invoque une quelconque considération urbanistique qui s’opposerait au projet de transformation litigieux en l’espèce si ce n’est la situation irrégulière de l’immeuble et le fait qu’une procédure pénale aurait été introduite à leur encontre. Or, en l’absence de toute considération urbanistique et compte tenu de la délivrance du permis de construire sollicité avant même le dépôt par la commune de son mémoire en réponse au greffe du tribunal administratif, celle-ci reconnaît implicitement mais nécessairement que le projet de transformation était a priori autorisable. Or, tel que relevé ci-
avant, les demandeurs ont justement invoqué à l’appui de leur recours contentieux dirigé contre la décision implicite de refus déférée que l’attitude de la commune serait constitutive d’un abus et d’un excès de pouvoir dans le chef du bourgmestre et violerait le principe général d’une bonne administration et le devoir de collaboration d’une administration avec un administré, en ce que le bourgmestre aurait sollicité de leur part toute sorte de documentations non prévues par le règlement sur les bâtisses et qu’il se serait prévalu de considérations que la 2 idem 5réglementation urbanistique ne prévoirait pas expressément, tout en ne se prononçant finalement pas sur la demande qui lui avait été soumise.
Compte tenu des éléments d’appréciation en possession du tribunal, ainsi que du montant réclamé, et au vu de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, il y a lieu d’évaluer ex æquo et bono l’indemnité de procédure à allouer aux consorts … à un montant de 500.- euros.
Pour les mêmes motifs, il y a lieu de condamner la commune aux frais et des dépens de l’instance conformément à l’article 32 de la loi du 21 juin 1999 précitée.
Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
donne acte aux consorts … qu’ils renoncent à leur demande en annulation de la décision implicite de refus du bourgmestre de la commune de Koerich résultant de son silence de plus de trois mois après l’introduction en date du 17 mars 2017 d’une demande en obtention d’une autorisation pour la transformation d’un jardin d’un immeuble sis à …en emplacements de parking ;
condamne la commune de Koerich à payer aux consorts … un montant de 500.- euros à titre d’indemnité de procédure sur base de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 ;
condamne la commune de Koerich aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 mai 2019 par :
Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, premier juge, Alexandra Bochet, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
s. Arny Schmit s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 mai 2019 Le greffier du tribunal administratif 6