Tribunal administratif N° 37534a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 février 2016 1re chambre Audience publique du 13 février 2019 Recours formé par la société à responsabilité limitée …SARL, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière d’impôts
___________________________________________________________________________
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 37534 du rôle et déposée le 18 février 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc Kleyr, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … SARL, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son organe de gestion actuellement en fonction, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions Directes du 14 janvier 2016, référencée sous le numéro de rôle C 21188, portant rejet de sa réclamation introduite à l’encontre du bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux de l’année 2006, du bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2006 et du bulletin de l’impôt commercial communal de l’année 2006, tous émis le 1er juillet 2015 ;
Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 29 février 2016, n° 37535 du rôle, ayant ordonné le sursis à exécution de la décision du directeur du 14 janvier 2016 ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 mai 2016 par le délégué du gouvernement ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 juin 2016 par Maître Marc Kleyr pour le compte de la société …SARL, préqualifiée ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 juillet 2016 par le délégué du gouvernement ;
Vu l’ordonnance du 19 septembre 2016 ayant autorisé la production de mémoires supplémentaires ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 octobre 2016 par Maître Marc Kleyr pour le compte de la société …SARL, préqualfiée ;
Vu le mémoire supplémentaire, intitulé « mémoire en duplique », déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 octobre 2016 par le délégué du gouvernement ;
Vu la requête en permission d’intervenir volontairement déposée au greffe du tribunal administratif en date 21 septembre 2017 par Maître Nicolas Thieltgen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société en commandite 1par actions de droit luxembourgeois …(Luxembourg) II SCA, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le n° … et inscrite au Companies House anglais comme overseas company sous le n° FC029245, sous procédure de liquidation judiciaire en Angleterre et placée en liquidation judiciaire sous le Insolvency Act anglais de 1986, par ordre du 1er décembre 2011 de l’honorable Mr. Justice Sales de la Chancery Division, Companies Court, in the High Court of Justice (n° 10471 de 2011), à titre de procédure principale sous l’article 3 du règlement européen en matière de procédures d’insolvabilité du 29 mai 2000, avec siège d’activité principal actuel à … (Royaume-Uni), représentée par ses deux liquidateurs actuellement en fonctions, Monsieur …, sans état particulier, né le … (Royaume-Uni), et Monsieur …, sans état particulier, né le …, demeurant professionnellement à … (Royaume-Uni), sollicitant l’autorisation d’intervenir dans l’instance introduite par le recours en réformation portant le numéro 37534 du rôle, prédécrit, les motifs y déduits, ensemble l’article 20 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy Engel, demeurant à Luxembourg, du 21 septembre 2017, portant signification de la prédite requête en intervention volontaire à la société à responsabilité limitée …SARL, préqualifiée ;
Vu l’audience publique du 25 septembre 2017 à laquelle il a été retenu que le tribunal tranchera anticipativement et avant tout autre progrès en cause la question de la recevabilité de la requête en intervention volontaire et de son accès aux actes de procédure et aux pièces de l’instance principale, toutes autres question et moyens de forme et de fond relatifs à l’instance principale demeurant saufs ;
Vu l’ordonnance du 25 septembre 2017 ayant autorisé la production d’un mémoire additionnel limité à la question de la recevabilité de l’intervention volontaire ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 octobre 2017 par Maître Marc Kleyr pour le compte de la société …SARL, préqualifiée ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 octobre 2017 par le délégué du gouvernement ;
Vu le jugement du tribunal du 22 janvier 2018 ayant déclaré l’intervention volontaire de la société en commandite par actions de droit luxembourgeois …(Luxembourg) II SCA irrecevable ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marc Kleyr et Monsieur le délégué du gouvernement Eric Pralong entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 décembre 2018.
___________________________________________________________________________
En date du 1er juillet 2015, le bureau d’imposition Sociétés 6, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », émit à l’égard de la société à responsabilité limitée … SARL, ci-après désignée par « la société … », sur le fondement du paragraphe 222, (1), n° 1 et 2 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », des bulletins rectificatifs visant l’année 2006 en matière d’impôt sur le revenu des collectivités et 2d’impôt commercial communal, le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités ayant qualifié de distribution cachée de bénéfice des sommes traitées par la société … comme une charge comptable en relation avec un rachat de « Convertible Preferred Equity Certificates », en abrégé « CPEC ».
