Tribunal administratif Numéro 39804 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 juin 2017 4e chambre Audience publique du 2 avril 2019 Recours introduit par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de la Sécurité intérieure, en matière de candidature
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 39804 du rôle et déposée le 30 juin 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Lara Mota Arada, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation de la décision du ministre de la Sécurité intérieure du 27 juin 2017 portant refus de le faire participer à l’épreuve de sélection pour l’admission à la formation de base de l’inspecteur de police ;
Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 4 juillet 2017, inscrite sous le n° 39805 du rôle, faisant droit à la demande de Monsieur … visant à participer à l’épreuve de sélection de juillet 2017 prévue pour l’admission à la formation de base de l’inspecteur de police ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 novembre 2017 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 21 décembre 2017 par Maître Mota Arada pour le compte de son mandant ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 janvier 2018 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Lara Mota Arada et Madame le délégué du gouvernement Hélène Massard en leurs plaidoiries respectives.
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A la suite de sa demande de participation à l'épreuve de sélection de juillet 2017 pour l'admission à la formation de base de l’inspecteur de police, Monsieur … se vit opposer, en date du 27 juin 2017, un refus de la part du ministre de la Sécurité intérieure, dénommé ci-
après « le ministre », décision qui fut motivée comme suit :
« (…) Me référant à l’avis du Directeur général de la Police tel que prévu à l’article l’article 9 sub e) du règlement grand-ducal modifié du 27 avril 2007 déterminant les conditions de recrutement, d’instruction et d’avancement du personnel policier, je suis au regret de vous informer que vous ne remplissez pas les conditions de moralité requises pour entamer une formation policière alors que procès-verbal a été dressé à votre encontre en date du 9 mars 2013 pour conduite d’un véhicule sans permis ni assurance valables et pour inobservation de la limite de vitesse à l’intérieur d’une agglomération (57 km/h au lieu des 45 km/h autorisés pour un cycle à moteur auxiliaire).
Je ne puis dans ces conditions vous autoriser à participer à l’épreuve de sélection pour l’admission à la formation de base de l’inspecteur de police. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 juin 2017, inscrite sous le numéro 39804 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation dirigé contre la décision de refus précitée du 27 juin 2017.
Par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 39805 du rôle, Monsieur … sollicita encore l’obtention d’un sursis à exécution, sinon d’une mesure de sauvegarde par rapport à cette décision de refus, requête qui fut déclarée fondée par une ordonnance du président du tribunal administratif du 4 juillet 2017, inscrite sous le numéro 39805 du rôle, qui l’autorisa provisoirement à se présenter à l’épreuve de sélection pour l’admission à la formation de base de l’inspecteur de police pour la session de 2017.
Aucune disposition légale ne prévoyant de recours au fond en la matière, seul un recours en annulation peut être introduit contre une décision de refus d’admission à la formation de base de l’inspecteur de police, telle que la décision précitée du ministre du 27 juin 2017.
A l’audience publique des plaidoiries, le tribunal a soulevé d’office la question du maintien de l’intérêt à agir de Monsieur …, respectivement du maintien de l’objet de son recours, au regard de la circonstance qu’il avait été autorisé, par l’ordonnance présidentielle précitée, à participer à l’examen d’admission, participation justement litigieuse en l’espèce.
Tout en relevant que l’intérêt de son client devrait s’analyser au jour du dépôt de sa requête introductive d’instance, le litismandataire de Monsieur … fait valoir, alors même que son mandant aurait entretemps réussi l’examen d’admission litigieux et qu’il aurait été admis en tant que volontaire de police à l’école de police où il accomplirait actuellement la deuxième année de formation, que le ministre n’aurait toujours pas retiré sa décision de refus litigieuse malgré les considérations de l’ordonnance présidentielle précitée.
Le délégué du gouvernement souligne que la partie gouvernementale n’entendrait pas retirer la décision déférée, relevant que le parcours professionnel de Monsieur … au sein de la police suite à l’ordonnance présidentielle aurait été effectué sous réserve de la décision à intervenir au fond, alors que l’ordonnance du 4 juillet 2017 n’aurait qu’une autorité de chose jugée au provisoire.
Il échet en premier lieu de relever que l'intérêt à agir conditionnant la recevabilité d'une demande s'analyse en question d'ordre public et peut même être, pour la première fois, invoqué en instance d'appel.1 1 Cour adm. 29 mai 2008, n° 23728C du rôle, Pas. adm. 2018, V° Procédure contentieuse, n° 5 et les autres références y citées.
