Tribunal administratif N° 40572 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 janvier 2018 1re chambre Audience publique du 4 mars 2019 Recours formé par Madame … et consort, … contre une décision du bourgmestre de la Ville de Grevenmacher, en matière de permis de construire
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 40572 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 janvier 2018 par Maître Steve Helminger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, et de son époux Monsieur …, demeurant tous les deux à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la Ville de Grevenmacher du 6 octobre 2017 portant refus de leur demande d’autorisation pour la transformation de leur maison unifamiliale ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Véronique Reyter, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 11 janvier 2018, portant signification dudit recours à la Ville de Grevenmacher, établie en sa maison communale à L-6755 Grevenmacher, 6, Place du Marché, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 janvier 2018 par la société anonyme Arendt & Medernach SA, inscrite au barreau de Luxembourg, représentée aux fins des présentes par Maître Christian Point, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 avril 2018 par Maître Christian Point, au nom de la Ville de Grevenmacher, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 mai 2018 par Maître Steve Helminger, au nom des époux …, préqualifiés ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 juin 2018 par Maître Christian Point au nom de la Ville de Grevenmacher, préqualifiée ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Steve Helminger et Maître Gilles Dauphin, en remplacement de Maître Christian Point, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 janvier 2019.
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A la suite d’une demande introduite au nom de Madame … en date du 7 septembre 2017, le bourgmestre de la Ville de Grevenmacher, ci-après désigné par « le bourgmestre », refusa le 6 octobre 2017 d’accorder une autorisation pour la transformation d’une maison unifamiliale sise …, à …, sur une parcelle cadastrale portant le numéro …, section A de Grevenmacher. Cette décision est libellée comme suit :
« Par la présente, j'accuse réception de votre demande d'autorisation du 7 septembre 2017.
Suite à l'examen de votre dossier par notre service technique et à l'avis défavorable de la commission des bâtisses en sa séance du 19 septembre 2017, je suis au regret de vous annoncer qu'il m'est impossible d'autoriser votre projet en raison de non-conformités au plan d'aménagement général de la commune de Grevenmacher (PAG). Est particulièrement visé le percement d'une grande baie en façade à rue pour l'aménagement d'un garage, se révélant incompatible avec les articles suivants :
- PAG - Band I « Allgemeiner Bebauungsplan », article 1: Baulichen Anlage (…) Eine Genehmigung ist zu versagen, wenn die baulichen Anlagen nach Anzahl, Lage, Umfang Gestalt oder Zweckbestimmung der Eigenart eines Baugebietes wiedersprechen. Sie sind auch unzulässig, wenn von ihnen Belästigungen und Störungen ausgehen können, die nach der Eigenart des Baugebietes im Baugebiet selbst oder in dessen Umgebung unzumutbar sind.
- PAG - Band I « Allgemeiner Bebauungsplan », article 18.a: Kerngebiet I / Altstadt (…) Die Nutzungen dürfen sich in Bezug auf Lärm-, Geruch-, und Verkehrsentwicklung nicht gegenseitig stören. Die hierzu gültigen Vorschriften sind einzuhalten.
- PAG - Band II « Gestattungssatzung », art. 5: Allgemeine Vorschriften Bauliche Anlagen sind so zu gestalten, dass sie nach Form, Maßstab, Verhältnis der Baumassen und Bauteile zueinander, Werkstoff und Farbe nicht verunstaltet wirken.
Bauliche Anlagen sind mit ihrer Umgebung so in Einklang zu bringen, dass sie benachbarte bauliche Anlagen sowie das Straßen-, Orts- oder Landschaftsbild nicht verunstalten und deren beabsichtigte Gestaltung nicht stören. Auf Kultur- und Naturdenkmäler und auf andere erhaltenswerte Eigenarten der Umgebung ist besondere Rücksicht zu nehmen.
(…) - PAG - Band II « Gestaltungssatzung », art. 8: Fassaden im Kerngebiet I / Altstadt Das Haus ist Grundbaustein der Stadt. Die Fassade repräsentiert das Gebäude im Stadtbild.
Die Massivbauweise mit der verputzten Lochfassade ist typisch für die Altstadt Grevenmachers.
Hauptkörper sind ausschließlich in Massivbauweise mit Lochfassaden zulässig.
Eine wegen des baulichen Zustandes erforderliche Renovierung von Fassaden und Bauteilen, sowie der Neubau von Fassaden ist so auszuführen, dass die Gliederung und die Materialität das Altstadt- und Straßenbild positiv ergänzen.
Die Fassade soll die Nutzung des Gebäudes zum Ausdruck bringen.
Bei unterschiedlichen Nutzungen innerhalb eines Hauses ist die Erscheinung des Hauses über alle Geschosse als Einheit zu gewährleisten.
Erdgeschossige Geschäftsfassaden müssen eine formale Einheit mit den darüberliegenden Geschossen bilden.
Eine vorhandene kleinteilige Parzellenstruktur soll in den Fassaden ablesbar sein.
Jedes, als Haus in Erscheinung tretende Gebäude, muss einen eigenen Zugang vom öffentlichen Straßenraum, auch zur Erschließung der Obergeschosse haben.
a. Fassadengliederung Die Fassadengliederung der einzelnen Häuser ist dem vorhandenen Charakter des jeweiligen Platz- oder Strassenbildes anzupassen.
En rapport à la spécificité et au caractère du quartier, il faut mentionner que le bâti du noyau historique de Grevenmacher - en particulier dans les rues d'importance moyenne telles les rues …, des …, …, etc. - est dominé par la typologie de la petite maison urbaine, soit un édifice érigé en mitoyenneté et à front de rue, le plus souvent sur deux niveaux, présentant une façade de 5m à 7m de large dont les ouvertures sont disposées en 2 ou 3 travées, ne comportant traditionnellement pas - ou alors exceptionnellement - de porte de grange ou cochère, encore moins de porte de garage.
Sans vouloir s'opposer au projet de regroupement ou de fusion des deux habitations existantes, la commission considère à juste titre que l'aménagement d'un garage ne correspond nullement au caractère évoqué ci-avant mais perturbe la typo-morphologie de l'immeuble autant que de l'espace-rue (« Stroosbild »), confirmant par là-même l'incompatibilité soulevée avec le PAG. Plus généralement, nous avons pris comme ligne de conduite de refuser tout nouveau garage particulier dans le noyau historique et de n'autoriser que les garages envisagés en lieu et place de granges ou cours existantes, là où les ouvertures en façade ou accès nécessaires préexistent et lorsque les conditions locales le permettent (largeur de rue, largeur d'accès, etc.).