En conséquence de ces bulletins rectificatifs, le bureau d’imposition émit encore le même jour le bulletin de la retenue d’impôt sur le revenu des capitaux de l’année 2006 exigeant le paiement d’une retenue à la source de 20 % sur le montant de cette distribution cachée de bénéfice.
La société … fit introduire en date du 14 juillet 2015 une réclamation contre ces bulletins auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », réclamation qui fut rejetée par une décision du 14 janvier 2016, référencée sous le n° C21188, du directeur dans les termes suivants :
« Vu la requête introduite le 14 juillet 2015 par Me Marc Kleyr, au nom de la société à responsabilité limitée …, L-…, pour réclamer contre les bulletins rectificatifs de l'impôt sur le revenu des collectivités et les bulletins rectificatifs de la base d'assiette de l'impôt commercial communal de l'année 2006, ainsi que contre le bulletin de la retenue d'impôt sur revenus de capitaux de l'année 2006, tous émis le 1er juillet 2015 ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;
Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO) dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 228 AO) de la loi ; qu'elles sont partant recevables ;
Considérant que la réclamante fait grief au bureau d'imposition, d'une part, d'avoir émis des bulletins rectificatifs pour les besoins de l'impôt sur le revenu des collectivités et de l'impôt commercial communal de l'année 2006 sur base du paragraphe 222 AO et, d'autre part, d'avoir admis une distribution cachée de bénéfices d'un montant de … euros en relation avec le prix de rachat de « CPECs » ;
Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens de la réclamante, la loi d'impôt étant d'ordre public ; qu'à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-fondé ;
qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;
Considérant que la réclamante a pour objet la prise de participations, sous quelque forme que ce soit, dans des sociétés luxembourgeoises et étrangères, l'acquisition par l'achat, la souscription ou de toute autre manière, ainsi que le transfert par vente, échange ou autre, d'actions, d'obligations, de reconnaissances de dettes, notes ou autres titres de quelque forme que ce soit, et la propriété, l'administration, le développement et la gestion de son portefeuille ;
Quant à la forme 3Considérant que la réclamante critique d'avoir émis des bulletins rectificatifs sur base du paragraphe 222 alinéa 1er, numéro 1 AO ;
Considérant qu'en vertu du § 222, alinéa 1er AO un bulletin d'impôt ne peut être rectifié que dans la mesure où le bureau d'imposition a pris connaissance de faits ou de moyens de preuve nouveaux justifiant une augmentation de la cote d'impôt pour autant que l'impôt n'est pas atteint par la prescription, celle-ci voyant son délai prorogé de 5 à 10 ans, conformément à l'article 10 de la loi du 27 novembre 1933 concernant entre autres le recouvrement des contributions directes dans les cas visés justement par le § 222 AO ;
Considérant que la réclamante fait valoir que d'une part, il n'y aurait pas de fait nouveau et, d'autre part, qu'il n'y aurait pas de fait pertinent ;
que les conditions du § 222 alinéa 1 AO ne seraient pas remplies en raison du fait que le bureau d'imposition compétent aurait confirmé le traitement fiscal des « CPECs » dans le cadre de décisions anticipatives introduites par l'intermédiaire de KPMG ;
Considérant qu'en ce qui concerne plus particulièrement la notion de « neue Tatsache», terme contenu dans le n° 1 du § 222, alinéa 1er AO, il importe de mettre en exergue que celle-ci englobe tout fait ou acte quelconque qui est susceptible de constituer isolément ou ensemble avec d'autres faits ou actes une base d'imposition de l'impôt en cause et dont le bureau d'imposition compétent n'a eu connaissance qu'après l'émission du bulletin d'impôt initial sans que le contenu des déclarations antérieures du contribuable n'ait été de nature à donner lieu à des doutes raisonnables dans le chef du bureau d'imposition (Tribunal administratif 17 février 2005, nos 18011, 18012, 18013, 18014, 18015, 18016, 18017 et 18018 du rôle) ; que l'administration est dès lors fondée à émettre des bulletins rectificatifs chaque fois que le contribuable a fourni, dans sa déclaration fiscale initiale, des indications inexactes, insuffisantes ou incomplètes par rapport à la nature de l'impôt (Conseil d'État, 23.12.1964, no 5684 du rôle) ;
