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13/03/2019 | LUXEMBOURG | N°42240

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 mars 2019, 42240


Tribunal administratif N° 42240 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 janvier 2019 1re chambre Audience publique du 13 mars 2019 Recours formé par Monsieur …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (3), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42240 du rôle et déposée 18 janvier 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Edévi Amegandji, avocat à la Cour, inscr

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Tribunal administratif N° 42240 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 janvier 2019 1re chambre Audience publique du 13 mars 2019 Recours formé par Monsieur …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (3), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42240 du rôle et déposée 18 janvier 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Edévi Amegandji, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né en …à … (Mali), de nationalité malienne, ayant demeuré au moment de l’introduction du recours à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg (SHUK) sise à L-1734 Luxembourg, 11, rue Carlo Hemmer, actuellement sans domicile connu mais élisant domicile en l’étude de Maître Edévi Amegandji, préqualifié, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 3 janvier 2019 de le transférer vers l’Italie, l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 février 2019 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ibrahima Diassy, en remplacement de Maître Edévi Amegandji, et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth Pesch en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 février 2019.

Le 21 novembre 2018, Monsieur …, de nationalité malienne, introduisit une demande de protection internationale auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après « le ministère », sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur… fut entendu par un agent de la police grand-ducale du service central SPJ, unité de la criminalité organisée et de la police des étrangers, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Il s’avéra à cette occasion, suite à la comparaison des empreintes digitales de l’intéressé avec la base de données EURODAC, ainsi que suivant ses propres déclarations, qu’il avait franchi irrégulièrement la frontière italienne en date du 27 juin 2017 et qu’il avait précédemment introduit une demande de protection internationale en Italie en date du 27 septembre 2017.

Toujours le 21 novembre 2018, Monsieur… passa encore un entretien auprès du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale 1en vertu du règlement (UE) n°604/2013 du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après « le règlement Dublin III ».

Par décision du même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par «le ministre », notifia à Monsieur… en mains propres un arrêté ordonnant son assignation à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg (SHUK) pour une durée de trois mois.

En date du 27 novembre 2018, les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités italiennes en vue de la reprise en charge de Monsieur…, sur base de la considération que l’intéressé avait précédemment introduit une demande de protection internationale en Italie.

N’ayant pas répondu à cette demande dans les délais prescrits par l’article 22, paragraphe (1), du règlement Dublin III, l’Italie fut informée par les autorités luxembourgeoises le 14 décembre 2018 de sa responsabilité pour le traitement de la demande de protection internationale de Monsieur… suite à son acceptation tacite intervenue le 12 décembre 2018 en application de l’article 25, paragraphe (2), du même règlement.

Le 14 décembre 2018, les autorités italiennes donnèrent leur accord pour le transfert de Monsieur… qui serait à effectuer à l’aéroport de Malpensa (Italie).

Par décision du 3 janvier 2019, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée expédiée le même jour, le ministre informa Monsieur… que le Grand-Duché de Luxembourg n’examinera pas sa demande de protection internationale et qu’il sera transféré vers l’Italie, l’Etat membre responsable pour examiner sa demande de protection internationale, le ministre invoquant plus particulièrement l’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et les dispositions de l’article 25, paragraphe (2), du règlement Dublin III. La décision en question est libellée comme suit :

« J’accuse réception de votre demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire que vous avez présentée en date du 21 novembre 2018.

En vertu des dispositions de l’article 28(1) de la loi précitée et des dispositions de l’article 25§2 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013, le Grand-Duché de Luxembourg n’examinera pas votre demande de protection internationale et vous serez transféré vers l’Italie qui est l’Etat membre responsable pour examiner votre demande de protection internationale.

Selon vos déclarations vous auriez quitté le Mali en 2015 vers l’Algérie, où vous seriez resté un an et cinq mois. Ensuite vous seriez parti vers la Libye. En 2017 vous auriez quitté la Libye vers l’Italie. Vous seriez resté en Italie de juin 2017 jusqu’à la mi-novembre 2018.

Ensuite vous auriez quitté l’Italie vers la France avant d’arriver au Luxembourg en date du 20 novembre 2018.