En termes d'accessibilité justement, et donc de sécurité du trafic, il est par ailleurs à signaler que les conditions locales sont loin d'être optimales pour envisager cet aménagement.
En effet, alors qu’une place de stationnement de 2,5m de largeur nécessite une aire d'accès ou recul de 5,5m à 6m de profondeur, vous ne disposez que d'un recul entièrement libre de 4,85m, la … étant relativement resserrée à cet endroit. Les artifices constructifs, envisagés tels l'évasement du mur mitoyen ou le biais de la porte de garage ne permettent pas de garantir l'amélioration des conditions d'accès et engendrent d'autre part des problèmes de réalisation, d'usage et d'apparence. En outre, l'étroitesse de la porte de garage limite également le champ visuel en sortie, pouvant représenter un danger pour les usagers de la voie publique.
Enfin, nous ne pouvons pas nous permettre de créer un précédent qui risque ensuite de se répéter avec, pour grave conséquence, une forte atteinte au caractère de la localité, entraînant une perte irréfutable d'identité et de qualité de vie alors que ceux-ci sont des atouts de premier ordre tant pour la valeur patrimoniale et l'image de notre ville que pour son attractivité touristique notamment.
Il me faut encore préciser que votre cas est loin d'être isolé, un bon nombre de terrains du centre historique de Grevenmacher étant purement et simplement inaccessibles pour les automobiles, qu'il s'agisse de ruelles étroites, de la zone piétonne ou d'édifices à rez-de-
chaussée commercial, m'obligeant à agir en conséquence, en toute égalité et impartialité.
[…] ».
Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 5 janvier 2018, Madame … et son époux, Monsieur …, ci-après désignées par « les consorts … », introduisirent un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du 6 octobre 2017.
Aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en la présente matière, de sorte que seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision attaquée.
Quant à la recevabilité du recours Dans son mémoire en réponse, la Ville de Grevenmacher conclut à l’irrecevabilité du recours pour défaut d’objet, en faisant valoir que les consorts … auraient renoncé à la première mouture de leur projet en raison du fait que les 17 novembre 2017, 12 décembre 2017 et 11 janvier 2018, ils auraient introduit des plans révisés tendant à l’obtention d’une autorisation de transformer leur maison et que le 22 janvier 2018, le bourgmestre aurait accordé à Madame … une autorisation portant le numéro 128/2017 en vue de transformer deux immeubles d’habitation contiguës en une seule maison unifamiliale, la Ville de Grevenmacher soulignant que l’autorisation en question préciserait expressément que la dernière modification des plans du 11 janvier 2018 impliquerait renonciation à la demande telle qu’initialement introduite le 7 septembre 2017, sans que les parties demanderesses n’aient soumis une quelconque objection à cet égard. La Ville de Grevenmacher donne encore à considérer que pour des raisons de sécurité juridique, l’administration devrait pouvoir se fier au fait que des projets subséquents remplacent le projet initial de demande d’autorisation.
Par ailleurs, la Ville de Grevenmacher se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours en ce qu’il est introduit par Monsieur …, étant donné que la demande en obtention d’une autorisation de construire ayant donné lieu au refus du 6 octobre 2017 aurait émané de Madame …, qui serait également propriétaire de la parcelle cadastrale numéro ….
Dans leur réplique, les consorts … soulignent que le fait d’avoir sollicité une autorisation sans la mise en place d’un garage, refusée par le bourgmestre, s’expliquerait par une approche purement pragmatique afin de faire avancer le projet de rénovation et de réaménagement de leur immeuble sans devoir attendre l’issue du présent recours. Ils contestent formellement avoir renoncé au projet originaire prévoyant l’installation d’un garage, tout en soulignant qu’il suffirait d’une légère adaptation des derniers plans pour faire réapparaître un garage à l’endroit originairement projeté, l’architecte ayant expressément pris le soin de ne pas hypothéquer, par le projet modifié, la possibilité d’aménager par la suite un garage sans requérir trop de transformations.
Ils affirment que le présent recours garderait toujours un intérêt pour eux en donnant à considérer qu’au regard de la modification annoncée par la Ville de Grevenmacher de sa réglementation urbanistique, il n’y aurait jamais une décision de justice sur la légalité de la décision entreprise, de sorte qu’ils seraient alors privés de faire valoir d’autres droits à l’égard de la commune.
Ils insistent sur la considération que le garage projeté serait indispensable pour aider Madame … dans sa vie quotidienne dans la mesure où elle serait atteinte de multiple sclérose.
Ils soulignent encore que la remarque inscrite dans l’autorisation délivrée suivant laquelle l’introduction de plans modifiés vaudrait renonciation au projet initial n’aurait aucun caractère décisoire.
S’agissant de la question de l’intérêt à agir de Monsieur …, les consorts … donnent à considérer que Monsieur … soutiendrait son épouse dans sa vie quotidienne mais, ne pouvant pas toujours être à ses côtés, Madame … serait dépendante d’une voiture pour ses déplacements.
Dans sa duplique, la Ville de Grevenmacher insiste sur le défaut d’objet du recours en soulignant que les trois séries de plans introduits successivement par les consorts … ne comporteraient aucun garage, sans que ceux-ci n’aient formulé une quelconque réserve quant au maintien de leur demande initiale. S’y ajouterait que l’autorisation de construire du 22 janvier 2018 comporterait la mention que la modification présentée impliquerait renonciation à la demande initiale, sans que les consorts … n’aient formulé une quelconque objection, ni encore introduit un recours contre cette décision, de sorte à avoir reconnu avoir renoncé à leur demande initiale.
La Ville de Grevenmacher conteste encore qu’une légère adaptation des plans autorisés le 22 janvier 2018 suffirait afin de faire réapparaître le garage projeté.
Face à l’argumentation des consorts … suivant laquelle une décision d’irrecevabilité du présent recours les amputerait du droit de faire valoir d’autres droits à son égard, la Ville de Grevenmacher donne à considérer que ceux-ci reconnaîtraient qu’une annulation éventuelle de la décision attaquée ne pourrait plus produire d’effet concret utile dans le sens de la délivrance d’une autorisation de construire un garage compte tenu de la nouvelle réglementation communale urbanistique en cours et que leur seul intérêt à obtenir une décision concernant la légalité de la décision attaquée serait de leur permettre ou du moins faciliter une demande de dommages et intérêts devant les juridictions civiles. Or, la seule possibilité de faciliter, grâce à une décision d’annulation, la charge de la preuve d’une faute de l’administration dans le cadre d’une éventuelle action en responsabilité civile ne suffirait pas pour justifier l’intérêt à agir devant les juridictions administratives. Le recours serait partant à déclarer irrecevable.