Considérant que les bulletins de l'impôt sur le revenu des collectivités de l'année 2006 ont été émis en date du 25 mars 2009 ;
Considérant que l'instruction au bureau d'imposition a révélé qu'au cours de l'année 2011 la réclamante, ainsi qu'une société dénommée « …I » et six personnes physiques ont été assignées en justice par les liquidateurs d'une société dénommée « … II s.c.a » afin de faire annuler l'opération de rachat de 27.321.600 instruments financiers appelés « Convertible Preferred Equity Certificates » et de faire rembourser le prix du rachat de …euros (jugement commercial XV n°1648/2015 du 23 décembre 2015) ;
Considérant que le bureau d'imposition est dès lors au plus tôt parvenu à prendre connaissance en 2011, i.e. plus de deux années après l'émission des bulletins d'impôts de l'année 2006 des faits que le prix de rachat de …euros dans le chef de ladite opération de rachat d'instruments financiers ne correspondrait pas à la réalité économique ; qu'il a donc valablement pu émettre des bulletins rectificatifs sur base du § 222 numéro 1 AO;
Quant au fond 4Considérant qu'il ressort du dossier fiscal de la réclamante que celle-ci a détenu en 2006 une participation de 100% dans le capital social d'une société à responsabilité limitée résidente dénommée « …I » (ci-après …1) ;
Considérant qu'à son tour, la société « …1 » a détenu en 2006 une participation de 100% dans une société dénommée « … (Luxembourg) II s.c.a. » (ci-après …2) ;
Considérant qu'il est constant qu'à l'époque les bénéficiaires économiques de la structure « …» étaient les fonds d'investissement … Limited (ci-après …) et … (ci-après TG) ;
Considérant qu'il résulte tant de la requête introductive que du dossier fiscal que la société « …2 » a procédé en date du 21 décembre 2006 au rachat de 27.321.600 instruments financiers appelés « Convertible Preferred Equity Certificates » (ci-après CPECs) à un prix total de …euros, soit un prix de …euros par titre ;
que la société « …2 » a racheté ces instruments financiers de son associé, i.e. la société « …1 » ;
Considérant que ce rachat a enchaîné des rachats supplémentaires de la part de « …1 » auprès de la réclamante et de la part de la réclamante auprès des bénéficiaires économiques de la structure « …», i.e. les fonds d'investissment ;
Considérant qu'il résulte des comptes annuels au 31 décembre 2006 que le compte de profits et pertes de la réclamante fait ressortir, d'une part, parmi les charges, une « perte sur remboursement CPECs » d'un montant de … euros et, d'autre part, parmi les produits, un montant de … euros relatif à « un remboursement sur CPECs …I » ;
Considérant qu'il ressort du dossier fiscal que le bureau d'imposition a admis une distribution cachée de bénéfices d'un montant de … euros soumise à la retenue d'impôt sur revenus de capitaux, soit … euros ;
Considérant en effet qu'en vertu d'un « redemption agreement » portant la date du 21 décembre 2006, la société « …2 » a racheté 27.321.600 CPECs sur un nombre total de … CPECs émis, à la société « …1 » à une valeur de rachat de …euros par CPEC de sorte que la société « …2 » a payé une somme totale de …euros à son associé commanditaire, la société « …1 » ;
Considérant que le même jour, la société « …1 » a racheté 27.373.000 CPECs à son associé, i.e. la réclamante, à une valeur de rachat de …euros par CPEC, soit un prix de rachat total de … euros ;
Considérant que la réclamante elle-même avait racheté lesdits instruments financiers;
que ce rachat a généré une perte de … euros dans les comptes annuels de l'année 2006 ;
Considérant en outre qu'il est constant qu'en date du 6 février 2007, les 6.435.736 CPECs restants ont été cédés à la société « … S.p.A » au prix d'un euro par instrument financier ;