Pour justifier d’un intérêt à agir, il faut pouvoir se prévaloir de la lésion d’un intérêt personnel dans le sens que la réformation ou l’annulation de l’acte attaqué confère au demandeur une satisfaction certaine et personnelle.2 Si stricto sensu l’intérêt à agir s’analyse, au regard de la recevabilité de la demande, au jour du dépôt de la requête introductive d’instance, encore faut-il que cet intérêt se maintienne tout au long de l’instance, voire en instance d’appel sous peine de voir devenir la demande sans objet.3 Or, si, d’un côté, il ressort du dossier que la partie gouvernementale, en admettant Monsieur … à l’école de police après la réussite de l’examen d’admission, est allée au-delà de ce qui a été autorisé provisoirement par l’ordonnance présidentielle s’étant limitée à autoriser provisoirement Monsieur … à participer à l’examen malgré le refus résultant de la décision déférée, force est de relever qu’au vu des déclarations non équivoques de la partie gouvernementale à l’audience qu’elle n’entend pas revenir sur ledit refus, respectivement que la carrière actuelle de Monsieur … se déroulerait actuellement sous réserve de la solution au fond du présent litige, Monsieur … garde tout son intérêt à faire annuler la décision déférée basée sur un défaut de moralité dans son chef.
Il s’ensuit que le moyen tenant à l’irrecevabilité du recours pour perte d’objet ou d’intérêt à agir est à rejeter.
A défaut de tout autre moyen d’irrecevabilité, le recours en annulation introduit en l’occurrence est à déclarer recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours et en fait, le demandeur expose avoir été militaire au sein de l’armée luxembourgeoise depuis janvier 2014 et avoir été envoyé en mission au Kosovo à deux reprises, chaque fois pour une durée de 4 mois.
S’il ne conteste pas avoir été condamné par le tribunal correctionnel de et à Luxembourg par jugement du 15 juillet 2013 à une amende correctionnelle de 600 euros pour avoir conduit le 9 mars 2013 un motocycle sans être titulaire d’un permis de conduire valable, puisqu’il avait conduit le cycle à moteur auxiliaire appartenant à son frère à 57 km/h, alors que la vitesse limitée pour les cycles à moteur auxiliaire est de 45km/h, de sorte que ledit cycle était considéré comme un motocycle, pour laquelle il ne disposait pas du permis de conduire Al requis, il souligne néanmoins ne pas avoir été condamné pour conduite d’un véhicule sans assurance valable ou pour excès de vitesse.
En droit, le demandeur se prévaut d’abord d’une violation de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de 1’Etat et des communes, dénommé ci-après « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », dans la mesure où l’avis du directeur général de la police grand-ducale, dénommé ci-après « le directeur général », auquel le ministre se serait référé, n’aurait pas été joint à la décision déférée.
2 trib. adm., 22 octobre 2007, n° 22489 du rôle, Pas. adm. 2018, V° Procédure contentieuse, n° 11 et les autres références y citées.
3 Cour adm. 13 juillet 2006, n° 21155C du rôle, Pas. adm. 2018, V° Procédure contentieuse, n° 29 et les autres références y citées.
Il invoque ensuite une violation du principe « non bis in idem » et de l’article 4 (1) du protocole n° 7 de la convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, dénommée ci-après « la CEDH », dans la mesure où la référence, par la décision litigieuse, à sa condamnation pénale en vue de rejeter sa demande en admission aux examens de sélection préalables à la formation de base de l’inspecteur de police, reviendrait à le sanctionner deux fois pour le même fait.
Le demandeur estime ensuite que la décision déférée reposerait sur une mauvaise interprétation, sinon application des dispositions de l’article 70 (4) du règlement grand-ducal modifié du 27 avril 2007 déterminant les conditions de recrutement, d’instruction et d’avancement du personnel policier, ci-après dénommé « le règlement grand-ducal du 27 avril 2007 », au motif que, mis à part sa condamnation à une amende correctionnelle pour conduite d’un véhicule sans disposer d’un permis Al, il n’aurait pas d’autres antécédents judiciaires. En effet, une inscription isolée pour des faits sans gravité ou peu importants ne justifierait pas ipso facto l’élimination d’un candidat à l’examen, le seul fait lui reproché n’étant pas de nature à remettre en cause ses qualités morales ni son aptitude à embrasser la carrière de membre de la police grand-ducale, et ce, d’autant plus qu’il aurait bien rempli les conditions de moralité requises pour servir son pays au sein de l’armée pendant 3 ans.
