Tribunal administratif N° 42340 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 février 2019 2e chambre Audience publique du 4 avril 2019 Recours formé par Monsieur …. , …., contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 28 (1), L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 42340 du rôle et déposée le 11 février 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Nour E. Hellal, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …. , né le …. à …. (Nigéria), alias Monsieur …. , né le …., de nationalité nigériane, assigné à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg (SHUK), sise à L-1734 Luxembourg, 11, rue Carlo Hemmer, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 28 janvier 2019 ordonnant son transfert vers la France, l’Etat membre responsable pour traiter sa demande de protection internationale ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 mars 2019 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Elisabeth Pesch en sa plaidoirie à l’audience publique du 1er avril 2019 à laquelle Maître Nour E. Hellal n’était ni présent ni représenté.
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Le 13 novembre 2018, Monsieur …. , introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.
Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.
Il s’avéra à cette occasion que Monsieur …. avait obtenu un visa pour la France valable du 1er octobre 2018 au 15 novembre 2018.
Toujours le 13 novembre 2018, Monsieur …. fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».
Toujours le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », notifia un arrêté ordonnant l’assignation à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg (SHUK) pour une durée de trois mois à Monsieur …. .
Les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités françaises en date du 20 novembre 2018 en vue de la reprise en charge de Monsieur …. et les autorités françaises acceptèrent cette reprise en charge en date du 17 janvier 2019.
Par décision du 28 janvier 2019, notifiée à Monsieur …. par courrier recommandé envoyé le lendemain, le ministre, sur base de la considération que la France avait délivré à Monsieur …. un visa valable du 1er octobre 2018 au 15 novembre 2018 et que les autorités françaises avaient, par courrier du 18 janvier 2019, accepté de le reprendre en charge, informa ce dernier de sa décision de le transférer dans les meilleurs délais vers la France sur base de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 12, paragraphe (2) du règlement Dublin III, la décision étant libellée comme suit :
« (…) J’accuse réception de votre demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire que vous avez présentée le 13 novembre 2018.
En vertu des dispositions de l’article 28(1) de la loi précitée et des dispositions de l’article 12§2 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013, le Grand-Duché de Luxembourg n’examinera pas votre demande de protection internationale et vous serez transféré vers la France qui est l’Etat membre responsable pour examiner votre demande de protection internationale.
Selon vos déclarations vous seriez parti de votre pays d’origine en date du 2 novembre 2018. Vous auriez pris l’avion de Lagos pour arriver à Paris. Vous auriez séjourné dans un hôtel à Paris pendant trois jours avant de partir en train au Luxembourg, où vous seriez arrivé en date du 6 novembre 2018.
Il résulte par ailleurs des recherches effectuées dans la base de données AE.VIS, que la France vous a délivré un visa valable du 1er octobre 2018 au 15 novembre 2018 vous ayant effectivement permis d’entrer sur le territoire d’un Etat membre.
Sur base des informations à disposition, le Grand-Duché de Luxembourg a adressé une demande de prise en charge aux autorités françaises qui ont accepté en date du 18 janvier 2019 de vous prendre en charge en vertu de l’article 12§2 du règlement UE Nr 604/2013 susmentionné.
Lors de votre audition en date du 13 novembre 2018, vous n’avez pas fait mention d’éventuelles particularités sur votre état de santé ou autres problèmes généraux empêchant un transfert vers la France qui est l’Etat membre responsable pour traiter votre demande de protection internationale.
Aussi, les informations à ma disposition ne sauraient donner lieu à l’application des articles 8, 9, 10 et 11 du règlement UE Nr 604/2013.
Vous n’avez par ailleurs pas fait valoir des raisons particulières ou humanitaires qui auraient dû amener l’Etat luxembourgeois de faire application de l’article 17(1) du règlement UE Nr 604/2013.
D’autres raisons individuelles pouvant éventuellement entraver la remise aux autorités allemandes n’ont pas été constatées. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 11 février 2019, Monsieur ….
a introduit un recours en annulation contre la décision ministérielle précitée du 28 janvier 2019.
Aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en la matière, l’article 35 (3) de la loi du 18 décembre 2015 prévoyant, par ailleurs, expressément un recours en annulation, de sorte qu’un recours en annulation a pu être introduit contre la décision du 28 janvier 2019.
Le recours en annulation est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours et en fait, le demandeur expose avoir fui son pays d’origine en raison « d’un conflit ethnique de grande ampleur » et qu’il serait « conscient (…) du fait qu’en principe la France doit pouvoir examiner sa demande de protection internationale ».
En droit, le demandeur reproche au ministre d’avoir violé l’article 4 du règlement Dublin III étant donné qu’il ne se serait pas vu remettre dans une langue qu’il comprend et par écrit des brochures l’informant de la mise en œuvre du règlement Dublin III.
