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05/04/2019 | LUXEMBOURG | N°42372

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 avril 2019, 42372


Tribunal administratif N° 42372 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 février 2019 4e chambre Audience publique du 5 avril 2019 Recours formé par Monsieur …, sans domicile connu, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 28 (1), L. 18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42372 du rôle et déposée le 15 février 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Edévi Amegandji, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom d

e Monsieur …, né le … à … (Côte d’Ivoire), de nationalité ivoirienne, ayant été assi...

Tribunal administratif N° 42372 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 février 2019 4e chambre Audience publique du 5 avril 2019 Recours formé par Monsieur …, sans domicile connu, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 28 (1), L. 18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42372 du rôle et déposée le 15 février 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Edévi Amegandji, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Côte d’Ivoire), de nationalité ivoirienne, ayant été assigné à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg (SHUK) sise à L-1734 Luxembourg, 11, rue Carlo Hemmer, et puis retenu au Centre de rétention au Findel, actuellement sans domicile connu, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 31 janvier 2019 par laquelle il a été décidé de le transférer vers l’Italie, l’Etat membre responsable pour connaître de l’examen de sa demande de protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 mars 2019 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ibrahima Diassy, en remplacement de Maître Edévi Amegandji, et Madame le délégué du gouvernement Stéphanie Linster en leurs plaidoiries respectives.

___________________________________________________________________________

Le 19 décembre 2018, Monsieur …, déclarant être de nationalité ivoirienne, introduisit une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, désignée ci-après par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée – police des étrangers, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il s’avéra à cette occasion sur base du résultat des recherches effectuées dans la base de données EURODAC que l’intéressé avait précédemment déposé plusieurs demandes de protection internationale, à savoir en Italie en date des 7 janvier 2016 et 13 juin 2017, en Suisse le 7 mars 2016, en France le 25 mai 2016, en Belgique le 20 juillet 2016, en Allemagne en date des 16 septembre 2016 et 16 novembre 2018 et aux Pays-Bas en date des 8 octobre 2017 et 27 juin 2018.

Toujours le 19 décembre 2018, Monsieur … passa un entretien auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « leministère », en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dénommé ci-après « le règlement Dublin III ».

Par décision du 20 décembre 2018, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », notifia à Monsieur … un arrêté ordonnant son assignation à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg pour une durée de trois mois.

Par communication du 31 décembre 2018, le ministre sollicita auprès des autorités italiennes la reprise en charge de Monsieur … en exécution du règlement Dublin III.

Par courrier du 22 janvier 2019, les autorités luxembourgeoises informèrent les autorités italiennes qu’elles considèrent l’Italie comme ayant tacitement accepté la reprise en charge de Monsieur … en date du 15 janvier 2019.

Par courrier électronique du 30 janvier 2019, les autorités italiennes donnèrent leur accord pour l’organisation du transfert de l’intéressé.

Par décision du 31 janvier 2019, le ministre informa Monsieur … de sa décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale et de le transférer vers l’Italie, sur base des dispositions de l’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015 et de celles de l’article 25, paragraphe 2, du règlement Dublin III, ladite décision étant libellée comme suit :

« (…) J'accuse réception de votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire que vous avez présentée en date du 19 décembre 2018.

En vertu des dispositions de l'article 28(1) de la loi précitée et des dispositions de l'article 25§2 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013, le Grand-Duché de Luxembourg n'examinera pas votre demande de protection internationale et vous serez transféré vers l'Italie qui est l'Etat membre responsable pour examiner votre demande de protection internationale.

Selon vos déclarations vous auriez quitté la Côte d'Ivoire en janvier 2015 et vous seriez arrivé sur le territoire de l'Union Européenne en bateau en Italie. Vous y avez introduit une demande de protection internationale et vous seriez parti du pays après 2 à 3 mois sans attendre une réponse à votre demande. Vous auriez voyagé en Suisse pour déposer une nouvelle demande, mais les autorités suisses vous auraient transféré en Italie. Par la suite vous auriez séjourné pour quelques mois en France et puis en Belgique. Vos demandes auraient été rejetées. Après, vous seriez parti en Allemagne pour une durée de 7 à 8 et les autorités allemandes vous auraient transféré en Italie. Ensuite vous avez encore introduit deux demandes de protection internationale aux Pays-Bas et, une nouvelle fois, en Allemagne.

Finalement vous seriez arrivé au Luxembourg en date du 18 décembre 2018.