Finalement, le demandeur estime que le ministre, en lui opposant le refus critiqué, aurait encore commis une mauvaise interprétation, sinon application des dispositions de 1’article 9 (e) du règlement grand-ducal du 27 avril 2007.
Il sollicite enfin la condamnation de l’Etat à une indemnité de procédure d’un montant de 2.500,- euros.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur précise, en s’appuyant à ce sujet sur un jugement du tribunal administratif du 6 juillet 2015, que le ministre garderait tout son pouvoir d’appréciation et ne serait pas lié par l’avis du directeur général.
Il donne encore à considérer que le tribunal correctionnel, par le jugement précité du 15 juillet 2013, l’aurait uniquement condamné pour avoir conduit un cycle à moteur auxiliaire « frisé » sans avoir été titulaire du permis afférent, mais pas pour les autres infractions libellées dans le procès-verbal du 9 mars 2013, à savoir l’absence d’assurance et un excès de vitesse, faits qui resteraient formellement contestés, alors qu’une assurance valable au moment des faits aurait pu être présentée ultérieurement, de même que l’excès de vitesse se serait limité à 7 km/h, ce qui serait encore tolérable et seulement passible d’une « contravention simple ».
Il donne encore à considérer qu’au jour des faits reprochés, il n’aurait été âgé que de 19 ans.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en précisant que l’existence ou non d’une inscription au casier judiciaire ne serait pas le seul élément à prendre en considération pour juger de la condition de moralité qui devrait être appréciée in concreto par rapport à tous les éléments de la cause. Ainsi, il ressortirait du procès-verbal dressé à l’encontre du demandeur que ce dernier aurait non seulement sciemment conduit un motocycle sans être titulaire du permis afférent, mais qu’il aurait également roulé sans assurance et en excès de vitesse, comportement inadapté pour une personne visant l’exercice du métier de police consistant justement à détecter de telles infractions.
En droit, le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen relatif à une violation de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 qui n'imposerait pas à l'administration de communiquer les avis y visés en toute hypothèse aux administrés. Si, dans des matières spéciales, une disposition légale ou réglementaire prescrit une telle communication, tel ne serait pas le cas en l'espèce. De même, la jurisprudence exigerait seulement la communication des avis, si la décision y renvoie, ce qui ne serait pas le cas en l’occurrence. De plus, le demandeur n'aurait, à aucun moment de la procédure, sollicité la communication de l'avis litigieux.
En ce qui concerne le moyen relatif à une violation du principe non bis in idem, le délégué du gouvernement estime que ledit principe ne s’opposerait pas à la coexistence de deux sanctions, l’une pénale et l’autre administrative, qui auraient chacune une finalité différente, l’une répressive et l’autre préventive. En tout état de cause, le refus litigieux ne saurait être considéré comme une seconde sanction pénale, mais comme une simple conséquence du passé délictuel du demandeur.
Quant à la prétendue violation de l'article 9, point e) et de l'article 70, paragraphe (4) du règlement grand-ducal du 27 avril 2007, le délégué du gouvernement souligne que ni le caractère isolé des antécédents judiciaires ni la circonstance selon laquelle le demandeur aurait travaillé pendant 3 ans au sein de l’armée luxembourgeoise ne sauraient faire conclure à une mauvaise interprétation des textes applicables ni à une erreur d’appréciation du ministre ni au caractère disproportionné de la décision déférée, alors que la moralité d’un candidat policier devrait s’analyser in concreto et dans le cadre d’un pouvoir discrétionnaire large en la matière.
Finalement, le délégué du gouvernement s’oppose à l’allocation d’une indemnité de procédure, sinon demande à la réduire à de plus justes proportions.
A titre liminaire, force est de relever que, dans le cadre d’un recours en annulation, le tribunal est tenu d’apprécier la légalité d’une décision administrative en considération de la situation de droit et de fait ayant existé au jour où elle a été prise4, de sorte que le contrôle de la décision déférée doit se faire par rapport à la législation en vigueur au moment de la prise de décision, à savoir au 2 juillet 2018, alors même que le règlement grand-ducal du 27 avril 2007 a été entretemps abrogé par le règlement grand-ducal du 17 août 2018 relatif à la formation du personnel de la police grand-ducale et que les conditions d’admission aux examens-concours des différentes carrières auprès de la police grand-ducale sont actuellement régies par le règlement grand-ducal du 17 août 2018 déterminant les modalités de recrutement du personnel policier.