5Considérant qu'en matière fiscale, les sociétés membres d'un groupe doivent être considérées comme agissant entre elles sur un marché de pleine concurrence (normes OCDE) ;
qu'à l'époque du rachat, le prix de cession a donc dû être conforme suivant le principe de la pleine concurrence aux prix convenus dans des conditions similaires entre tiers ;
Considérant que l'article 164 L.I.R. confirme le principe de pleine concurrence dans son alinéa 3 : « Il y a distribution cachée de bénéfices notamment si un associé, sociétaire ou intéressé reçoit directement ou indirectement des avantages d'une société ou d'une association dont normalement il n'aurait pas bénéficié s'il n'avait pas eu cette qualité » ;
Considérant que la disposition de l'article 164 alinéa 3 est l'application du principe suivant lequel il y a lieu, pour les besoins du fisc, de restituer aux actes leur véritable caractère et doit partant s'interpréter en fonction de cette finalité (Conseil d'État du 13 janvier 1987, no 6690 du rôle ; décision C 9679) ;
Considérant qu'il n'est pas clair pourquoi la valeur de l'instrument financier « CPEC» a pu diminuer en 47 jours de …euros à 1 euro ;
Considérant qu'un gestionnaire même moyennement diligent et consciencieux, tendant à assurer la rentabilité d'une exploitation commerciale, n'aurait pas racheté sur un marché de pleine concurrence 27.321.600 instruments financiers à un prix unitaire de …euros alors que 47 jours plus tard les instruments financiers restants du même type ont été cédés à des tiers pour un prix unitaire d'un euro ;
qu'un gestionnaire même moyennement diligent et consciencieux au sommet d'une structure de détention n'aurait en plus pas autorisé le refinancement du prix de rachat de presque … d'euros par l'émission de dettes auquel la société « …2 » a dû recourir afin de pouvoir débourser le prix de rachat de …euros à « …1 » ;
qu'il est en plus constant que les bénéficiaires économiques de la réclamante, i.e. les fonds d'investissements « … » et « … » se sont servis de la présente structure de détention afin de s'enrichir par l'intermédiaire de l'opération de rachat ; que l'«administration peut supposer une diminution indue des bénéfices de l'entreprise si les circonstances la rendent probable, sans avoir à la justifier exactement. Il y a alors renversement de la charge de la preuve, le contribuable devant prouver qu'il n'y a pas diminution de bénéfice ou que celle-ci est économiquement justifiée, et non seulement motivée par des relations particulières entre deux entités liées » (jugement tribunal administratif du 9 juin 2008 n° 23324 du rôle, arrêt Cour administrative du 11 février 2009, n° 24642C du rôle) ;
Considérant que même si la réclamante fait valoir que lesdites opérations de rachat auraient fait l'objet de décisions anticipées et que la valeur de rachat aurait été connue au préposé, il n'en reste pas moins que la réclamante reste en défaut de fournir des preuves et explications concluantes quant à la diminution de valeur de …euros à 1 euro endéans 47 jours ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les moyens de la réclamante ne sont pas concluants ;
6 Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 146 L.I.R., les distributions de bénéfices tant ouvertes que cachées, sont passibles de la retenue d'impôt sur revenus de capitaux ;
Considérant qu'aux termes de l'article 148 le taux de la retenue d'impôt applicable pour l'année 2006 est de 20%, à moins que le débiteur des revenus prenne à sa charge l'impôt à retenir, ce qui, même en matière de distribution cachée de bénéfices, n'est jamais présumé ;
Considérant que le bulletin de la retenue d'impôt sur revenus de capitaux de l'année 2006 est dès lors également à confirmer ;
PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, les rejette comme non fondées. ».
Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 février 2016, et inscrite sous le numéro 37534 du rôle, la société … a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision du directeur du 14 janvier 2016.
