Tribunal administratif N° 42285 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 janvier 2019 3e chambre Audience publique du 19 mars 2019 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 28 (2), L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 42285 du rôle et déposée le 28 janvier 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à ….
(Erythrée), de nationalité erythréenne, demeurant à L-1483 Strassen, 5, Place Thomas Edison, élisant domicile en l’étude de Maître Pascale PETOUD préqualifée, sise à L-1313 Luxembourg, 19-25, rue des Capucins, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 11 janvier 2019 ayant déclaré irrecevable sa demande de protection internationale sur le fondement de l’article 28, paragraphe (2), a) de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 mars 2019 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Pascale PETOUD et Monsieur le délégué du gouvernement Yves HUBERTY en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 mars 2019.
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Le 20 décembre 2018, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Monsieur … fut entendu le même jour par un agent de la police grand-ducale de la circonscription régionale SPJ, unité criminalité organisée et police des étrangers, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. A cette occasion, il déclara avoir obtenu un statut de protection internationale en Italie.
Lors de la comparaison des empreintes digitales de Monsieur … la base de données EURODAC a révélé que celui-ci a déposé deux demandes de protection internationale en Italie en dates des 2 septembre 2014 et 26 juin 2015, une autre demande de protection internationale au Royaume-Uni en date du 19 février 2015 et une itérative demande de protection internationale en Allemagne en date du 15 décembre 2016.
Le 4 janvier 2019, Monsieur … fut encore entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur la recevabilité de sa demande de protection internationale déposée au Luxembourg.
Par décision du 11 janvier 2019, notifiée à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », déclara irrecevable la demande de protection internationale de Monsieur … en application de l’article 28, paragraphe (2), point a) de la loi du 18 décembre 2015, tout en lui ordonnant de quitter le territoire. Ladite décision est libellée comme suit :
« […] J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 20 décembre 2018.
En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 20 décembre 2018 ainsi que le rapport d'entretien du 4 janvier 2018 sur la recevabilité de votre demande de protection internationale.
Il en ressort que vous avez introduit des demandes de protection internationale en Italie les 2 septembre 2014 et 26 juin 2015, au Royaume-Uni le 19 février 2015 et en Allemagne le 15 décembre 2016. Après le refus de votre demande de protection internationale introduite en Allemagne, vous avez quitté le pays vers une destination inconnue en date du 7 décembre 2018. Vous confirmez bénéficier du statut de réfugié octroyé par les autorités italiennes.
Vous signalez avoir quitté l'Erythrée en 2013 en direction du Soudan avant de passer par la Libye pour arriver en Italie à bord d'un bateau. Vous auriez ensuite séjourné pendant cinq mois en France avant de voyager en Angleterre à bord d'un camion. Après que les autorités anglaises vous auraient transféré en Italie, vous y seriez resté pendant un an et demi, avant d'aller en Allemagne où vous seriez resté environ deux ans. Après avoir été informé de votre éloignement prochain du territoire allemand, vous auriez décidé de venir au Luxembourg.
Vous signalez avoir introduit une demande de protection internationale tout en ayant obtenu le statut de réfugié en Italie, parce que vous n'auriez pas réussi à y trouver un travail et que vous auriez par conséquent été obligé de dormir dans la rue. Vous seriez par la suite parti en Allemagne pour améliorer vos conditions de vie, mais avoir quitté ce pays après deux ans de séjour en direction du Luxembourg après qu'on vous aurait remis un billet afin que vous retourniez en Italie.
Vous ne présentez pas de pièce d'identité.
Je suis au regret de vous informer qu'en vertu des dispositions de l'article 28 (2) a) de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, votre demande de protection internationale est irrecevable au motif qu'une protection internationale vous a été accordée par un autre Etat membre de l'Union européenne.
En effet, il ressort de vos déclarations que les autorités italiennes vous ont octroyé le statut de réfugié et que vous auriez vécu en Italie pendant plusieurs années, d'abord dans un camp de réfugiés, puis dans la rue, faute de trouver un travail. Vous confirmez avoir décidé de quitter l'Italie pour améliorer vos conditions de vie.
