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17/04/2019 | LUXEMBOURG | N°42648

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 avril 2019, 42648


Tribunal administratif N° 42648 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 avril 2019 3e chambre Audience publique du 17 avril 2019 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42648 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 avril 2019 par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, i

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Tribunal administratif N° 42648 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 avril 2019 3e chambre Audience publique du 17 avril 2019 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42648 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 avril 2019 par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le …, « respectivement le … », à … (Maroc) et être de nationalité marocaine, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 27 mars 2019 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 avril 2019 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Karine DOS SANTOS, en remplacement de Maître Philippe STROESSER, et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth PESCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 avril 2019.

Le 28 octobre 2016, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Par décision du 23 février 2017, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée envoyée le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », rejeta la demande de protection internationale de Monsieur … dans le cadre d’une procédure accélérée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Suite au recours contentieux, introduit par une requête déposée au greffe du tribunal administratif le 15 mars 2017, le juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, retint, dans un jugement du 6 avril 2017, inscrit sous le numéro 39267 du rôle, que le recours n’est pas manifestement infondé et renvoya l’affaire à la deuxième chambre du tribunal administratif pour statuer en formation collégiale.

1Par un jugement du 25 septembre 2017, inscrit sous le numéro 39267a du rôle, le tribunal administratif déclara non justifiés les recours en réformation introduits contre la décision ministérielle du 23 février 2017 de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée, contre la décision du même ministre du même jour portant refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire.

Ce jugement fut confirmé par un arrêt de la Cour administrative du 25 janvier 2018 inscrit sous le numéro 40314C du rôle.

Par un arrêt du 10 juillet 2018 de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, Monsieur … fut condamné à une peine d’emprisonnement de 36 mois assortie d’un sursis simple de 12 mois.

Il ressort d’un acte d’écrou du 9 août 2018 que la fin de peine de Monsieur … fut prévue pour le 30 janvier 2019.

Par un arrêté du 29 janvier 2019, notifié à l’intéressé le lendemain, le ministre prononça une interdiction de territoire à l’encontre de Monsieur … pour une durée de 5 ans à partir de sa sortie de l’espace Schengen.

Par un arrêté du même jour, notifié également le 30 janvier 2019, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de ladite décision, afin de préparer l’exécution de la mesure d’éloignement, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :

« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu les antécédents judiciaires de l’intéressé ;

Vu ma décision de retour du 23 février 2017 ;

Vu ma décision d’interdiction d’entrée sur le territoire du 29 janvier 2019 ;

Attendu que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Attendu que l’identité de l’intéressé n’est pas établie ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

2Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Le recours contentieux dirigé à l’encontre de la décision de placement en rétention, précitée, du 29 janvier 2019 fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 28 février 2019, inscrit sous le numéro 42385 du rôle.

Par un arrêté du 26 février 2019, notifié à l’intéressé en date du 28 février 2019, le ministre décida de prolonger la mesure de rétention à l’égard de Monsieur … pour une durée supplémentaire d’un mois.

Par jugement du tribunal administratif du 27 mars 2019, portant le numéro 42517 du rôle, Monsieur … fut débouté de son recours contentieux introduit à l’encontre de l’arrêté ministériel, précité, du 26 février 2019.

Par arrêté du 27 mars 2019, notifié à l’intéressé le lendemain, le ministre prorogea la mesure de placement en rétention de Monsieur … pour une durée supplémentaire d’un mois à compter de la notification, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :

« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 29 janvier et 26 février 2019, notifiés le 30 janvier respectivement le 28 février 2019, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 29 janvier 2019 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 avril 2019, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 27 mars 2019.

Etant donné que l’article 123 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

3A l’appui de son recours, le demandeur expose les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée.