Il résulte par ailleurs des recherches effectuées dans le cadre de votre demande de protection internationale, notamment dans la base de données EURODAC, que vous avez précédemment franchi irrégulièrement la frontière italienne en date du 27 juin 2017 et que 2vous avez déjà précédemment introduit une demande de protection internationale en Italie en date du 27 septembre 2017.

Sur base des informations à disposition, le Grand-Duché de Luxembourg a adressé une demande de reprise en charge aux autorités italiennes qui ont accepté tacitement en date du 12 décembre 2018 de vous reprendre en charge en vertu de l’article 25§2 du règlement UE Nr 604/2013 susmentionné.

Lors de votre audition en date du 21 novembre 2018, vous avez fait mention que vous ayez des problèmes cardiaques. Cependant vous n’avez pas fourni des éléments concrets sur votre état de santé ou autres problèmes généraux empêchant un transfert vers l’Italie, qui est l’Etat membre responsable pour traiter votre demande de protection internationale.

Aussi, les informations à ma disposition ne sauraient donner lieu à l’application des articles 8, 9, 10 et 11 du règlement UE Nr 604/2013.

Vous n’avez par ailleurs pas fait valoir des raisons particulières ou humanitaires qui auraient dû amener l’Etat luxembourgeois à faire application de l’article 17(1) du règlement UE Nr 604/2013.

D’autres raisons individuelles pouvant éventuellement entraver la remise aux autorités italiennes n’ont pas été constatées. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 janvier 2019, inscrite sous le numéro 42240 du rôle, Monsieur… a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 3 janvier 2019 décidant son transfert vers l’Italie. Par requête séparée déposée postérieurement en date du 22 janvier 2019, inscrite sous le numéro 42265 du rôle, il a encore fait introduire une demande en institution d’une mesure provisoire tendant en substance à voir surseoir à l’exécution de son transfert vers l’Italie jusqu’au jour où le tribunal administratif aura statué sur le mérite de son recours au fond, demande qui fut rejetée par ordonnance du Président du tribunal administratif du 6 février 2019.

En date du 12 février 2019, la direction de l’Immigration demanda à la Police grand-

ducale de procéder au signalement de Monsieur… aux fins de découvrir sa résidence, celui-ci ayant disparu de la SHUK.

Le même jour, les autorités luxembourgeoises informèrent les autorités italiennes de la suspension du transfert de Monsieur… vers l’Italie conformément à l’article 29, paragraphes (1) et (2,) du règlement Dublin III au vu de la disparition de celui-ci.

Dans la mesure où aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en la présente matière, l’article 35, paragraphe (3), de la loi du 18 décembre 2015 prévoyant expressément un recours en annulation contre la décision de transfert visée à l’article 28, paragraphe (1), de la même loi, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision ministérielle précitée du 3 janvier 2019 de transférer Monsieur… vers l’Italie.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement invoque de prime abord l’irrecevabilité du recours pour perte d’objet au motif que le demandeur ayant disparu de la SHUK depuis le 31 janvier 2019 et ne résidant plus à l’adresse indiquée dans la requête introductive d’instance, serait dépourvu d’un intérêt à agir. La partie étatique donne à 3considérer que si l’intérêt à agir était certes à apprécier au moment de l’introduction du recours, il devrait néanmoins être maintenu jusqu’au jour du jugement sous peine de vider ce dernier de tout effet utile. Or, en l’espèce, le demandeur n’aurait pas témoigné le moindre intérêt pour le déroulement et le maintien de son instance. Le délégué du gouvernement donne, par ailleurs, à considérer que peu importe la solution retenue par le tribunal dans la présente affaire, les autorités luxembourgeoises seraient placées dans l’impossibilité de se conformer au jugement à intervenir, alors que, d’une part, elles ne sauraient procéder à l’exécution du transfert en cas de confirmation de celui-ci étant donné que le demandeur ne serait pas à leur disposition, et, d’autre part, en cas d’annulation de la décision querellée, elles seraient placées dans l’impossibilité de traiter au fond la demande d’asile du demandeur ou encore de rechercher un autre Etat compétent pour le traitement de sa demande d’asile au sens de l’article 3, paragraphe (2), du règlement Dublin III.