Par une requête introduite le même jour et inscrite sous le numéro 37535 du rôle, la société … demanda encore au président du tribunal administratif d’ordonner le sursis à exécution par rapport à ladite décision du directeur. Par une ordonnance du 29 février 2016, le président du tribunal administratif ordonna le sursis à l’exécution de la décision du directeur du 14 janvier 2016 jusqu’au jour où le tribunal aura statué sur le mérite du recours introduit sous le numéro 37534 du rôle.
Par une requête en intervention volontaire, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 septembre 2017, la société en commandite par actions de droit luxembourgeois … (Luxembourg) II SCA, ci-après désignée par « la société …II », sous procédure de liquidation judiciaire en Angleterre, sollicita le droit d’intervenir volontairement dans le cadre de la procédure portant le numéro 37534 du rôle.
Par un jugement du 22 janvier 2018 le tribunal a déclaré irrecevable ladite demande en intervention volontaire.
Conformément aux dispositions combinées du § 228 AO et de l’article 8 (3) 1 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur le mérite d’une réclamation contre des bulletins de l’impôt.
Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
7 A l’appui de son recours et en fait, la demanderesse expose détenir une participation de 100 % dans la société … I SARL, ci-après désignée par « …I », qui, à son tour, aurait détenu en tant qu’associée commanditaire, une participation de 90 % dans la société …II, ensemble avec elle-même et …I, formant le groupe ….
Elle expose qu’en 2005, elle aurait acquis l’un des principaux opérateurs de télécommunication en Grèce à travers la structure ainsi mise en place, l’acquisition ayant été financée non seulement par des apports en capital, mais également par l’émission de titres de dette, en l’occurrence des « preferred equity certificates », en abrégé « PEC » portant intérêt, d’une part, et des « convertible preferred equity certificates », en abrégé « CPEC », ne portant pas intérêt, d’autre part.
Dans le cadre d’un projet de vente des participations dans les sociétés de télécommunications grecques détenues, …II aurait racheté 27.321.600 CPEC détenus par …I pour un prix de rachat de …€, le rachat ayant été financé principalement par l’émission de dettes auprès d’investisseurs institutionnels. Le rachat ayant été effectué avec une prime, …II aurait subi une perte comptable de …€ en raison de ce rachat, alors que …I aurait réalisé une plus-value comptable pour le même montant. La demanderesse explique que …I aurait à son tour racheté 27.373.000 CPEC détenues par elle pour un prix de … €, opération s’étant soldée par une perte comptable de … € pour …I, ayant compensé la plus-value comptable sur les CPEC rachetés par …II. En tant que détenteur des CPEC rachetés par …I, la demanderesse aurait dégagé une plus-value comptable de … €, correspondant à la perte comptable subie par …I. Enfin, la demanderesse explique avoir également procédé au rachat de 27.373.000 CPEC pour un prix de … €, réalisant de ce fait une perte comptable de … €, égale à la plus-value réalisée sur les CPEC qu’elle avait détenus sur …I.
Ces opérations auraient fait l’objet de décisions anticipatives de l’administration des Contributions directes, émises les 16 juin 2005, 11 janvier 2006, 3 mai 2006 et 7 mars 2007.
Après avoir passé en revue le contenu de ces décisions anticipées, la demanderesse souligne qu’il se dégagerait de ces décisions que les CPEC auraient été reconnus comme étant des instruments de dette, qu’il aurait été reconnu que les revenus y relatifs étaient imposables et les charges déductibles, qu’aucune retenue à la source ne serait due et qu’en particulier les rachats des CPEC ne seraient pas considérés comme distribution régulière de dividende ou encore distribution cachée de dividende. Ce serait là la position adoptée également par l’administration des Contributions dans les bulletins d’impositions initiaux, émis le 27 mars 2009.