En ce qui concerne d’abord le moyen de légalité externe de la décision déférée, tenant à une violation de l'article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, au motif que l'avis du directeur général n'aurait pas été annexé à la décision ministérielle déférée, il échet de rappeler que ledit article dispose que: « Les avis des organismes consultatifs pris préalablement à une décision doivent être motivés et énoncer les éléments de fait et de droit sur lesquels ils se basent (…) ».
4 trib. adm. 27 janvier 1997, n° 9724 du rôle, Pas. adm. 2018, V° Recours en annulation, n° 20.
Il est d’abord constant que la décision litigieuse précise que le ministre a refusé la demande de Monsieur … en se référant à l’avis du directeur général.
La finalité de la consultation prévue à l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 est de « rassembler des avis qui éclairent l’administration sur sa décision, en lui permettant de connaître le point de vue d’organismes compétents ou intéressés en la matière5 ».
L’avis émis par le directeur général s’inscrit indéniablement dans cette logique, de sorte qu’il tombe dans le champ d’application de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979.
Concernant la critique du demandeur relative au défaut de communication de l’avis, force est de constater que s’il est vrai que l’article 4 précité énonce les règles quant à la régularité formelle et à la motivation des avis des organismes consultatifs, ce dernier n’impose cependant pas à l’administration de communiquer ces avis en toute hypothèse aux administrés concernés, obligation qui ne résulte d’ailleurs pas non plus de l’article 9 point e) du règlement grand-ducal du 27 avril 2007. Il ne saurait en être autrement que dans des matières spéciales où une disposition légale ou réglementaire prescrit une telle communication6.
Si la jurisprudence a aussi retenu que l'administration est également tenue de communiquer les avis recueillis aux personnes concernées si elle renvoie à la motivation contenue dans ledit avis7, force est de retenir qu’en l’espèce, le ministre ne s’est pas contenté, dans la décision déférée du 27 juin 2017, de se rallier purement et simplement à l’avis du directeur général, mais qu’il y a repris de manière explicite des éléments de motivation se recoupant avec ceux de l’avis litigieux auquel il est fait référence.
Il suit de ces considérations que faute de disposition légale ou réglementaire imposant une telle communication en dehors de l’initiative de l’administré, le moyen ainsi soulevé est à écarter, étant, par ailleurs, relevé que ledit avis a été versé parmi les pièces du dossier administratif et a, de ce fait, été porté à la connaissance du demandeur qui a ainsi été mis en mesure d’y prendre position.
Au fond, et quant au moyen tenant à une violation du principe non bis in idem, tel qu’il est notamment consacré à l’article 4 (1) du protocole n° 7 de la CEDH, force est de retenir que c’est à bon droit que le délégué du gouvernement a souligné que le refus d’admission à l’épreuve de sélection pour la formation de base de l’inspecteur de police ne tombe a priori pas sous la notion de sanction pénale au sens de l’article 4 du protocole additionnel n° 7 de la CEDH, quand bien même il se baserait sur un même fait ayant fait l’objet d’une condamnation pénale.
En effet, une condamnation pénale a une vocation répressive, tandis que le refus d’admission à une épreuve de sélection pour une fonction déterminée est à qualifier de mesure préventive visant à garantir, dans l’intérêt général, à la fois l’honorabilité et l’intégrité 5 Devolvé Pierre, L’acte administratif, Sirey, Paris 1983, cité in Jean Olinger, Procédure administrative non contentieuse, 1992, p. 54.
6 trib. adm. 27 février 1997, n° 9599 du rôle, Pas. adm. 2018, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 29.
7 trib. adm. 11 juin 1997, n° 9641 du rôle, Pas. adm. 2018, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 29.
de la fonction en question, quand bien même le demandeur se sent en quelque sorte « sanctionné » une deuxième fois. Ainsi, la décision déférée ne se limite d’ailleurs pas à faire état d’une condamnation pénale, mais tend à évaluer, négativement en l’espèce, si le candidat, au regard de tous les éléments factuels connus permettant d’apprécier son attitude globale, présente les qualités morales exigées pour la carrière de policier8.