Il convient de relever que l’intérêt à agir est l’utilité que présente pour le demandeur la solution du litige qu’il demande au juge d’adopter1, étant souligné que l’intérêt à agir n’est pas à confondre avec le fond du droit en ce qu’il se mesure non au bien-fondé des moyens invoqués à l’appui d’une prétention, mais à la satisfaction que la prétention est censée procurer à une partie, à supposer que les moyens invoqués soient justifiés2. En matière de contentieux administratif portant sur des droits objectifs, l’intérêt ne consiste pas dans un droit allégué, mais dans le fait vérifié qu’une décision administrative affecte négativement la situation en fait et en droit d’un administré qui peut partant tirer un avantage corrélatif de la sanction de cette décision par le juge administratif3.

A cet égard, il convient de souligner que si stricto sensu l’intérêt à agir est à apprécier au moment de l’introduction du recours, il n’en reste pas moins que le maintien d’un intérêt à agir, ou plus précisément d’un intérêt à poursuivre une action, doit être vérifié au jour du jugement sous peine de vider ce dernier de tout effet utile, d’encombrer le rôle des juridictions administratives et d’entraver la bonne marche des services publics en imposant à l’autorité compétente de devoir se justifier inutilement devant les juridictions administratives, exposant, le cas échéant, ses décisions à la sanction de l’annulation ou de la réformation, sans que l’administré ayant initialement introduit le recours ne soit encore intéressé par l’issue de ce dernier4.

Or, la première personne à pouvoir justifier s’il existe effectivement dans son chef un intérêt concret et personnel suffisant pour intenter un procès et pour le poursuivre ensuite, est le justiciable lui-même qui a saisi le tribunal administratif d’une demande, et ce, en établissant qu’il a été porté atteinte à ses droits ou que ses intérêts ont été lésés et que le redressement obtenu au moyen d’une décision juridictionnelle apportera à sa situation une amélioration qui compense les frais qu’entraîne et les désagréments que comporte un procès. La volonté du justiciable, manifestée par l’introduction d’une demande en justice, de défendre ce qu’il considère comme un intérêt le concernant est donc le premier élément qui est nécessaire pour 1 Voir Encyclopédie Dalloz, Contentieux administratif, V° Recours pour excès de pouvoir (Conditions de recevabilité), n°247.

2 trib. adm. prés., 27 septembre 2002, n° 15373 du rôle, Pas. adm. 2018, V° Procédure contentieuse, n° 4 et les autres références y citées.

3 Cour adm., 14 juillet 2009, nos 23857C et 23871C du rôle, Pas adm. 2018, V° Procédure contentieuse, n° 3 et les autres références y citées.

4 trib. adm. 11 mai 2016, n°35579 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Procédure contentieuse, n°31 et les autres références y citées.

4rendre possible la constatation que ce justiciable justifie effectivement de l’intérêt concret et personnel requis en droit pour être recevable à intenter un procès.

En l’espèce, le tribunal ne saurait suivre le raisonnement du délégué du gouvernement suivant lequel par le seul fait de son comportement tendant à refuser de se présenter à la SHUK, le demandeur aurait implicitement renoncé à son recours, de sorte à entraîner son irrecevabilité.

En effet, il échet de constater que contrairement à d’autres solutions jurisprudentielles auxquelles le délégué du gouvernement semble implicitement faire référence, le litismandataire de Monsieur… n’a pas déposé son mandat dans la présente affaire. Ainsi, et malgré le fait que le demandeur n’a pas communiqué sa nouvelle adresse à son litismandataire, et en considération de ce que ce dernier a toujours mandat pour défendre ses droits en justice, il ne saurait être retenu un défaut d’intérêt dans le chef du demandeur de voir examiner au fond son recours contentieux dirigé contre la décision de transfert litigieuse.

Concernant les critiques étatiques relatives à une impossibilité de se conformer au jugement en cas de disparition du demandeur, force est de souligner que ces considérations ont trait à l’exécution du jugement à venir et ne sauraient justifier un défaut d’intérêt à agir dans le chef de Monsieur….