Il invoque ensuite une violation de l’article 17 du règlement Dublin III en précisant qu’il ne voudrait pas retourner en France, alors qu’il ne s’y sentirait pas en sécurité. En se fondant sur « l’actualité critique » et « un environnement contestataire permanent », il précise qu’il aurait subi une « mauvaise expérience (…) à l’Aéroport Roissy Charles de Gaulle » où il aurait été victime d’un « délit de faciès pour lequel il [se serait] retrouvé, sans aucunes raisons vraiment valables, en centre de rétention en zone d’attente de l’Aéroport (…) pour une durée de plusieurs jours, alors qu’il n’avait rien à se reprocher en particulier (…) ».
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.
Il est constant en cause que la décision de transférer le demandeur vers la France et de ne pas examiner sa demande de protection internationale a été adoptée par le ministre en application de l’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 12 (2) du règlement Dublin III, au motif que l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale serait la France, en ce qu’il y aurait bénéficié d’un visa valable du 1er octobre 2018 au 15 novembre 2018, tel qu’il ressort de la base de données AE.VIS, et que les autorités françaises auraient accepté sa prise en charge le 18 janvier 2019.
L’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit ce qui suit : « Si, en application du règlement (UE) n°604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale ».
Il s’ensuit que si le ministre estime qu’en application du règlement Dublin III, un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce pays accepte la reprise en charge de l’intéressé, le ministre décide de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.
L’article 12 du règlement Dublin III, sur lequel le ministre s’est basé pour conclure à la responsabilité des autorités françaises pour procéder à l’examen de la demande de protection internationale de Monsieur …. , prévoit que : « (…) (2) Si le demandeur est titulaire d’un visa en cours de validité, l’État membre qui l’a délivré est responsable de l’examen de la demande de protection internationale, sauf si ce visa a été délivré au nom d’un autre État membre en vertu d’un accord de représentation prévu à l’article 8 du règlement (CE) n o 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas. Dans ce cas, l’État membre représenté est responsable de l’examen de la demande de protection internationale. (…) (4) Si le demandeur est seulement titulaire d’un ou de plusieurs titres de séjour périmés depuis moins de deux ans ou d’un ou de plusieurs visas périmés depuis moins de six mois lui ayant effectivement permis d’entrer sur le territoire d’un Etat membre, les paragraphes 1, 2 et 3 sont applicables aussi longtemps que le demandeur n’a pas quitté le territoire des Etats membres. ».
Force est au tribunal de constater de prime abord que le demandeur ne remet pas en cause la responsabilité de principe des autorités françaises pour procéder à l’examen de sa demande de protection internationale, mais qu’il soutient, en substance, qu’il ne serait pas établi qu’il aurait reçu la brochure l’informant de la mise en œuvre du règlement Dublin III dans une langue qu’il comprend, telle que visée à l’article 4 du règlement Dublin III, de même qu’il estime que le ministre aurait dû se déclarer responsable de l’examen de sa demande de protection internationale sur base de l’article 17 du règlement Dublin III.
Quant au premier moyen, il échet de rappeler que l’article 4 du règlement Dublin III prévoit ce qui suit : « 1. Dès qu’une demande de protection internationale est introduite au sens de l’article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l’application du présent règlement, et notamment:
a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d’une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d’un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l’État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée;
b) des critères de détermination de l’État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu’une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n’est pas fondée sur ces critères;
c) de l’entretien individuel en vertu de l’article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations;
d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert;
e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d’exécuter leurs obligations découlant du présent règlement;
f) de l’existence du droit d’accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l’objet d’un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l’article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel.
2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu’il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3.
(…) 3. La Commission rédige, au moyen d’actes d’exécution, une brochure commune ainsi qu’une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l’application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d’exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d’examen visée à l’article 44, paragraphe 2, du présent règlement. ».
Il ressort dudit article 4 du règlement Dublin III que les informations en question sont transmises aux demandeurs de protection internationale par écrit par le biais d’une brochure commune à tous les Etats membres, et peuvent encore être précisées oralement dans le cadre de l’entretien individuel.
En l’espèce, le tribunal constate, d’une part, qu’il ressort du dossier administratif, plus particulièrement d’un certificat du 13 novembre 2018, signé par Monsieur …. , qu’à cette dernière date, il « (…) [a] reçu en mains propres et a pris connaissance [d’une] (…) Brochure d’informations pour demandeurs de protection internationale en langue anglaise (…) » et, d’autre part, qu’il n’a ni allégué ni a fortiori établi que le contenu de cette brochure ne serait pas conforme aux exigences inscrites à l’article 4 du règlement Dublin III ni qu’il ne maîtriserait pas la langue anglaise. Il y a dès lors lieu de conclure que le demandeur avait connaissance, notamment, de l’application dudit règlement et de ses objectifs, ainsi que des critères de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande, en ce compris celui prévu à l’article 12, paragraphe (2) du susdit règlement, sur lequel la décision déférée est fondée.
Il s’ensuit que le moyen tiré d’une violation de l’article 4 du règlement Dublin III est à rejeter.