En effet, il y a lieu de rappeler qu’il est de jurisprudence que la notion de garantie de moralité au sens de l’article 9 du règlement grand-ducal du 27 avril 2007 implique une appréciation globale des qualités morales d’un candidat à l’examen et notamment de son état d’esprit, de son sens des responsabilités, de ses capacités sociales ainsi que de son attitude relative au respect des normes du pays, étant donné que les membres de la police grand-
ducale ont justement pour mission d’assurer la sécurité intérieure en veillant au maintien de l’ordre public et au respect et à l’exécution des lois et règlements.
Ainsi, il a été jugé que le pouvoir de nomination n'est pas tenu à ne prendre en considération que des faits qualifiés pénalement en rapport direct avec la fonction à exercer9, de même qu’il n’est pas lié par l'appréciation de certains faits faite par des juges correctionnels, en ce que l'objectif de son intervention est différent de celui de ces derniers qui ont à sanctionner des comportements répréhensibles au sens de la loi, alors que le ministre doit veiller, par une appréciation in concreto, au respect des conditions fixées par la loi dans le chef des candidats policiers notamment du point de vue de leur moralité.10 Il s’ensuit que le moyen tenant à une prétendue violation du principe non bis in idem est à rejeter.
Quant au moyen relatif à une violation de l’article 70 du règlement grand-ducal du 27 avril 2007, il échet de relever qu’aux termes de cette disposition et notamment de son quatrième paragraphe « [l]e ministre peut demander auprès des autorités compétentes le bulletin 2 du casier judiciaire des candidats retenus pour la sélection définitive. Un candidat peut être éliminé sur base des inscriptions au bulletin 2 et en fonction du nombre, de la gravité et de l’ancienneté des inscriptions et des condamnations subséquentes. ».
Si, au vœu de cette disposition, le casier judiciaire d’un candidat peut être pris en compte pour justifier son élimination, il échet d’abord de constater qu’en l’espèce, la décision déférée, reprise in extenso ci-avant, n’est pas basée sur l’existence d’une inscription au casier judiciaire et partant pas sur l’article 70, paragraphe (2) du règlement grand-ducal du 27 avril 2007, de sorte que le moyen tenant à une violation de cette disposition règlementaire est à rejeter.
En tout état de cause, le fait que cette disposition règlementaire retient une simple faculté pour le ministre d’éliminer un candidat sur base de son casier judiciaire, n’implique pas nécessairement, tel que le sous-entend le demandeur, qu’une seule condamnation sans autres antécédents judiciaires ne saurait en aucun cas justifier une élimination, l’appréciation des antécédents judiciaires et des inscriptions au casier judiciaire devant toujours être faite in 8 par analogie : trib. adm. 18 juin 2001, n° 12859 du rôle, Pas. adm. 2018, V° Autorisation d’établissement, n° 189.
9 en ce sens : Cour adm. 3 octobre 2000, n° 11902C du rôle, Pas. adm. 2018, V° Fonction publique, n° 14.
10 par analogie : trib. adm. 20 septembre 2006, n° 20670 et 20823 du rôle, Pas. adm. 2018, V° Autorisation d’établissement, n° 241.
concreto « en fonction du nombre, de la gravité et de l’ancienneté des inscriptions et des condamnations subséquentes. ».
En ce qui concerne la violation, respectivement mauvaise interprétation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 27 avril 2007, il échet d’abord de rappeler qu’aux termes de cette disposition : « Pour pouvoir être admis à participer à l’épreuve de sélection, les candidats doivent : (…) e) offrir les garanties de moralité requises ; le directeur général de la Police établit un avis à ce sujet ; ».
Il échet dès lors de vérifier si le ministre a valablement pu conclure en l’espèce sur base de l’avis du directeur général que le demandeur n’offre pas les conditions de moralité requises en vertu de l’article 9 du règlement grand-ducal du 27 avril 2007.
Dans ce contexte, il y a d’abord lieu de rappeler que les termes de l’article 9 sub) e) du règlement grand-ducal du 27 avril 2007 n’exigent pas que l’avis du directeur général soit contraignant pour le ministre. Il s’ensuit que le ministre, une fois l’avis du directeur général recueilli, garde tout son pouvoir d’appréciation.