S’agissant de l’intérêt à agir de Monsieur …, le tribunal rappelle de prime abord qu’en matière de recours en annulation dirigé contre un acte administratif, le demandeur doit justifier d’un intérêt personnel et direct à obtenir l’annulation de l’acte qu’il attaque.
Force est de constater qu’il n’est pas contesté que Madame … est seule propriétaire de l’immeuble sur lequel la transformation litigieuse est projetée et qu’il se dégage des pièces à la disposition du tribunal que la demande d’autorisation a été introduite au seul nom de celle-ci, Madame … étant en conséquence également l’unique destinataire de la décision du 6 octobre 2017 faisant l’objet du présent recours.
Le tribunal est amené à retenir que dans la mesure où Monsieur … n’est pas destinataire de la décision faisant l’objet du recours et que, par ailleurs, confronté au moyen d’irrecevabilité soulevé par la Ville de Grevenmacher, il n’a pas autrement justifié son intérêt à agir si ce n’est par la considération tout à fait générale de l’état de santé de son épouse, sans justifier son propre intérêt à voir annuler la décision litigieuse, il est resté en défaut de justifier un intérêt à agir suffisant, la simple circonstance d’être l’époux du destinataire de la décision litigieuse ne permettant pas de déduire ipso facto un intérêt à agir, à défaut de toute autre justification fournie par Monsieur …, étant relevé qu’il appartient à un demandeur de justifier son intérêt à agir et que le tribunal n’a pas à supposer l’intérêt éventuel que celui-ci puisse tirer de l’annulation de l’acte attaqué.
Il s’ensuit que le recours est à déclarer irrecevable en ce qu’il est introduit par Monsieur … pour défaut d’intérêt à agir dans son chef.
Quant aux contestations de la Ville de Grevenmacher quant à l’objet du recours, le tribunal constate de prime abord que la décision du 6 octobre 2017 n’a jamais fait l’objet d’un retrait, de sorte qu’elle existe toujours actuellement dans l’ordonnancement juridique.
S’agissant de la question d’une renonciation éventuelle par Madame … au premier projet, il convient de relever que si, en règle générale, lorsqu’un administré présente devant l’administration deux projets successifs portant sur le même objet et qui ne spécifient pas autrement leurs positionnements respectifs, s’agissant pourtant de la même localisation, l’administration et, à sa suite, les juridictions saisies, peuvent a priori partir de la pétition en principe que la seconde demande est appelée à remplacer la première et que le second projet autorisé rend sans objet la première demande et, le cas échéant, le refus afférent prononcé1, tel n’est toutefois pas le cas s’il se dégage des circonstances de la cause que le projet initial est maintenu, le simple fait d’introduire auprès d’une autorité administrative un projet modifié par rapport à un premier projet ayant rencontré un refus n’emportant pas en toute hypothèse et ipso facto renonciation au premier projet. Ce n’est que si un des projets est exécuté et que cette exécution rend celle des autres impossible, que peut, le cas échéant, se poser la question de la renonciation au premier projet refusé et corrélativement celle de l’objet du recours, respectivement de l’intérêt à agir.
En l’espèce, il est certes vrai qu’il se dégage des pièces à la disposition du tribunal que Madame … a postérieurement au refus du 6 octobre 2017, et avant l’introduction du présent recours, introduit diverses demandes d’autorisation sur base de plans modifiés, et qu’il n’est pas non plus contesté qu’en l’occurrence le garage, dont l’existence a motivé le refus faisant l’objet du présent recours, n’y figure plus. Il est encore vrai que les demandes d’autorisation sur base de plans modifiés n’ont pas été accompagnées de réserves de Madame … en ce sens qu’elle aurait précisé ne pas vouloir renoncer à son projet initial.
Il convient toutefois de souligner que, parallèlement à l’introduction des différents dossiers modifiés, Madame … a introduit le présent recours en annulation, la volonté de Madame … de maintenir le projet initial s’étant ainsi cristallisée au plus tard et de manière non équivoque par l’introduction du présent recours en date du 5 janvier 2018. A cet égard, le tribunal relève encore que Madame … a expliqué, dans sa réplique, de façon cohérente qu’elle entend maintenir le premier projet et que l’exécution éventuelle de l’autorisation finalement accordée, sans le garage litigieux, n’est pas de nature à empêcher la réalisation du même projet avec l’aménagement du garage litigieux.
Il s’ensuit que la Ville de Grevenmacher n’est pas fondée à conclure à l’irrecevabilité du recours pour défaut d’objet en raison d’une prétendue renonciation par Madame … à son premier projet.
Cette conclusion n’est pas énervée par la circonstance que l’autorisation du projet modifié émise le 22 janvier 2018 porte dans ses visas la mention que la modification des plans tels que soumis impliquerait la renonciation au projet initial, dans la mesure où il s’agit d’une opinion exprimée unilatéralement par la Ville de Grevenmacher à partir de laquelle le tribunal ne saurait extrapoler une volonté de la demanderesse de renoncer à son projet initial.
La Ville de Grevenmacher n’est pas non plus fondée à reprocher à la demanderesse de ne pas avoir introduit un recours contre cette autorisation, dans la mesure où, s’agissant d’une décision favorable, l’intérêt à agir de la demanderesse aurait été, à juste titre, inévitablement 1 Cour adm. 17 mars 2015, n° 35461C du rôle, Pas. adm. 2018, V° Urbanisme, n° 643 du rôle.
remis en cause, la remarque suivant laquelle l’introduction d’un projet modifié emporterait renonciation au projet initial n’ayant, pour le surplus, aucun caractère décisionnel propre, indépendamment de l’autorisation accordée, susceptible de pouvoir faire l’objet d’un recours.