En droit, il fait plaider que le placement en rétention devrait être considéré comme un ultime remède, alors qu’il porterait atteinte à sa liberté de mouvement, relevant qu’une telle mesure ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre, faculté qui ne serait cependant pas discrétionnaire, mais qui devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Par ailleurs, en se prévalant de la jurisprudence du tribunal de céans, il fait valoir que les démarches entreprises par le ministre en vue de son éloignement ne progresseraient pas, de sorte qu’il n’existerait à l’heure actuelle aucune chance raisonnable de croire que son éloignement puisse être mené à bien. En effet, plus de trois mois se seraient écoulés depuis son placement en rétention, sans que le moindre progrès n’ait pu être constaté dans les démarches étatiques. Ainsi, un seul rappel aurait été envoyé aux autorités marocaines par rapport à la demande de réadmission leur adressée en date du 30 janvier 2019 et lesdites autorités n’auraient, à ce jour, pas donné de suites favorables à la demande d’identification introduite auprès d’elles par leurs homologues luxembourgeois.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Le tribunal retient en premier lieu que le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de la décision déférée est à rejeter, étant donné qu’aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé – l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision –, de sorte que le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse.

Le tribunal relève ensuite qu’aux termes de l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 :

« Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 ou d’une demande de transit par voie aérienne en vertu de l’article 127 ou lorsque le maintien en zone d’attente dépasse la durée de quarante-huit heures prévue à l’article 119, l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] » et de l’article 120 (3) de la même loi : « […] La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire […] ».

L’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un 4risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une décision de prorogation d’une mesure de placement en rétention est partant soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

En l’espèce, seules les deux dernières de ces quatre conditions sont remises en cause par le demandeur, de sorte que le tribunal limitera son analyse à ces conditions.

S’agissant des contestations de Monsieur … quant aux démarches entreprises par le ministre en vue de procéder à son éloignement, le tribunal relève que dans son jugement, précité, du 27 mars 2019, il a constaté (i) qu’en date du 30 janvier 2019, soit le jour même de la notification de la mesure de placement en rétention, les autorités luxembourgeoises avaient contacté les autorités consulaires du Royaume du Maroc en vue de l’identification du demandeur, (ii) que le 15 février 2019, lesdites autorités consulaires avaient été relancées et (iii) que le ministre avait adressé deux nouveaux rappels aux autorités consulaires du Maroc les 1er et 15 mars 2019 en vue de l’identification du demandeur. Dans le jugement en question, le tribunal a conclu que les démarches ainsi entreprises à l’époque par les autorités luxembourgeoises devaient être considérées comme étant suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008.

Quant aux diligences entreprises depuis lors, le tribunal constate qu’aux termes d’une note au dossier administratif du 2 avril 2019, il s’est avéré, lors d’un rendez-vous de l’agent en charge du dossier du demandeur avec le Consulat du Maroc à Liège en date du 1er avril 2019, que la demande d’identification adressée par les autorités luxembourgeoises à leurs homologues marocains est toujours en cours d’instruction. Par courrier du 15 avril 2019, les autorités luxembourgeoises ont relancé leurs homologues marocains. A la même date, suite à un entretien téléphonique du même jour, l’autorité ministérielle luxembourgeoise a adressé à ces derniers un « […] tableau récapitulatif de [d]ossiers en cours pour le Luxembourg […] », qui renseigne, notamment, que la demande d’identification de Monsieur … du 30 janvier 2019 est en cours d’instruction.

Au vu des diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, actuellement tributaire de la collaboration des autorités marocaines, le tribunal retient que la procédure d’éloignement du demandeur est toujours en cours, mais qu’elle n’a pas encore abouti, 5et que les démarches ainsi entreprises en l’espèce par les autorités luxembourgeoises doivent être considérées, à ce stade, comme suffisantes pour justifier une deuxième prorogation, de sorte qu’il y a lieu de conclure que l’organisation de l’éloignement est exécutée avec toute la diligence requise. Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter.

Par ailleurs, il ne se dégage d’aucun élément soumis à l’appréciation du tribunal que les démarches ainsi déployées par le ministre en vue de l’éloignement du demandeur seraient vouées à l’échec, de sorte que l’argumentation de Monsieur … ayant trait à l’absence de chances raisonnables de croire que ledit éloignement puisse être mené à bien est à rejeter pour ne pas être fondée.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est, en l’absence d’autres moyens, à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 avril 2019, par :

Daniel Weber, juge, Géraldine Anelli, juge, Stéphanie Lommel, juge, en présence du greffier assumé Lejila Adrovic.

s. Lejila Adrovic s. Daniel Weber Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 avril 2019 Le greffier du tribunal administratif 6


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 42648
Date de la décision : 17/04/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2019-04-17;42648 ?

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