Ce moyen d’irrecevabilité est dès lors à écarter.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent, et à défaut d’un autre moyen d’irrecevabilité, que le recours en annulation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

A l’appui de son recours et après avoir rappelé son parcours pour venir au Luxembourg et exposé, en substance, les faits et rétroactes relatés ci-dessus, le demandeur fait de prime abord état de défaillances systémiques en Italie, en ce que ce pays serait confronté depuis plusieurs années sur son territoire à un flux migratoire incessant entraînant la saturation de ses capacités d’accueil des migrants. A cela s’ajouterait que les autorités italiennes ne seraient plus en mesure de remplir leurs engagements au niveau européen en ce qui concerne la politique commune en matière d’asile et d’immigration telle que prévue par l’article 67 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Ceci aurait pour conséquence des conditions de vie difficiles et dramatiques pour les migrants et en particulier pour les demandeurs la protection internationale, le demandeur se référant à cet égard aux rapports établis par l’organisation Amnesty International, ainsi qu’à un rapport de 2016 de l’Organisation Suisse d’Aide aux Réfugiés (OSAR).

Il fait valoir que plus particulièrement les demandeurs d’asile transférés en Italie en application du règlement Dublin III se verraient confrontés, une fois de retour en Italie, à des situations où ils se retrouveraient sans protection, sans aide à l’intégration ni même à un accès assuré à l’alimentation ou aux soins médicaux les plus élémentaires, le demandeur soulignant encore l’aggravation de cette situation suite à l’avènement au pouvoir d’un nouveau gouvernement populiste poursuivant une politique anti-migrant.

Il s’empare dès lors, au vu de cette situation et de ces circonstances, de l’article 3, paragraphe (2), du règlement Dublin III pour soutenir qu’au vu des défaillances systémiques réelles en Italie dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale, il ne saurait être transféré vers ce pays.

5Il s’appuie, dans ce contexte, sur la position que le ministre aurait sans équivoque prise contre la politique anti-migrant des nouveaux dirigeants italiens, notamment en ce qui concerne les conditions dramatiques dans lesquelles vivraient les migrants dans ce pays. Selon lui, le ministre reconnaîtrait, en effet, que l’Italie ne serait plus en phase avec ses engagements consentis vis-à-vis des textes européens en matière d’accueil des migrants, de sorte à reconnaître implicitement l’existence de défaillances systémique en Italie. Il serait dès lors avéré qu’en Italie, les demandeurs d’asile et les migrants de manière générale seraient régulièrement exposés à des attaques, voire à des mauvais traitements, et cette situation s’aggraverait d’ailleurs de plus en plus en raison du nombre de migrants qui continueraient à entrer dans ce pays.

Le demandeur affirme ensuite avoir été personnellement confronté à cette réalité, puisqu’à son arrivée en Italie, il aurait été transféré vers la ville de Trento dans un centre d’hébergement pour migrants, où il aurait personnellement subi des maltraitances, tant de la part de certains habitants de la ville, mais aussi de la part de migrants admis dans ce centre.

Dans ces circonstances, son transfert vers l’Italie, tel qu’envisagé par le ministre, risquerait de l’exposer de nouveau sérieusement aux maltraitances qu’il aurait déjà eues à subir dans ce pays, lequel n’aurait manifestement pu lui garantir la protection nécessaire de ses droits fondamentaux. Or, il y aurait lieu de rappeler que, sur la question de la protection des migrants contre les risques de traitements inhumains, l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par une loi du 29 août 1953, désignée ci-après par « la CEDH », respectivement l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (« la Charte »), obligeraient les Etats membres à mettre en place un dispositif étatique efficace aux fins de garantir aux migrants le respect de leurs droits humains et éviter que ceux-ci soient confrontés à des situations de maltraitances sur leurs territoires respectifs.

Ainsi, au vu des défaillances systémiques réelles en Italie dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale, le ministre aurait dû mieux analyser son parcours et sa situation personnelle au lieu d’ordonner péremptoirement son transfert, de sorte à avoir commis une erreur manifeste d’appréciation, sinon un excès de pourvoir.