S’agissant, enfin, de l’affirmation de la Ville de Grevenmacher que pour des raisons de sécurité juridique elle devrait pouvoir se fier à ce que des projets subséquents lui soumis pour autorisation remplacent le projet initial d’une demande en obtention d’un permis de construire, le tribunal relève que le bourgmestre, saisi d’une demande d’autorisation de construire, doit examiner le projet quant à sa compatibilité avec la réglementation urbanistique relevant de son champ de compétence, une autorisation consistant alors dans le constat objectif que le projet est conforme à cette réglementation. Aucune disposition légale ou réglementaire n’empêche a priori en l’espèce le propriétaire d’un terrain de solliciter auprès du bourgmestre l’autorisation par rapport à divers projets et de choisir par la suite celui qu’il entend exécuter, sans que le bourgmestre ne puisse faire dépendre l’octroi d’une autorisation de la renonciation à un autre projet pour « des raisons de sécurité juridique », une telle approche s’analysant en tout état de cause en un détournement de pouvoir.
Si, enfin, la Ville de Grevenmacher fait, dans sa réponse dans le cadre de son argumentation quant au fond, état d’un changement de la règlementation urbanistique en cours de procédure, sans toutefois en tirer une conclusion en droit par rapport à la recevabilité du recours et si, dans sa duplique, elle affirme que l’annulation de la décision attaquée ne pourrait produire aucun effet utile au regard de cette modification de la règlementation urbanistique, le tribunal estime que ce changement de réglementation n’est pas de nature à affecter la recevabilité du recours, étant relevé que, dans le cadre du recours en annulation dont il est saisi, il est amené à examiner la légalité de la décision au regard de la situation en droit telle qu’elle existait au jour où la décision a été prise, et qu’il n’est pas contesté qu’à ce moment, la modification réglementaire n’était pas encore entamée.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et quant à l’intérêt à agir, que le recours est à déclarer recevable en ce qu’il est introduit par Madame …, le recours ayant, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.
Quant au fond A l’appui de son recours, et après avoir exposé qu’elle entend fusionner deux maisons situées … à Grevenmacher dans la zone « Kerngebiet 1/Altstadt » et après avoir constaté que le bourgmestre s’oppose, en substance, à son projet en raison de la création d’une porte de garage dans le cadre de ce projet, la demanderesse reproche de prime abord au bourgmestre d’avoir pris une décision arbitraire en ce qu’il a retenu que la mise en place d’un garage serait incompatible avec le « caractère de la localité » et qu’elle serait susceptible d’entraîner une « perte irréfutable d’identité et de qualité de vie » du « bâti du noyau historique de Grevenmacher ».
La demanderesse reproche au bourgmestre d’avoir employé des considérations abstraites, alors qu’en réalité, il n’existerait aucune disposition lui permettant de refuser son projet.
Elle donne à considérer que les dispositions citées par le bourgmestre à l’appui de son refus seraient beaucoup trop imprécises et conféreraient un pouvoir trop important au bourgmestre à défaut de critères objectifs.
A cet égard, la demanderesse se réfère à un jugement du tribunal administratif du 6 mai 2009, numéro 24403 du rôle, tout en relevant que les dispositions du PAG de la Ville de Grevenmacher n’expliqueraient pas en détail quel genre de construction pourrait défigurer l’image des rues du centre de Grevenmacher.
Face à la considération du bourgmestre suivant laquelle il ne voulait pas créer un précédent, la demanderesse affirme qu’il n’appartiendrait pas au seul bourgmestre de prendre une telle décision qui devrait être prise par un organe habilité à ce faire, cette considération avancée par le bourgmestre confirmant ainsi également le caractère arbitraire de sa décision.
Elle argumente que le caractère arbitraire de la décision du bourgmestre serait encore confirmé par la circonstance que d’autres administrés se seraient vu autoriser la mise en place de garages et cela aux alentours immédiats de sa propre maison. D’autre part, le bourgmestre aurait autorisé à environ 150 m de sa maison la construction d’un parking souterrain pour 250 emplacements de parking.
La demanderesse analyse ensuite les violations des articles 1er et 18 a) du PAG Band I et articles 5 et 8 du PAG Band II, telles qu’invoquées par le bourgmestre.
S’agissant des articles 1er et 18 a) du PAG Band I, la demanderesse fait valoir qu’il ne serait pas expliqué en quoi son projet impliquerait les nuisances mentionnées dans ces dispositions.
Par rapport à l’article 5 du PAG Band II invoqué par le bourgmestre en ce que le projet litigieux défigurerait l’image du quartier, la demanderesse affirme que ces dispositions ne seraient pas applicables à la zone concernée puisqu’elles viseraient exclusivement les « Mischgebiete und reine Wohngebiete ».
De plus, le seul fait que la … soit dominée par des édifices dont les ouvertures sont disposées en deux ou trois travées et ne comportant pas de porte de garage, ne serait pas en soi une raison suffisante, à défaut de textes réglementaires, pour refuser le projet comportant une porte de garage.
La demanderesse donne ensuite à considérer que la seule disposition réglementaire traitant les garages serait celle de l’article 4 du PAG Band I, qui n’interdirait toutefois en rien des garages dans la zone concernée.
A titre subsidiaire, la demanderesse souligne encore que sa maison ne serait pas classée sur la liste des sites et monuments nationaux, de sorte que la mise en place d’un garage ne pourrait pas non plus gêner à cet égard.
S’agissant de l’obligation avancée par le bourgmestre de disposer d’un recul devant la maison de 4,85 m, elle argumente qu’il n’existerait aucune base légale ou réglementaire justifiant cette obligation.
Dans sa réponse, la Ville de Grevenmacher donne à considérer que l’immeuble litigieux se trouverait dans son centre historique dans un secteur protégé grevé de servitudes urbanistiques visant à sauvegarder le caractère typique de la vieille ville dans l’intérêt de garantir la valeur historique du patrimoine architectural ainsi que l’attractivité touristique de la ville.
En se référant à l’alinéa 2 de l’article 18 du PAG Band I, la Ville de Grevenmacher affirme que le principe y consacré d’éviter l’altération des aspects caractéristiques des bâtiments chapeauterait toutes les autres dispositions applicables au secteur protégé et le bourgmestre serait appelé à appliquer le PAG en vue de faire respecter ce principe.
