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20/02/2019 | LUXEMBOURG | N°42359

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 février 2019, 42359


Tribunal administratif N° 42359 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 février 2019 3e chambre Audience publique du 20 février 2019 Recours formé par Monsieur …, Findel contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42359 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 février 2019 par Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M

onsieur …, déclarant être né le … à … (Maroc) et être de nationalité marocaine, actue...

Tribunal administratif N° 42359 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 février 2019 3e chambre Audience publique du 20 février 2019 Recours formé par Monsieur …, Findel contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42359 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 février 2019 par Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Maroc) et être de nationalité marocaine, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 7 février 2019 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de sa notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 février 2019 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Denise Parisi en remplacement de Maître Philippe Stroesser et Madame le délégué du gouvernement Sarah Ernst en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.

Monsieur …, ayant été définitivement débouté de sa demande de protection internationale déposée au Luxembourg le 20 octobre 2017 par un jugement rendu par le tribunal administratif le 8 mai 2018, inscrit sous le numéro 40993 du rôle et connu par les autorités sous les identités supplémentaires de …, né le … à …, et de … …, né le …, de nationalité algérienne, fut condamné en date du 16 octobre 2018 par la Cour d’appel du Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle, à une peine d’emprisonnement de dix-huit mois, dont neuf mois assortis du sursis à l’exécution du chef d’infractions à la loi sur les stupéfiants.

Il ressort des explications du délégué du gouvernement, non contestées sur ce point, qu’en date du 9 janvier 2019, Monsieur … fut libéré du Centre pénitentiaire du Luxembourg.

Par un arrêté du 8 janvier 2019, notifié à l’intéressé le 9 janvier 2019, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », ordonna le placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement prise à son égard. Ledit arrêté est fondé sur les motifs suivants :

« (…) Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 22 mars 2018, lui notifiée par courrier recommandé du 23 mars 2018 ;

Vu mon interdiction d’entrée sur le territoire de cinq ans du 8 janvier 2019 ;

Attendu que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Attendu que l’identité de l’intéressé n’est pas établie ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».

Par arrêté du 7 février 2019, notifié à l’intéressé le 8 février 2019, le ministre prorogea la mesure de placement en rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification, sur base des considérations suivantes :

« (…) Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 8 janvier 2019, notifié le 9 janvier 2019, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 8 janvier 2019 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 février 2019, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation contre la décision ministérielle précitée du 7 février 2019.

Etant donné que l’article 123 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, Monsieur … fait valoir que le placement en rétention serait une faculté discrétionnaire accordée au ministre, et que l’emploi de cette mesure devrait étémotivé, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. Il reproche encore au ministre de ne pas avoir entrepris les démarches utiles nécessaires à son éloignement.

Le délégué du gouvernement estime, pour sa part, que la décision de placement en rétention serait justifiée en fait et en droit, de sorte que le demandeur serait à débouter de son recours. Il précise que les diligences accomplies par le ministre pour l’éloigner seraient suffisantes pour justifier son maintien en rétention.

En ce qui concerne le moyen du demandeur relatif au défaut de motivation de la décision déférée, le tribunal est amené à conclure que s’il est vrai qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et les catégories de décisions y énumérées doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, le cas d’espèce ne tombe cependant dans aucune des hypothèses énumérées à l’alinéa 2 de l’article 6 précité, de sorte que l’obligation inscrite à l’article 6, alinéa 2, du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, d’ailleurs non invoqué par le demandeur, ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce. Comme il n’existe en outre aucun autre texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une mesure de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision déférée, de sorte que le moyen fondé sur un défaut d’indication des motifs doit être rejeté pour être non fondé.

Par ailleurs, et, en tout état de cause, la sanction de l’absence de motivation ne consiste pas dans l’annulation de l’acte visé, mais dans la suspension des délais de recours et celui-ci reste a priori valable, l’administration pouvant produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois pendant la phase contentieuse.

Ainsi, un acte n’est susceptible d’encourir l’annulation qu’au cas où la motivation le sous-tendant ne ressort d’aucun élément soumis au tribunal au moment où l’affaire est prise en délibéré, étant donné qu’une telle circonstance rend tout contrôle de la légalité des motifs impossible.

Or, en l’espèce, force est au tribunal de constater que l’arrêté litigieux est motivé à suffisance en ce qu’il indique les circonstances de droit et de fait à sa base. Le moyen tiré d’une motivation insuffisante de la décision déférée est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

Quant au fond, l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 dispose que : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 ou d’une demande de transit par voie aérienne en vertu de l’article 127 ou lorsque le maintien en zone d’attente dépasse la durée de quarante-huit heures prévue à l’article 119, l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ».

L’article 120 (3) de la même loi prévoit, quant à lui, que : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite 3 par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire (…) ».

L’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

Il y a tout d’abord lieu de relever que le demandeur ne conteste pas être en situation irrégulière sur le territoire luxembourgeois, ne pas disposer de documents d’identité et de voyage valables ni de ressources suffisantes pour s’y maintenir et ne pas y avoir de domicile légal.

En application de l’article 111 (3), point c), de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel le risque de fuite est présumé plus particulièrement si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi, donc notamment s’il n’a pas de document d’identité ou de voyage en cours de validité, le ministre pouvait dès lors a priori valablement, sur base de l’article 120 (1), précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention et maintenir son placement afin d’organiser son éloignement, Monsieur … n’ayant d’ailleurs soumis au tribunal aucun élément probant permettant de renverser cette présomption de risque de fuite dans son chef.

En ce qui concerne concrètement les diligences entreprises en l’espèce de la part des autorités luxembourgeoises en vue de l’éloignement du demandeur, il ressort du dossier administratif que par courrier du 9 janvier 2019 les autorités luxembourgeoises ont contacté les agents du Consulat général du Royaume du Maroc à Liège pour leur demander de procéder à l’identification de Monsieur …. Un rappel concernant cette demande a été envoyé par courrier du 30 janvier 2019 au Consulat général du Royaume du Maroc à Liège par les autorités luxembourgeoises, qui ont encore adressé un second rappel par courrier électronique du 13 février 2019 aux autorités marocaines.

Au vu des diligences ainsi accomplies par les autorités ministérielles luxembourgeoises en vue de l’éloignement du demandeur, aucun reproche tiré d’un manque de démarches ne saurait être formulé à l’égard des autorités luxembourgeoises, d’ailleurs tributaires de la collaboration et de l’efficacité des autorités marocaines auxquelles elles se sont adressées, étant encore relevé à cet égard qu’elles ne sauraient pas non plus nuire aux relations diplomatiques par un nombre exagéré de rappels adressés aux autorités étrangères compétentes. Le moyen afférent est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.

Eu égard aux développements qui précèdent, en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, vice-président, Paul Nourissier, premier juge, Alexandra Castegnaro, premier juge, et lu à l’audience publique du 20 février 2019, par le vice-président, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

s. Arny Schmit s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20.2.2019 Le greffier du tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 42359
Date de la décision : 20/02/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2019-02-20;42359 ?

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