Le demandeur invoque ensuite son état de santé critique, caractérisé par une anomalie cardiaque, qui imposerait sa prise en charge au Luxembourg dans les meilleurs délais « avant que cela ne devienne trop tard ». Il soutient avoir de fortes douleurs au niveau de son cœur et souffrir d’une irrégularité cardiaque impactant fortement sa vie, de sorte qu’il se trouverait aujourd’hui incapable d’exercer le moindre effort physique encore moins une activité sportive.

Il précise qu’il se serait pressé dès son arrivée au Luxembourg de trouver un médecin généraliste et qu’il aurait un rendez-vous le 28 janvier 2019 à l’hôpital du Kirchberg à Luxembourg afin de faire des examens plus avancés. Il s’ensuivrait que son transfert en Italie, tel que projeté, lui porterait gravement préjudice, dans la mesure où il constituerait une rupture du traitement déjà entamé au Luxembourg et, pourrait de facto avoir des conséquences néfastes et irrémédiables pour sa santé voire pour sa vie.

Il fait ensuite plaider que, même à admettre que l’Italie, en tant qu’Etat membre de l’Union européenne, dispose également d’un service médical adéquat lui permettant de bénéficier d’un traitement à la hauteur de celui qu’il a entamé au Luxembourg, il n’en resterait pas moins qu’à son arrivée en 2017, les autorités italiennes, pourtant au courant de sa maladie, 6ne lui auraient fourni aucun traitement, de sorte qu’entretemps son état de santé se serait fortement dégradé.

Il estime qu’il serait incompréhensible que, malgré son état de santé, le ministre le renvoie en Italie sans prendre en compte les conséquences néfastes prévisibles, ce qui serait d’ailleurs contraire à l’article 4 de la Charte, tel que cela aurait été retenu par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans un arrêt du 16 février 2017.5 Il considère finalement que le ministre aurait dû analyser plus amplement sa situation, notamment son état de santé, avant d’ordonner son transfert en Italie, eu égard au commencement de son traitement au Luxembourg, notamment de son rendez-vous pour l’examen de son cœur déjà prévu au 28 janvier 2019, ce d’autant plus que le ministre aurait affirmé dans son communiqué du 26 octobre 2018 relatif aux transferts des demandeurs d’asile en Italie en application du règlement Dublin III de ne plus opérer systématiquement lesdits transferts vers ce pays et d’opter dorénavant pour une analyse au cas par cas des situations des personnes concernées. Or, selon lui le ministre aurait, au contraire, omis d’analyser la singularité de sa situation, notamment au vu de son état de santé, et se serait borné d’apprécier sa demande d’asile de manière standardisée, c’est-à-dire à l’instar des autres demandes d’asile.

Le délégué du gouvernement soutient, quant à lui, que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et conclut au rejet du recours.

Le tribunal relève qu’en vertu de l’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015: « Si, en application du règlement (UE) n° 604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale ».

L’article 25, paragraphe (2), du règlement Dublin III dispose ce qui suit : « L’absence de réponse à l’expiration du délai d’un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l’acceptation de la requête, et entraîne l’obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l’obligation d’assurer une bonne organisation de son arrivée ».

Il s’ensuit que si le ministre estime qu’en application du règlement Dublin III, un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce pays accepte formellement ou tacitement, comme en l’espèce, la reprise en charge de l’intéressé, le ministre décide de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable sans examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.

Force est au tribunal de constater que la décision déférée du 3 janvier 2019, prise notamment en application de l’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, a un double objet, conformément à la même disposition, à savoir celle, d’une part, de transférer la personne concernée vers l’Etat membre compétent - en l’espèce l’Italie-, et, d’autre part, de ne pas examiner sa demande de protection internationale, ce dernier volet étant la conséquence du premier volet de la décision.

5 CJUE, 16 février 2017, C.K. affaire C-578/16 PPU.

7Le tribunal constate ensuite que le bien-fondé de la décision querellée ressort des recherches effectuées dans la base de données EURODAC, de même que du récit du demandeur, celui-ci ayant déclaré avoir introduit une demande de protection internationale en Italie en date du 27 septembre 2017, étant relevé qu’il ressort des éléments du dossier que l’Italie a accepté tacitement sa reprise en charge le 12 décembre 2018.