Elle conteste l’argumentation de la demanderesse suivant laquelle les dispositions du PAG invoquées seraient trop vagues, en donnant à considérer que plus particulièrement l’article 1er du PAG Band I fixerait clairement les conditions de son application en ce sens que sont interdits des ouvrages qui par leur nature, leur importance, leur étendue, leur volume ou leur aspect créeraient des nuisances incompatibles avec la sécurité, la salubrité, la commodité et la tranquillité du quartier ou de ses environs, la question de savoir si un ouvrage est incompatible avec le quartier relevant, dans le cadre tracé par le PAG, du pouvoir d’appréciation de l’autorité décisionnelle s’exerçant au titre de son pouvoir de police.
En l’espèce, le bourgmestre aurait, dans le cadre de sa marge d’appréciation, estimé que l’aménagement d’une grande baie en façade d’un immeuble situé en secteur protégé et devant servir d’accès à un garage poserait objectivement un risque d’altérer l’aspect du quartier et créerait des nuisances compte tenu du caractère étroit de la ruelle desservante, de sorte qu’il aurait valablement pu fonder son refus sur l’interdiction posée par l’article 1er PAG Band I. La référence faite par la demanderesse à un jugement du tribunal administratif du 6 mai 2009 relatif à l’interprétation d’un règlement sur les bâtisses dans le cadre d’un litige relatif à une autorisation d’établissement classée serait inopérante dans la mesure où la disposition invoquée en l’espèce prévoirait des critères d’application et des références objectives.
S’agissant du second motif avancé par la demanderesse pour conclure au caractère arbitraire du refus, à savoir la circonstance que d’autres maisons aux alentours immédiats disposeraient d’un garage, la Ville de Grevenmacher donne à considérer que la circonstance que des autorisations pour l’aménagement de garages aient pu être délivrées sous l’empire d’une réglementation différente ne conférerait pas un caractère arbitraire à la décision du bourgmestre.
La Ville de Grevenmacher ajoute que l’autorisation accordée pour l’aménagement d’un parking public souterrain ne serait pas comparable avec la situation de l’espèce, en soulignant que l’aménagement d’un tel parking permettrait d’offrir une alternative durable aux problèmes de circulation et de stationnement dans les ruelles étroites du centre historique.
Quant aux critiques formulées par la demanderesse par rapport aux articles du PAG avancés par le bourgmestre à l’appui de son refus, la Ville de Grevenmacher affirme, en se référant à l’article 18 a) du PAG Band I, que la décision de refus viserait les nuisances découlant de l’évolution du trafic engendré par l’aménagement d’un garage dans une ruelle de la taille de celle de la ….
S’agissant de l’article 8 du PAG Band II, la Ville de Grevenmacher s’empare du point a) de cette disposition pour conclure que l’aménagement d’une large baie pour la réalisation d’un garage détruirait la division de la façade existante et ne correspondrait plus à la division des façades caractéristiques des immeubles de la vieille ville, de sorte que la décision serait motivée à suffisance et fondée sur la non-conformité du projet aux dispositions citées du PAG.
Face aux contestations de la demanderesse quant à l’applicabilité de l’article 5 du PAG Band II, la Ville de Grevenmacher souligne que l’article 18 a) du PAG Band I préciserait en sa première phrase que le « Kerngebiet 1/Altstadt » serait un « Mischgebiet », de sorte que les dispositions relatives à la zone mixte, parmi lesquelles figurerait l’article 5 du PAG Band II, seraient également applicables au secteur protégé de la vieille ville, à moins que des dispositions spécifiques de cette zone n’y dérogent. Il s’ensuivrait que l’article 5 du PAG Band II aurait valablement pu être invoqué en l’espèce.
La Ville de Grevenmacher critique encore la considération de la demanderesse suivant laquelle le fait que la … soit dominée par des édifices ne comportant traditionnellement pas de porte de garage serait insuffisante pour refuser son projet, la Ville de Grevenmacher faisant valoir que l’aménagement d’une large baie servant de garage détruirait la division des façades caractéristiques des immeubles de la vieille ville que les dispositions du PAG et plus particulièrement l’article 8 du PAG Band II imposeraient de préserver.
Tout en admettant que l’article 4 du PAG Band I relatif aux emplacements de stationnement, aux garages et aux car-ports ne contiendrait pas de dispositions spécifiques au secteur protégé de la vieille ville, la Ville de Grevenmacher donne à considérer que le refus du 6 octobre 2017 aurait amplement exposé les dispositions du PAG s’opposant à l’aménagement d’un nouveau garage dans ce secteur.
Elle donne ensuite à considérer que le défaut de classement de l’immeuble litigieux sur la liste des sites et monuments nationaux ne dispenserait pas du respect des servitudes urbanistiques découlant du PAG et plus particulièrement du respect des règles visant la sauvegarde du caractère typique du noyau historique de la vieille ville.
Enfin, l’insuffisance de l’espace nécessaire pour accéder et sortir en toute sécurité du garage projeté constituerait un moyen de refus qui aurait valablement pu être invoqué en l’espèce en application des articles 1er et 18 a) du PAG Band I interdisant des ouvrages de nature à créer des nuisances notamment au regard de la sécurité et de la circulation.
Par ailleurs, il incomberait de façon générale au bourgmestre, dans le cadre de sa mission d'exécution des lois de police, de faire jouir les habitants de la commune des avantages d'une bonne police et notamment de la sûreté et de la tranquillité publiques, la Ville de Grevenmacher se référant à, cet égard, à l’article 50 du décret du 14 décembre 1789 relatif à la constitution des municipalités et à l’article 3 du titre XI du décret des 16 et 24 août 1790 sur l’organisation judiciaire, ci-après désignés par « le décret du 14 décembre 1789 », respectivement « le décret des 16 et 24 août 1790 », tout en invoquant un arrêt de la Cour administrative du 23 avril 2013, numéro 31836C à cet égard. Ainsi, compte tenu des risques induits par le projet litigieux concernant la sécurité en matière de circulation dans une ruelle étroite, le bourgmestre aurait valablement pu s’opposer à l’aménagement du garage litigieux.
A titre de motivation complémentaire, la Ville de Grevenmacher invoque dès lors le pouvoir de police général du bourgmestre et la contrariété du projet avec la sécurité en matière de circulation sur la voie publique communale.
Enfin, la Ville de Grevenmacher fait état d’une modification ponctuelle de son PAG dont la procédure aurait été entamée, le conseil communal ayant donné le 9 février 2018 l’accord tel que prévu à l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par « la loi du 19 juillet 2004 », la Ville de Grevenmacher soulignant que le texte actuellement mis en procédure préciserait, entre autres, que pour les immeubles situés dans le « Kerngebiet I/Altstadt » l’aménagement d’ouvertures supplémentaires pour garages est prohibé, la Ville de Grevenmacher ayant expliqué à l’audience des plaidoiries qu’entretemps, le projet de modification aurait été adopté et approuvé le 26 octobre 2018 par le ministre de l’Intérieur.