Ensuite, le tribunal est amené à relever que les possibilités légales pour le ministre de ne pas procéder au transfert d’un demandeur de protection internationale et d’examiner sa demande sont prévues à l’article 3 (2) alinéa 2 du règlement Dublin III, lequel présuppose l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs qui entraînent, dans leur chef, un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi que par la clause discrétionnaire consacrée à l’article 17 du même règlement.
Il y a encore lieu de rappeler que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, désignée ci-après par « la Convention de Genève », et le protocole de 1967, ainsi que dans la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des Libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ci-après dénommée « la CEDH », et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard1. C’est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union européenne a adopté le règlement Dublin III en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des Etats membres, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi d’éviter le « forum shopping », l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes tant dans l’intérêt des demandeurs d’asile que des Etats participants2,3. Dès lors, comme ce système européen commun d’asile repose sur la présomption – réfragable – que l’ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard, il appartient aux demandeurs de rapporter la preuve matérielle de défaillances avérées4.
Force est de constater que le demandeur ne fait pas valoir l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale en France, mais se limite à reprocher au ministre de ne pas avoir, en application de la clause discrétionnaire prévue à l’article 17 du règlement Dublin III, décidé d’examiner sa demande de protection internationale.
Quant à la non-application, par le ministre, de la clause discrétionnaire prévue à l’article 17 du règlement Dublin III, le tribunal relève que ledit article prévoit ce qui suit : « Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (…) ».
S’il est vrai que lorsqu’en application des critères du règlement Dublin III, l’Etat luxembourgeois n’est pas responsable de l’examen de la demande, il peut malgré tout décider d’examiner une demande de protection internationale en vertu de ladite clause discrétionnaire, cette possibilité relève cependant du pouvoir discrétionnaire du ministre, s’agissant d’une disposition facultative qui accorde un pouvoir d’appréciation étendu aux Etats membres5. Si un pouvoir discrétionnaire des autorités administratives ne s’entend certes pas comme un 1 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. e.a., C-411/10 et C-493/10, point 78.
2 Ibidem, point. 79.
3 trib. adm. 26 février 2014, n° 33956 du rôle, Pas. adm. 2018, V° Etrangers, n° 952 et les autres références y citées.
4 Voir aussi Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg, 8 janvier 2015, n° A11 S 858/14.
5 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. e.a., C-411/10 et C-493/10, point 65.
pouvoir absolu, inconditionné ou à tout égard arbitraire, mais comme la faculté qu’elles ont de choisir, dans le cadre des lois, la solution qui leur paraît préférable pour la satisfaction des intérêts publics dont elles ont la charge, et s’il appartient au juge administratif de vérifier si les motifs invoqués ou résultant du dossier sont de nature à justifier la décision attaquée6, de sorte que lorsque l’autorité s’est méprise, à partir de données fausses en droit ou en fait, sur ses possibilités de choix et sur les limites de son pouvoir d’appréciation, il y a lieu à annuler la décision en question, encore faut-il que pareille erreur dans le chef de l’autorité administrative résulte effectivement des éléments soumis au tribunal. Par ailleurs, dans le cadre du contrôle d’un pouvoir discrétionnaire le tribunal est amené à sanctionner une disproportion uniquement si celle-ci est manifeste.
Or, force est de retenir que le moyen tiré d’une violation de l’article 17 du règlement Dublin III encourt le rejet, alors que les éléments produits par le demandeur à ce sujet ne permettent pas au tribunal de retenir une disproportion manifeste dans le pouvoir d’appréciation du ministre.
En effet, en ce qui concerne l’argument tenant à une « actualité critique » et un « environnement contestataire permanent » régnant en France, il échet de relever que la simple allégation non autrement circonstanciée d’un tel état en France ne saurait entraîner l’application de l’article 17 du règlement Dublin III dans le chef du demandeur.
Il en est de même en ce qui concerne l’argument non autrement étayé selon lequel il aurait été victime d’un « délit de faciès », alors qu’il ressort de l’ordonnance sur demande de prolongation du maintien en zone d’attente du 6 novembre 2018 que le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Bobigny n’a pas fait droit à la demande de l’autorité administrative sollicitant la prolongation du maintien dans la zone d’attente de l’aéroport de Roissy Charles de Gaulles.
Il se dégage partant de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a pris la décision litigieuse, de sorte que le recours est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, déclare le recours non justifié, partant en déboute ;
donne acte au demandeur de ce qu’il déclare bénéficier de l’assistance judiciaire ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Françoise Eberhard, vice-président, Daniel Weber, juge, Michèle Stoffel, juge, 6 Voir trib. adm. 13 juillet 2016, n° 38009 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.
et lu à l’audience publique du 4 avril 2019, par le vice-président, en présence du greffier assumé Lejila Adrovic.
s. Lejila Adrovic s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 avril 2019 Le greffier du tribunal administratif 8