Or, bien que vous n'ayez pas trouvé de travail en Italie, ce qui aurait eu pour conséquence que vous auriez dormi dans la rue, il ne ressort pas des éléments en notre possession que vous y auriez à craindre pour votre vie ou pour votre liberté. En outre, l'Italie respecte le principe de non refoulement conformément à la Convention de Genève et l'interdiction de prendre des mesures d'éloignement contraires à l'interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants.
A cela s'ajoute que des motifs économiques ne sauraient de toute façon pas fonder une demande en obtention d'une protection internationale.
Le Grand-Duché de Luxembourg ne peut par conséquent pas donner suite à votre demande déclarée irrecevable.
Conformément à l'article 34 (2) votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de l'Italie, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 28 janvier 2019, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 11 janvier 2019 par laquelle sa demande en obtention de la protection internationale a été déclarée irrecevable.
1) Quant au recours visant la décision du ministre ayant déclaré la demande de protection internationale irrecevable Aucune disposition légale ne prévoyant de recours au fond et l’article 35, paragraphe (3), de la loi du 18 décembre 2015 prévoyant expressément un recours en annulation en la matière, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision ministérielle précitée du 11 janvier 2019 ayant déclaré irrecevable la demande de protection internationale de Monsieur …. Le recours en annulation est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, Monsieur … rappelle dans un premier temps les faits et rétroactes à la base de la décision litigieuse, en soulignant plus particulièrement qu’après avoir vécu dans un centre d’accueil en Italie pendant six mois, il aurait été obligé de le quitter sans autre solution de logement, de sorte qu’il aurait été contraint de dormir dans la rue et que malgré ses efforts pour apprendre l’italien et pour trouver un emploi, il n’aurait pas été en mesure de trouver un travail lui permettant de subvenir à ses besoins. En absence d’une quelconque aide sociale de la part des autorités italiennes, il se serait rendue en Allemagne afin d’y déposer une demande de protection internationale.
En droit, le demandeur, après avoir souligné que la décision d’irrecevabilité constituerait une faculté pour le ministre et non pas une obligation, et qu’il appartiendrait au ministre de vérifier s’il avait bénéficié d’une protection internationale dans un autre Etat membre, conteste avoir bénéficié d’une telle protection internationale en Italie. A cet égard, il précise avoir certes reconnu, dans son entretien du 4 janvier 2019 concernant la recevabilité de sa demande de protection internationale déposée au Luxembourg, avoir obtenu une protection en Italie, mais qu’il n’aurait pas été en mesure de préciser de quel type de protection il serait bénéficiaire, alors qu’il aurait perdu ses papiers. Le dossier administratif communiqué le 27 décembre 2018 ne contiendrait pas non plus de confirmation par l’Italie qu’il serait effectivement titulaire d’une protection internationale et de quel type de protection il bénéficierait. En effet, la précision quant au type de protection accordée serait essentielle pour déterminer si une décision d’irrecevabilité pourrait être prise, le demandeur soulignant à cet égard qu’un décret-loi italien sur la sécurité et l’immigration aurait aboli, en novembre 2018, la protection humanitaire. Ainsi, et s’il avait bénéficié en Italie d’une telle protection humanitaire avec un titre de séjour valable de deux ans, se poserait la question de savoir s’il bénéficierait toujours d’une quelconque protection en Italie compte tenu du fait qu’il aurait quitté ledit pays il y a plus de deux ans sans renouveler son titre de séjour.