Dans sa réplique, la demanderesse reprend en substance son argumentation développée dans la requête introductive d’instance, en insistant sur le caractère arbitraire du refus et en se référant à l’existence, dans la même rue, de maisons comportant un garage, de sorte que la caractéristique de cette rue ne serait pas celle que la Ville de Grevenmacher veut lui donner.
Pour le surplus, elle fait valoir que le garage serait un accessoire d’une maison d’habitation, de sorte qu’une violation de l’article 18 a) du PAG Band I ne serait pas concevable, la demanderesse soulignant qu’aucune disposition urbanistique applicable n’interdirait l’aménagement d’un garage dans le secteur protégé de la ville. Elle ajoute que la … serait ouverte au trafic et serait utilisée en tant que telle, de sorte que le bourgmestre ne pourrait, sur base de dispositions vagues, prononcer une interdiction d’y mettre en place un garage. Pour le surplus, le garage n’aurait aucune incidence sur le trafic, qui à cet endroit, se ferait à vitesse réduite.
Dans sa duplique, la Ville de Grevenmacher rappelle que le fait que des garages ont été autorisés sous une réglementation antérieure ne conférerait aucun droit à l’octroi d’une autorisation pour l’aménagement d’un garage.
Elle poursuit que même si un garage est un accessoire à une maison d’habitation, il pourrait néanmoins être source de nuisances compte tenu de la situation particulière de la ….
S’y ajouterait qu’elle ne tenterait pas de tenir en échec les règles urbanistiques par la référence à un problème général de sécurité, ses motifs de refus étant fondés sur des dispositions du PAG, tout en relevant que la contrariété du projet avec les règles de police générale ne serait invoquée qu’à titre de motivation complémentaire.
En outre, les considérations tenant à la sécurité de la circulation ne seraient pas vagues et abstraites.
Enfin, elle souligne que l’article 5 du PAG Band II ne s’appliquerait pas uniquement à une protection du paysage extra-urbain, mais également au « Strassenbild » ou « Ortsbild », partant à la protection des sites construits.
Il convient de prime abord de rappeler qu’une autorisation de construire consiste en substance en la constatation officielle par l’autorité compétente - en l’espèce le bourgmestre -
de la conformité d’un projet de construction aux dispositions réglementaires (plan d’aménagement et règlement sur les bâtisses) applicables2. En effet, la finalité première d’une autorisation de construire consiste à certifier qu’un projet est conforme aux règles d’urbanisme applicables et par principe le propriétaire peut faire tout ce qui lui n’est pas formellement interdit par une disposition légale ou réglementaire. Ainsi, la conformité de la demande d’autorisation par rapport aux dispositions légales ou réglementaires existantes entraîne en principe dans le chef de l’administration l’obligation de délivrer le permis sollicité, sous peine de commettre un abus respectivement un excès de pouvoir3.
2 Trib. adm. 6 octobre 2008, n° 23416 du rôle, Pas. adm. 2018, V° Urbanisme, n° 676.
3 Voir en ce sens : Ph. VANDEN BORRE, « Les permis de bâtir, de lotir, les certificats d’urbanisme et les sanctions », in : Le droit de la construction et de l’urbanisme, Ed.du jeune Barreau, Bruxelles, 1976, p.219, ainsi que trib. adm. 24 novembre 2014, n° 33379, disponible sous www.jurad.etat.lu.
Force est de constater que la décision litigieuse est fondée sur les dispositions des articles 1er et 18 a) du PAG Band I, de même que sur celles des articles 5 et 8 du PAG Band II, la Ville de Grevenmacher argumentant en substance, sur le fondement de ces dispositions, que la création d’un garage ne s’intégrerait pas dans l’image des maisons du quartier et que se poseraient, pour le surplus, des problèmes de sécurité au niveau du trafic et au niveau de l’accessibilité au garage.
Dans son mémoire en réponse, la Ville de Grevenmacher invoque encore, à titre de motivation supplémentaire, la contrariété du projet avec la sécurité en matière de circulation sur la voie communale en se fondant sur l’article 50 du décret du 14 décembre 1789 et 3 du décret des 16 et 24 août 1790.
Le tribunal relève de prime abord qu’aucune des dispositions sur lesquelles la Ville de Grevenmacher s’appuie n’interdit expressément la création d’un garage dans la zone litigieuse, à savoir la zone « Kerngebiet I/ Altstadt », étant relevé que l’article 4 du PAG Band I, intitulé « Stellplätze, Garagen, Carports », reste muet à cet égard.
Le tribunal retient ensuite que la décision de refus litigieuse ne saurait trouver de fondement suffisant dans les dispositions de l’article 50 du décret du 14 décembre 1789 et de l’article 3 du décret des 16 et 24 août 1790 invoquées en cours d’instance par la Ville de Grevenmacher, prises isolément, à défaut de dispositions urbanistiques afférentes.
A cet égard, il convient de souligner que les juridictions administratives ont eu l’occasion de retenir que l’exercice, par le bourgmestre, de son pouvoir général de police ne saurait tenir directement en échec les dispositions urbanistiques en ce sens qu’il pourrait se prévaloir d’un problème général de sécurité, de tranquillité ou autre, pour tenir en échec le principe même de l’implantation d’une construction conforme aux règles urbanistiques4, et que la conformité de la demande d’autorisation par rapport aux dispositions d’urbanisme existantes entraîne en principe dans le chef du bourgmestre l’obligation de délivrer le permis sollicité sans prendre en considération d’autres considérations d’intérêt privé ou tenant à l’exécutabilité technique ou matérielle du projet5.
Dès lors, contrairement à ce qui est soutenu par la Ville de Grevenmacher, si certes le bourgmestre est chargé de l’exécution des lois et règlements de police, lorsqu’il est saisi d’une demande d’autorisation de construire, il ne peut contrôler le projet que par rapport à la réglementation urbanistique en vigueur et doit accorder son autorisation du moment que le projet est conforme à cette règlementation. En revanche, il ne saurait refuser son autorisation en matière d’urbanisme pour une construction, par ailleurs conforme à sa réglementation urbanistique, sur la seule base de son pouvoir général de police découlant des décrets précités, indépendamment de dispositions afférentes contenues dans la réglementation urbanistique applicable.