C’est dès lors a priori à bon droit que le ministre a décidé de le transférer vers l’Italie et de ne pas examiner sa demande de protection internationale.

Force est ensuite au tribunal de constater que le demandeur ne conteste pas cette compétence de principe des autorités italiennes, et, par conséquent, l’incompétence de principe des autorités luxembourgeoises, mais soutient, en substance, que son transfert serait contraire à l’article 3, paragraphe (2), du règlement Dublin III, à l’article 3 de la CEDH et à l’article 4 de la Charte.

Il y a tout d’abord lieu de relever que les possibilités légales pour le ministre de ne pas procéder au transfert d’un demandeur de protection internationale et d’examiner, le cas échéant, sa demande sont prévues, d’une part, par l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2, du règlement Dublin III, lequel présuppose l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte, auquel cas le ministre ne peut pas transférer l’intéressé dans cet Etat tout en poursuivant la procédure de détermination de l’Etat membre responsable, ainsi que, d’autre part, par l’article 17, paragraphe (1), du même règlement, accordant au ministre la simple faculté d’examiner la demande de protection internationale nonobstant la compétence de principe d’un autre Etat membre de ce faire, cette disposition n’étant pas invoquée par le demandeur.

L’article 3, paragraphe (2), alinéa 2, du règlement Dublin III prévoit ce qui suit:

«Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. ».

Cette disposition impose à l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande de protection internationale d’un demandeur d’asile de s’abstenir de transférer l’intéressé vers l’Etat membre initialement désigné comme responsable, en application des critères prévus par le règlement Dublin III, s’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la CEDH, respectivement de l’article 4 de la Charte.

S’agissant de prime abord des obligations découlant pour le ministre de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2, du règlement Dublin III, le tribunal relève que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant, qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, ainsi que dans la 8CEDH, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard6. C’est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union européenne a adopté le règlement Dublin III en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des Etats, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi d’éviter le « forum shopping », l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes tant dans l’intérêt des demandeurs d’asile que des Etats participants7. Dès lors, comme ce système européen commun d’asile repose sur la présomption – réfragable – que l’ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard, il appartient au demandeur de rapporter la preuve matérielle de défaillances avérées8. Dans son arrêt du 16 février 2017, la CJUE, a, d’ailleurs, expressément réaffirmé l’existence tant de ce principe de confiance mutuelle que de la présomption réfragable s’en dégageant du respect des droits fondamentaux par les Etats participant au système européen commun d’asile9, tout en apportant des précisions quant à l’interprétation de l’article 4 de la Charte et aux obligations en découlant pour les Etats membres.

Au vu de ce qui précède, il incombe donc au demandeur de fournir des éléments concrets permettant de retenir l’existence de défaillances systémiques en Italie au sens de l’article 3, paragraphe (2), du règlement Dublin III.

Suivant la jurisprudence des juridictions administratives10, reposant elle-même sur un arrêt de la Cour de l’Union européenne11, des défaillances systémiques au sens de l’article 3, précité, requièrent, pour être de nature à s’opposer à un transfert, d’être qualifiées de traitements inhumains et dégradants au sens de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Quant aux éléments invoqués par le demandeur pour soutenir l’existence de défaillances systémiques en Italie, à savoir des rapports de l’organisation Amnesty International, non communiqués en l’espèce, un extrait d’un rapport de l’OSAR de l’année 2016 ainsi qu’un communiqué de presse du ministre du 26 octobre 2018, force est au tribunal de constater qu’outre le fait que le rapport de l’OSAR de 2016 n’est en toute hypothèse pas de nature à refléter la situation actuelle en Italie en ce qui concerne les demandeurs de protection internationale de retour en Italie en application du règlement Dublin III, lesdits rapports, cités de manière générale et sans mise en relation avec sa situation particulière, sont insuffisants pour permettre au tribunal de retenir l’existence de défaillances systémiques en Italie au sens de l’article 3, paragraphe (2), du règlement Dublin III.

En effet, si les rapports invoqués à l’appui de son argumentation mentionnent certes, de manière générale, des problèmes affectant le système d’accueil en Italie en raison du nombre 6 CJUE, 21 décembre 2011, affaires jointes C-411/10, N.S, c. Secretary of State for the Home Department et C493/10, M.E. et al c. Refugee Applications Commissioner Minister for Justice, Equality and Law Reform., point 78.