A supposer qu’il bénéficierait effectivement d’une protection internationale en Italie, se poserait la question si le ministre aurait valablement pu prendre une décision d’irrecevabilité sur base de l’article 28, paragraphe (2), point a) de la loi du 18 décembre 2015, alors que ses conditions d’existence en Italie violeraient les articles 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, dénommée ci-après « la CEDH » et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après la « Charte » ou ne répondraient pas aux « articles 20 et suivants » de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, ci-après désignée par « la directive 2011/95/UE » A cet égard, il estime qu’il existerait des motifs sérieux et avérés de croire qu’il courrait un risque réel d’être soumis à des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 4 de la Charte en raison des conditions de vie en Italie. En effet, il aurait expliqué dans son entretien du 4 janvier 2019 avoir été exclu du centre d’accueil sans autre solution de logement, ce qui l’aurait obligé de vivre dans la rue et qu’il n’aurait pas été en mesure de trouver un travail lui permettant de subvenir à ses besoins malgré ses efforts pour apprendre l’italien et chercher un emploi. Le demandeur se base à cet égard sur un rapport de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés d’août 2016, intitulé « Conditions d’accueil en Italie A propos de la situation actuelle des requérant-e-s d’asile et des bénéficiaires d’une protection, en particulier de celles et ceux de retour en Italie dans le cadre de Dublin », tout en affirmant que le fait d’accorder une protection internationale à une personne obligerait l’Etat membre à la mise en œuvre des conditions d’accueil qui respecteraient les droits fondamentaux, à l’exclusion de traitements inhumains ou dégradants. Les conditions d’accueil en Italie seraient dès lors à qualifier de traitements inhumains et dégradants au sens des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, de sorte que la décision ministérielle du 11 janvier 2019 serait à annuler.
Le demandeur sollicite dans ce contexte la surséance à statuer jusqu’à la décision de la Cour de Justice de l’Union européenne, ci-après la « CJUE », dans les affaires jointes C-297/17, C-318/17, C-319/17, et C-438/17 et il demande encore au tribunal de saisir la CJUE de la question préjudicielle suivante : « au regard du droit de l’Union européenne, le Luxembourg peut-il prendre une décision d’irrecevabilité sur base de l’article 28 (2) a) de la loi du 18 décembre 2015 à l’encontre d’un requérant bénéficiaire d’une protection internationale en Italie, alors que les conditions d’existence de ce dernier en Italie enfreignent les articles 3 de la CEDH et l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la Charte) ou ne répondent pas aux conditions requises par les articles 20 et suivants de la directive 2011/95/UE en étant au-dessous de ce seuil ? ».
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.
Aux termes de l’article 28, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, « […] le ministre peut prendre une décision d’irrecevabilité, sans vérifier si les conditions d’octroi de la protection internationale sont réunies, dans les cas suivants: a) une protection internationale a été accordée par un autre Etat membre de l’Union européenne ; […] ».
Il ressort de cette disposition que le ministre peut déclarer irrecevable une demande de protection internationale, sans vérifier si les conditions d’octroi en sont réunies, dans le cas où le demandeur s’est vu accorder une protection internationale dans un autre pays membre de l’Union européenne.
En l’espèce, et contrairement aux affirmations du demandeur, il ressort sans équivoque des pièces du dossier administratif qu’il est bénéficiaire d’une protection internationale en Italie. En effet, il résulte, d’une part, des propres déclarations du demandeur que « Ich war 1,5 Jahre in Italien, ich stellte einen Asylantrag, mir wurde das Statut zugestanden », « Ich habe das Statut in Italien erlangt »1 et « For my internazional protection, they decided to give me a protection themselves. They gave me an appointment for an interview. Then they gave me the protection »2 et, d’autre part, d’un courrier des autorités italiennes du 31 janvier 2019 qu’il est bénéficiaire du « status di protezione internationale », de sorte que les contestations du demandeur y relatives, tout comme ses considérations ayant trait à la prétendue abolition de la protection humanitaire en Italie, sont à rejeter pour ne pas être fondées.
Face à ce constat, le ministre a dès lors a priori valablement pu déclarer irrecevable la demande de protection internationale du demandeur sur le fondement de l’article 28, paragraphe (2), point a), de la loi du 18 décembre 2015.
Cette conclusion n’est pas invalidée par l’argumentation fournie par le demandeur à l’appui de son recours. En effet, en ce qui concerne le moyen du demandeur qu’il serait, en Italie, confronté à des traitements contraires aux articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, de sorte que la décision ministérielle devrait encourir l’annulation, force est au tribunal de constater que si le demandeur affirme à cet égard qu’il n’aurait disposé d’aucun logement et qu’il n’aurait pas été en mesure de trouver un travail lui permettant de subvenir à ses besoins malgré ses efforts pour apprendre l’italien et chercher un emploi, il reste cependant en défaut de démontrer un quelconque risque effectif de traitement inhumain ou dégradant en cas de retour en Italie.