La Ville de Grevenmacher s’empare, à cet égard, de l’article 18 a) du PAG Band I, aux termes duquel « Die Nutzungen dürfen sich in Bezug auf Lärm-, Geruch-, und Verkehrsentwicklung nicht gegenseitig stören. Die hierzu gültigen Vorschriften sind einzuhalten. », dont elle déduit qu’il puisse fonder un refus d’accorder l’autorisation pour la réalisation d’un garage en raison de problèmes de sécurité routière et plus particulièrement en 4 Trib. adm. 4 novembre 2002, n° 14597 ; trib. adm. 15 décembre 2004, n° 17971, confirmé par arrêt du 9 juin 2005, n° 19200C, disponibles sous www.jurad.etat.lu; trib. adm. 6 décembre 2017, n°38837 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.
5 En ce sens : Cour adm. 22 mars 2011, n°27064C du rôle, Pas. adm. 2018, V° Urbanisme, n° 686.
raison de nuisances découlant de l’évolution du trafic engendré par l’aménagement d’un garage dans une petite ruelle telle que la ….
Le tribunal est néanmoins amené à retenir que les nuisances visées par l’article 18 a), précité, sont celles qui sont engendrées par la nature de la construction en tant que telle. Cette interprétation se dégage, en effet, de l’agencement des dispositions de l’article 18 a) qui prévoit en son premier alinéa que le « Kerngebiet 1/ Altstadt » est un quartier mixte permettant l’implantation à la fois de maisons destinées à l’habitation et d’immeubles destinés à l’usage d’administrations publiques (« Unterbringung öffentlicher Verwaltungen ») respectivement au commerce (« Gewerbebetriebe »), à l’exclusion plus particulièrement de stations à essence mentionnées expressément au point a) de l’article 18. C’est dans ce contexte que le dernier alinéa de l’article 18 a), invoqué par la Ville de Grevenmacher, précise que l’usage des constructions autorisables ne doit pas être de nature à déranger s’agissant de nuisances sonores, olfactives ou encore au niveau de la circulation routière.
Or, l’aménagement d’un garage dans une maison d’habitation ne saurait être considéré comme une installation dont l’usage est, par sa nature, susceptible d’engendrer des nuisances sonores, olfactives ou encore au niveau de la circulation routière, la présence d’une maison d’habitation, dont le garage n’est que l’accessoire, impliquant nécessairement que les habitants vont accéder à leur maison avec une voiture.
S’agissent de l’article 5 du PAG Band II, celui-ci est, contrairement à ce qui est soutenu par la demanderesse, applicable à la zone visée. En effet, si cette disposition se trouve certes inscrite dans le chapitre intitulé « Mischgebiete und reine Wohngebiete », l’article 18 a), précité, du PAG Band I dispose que le « Kerngebiet I/ Altstadt », dans lequel est situé de façon non contestée la construction litigieuse, est un « Mischgebiet ».
Toutefois, les alinéas 1er et 2 invoqués par la Ville de Grevenmacher, aux termes desquels « Bauliche Anlagen sind so zu gestalten, dass sie nach Form, Maßstab, Verhältnis der Baumassen und Bauteile zueinander, Werkstoff und Farbe nicht verunstaltet wirken.
Bauliche Anlagen sind mit ihrer Umgebung so in Einklang zu bringen, dass sie benachbarte bauliche Anlagen sowie das Straßen-, Orts- oder Landschaftsbild nicht verunstalten und deren beabsichtigte Gestaltung nicht stören. Auf Kultur- und Naturdenkmäler und auf andere erhaltenswerte Eigenarten der Umgebung ist besondere Rückeicht zu nehmen.
», ne peuvent pas non plus constituer une base suffisante pour permettre au bourgmestre de refuser puremenet et simplement l’autorisation pour l’aménagement d’un garage.
Le tribunal relève à cet égard que l’alinéa 1er vise l’emploi de matériaux ou couleurs, respectivement de formes qui défigureraient la construction. Toutefois, la Ville de Grevenmacher ne fait pas état de l’emploi de matériaux, couleurs ou de formes qui défigureraient la construction, mais s’oppose par principe à l’aménagement d’un garage dans la rue litigieuse. Or, au-delà du constat que les termes de l’alinéa 1er, précité, ne sauraient constituer une base suffisante à un refus pur et simple de l’aménagement d’un garage, le tribunal n’entrevoit, par ailleurs, pas en quoi un garage défigurerait (« verunstalten ») la construction.
Ensuite, si l’alinéa 2 de l’article 5 du PAG Band II se réfère aux caractéristiques des alentours, le tribunal est amené à retenir que la formulation tout à fait générale de cette disposition ne permet pas non plus de conclure que l’aménagement d’un garage dans le quartier litigieux puisse être interdit par principe. En effet, il n’est pas contesté que d’autres maisons existantes dans le quartier disposent également d’un garage, de sorte que l’image des alentours n’est pas celui souhaité par la Ville Grevenmacher, étant relevé qu’au regard de l’image du quartier, invoqué par la Ville de Grevenmacher, le fait, avancé par la Ville de Grevenmacher, que les garages existants ont, le cas échéant, été érigés sous l’égide d’une autre réglementation est sans pertinence, le seul aspect existant étant déterminant. Si le tribunal peut comprendre les considérations urbanistiques avancées par la commune qui entend conserver le quartier historique en évitant l’aménagement davantage de garages, la seule référence aux alentours, aux « Strassenbild » ou « Ortsbild », à défaut de dispositions spécifiques interdisant l’aménagement du garage litigieux dans un quartier dont les maisons comportent, du moins en partie, un garage, ne permet pas de refuser purement et simplement l’aménagement d’un garage, l’aspect souhaité d’un quartier n’étant pas à confondre avec l’aspect existant, mais permet tout au plus d’exiger que l’aspect du garage soit exécuté de manière telle qu’il soit compatible avec les caractéristiques des alentours.
La même conclusion s’impose s’agissant de l’article 8 du PAG Band II, intitulé « Fassaden im Kerngebiet/Alstadt », invoqué par la Ville de Grevenmacher et disposant que « Das Haus ist Grundbaustein der Stadt. Die Fassade repräsentiert das Gebäude im Stadtbild.
Die Massivbauweise mit der verputzten Lochfassade ist typisch für die Altstadt Grevenmachers.