Il résulte par ailleurs des recherches effectuées dans le cadre de votre demande de protection internationale, notamment dans la base de données EURODAC, que vous avez précédemment introduit deus demandes de protection internationale en Italie en date des 7 janvier 2016 et 13 juin 2017.

2 Sur base des informations à disposition, le Grand-Duché de Luxembourg a adressé une demande de reprise en charge aux autorités italiennes qui ont tacitement accepté en date du 15 janvier 2019 de vous reprendre en charge en vertu de l'article 25§2 du règlement UE Nr 604/2013 susmentionné.

Lors de votre audition en date du 19 décembre 2018, vous avez mentionné des démangeaisons sur votre corps et une douleur testiculaire. Cependant vous n'avez pas fourni des éléments concrets sur votre état de santé ou autres problèmes généraux empêchant un transfert vers l'Italie, qui est l'Etat membre responsable pour traiter votre demande de protection internationale.

Aussi, les informations à ma disposition ne sauraient donner lieu à l'application des articles 8, 9, 10 et 11 du règlement UE Nr 604/2013 ;

Vous n'avez par ailleurs pas fait valoir des raisons particulières ou humanitaires qui auraient dû amener l'État luxembourgeois à faire application de l'article 17(1) du règlement UE Nr 604/2013.

D'autres raisons individuelles pouvant éventuellement entraver la remise aux autorités italiennes n'ont pas été constatées ; (…). » En date du 31 janvier 2019, le ministre s’adressa au service de police judiciaire, section criminalité organisée – police des étrangers, de la police grand-ducale en vue d’organiser le transfert de Monsieur … vers l’Italie.

En date du 28 février 2019, le ministre prit, à l’encontre de Monsieur …, un arrêté de placement au Centre de rétention pour une durée de trois mois à partir de la notification sur pied de l’article 22 de la loi du 18 décembre 2015, cette décision lui fut notifiée en date du 1er mars 2019.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 15 février 2019, inscrite sous le numéro 42372 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation contre la décision ministérielle précitée du 31 janvier 2019.

En vertu de l’article 35, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015, seul un recours en annulation peut être introduit contre une décision de transfert.

Le recours en annulation, introduit contre la décision ministérielle sous examen du 31 janvier 2019, est encore recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, Monsieur … reprend tout d’abord les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée.

Après avoir rappelé son parcours en Italie et dressé un tableau de la situation des demandeurs de protection internationale en Italie qui serait confrontée à un flux migratoire incessant, de sorte à conclure « que les conditions matérielles d’accueil dans ce pays ne rentre[raient] plus dans les normes européennes, c’est-à-dire de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale », il s’empare de l’article 17 de laditedirective pour soutenir que les demandeurs d’asile qui seraient transférés vers l’Italie en vertu du règlement Dublin III seraient confrontés, une fois retournés en Italie, à des situations de vie dégradantes et inhumaines, sans protection, sans aide à l’intégration ni même un accès assuré à l’alimentation ou aux soins médicaux les plus élémentaires. Il cite, à cet égard, le reportage du 23 janvier 2019 présenté sur la chaîne de télévision RTL télé lëtzebuerg avec la contribution de l’association Passerell. Il soutient qu’en Italie, les demandeurs de protection internationale ne bénéficieraient plus de la protection ni même de la garantie de leurs droits fondamentaux relatifs à la protection de la dignité humaine, consacré notamment par l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne ci-après dénommée « la Charte ». Il estime enfin que le ministre aurait dû le faire bénéficier des dispositions de l’article 3 du règlement Dublin III.

Le délégué du gouvernement pour sa part conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 « Si, en application du règlement (UE) n°604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale ».

Il s’ensuit que si le ministre estime qu’en application du règlement Dublin III, un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce pays accepte la reprise en charge de l’intéressé, le ministre décide de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.

L’article 25, paragraphe (2) du règlement Dublin III, sur lequel le ministre s’est basé pour conclure à la responsabilité des autorités italiennes pour procéder à l’examen de la demande de protection internationale de Monsieur …, prévoit que « L’absence de réponse à l’expiration du délai d’un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l’acceptation de la requête, et entraîne l’obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l’obligation d’assurer une bonne organisation de son arrivée ».