Ainsi, et s’il ressort certes du rapport de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés d’août 2016, intitulé « Conditions d’accueil en Italie A propos de la situation actuelle des 1 Entretien de Monsieur DAWIT KIFLOM sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg du 20 décembre 2018.
2 Entretien de Monsieur DAWIT KIFLOM sur la recevabilité de sa demande de protection internationale du 4 janvier 2019.
requérant-e-s d’asile et des bénéficiaires d’une protection, en particulier de celles et ceux de retour en Italie dans le cadre de Dublin » versé en cause par le demandeur qu’au plus tard six mois après l’obtention du statut de réfugié, les personnes concernées doivent subvenir eux-mêmes à leurs besoins en Italie, et sont, dès lors, mis sur un pied d’égalité avec les indigènes pour ce qui est de l’accès au logement et à l’aide sociale, ce qui présente une difficulté pour les personnes concernées dans la mesure où elles ne parlent souvent pas la langue italienne, ont un niveau de formation faible ou disposent de qualifications non reconnues en Italie, de sorte qu’ils s’adonnent souvent au travail au noir, il n’en reste pas moins que les doléances du demandeur, en ce qui concerne essentiellement l’accès difficile au travail et au logement ne pourraient laisser conclure à une violation des articles 4 de la Charte et 3 de la CEDH, dans la mesure où il n’existe dans aucun pays une obligation de l’Etat de pourvoir un emploi à un de ses résidents voire à un bénéficiaire d’une protection internationale, ou de mettre un logement à sa disposition.
A cela s’ajoute qu’il ressort également du rapport de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés d’août 2016 versé en cause, que les bénéficiaires d’une protection internationale sont assimilés aux indigènes, ont le même accès aux prestations médicales et sociales et ont, en tout état de cause accès aux soins médicaux d’urgence. A cela s’ajoute que des ONG, des communautés religieuses et des cantines populaires distribuent de la nourriture aux personnes intéressées, les ONG fournissent encore des conseils aux réfugiés ainsi que des traitements médicaux. Dans certaines conditions, les intéressés ont encore accès à un soutien financier en l’absence de revenus et aux logements sociaux.
Il échet dès lors de retenir, qu’au vu du récit du demandeur et des éléments soumis à l’appréciation du tribunal, il ne peut pas être reproché, en l’espèce, aux autorités italiennes de soumettre Monsieur … à des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 4 de la Charte et de l’article 3 de la CEDH en cas de retour en Italie.
Concernant les interrogations du demandeur si le ministre a pu prendre une décision d’irrecevabilité sur base de l’article 28, paragraphe (2), point a) de la loi du 18 décembre 2015, alors que les conditions d’existence en Italie ne répondraient pas aux articles « 20 et suivants » de la directive 2011/95/UE, indiquant des normes minimales communes applicables concernant le contenu de la protection internationale3, force est au tribunal de constater qu’il ne résulte d’aucun document soumis à son appréciation ni même des déclarations de Monsieur … que les autorités italiennes n’auraient pas respecté leurs obligations leur incombant en vertu du chapitre VII de la directive 2011/95/UE, et auraient ainsi interdit au demandeur d’exercer une activité salariée ou non salariée en Italie en dépit de l’article 26 de la directive en question ou lui auraient interdit l’accès au logement malgré les dispositions de l’article 32 de ladite directive, le demandeur ayant simplement soutenu à cet égard ne pas avoir trouvé du travail ni de logement affirmant que « Then I stayed in the camp for 6 months, and after that they told me I couldn’t stay in the camp anymore. So I was sleeping in the street. […] I was looking for work. I couldn’t get a job there. To improve my 3 Il s’agit plus particulièrement de l’obligation de tenir compte de la situation spécifique des personnes vulnérables, de la protection contre le refoulement, de l’accès aux informations concernant les droits et obligations inhérents au statut conféré, du maintien de l’unité familiale, de l’obtention d’un titre de séjour, de l’obtention des documents de voyage, de l’autorisation à exercer une activité salariée, de l’accès à l’éducation des mineurs, de l’accès aux procédures de reconnaissance des qualifications, de l’accès à l’assistance sociale, de l’accès aux soins de santé dans les mêmes conditions d’accès que les ressortissants de cet Etat membre, de la protection des mineurs non accompagnés, de l’accès au logement dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficient les ressortissants d’autres pays tiers résidant légalement sur le territoire, de la liberté de circulation à l’intérieur de cet Etat membre, de l’accès aux dispositifs d’intégration et de l’aide au rapatriement.