Hauptkörper sind ausschließlich in Massivbauweise mit Lochfassaden zulässig.
Eine wegen des baulichen Zustandes erforderliche Renovierung von Fassaden und Bauteilen, sowie der Neubau von Fassaden ist so auszuführen, dass die Gliederung und die Materialität das Altstadt- und Straßenbild positiv ergänzen.
Die Fassade soll die Nutzung des Gebäudes zum Ausdruck bringen.
Bei unterschiedlichen Nutzungen innerhalb eines Hauses ist die Erscheinung des Hauses über alle Geschosse als Einheit zu gewährleisten.
Erdgeschossige Geschäftsfassaden müssen eine formale Einheit mit den darüberliegenden Geschossen bilden.
Eine vorhandene kleinteilige Parzellenstruktur soll in den Fassaden ablesbar sein.
Jedes, als Haus in Erscheinung tretende Gebäude, muss einen eigenen Zugang vom öffentlichen Straßenraum, auch zur Erschließung der Obergeschosse haben.
a.
Fassadengliederung Die Fassadengliederung der einzelnen Häuser ist dem vorhandenen Charakter des jeweiligen Platz- oder Strassenbildes anzupassen.», la Ville de Grevenmacher s’emparant plus spécifiquement du point a) de l’article 8, intitulé « Fassadengliederung ».
En effet, dans la mesure où il n’est pas contesté que dans le quartier litigieux certaines maisons disposent d’un garage, la Ville de Grevenmacher n’est pas fondée à argumenter que l’aménagement de la façade de manière à s’harmoniser avec le caractère du quartier permet au bourgmestre de refuser, par principe, la mise en place d’un garage, cette disposition pouvant tout au plus être invoquée, le cas échéant, afin d’orienter l’aspect extérieur du garage ayant un impact sur la façade.
S’agissant de l’article 1er du PAG Band I, intitulé « Bauliche Anlagen », celui-ci dispose que « eine Genehmigung ist zu versagen, wenn die baulichen Anlagen nach Anzahl, Lage, Umfang, Gestalt oder Zweckbestimmung der Eigenart eines Baugebietes wiedersprechen. Sie sind auch unzulässig, wenn von ihnen Belästigungen und Störungen ausgehen können, die nach der Eigenart des Baugebietes im Baugebiet selbst oder in dessen Umgebung unzumutbar sind ».
Cette disposition vise le refus de constructions qui, en raison de leur nombre, leur situation, leur envergure, leur disposition ou leur affectation sont incompatibles avec la nature d’un secteur constructible (« Baugebiet »). Or, la Ville de Grevenmacher reste en défaut d’expliquer en quoi la réalisation d’un garage, accessoire ordinaire d’une maison d’habitation, serait incompatible avec la nature d’un secteur constructible. De même, la Ville de Grevenmacher reste en défaut d’expliquer en quoi l’aménagement d’un garage dans une maison d’habitation engendrerait des nuisances telles qu’il serait incompatible avec la nature de la zone concernée, qui tel que cela a été retenu ci-avant est une zone mixte susceptible d’accueillir à la fois des maisons d’habitation et des commerces et bâtiments destinées aux administrations publiques.
En tout cas, si, tel que cela a été relevé avant, le tribunal peut concéder que l’aménagement de garages dans le centre historique de Grevenmacher, se caractérisant, de manière non contestée, par des ruelles étroites, n’est pas souhaitable, il est néanmoins amené à retenir que les dispositions du PAG invoquées par la Ville de Grevenmacher telles qu’en vigueur au moment de la prise de la décision litigieuse ne peuvent pas constituer un fondement suffisant à un refus, par principe, de l’aménagement d’un garage dans ce quartier, dans la mesure où, par ailleurs, il n’est pas contesté, tel que cela a été relevé ci-avant, que d’autres maisons y comportent également des garages. Indépendamment de la question si ces garages ont étés aménagés de façon légale ou non et sous quelle règlementation ceux-ci ont étés aménagés, le constat s’impose que la Ville de Grevenmacher ne saurait dans ces conditions argumenter que l’aménagement d’un nouveau garage perturberait l’aspect des façades des maisons dans ce quartier, respectivement l’aspect du quartier.
S’agissant de problèmes éventuels d’accès au garage compte tenu de l’étroitesse de la … dont fait état la Ville de Grevenmacher, le tribunal est amené à retenir que les articles 1er et 18 a) du PAG Band I ne constituent en tout cas pas des dispositions suffisantes permettant d’interdire la réalisation d’un garage dans le quartier litigieux, au motif qu’un tel ouvrage créerait des nuisances au regard de la sécurité et de la circulation, les dispositions invoquées ne permettant pas de tirer une telle conclusion.
La Ville de Grevenmacher ne saurait pas non plus appuyer son refus sur la disposition générale de l’alinéa 2 de l’article 18 du PAG, Band I, qui se réfère à un « einheitlich ausgeprägtes, unverwechsbares charakteristisches Erscheinungsbild », dans la mesure où cette disposition ne fait qu’expliquer la manière de laquelle le « Kerngebiet I/ Altstadt » est divisé en 10 quartiers.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est fondé, aucun des motifs de refus avancés par la Ville de Grevenmacher n’étant susceptible de constituer un fondement suffisant au refus litigieux.
La demande en paiement d’une indemnité de procédure d’un montant de l’ordre de 1.500 euros, telle que formulée par la demanderesse sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, est toutefois rejetée, alors qu’elle ne justifie pas en quoi il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais non compris dans les dépens.
Encore que le recours est déclaré irrecevable en ce qu’il est introduit par Monsieur …, le tribunal condamne la Ville de Grevenmacher au paiement des frais et cela compte tenu de l’issue du litige.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
déclare le recours irrecevable en ce qu’il est introduit par Monsieur … ;
reçoit le recours en annulation en la pure forme pour le surplus;
au fond, le déclare justifié, partant annule la décision du bourgmestre de la Ville de Grevenmacher du 6 octobre 2017 faisant l’objet du présent recours ;
renvoie le dossier devant le bourgmestre de la Ville de Grevenmacher ;
rejette la demande en paiement d’une indemnité de procédure formulée par la demanderesse ;
condamne la Ville de Grevenmacher au paiement des frais ;
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 mars 2019, par :
Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, premier juge, Alexandra Bochet, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
s. Arny Schmit s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4.3.2019 Le greffier du tribunal administratif 16