7 Ibidem, point. 79 ; Voir également : trib. adm 26 février 2014, n° 33956 du rôle, trib.adm. 17 mars 2014, n° 34054 du rôle, ainsi que trib. adm. 2 avril 2014, n° 34133 du rôle, disponibles sur www.jurad.etat.lu.

8 Voir aussi Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg, 8 janvier 2015, n° A11 S 858/14.

9 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, pt. 95.

10 Trib. adm. 26 avril 2016, n° 37591, disponible sur : www.jurad.etat.lu 11 CJUE, 10 décembre 2013, C-394/12, Shamso Abdullahi c. Bundesasylamt, point 62.

9important de demandeurs de protection internationale, le demandeur reste toutefois en défaut de faire état d’un quelconque élément de son vécu personnel en tant que demandeur de protection internationale en Italie qui permettrait de conclure à l’existence de défaillances systémiques au sens de l’article 3, paragraphe (2), du règlement Dublin III..

Le demandeur n’a, en effet, pas allégué dans sa requête introductive d’instance que l’introduction de sa demande d’asile, dont la procédure est actuellement toujours en cours en Italie, aurait posé problème. Il n’a pas non plus indiqué des faits concrets permettant de relever que les conditions concernant son accueil dans ce pays auraient été mauvaises.

Au contraire, il ressort de ses propres déclarations à l’occasion de son entretien précité du 21 novembre 2018, qu’il a pu déposer une demande de protection internationale en Italie et que deux jours après son arrivée en Sicile, il a été transporté vers la ville de Trento dans un centre d’hébergement pour migrants, de sorte qu’il reste en défaut d’avancer un quelconque élément de son vécu personnel qui s’opposerait à son transfert en Italie, la seule affirmation selon laquelle « (…) je devrais probablement vivre dans la rue »12en cas de retour en Italie ne permet en tout état de cause pas de retenir que le demandeur ait été victime de dysfonctionnements tels lors de l’introduction de sa demande ou en termes de conditions d’accueil que l’existence de défaillances systémiques devrait être retenue.

Le tribunal se doit ensuite de constater qu’il ne ressort ni de la requête introductive d’instance ni des déclarations faites auprès de la direction de l’Immigration lors de son entretien du 21 novembre 2018 que Monsieur… aurait personnellement fait l’objet de traitements de la part des autorités italiennes susceptibles de constituer des traitements contraires à l’article 3 de la CEDH ou à l’article 4 de la Charte ni qu’il risque un tel traitement en cas de retour en Italie, la seule affirmation du demandeur selon laquelle il aurait subi des maltraitances, tant de la part de certains habitants de la ville, mais aussi de la part de migrants admis dans le centre où il a été hébergé en Italie, étant insuffisante à cet égard, ce d’autant plus que ces faits ne sont pas imputables aux autorités italiennes, étant encore relevé que si le demandeur estime avoir été victime d’agressions de la part de personnes privées lors de son séjour en Italie, il lui appartient de faire valoir ses droits directement auprès des autorités italiennes en utilisant les voies de droit adéquates.

S’agissant du communiqué de presse du ministre du 26 octobre 2018 auquel le demandeur se réfère pour soutenir l’existence de défaillances systémiques en Italie ainsi que la politique anti-migrant des nouveaux dirigeants italiens, il échet au tribunal de relever que le ministre a affirmé lors de ce communiqué que « La situation en Italie n’est pas comparable à celle en Grèce. La suspension des transferts vers la Grèce relève d’une décision européenne commune qui se base sur la jurisprudence de la Cour de justice européenne et de la Cour européenne des droits de l’homme. Une telle décision n’existe pas dans le cadre de l’Italie. », de sorte qu’il ne saurait être retenu qu’actuellement la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale en Italie connaîtraient des défaillances systémiques telles que tout transfert vers ce pays devrait être suspendu.

De plus, le demandeur n’invoque aucune jurisprudence de la CourEDH relative à une suspension générale des transferts vers l’Italie, voire un rapport actuel d’une institution supranationale déconseillant des transferts vers l’Italie en raison de défaillances systémiques qui auraient pu être constatées dans cet Etat.