life, I went to Germany »4, étant encore souligné, comme retenu ci-avant, qu’il résulte explicitement du rapport de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés d’août 2016 versé en cause par le demandeur que les bénéficiaires d’une protection internationale en Italie sont assimilés aux indigènes, tel que préconisé par la directive 2011/95/UE.
Les interrogations du demandeur à cet égard sont donc à rejeter.
L’ensemble des considérations qui précédent amène encore le tribunal à rejeter la demande de surseoir à statuer jusqu’à la décision de la CJUE dans les affaires jointes C-297/17, C-318/17, C-319/17, et C-438/17 ainsi que la demande de question préjudicielle à poser à la CJUE, dans la mesure où même dans l’hypothèse où la solution préconisée par l’avocat général dans ses conclusions présentées à la CJUE dans les affaires précitées, à savoir que « Le droit de l’Union s’oppose à l’application par un État membre du motif d’irrecevabilité prévu à l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 [transposé en droit national luxembourgeois sous l’article 28, paragraphe (2), point a) de la loi du 18 décembre 2015, précité] à une demande de protection internationale lorsque les conditions d’existence des bénéficiaires d’une protection subsidiaire accordée par un autre État membre sont contraires à l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne »5 serait retenue par la CJUE, celle-ci n’aurait aucune incidence sur le fait que les éléments du dossier administratif soumis au tribunal démontrent, tel que retenu ci-avant, que les conditions d’existence du demandeur en Italie n’étaient pas contraires à l’article 4 de la Charte et que ce dernier est resté en défaut de renverser ces constatations.
Dans ce même ordre d’idées, il y a également lieu de rejeter la demande de question préjudicielle à poser à la CJUE ayant trait aux conditions requises par les « articles 20 et suivants » de la directive 2011/95/UE, la question préjudicielle est ici encore dénuée de tout fondement et ne permet pas de dégager une solution au litige sous examen.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent, et à défaut d’autres moyens, que le recours en ce qu’il est dirigé contre la décision d’irrecevabilité de la demande de protection internationale du demandeur, est à rejeter pour être non fondé.
2) Quant à l’ordre de quitter le territoire Outre le fait que le demandeur n’a pas attaqué l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision ministérielle litigieuse, il convient de rappeler, dans un souci d’exhaustivité, qu’aux termes de l’article 34, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 « une décision du ministre vaut décision de retour, à l’exception des décisions prises en vertu de l’article 28, paragraphe (1) et (2), point d) […] ». La décision de l’espèce étant prise sur le fondement de l’article 28, paragraphe (2), point a), de la loi du 18 décembre 2015, non visé parmi les exceptions de l’article 34, paragraphe (2), précité, l’ordre de quitter est dès lors la conséquence automatique de la décision ministérielle d’irrecevabilité de la demande de protection internationale, de sorte que l’ordre de quitter le territoire litigieux, compte tenu des moyens figurant dans le recours sous analyse, ne souffre d’aucune critique.
Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le recours en annulation est à 4 Entretien de Monsieur DAWIT KIFLOM sur la recevabilité de sa demande de protection internationale du 4 janvier 2019.
5 Conclusions de l’avocat général présentées le 25 juillet 2018 à la CJUE, dans les affaires jointes C-297/17, C-318/17, C-319/17 et C-438/17, n° 123, 3.
rejeter pour n’être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en annulation sous analyse ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 mars 2019 par :
Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, juge, Stéphanie Lommel, juge, en présence du greffier Xavier Drebenstedt.
s. Xavier Drebenstedt s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 mars 2019 Le greffier du tribunal administratif 8