Le tribunal constate qu’il est constant en cause que la décision de transférer le demandeur vers l’Italie et de ne pas examiner sa demande de protection internationale a été adoptée par le ministre en application des prédits articles 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et 25, paragraphe (2) du règlement Dublin III, au motif que l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale est l’Italie, en ce que le demandeur y a introduit auparavant une demande de protection internationale en date des 7 janvier 2016 et 13 juin 2017. Compte tenu de l’acceptation implicite, de la part des autorités italiennes, conformément à l’article 25, paragraphe (2) du règlement Dublin III précité, c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de ne pas examiner la demande de protection internationale déposée au Luxembourg par le demandeur et de le transférer vers l’Italie.

Le tribunal constate ensuite que le demandeur ne conteste ni cette compétence de principe des autorités italiennes, ni, par conséquent, l’incompétence de principe des autorités luxembourgeoises, mais reproche au ministre d’avoir décidé de son transfert en Italie alors qu’il estime que les conditions prévues par l’article 17 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnesdemandant la protection internationale, ci-après dénommée « la directive 2013/33/UE » ne seraient pas remplies pour les demandeurs de protection internationales qui retourneraient en Italie et que le transfert vers ce pays serait contraire à l’article 4 de la Charte et à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « CEDH », tout en soutenant qu’il aurait dû bénéficier des dispositions de l’article 3 du règlement Dublin III.

En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

Le tribunal est tout d’abord amené à rappeler que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant, qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, ainsi que dans la CEDH, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard1. C’est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union a adopté le règlement Dublin III en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des Etats, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi d’éviter le « forum shopping », l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes tant dans l’intérêt des demandeurs d’asile que des Etats participants2,3.

Il n’en demeure pas moins qu’il ressort, notamment, de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la CourEDH », que, dans certains cas, il ne peut être exclu que l’application des règles prescrites par le règlement Dublin III puisse entraîner un risque de violation de l’article 3 de la CEDH - similaire à l’article 4 de la Charte -, la présomption selon laquelle les Etats participants respectent les droits fondamentaux prévus par la CEDH n’étant en effet pas irréfragable4. Dans ces conditions, une violation de l’article 3 de la CEDH implique l’obligation de ne pas éloigner la personne en question vers ce pays5.

Afin d’apprécier s’il y a des motifs sérieux et avérés de croire que le demandeur encourt un risque réel de traitement prohibé par l’article 3 de la CEDH, la CourEDH a jugé que pour vérifier l’existence d’un risque de mauvais traitements, il y a lieu d’examiner les conséquences prévisibles de l’éloignement d’un étranger dans le pays de destination, compte tenu de la situation générale dans ce pays et des circonstances propres au cas de l’intéressé6.

Compte tenu de l’importance que la CourEDH attache à l’article 3 de la CEDH et de la nature irréversible du dommage susceptible d’être causé en cas de réalisation du risque de torture ou de mauvais traitements, l’effectivité d’un recours demande impérativement un contrôle attentif par une autorité nationale, c’est-à-dire un examen indépendant et rigoureux de 1 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. e.a., C-411/10 et C-493/10, point 78.

2 Ibidem, point 79.

3 trib. adm. 26 février 2014, n°33956 du rôle, trib. adm. 17 mars 2014, n°34054 du rôle et trib. adm. 2 avril 2014, n°34133 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

4 CEDH, grande chambre, 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse, n°29217/12 ; CEDH, grande chambre, 21 janvier 2011, M.S.S.

c. Belgique et Grèce, n°30696/09.

5 CEDH, 4 décembre 2008, Y./Russie, n°20113/07, point 75.

6 CEDH, 4 décembre 2008, Y./Russie, n°20113/07, point 78 ; ; CEDH, 28 février 2008, Saadie/Italie, n°37201/06, points 128-

129 ; CEDH, 30 octobre 1991, Vilvarajah et autres/Royaume-Uni, n°13448/87, point 108 in fine.tout grief aux termes duquel il existe des motifs de croire à un risque de traitement contraire à l’article 3 de la CEDH7.

Il se dégage en conséquence de cette jurisprudence que le transfert d’un demandeur de protection internationale par le Grand-Duché de Luxembourg vers l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale, respectivement du traitement de celle-

ci et des suites à y donner, en application du règlement Dublin III, ne pourrait constituer une violation de l’article 3 de la CEDH, respectivement 4 de la Charte, qu’à la condition que l’intéressé démontre, soit qu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’il encourt un risque réel de subir la torture ou des traitements inhumains ou dégradants dans cet Etat, soit qu’il ne bénéficierait pas d’une protection contre le non-refoulement vers son pays d’origine dans l’Etat intermédiaire responsable du traitement de sa demande de protection internationale, respectivement des suites à apporter à celle-ci, une fois que son examen a abouti à la prise d’une décision de rejet définitive, à savoir en l’occurrence en Italie.