Il convient ensuite de rappeler, que si le contrôle juridictionnel propre à un recours en annulation ne saurait en principe aboutir à priver l’autorité administrative de son pouvoir d’appréciation, il n’en reste pas moins que, confronté à une décision relevant d’un pouvoir d’appréciation étendu, le juge administratif, saisi d’un recours en annulation, est appelé à vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration, sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute et s’ils sont de nature à justifier la décision, de même qu’il peut examiner si la mesure prise ne comporte pas une erreur manifeste d’appréciation11.
Force est ensuite de relever que la notion de garantie de moralité au sens de l’article 9 du règlement grand-ducal du 27 avril 2007 implique une appréciation globale des qualités morales d’un candidat à l’examen et notamment de son état d’esprit, de son sens des responsabilités, de ses capacités sociales ainsi que de son attitude relative au respect des normes du pays, étant donné que les membres de la police grand-ducale ont justement pour mission d’assurer la sécurité intérieure en veillant au maintien de l’ordre public et au respect et à l’exécution des lois et règlements.
Si le demandeur ne présente certes qu’un seul antécédent judiciaire, il est rappelé qu’il a été jugé que le pouvoir de nomination n'est pas tenu à ne prendre en considération que des faits qualifiés pénalement en rapport direct avec la fonction à exercer12, de même qu’il n’est pas lié par l'appréciation de certains faits faite par des juges correctionnels, en ce que l'objectif de son intervention est différent de celui de ces derniers qui ont à sanctionner des comportements répréhensibles au sens de la loi, alors que le ministre doit veiller, par une appréciation in concreto, au respect des conditions fixées par la loi dans le chef des candidats policiers notamment du point de vue de leur moralité.13 11 cf : trib. adm. 12 février 2003, n° 15238 du rôle, confirmé par Cour adm. 4 novembre 2003, n° 16173C du rôle, Pas. adm. 2018, v° Recours en annulation, n° 51.
12 en ce sens : Cour adm. 3 octobre 2000, n° 11902C du rôle, Pas. adm. 2018, V° Fonction publique, n° 14.
13 par analogie : trib. adm. 20 septembre 2006, n° 20670 et 20823 du rôle, Pas. adm. 2018, V° Autorisation d’établissement, n° 241 En l’espèce, il échet de relever que les faits reprochés au demandeur, à savoir un excès de vitesse en agglomération de 7 km/h commis à l’aide d’un motocycle, le défaut d’exhiber une attestation d’assurance, ainsi que la conduite d’un motocycle sans disposer du permis afférent, ne sont pas contestables au vu des constatations du procès-verbal de police versé en l’espèce.
Quant au bien-fondé de la décision déférée, le tribunal relève que si le comportement du demandeur dénote effectivement d’une insouciance critiquable, force est néanmoins de relever qu’il s’agit d’un fait unique commis à l’âge de 19 ans, remontant à plus de quatre années au jour de la décision déférée, de sorte qu’en l’absence d’autres reproches relatifs au comportement général du demandeur et en raison de l’atteinte relativement faible à l’ordre public, les constatations du procès-verbal de police litigieux du 9 mars 2013 ne sont pas de nature à compromettre actuellement les qualités morales du demandeur au sens de l’article 9 point e) du règlement grand-ducal du 27 avril 2007.
Il s’ensuit que le tribunal est amené à constater que le ministre, ayant décidé le contraire, a commis une erreur manifeste d’appréciation lors de l’application de l’article 9 point e) du règlement grand-ducal du 27 avril 2007, de sorte qu’il y a lieu d’annuler la décision du ministre du 27 juin 2017.
Au vu de l’issue du litige et des circonstances spécifiques de la cause et notamment la circonstance que l’Etat, malgré le fait d’avoir volontairement admis le demandeur à la formation de l’école de police, a néanmoins insisté à plaider l’affaire au fond, il y a lieu d’allouer au demandeur une indemnité de procédure fixée ex aequo et bono à 750,- euros.
Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision du ministre de la Sécurité intérieure du 27 juin 2017 ;
au fond, le déclare justifié, partant annule la décision déférée du 27 juin 2017 ;
condamne l’Etat à payer au demandeur une indemnité de procédure d’un montant de 750,- euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
condamne l’Etat aux frais, y compris ceux résultant de l’instance ayant donné lieu à l’ordonnance présidentielle précitée du 4 juillet 2017.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Anne Gosset, premier juge, Olivier Poos, premier juge, et lu à l’audience publique du 2 avril 2019, par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 2 avril 2019 Le greffier du tribunal administratif 10