12 Rapport d’entretien du 21 novembre 2018, page 5.

10Au vu des considérations qui précèdent, le tribunal n’est pas en mesure, en l’état du dossier tel qu’il se présentait au ministre au moment de la prise de décision litigieuse, de retenir l’existence de déficiences systématiques en Italie au sens de l’article 3, paragraphe (2), du règlement Dublin III.

Il n’en demeure pas moins que même en l’absence de raison sérieuses de croire à l’existence de défaillances systémiques dans l’Etat membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale, le transfert d’un demandeur d’asile dans le cadre du règlement Dublin III ne peut être opéré que dans des conditions excluant que ce transfert entraîne un risque réel et avéré que l’intéressé subisse des traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 4 de la Charte.13 S’agissant, à cet égard, de l’état de santé du demandeur, force est au tribunal de relever qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier que le ministre aurait à tort décidé de le transférer vers l’Italie malgré son état de santé. En effet, la seule ordonnance médicale de décembre 2018 versée en cause par la demandeur prescrivant - dans les limites de lisibilité de cette ordonnance - à cause d’une dyspnée de grade II un test d’effort, n’est pas de nature à retenir en l’espèce que le voyage en tant que tel ou son transfert en Italie entraînerait pour lui un risque de traitement inhumain et dégradant au sens de articles 3 de la CEDH ou 4 de la Charte, le demandeur restant par ailleurs en défaut d’établir que les autorités italiennes lui refuseraient l’accès aux soins médicaux nécessaires.

Plus particulièrement, rien n’indique que le demandeur ne puisse trouver en Italie une aide spécifique au vu des besoins particuliers en matière d’accueil requis le cas échéant par son état de santé en sa qualité de « demandeur ayant des besoins particuliers en matière d’accueil», et tels qu’exigés par les articles 21 et 22 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale.

Il convient encore de souligner que si le demandeur devait estimer que le système d’aide italien est à tel point déficient qu’il serait inaccessible aux migrants et demandeurs de protection internationale, de sorte à impliquer per se un traitement inhumain et dégradant contraire à l’article 4 de la Charte, respectivement à l’article 3 de la CEDH, il lui appartient de faire valoir ses droits directement auprès des autorités italiennes en usant des voies de droit adéquates, respectivement devant les instances européennes adéquates ; il en va de même si le demandeur devait estimer que le système italien ne serait pas conforme aux normes européennes ; dans ce cas, il lui appartient de faire valoir ses droits sur base des directives n° 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale ainsi que n° 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale.

Finalement, l’allégation du demandeur, selon laquelle son transfert en Italie entraînerait une interruption néfaste de son traitement entamé au Luxembourg, alors qu’il devrait prétendument subir davantage d’interventions médicales voire une opération du cœur au Luxembourg, est énervée par le propre comportement du demandeur, alors qu’il ne saurait raisonnablement soutenir devoir impérativement suivre un traitement vital au Luxembourg, tout en disparaissant dans la nature.

13 CJUE, 16 février 2017, C-578/16 PPU.

11A cela s’ajoute, à titre superfétatoire, qu’il résulte du rapport médical du 4 février 2019 établi par le Dr. R. O., cardiologue, que les examens effectués ne laissent à première vue pas conclure à une maladie cardiaque, de sorte que les problèmes de santé dont le demandeur fait actuellement état sont, à défaut d’autres éléments fournis en cause, manifestement insuffisants pour justifier un report ou une suspension de son transfert vers l’Italie.

Il s’ensuit que c’est à bon droit et sans commettre d’erreur d’appréciation, ni excéder ses pouvoirs, que le ministre a décidé de transférer le demandeur vers l’Italie, l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et à défaut d’autres moyens, le recours sous examen est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 mars 2019 par :

Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, premier juge, Alexandra Bochet, juge, en présence du greffier Michèle Hoffmann.

s. Michèle Hoffmann s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14/3/2019 Le Greffier du Tribunal administratif 12


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 42240
Date de la décision : 13/03/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2019-03-13;42240 ?

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