Cette jurisprudence impose dès lors la vérification de l’existence d’un risque de mauvais traitement qui doit atteindre un seuil minimal de sévérité, l’examen de ce seuil minimum étant relatif et dépendant des circonstances concrètes du cas d’espèce de l’intéressé.

Force est toutefois de constater qu’en l’espèce, le demandeur n’apporte aucun élément de nature à établir qu’il risquerait des mauvais traitements en cas de retour en Italie, étant précisé qu’il ressort de ses propres déclarations auprès du ministère qu’il aurait été hébergé « dans un centre d’accueil », ce qui contredit sa version des faits telle qu’exposée dans la requête introductive d’instance selon laquelle « il [aurait] été sans abri ni aucun moyen pour vivre normalement et suivre, tant soit peu, sa demande de protection internationale » et alors qu’il ressort de son rapport d’entretien qu’« ils [l’auraient] viré du camp Car [il] a[urait] disparu + qu’1 semaine ». Il y a lieu de relever que le demandeur n’affirme ni que, personnellement et concrètement, ses droits n’auraient pas été respectés en Italie, ni que ses droits ne seraient pas garantis en Italie, ni que, de manière générale, les droits des demandeurs de protection internationale en Italie ne seraient automatiquement et systématiquement pas respectés, ou encore que les demandeurs de protection internationale n’auraient en Italie aucun droit ou aucune possibilité de les faire valoir, étant encore relevé que l’Italie est signataire de la Charte, de la CEDH et de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés ainsi que du Protocole additionnel du 31 janvier 1967 relatif aux réfugiés et, à ce titre, devrait en appliquer les dispositions. Cette conclusion n’est pas énervée par les informations découlant du « reportage du 23 janvier 2019 de la RTL télé lëtzebuerg, effectué avec la contribution de l’association Passerell » étant donné que le demandeur n’a concrètement établi aucun lien entre sa situation personnelle et celle des personnes personnellement visées dans ledit reportage.

Le moyen du demandeur fondé sur un renvoi contraire aux précitées dispositions internationales vers l’Italie est, par conséquent, à rejeter pour ne pas être fondé.

Il ressort également de ce qui précède que le demandeur étant resté en défaut de démontrer que l’Italie ferait l’objet de défaillances systémiques dans le cadre de la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale qui entraînent un risque de traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 4 de la Charte, le moyen tiré de la violation de l’article 3 du règlement Dublin III est à rejeter pour ne pas être fondé.

7 Ibidem, point 293.

Pour ce qui est ensuite de la violation alléguée de l’article 17 de la directive 2013/33/UE, il y a lieu de relever que dans la mesure où le demandeur reste en défaut de préciser dans quelle mesure l’Italie aurait failli à son obligation de faire en sorte « que les mesures relatives aux conditions matérielles d’accueil assurent aux demandeurs un niveau de vie adéquat qui garantisse leur subsistance et protège leur santé mentale et physique », ledit moyen est à rejeter pour ne pas être autrement soutenu que par des vagues allégations de nature générale et sans être appuyées par des éléments concrets et circonstanciés selon lesquels les demandeurs d’asile qui seraient transférés vers l’Italie en vertu du règlement Dublin III seraient confrontés, une fois retournés en Italie, à des situations de vie dégradantes et inhumaines, sans protection, sans aide à l’intégration ni même un accès assuré à l’alimentation ou aux soins médicaux les plus élémentaires . En effet, il n’appartient pas au tribunal de chercher lui-même les moyens et arguments que le demandeur a voulu invoquer à l’appui de ses prétentions, de sorte que le moyen afférent à la violation de l’article 17 de la directive 2013/33/UE est à rejeter pour ne pas être fondé.

Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit et sans commettre d’erreur d’appréciation, ni excéder ses pouvoirs, que le ministre a décidé de transférer le demandeur vers l’Italie, l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale, de sorte qu’à défaut d’autres moyens, le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Anne Gosset, premier juge, Olivier Poos, premier juge, et lu à l’audience publique du 5 avril 2019, par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 5 avril 2019 Le greffier du tribunal administratif 7


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 42372
Date de la décision : 05/04/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2019-04-05;42372 ?

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