Pourtant, les bulletins d’imposition rectificatifs visant l’année fiscale 2006, ayant été précédés d’un courrier d’information préalable du bureau d’imposition du 11 mars 2015, adopteraient une position diamétralement opposée, en ce que les CPEC auraient été considérés comme des instruments de capitaux propres (au passif du bilan), respectivement des participations (à l’actif du bilan) et que les revenus y relatifs ne seraient pas imposables et les charges non déductibles et en ce qu’une retenue à la source aurait été opérée au motif qu’il s’agirait d’un versement de dividende.
La demanderesse estime qu’une décision fiscale anticipée lierait le bureau d’imposition sur les points toisés, de sorte que les bulletins ne pourraient plus s’écarter du traitement fiscal confirmé.
8 A cet égard, elle souligne que (i) le mode de détermination du prix de rachat des CPEC au niveau du groupe …aurait été parfaitement connu et approuvé par le préposé du bureau d’imposition de l’époque, (ii) que la décision anticipée aurait porté non seulement sur le principe même du rachat des CPEC, mais également sur son montant et partant sur le prix de remboursement par CPEC, et (iii) que les déclarations fiscales de 2006, auxquelles étaient jointes ses états financiers pour 2006, confirmeraient sur le plan factuel les chiffres indiqués dans le cadre de la lettre établie par la société KPMG. En outre, l’existence éventuelle d’une distribution cachée de dividende et, par conséquent, l’application d’une retenue à la source aurait été traitée dans le cadre de la décision anticipée du 7 mars 2007 en ce sens qu’il n’y aurait ni distribution cachée des dividendes ni opération tombant sous l’article 146 (1) LIR.
En droit, la demanderesse critique la décision du directeur intervenue sur réclamation à deux niveaux.
Ainsi, elle estime de prime abord qu’en l’espèce, il n’existerait pas de faits nouveaux au sens du § 222 AO, permettant au bureau d’imposition d’émettre des bulletins rectificatifs, la demanderesse passant en revue à cet égard les dispositions du § 222 AO, de même que la jurisprudence luxembourgeoise ainsi que la jurisprudence allemande, tout en insistant sur la considération que l’élément nouveau invoqué devrait constituer un fait constaté avec certitude et devrait, par ailleurs, être pertinent d’un point de vue fiscal.
En second lieu, à supposer que l’émission des bulletins rectificatifs était conforme au § 222 AO, la demanderesse estime qu’en l’espèce, il n’y aurait pas eu distribution cachée de dividendes. A cet égard, après avoir passé en revue les conditions tenant à la charge de la preuve de l’existence d’une distribution cachée de bénéfices, ainsi que les critères légaux et jurisprudentiels en la matière, elle arrive à la conclusion qu’en l’espèce, l’existence d’une distribution cachée de dividendes ne serait pas vérifiée, en faisant valoir que le prix de rachat des CPEC était parfaitement justifié.
S’agissant du premier moyen tournant autour de la question de l’applicabilité du § 222 AO, la demanderesse estime que le directeur ne serait pas fondé à se référer à l’action en justice introduite par les liquidateurs de la société …II comme étant constitutive d’un fait nouveau, tout en soulignant que le jugement du tribunal d’arrondissement par lequel s’est soldée cette affaire aurait retenu que les modalités du rachat des CPEC litigieux étaient justifiées d’un point de vue économique.
La demanderesse souligne qu’afin d’apprécier l’existence de faits nouveaux, il conviendrait de se référer au dossier fiscal tel qu’il existait au jour de l’émission de la décision du directeur, en s’appuyant sur le § 243, alinéa 1er AO.
Elle reproche au directeur d’avoir considéré comme faits nouveaux des « faits » parvenus à sa connaissance dans le cadre des assignations en justice lancées en 2011, selon lesquelles « le prix de rachat dans le chef de ladite opération de rachat d’instruments financiers ne correspondrait pas à la réalité économique », assignation ayant été initiée par la société …II en vue de l’obtention du remboursement du prix des CPEC. La demanderesse donne à considérer, en supposant que les assignations ont été portées à la connaissance de l’administration des Contributions directes par la société …II, qu’une assignation en justice ne contiendrait par définition que des reproches à l’encontre d’un défendeur et non pas des faits établis et avérés. Elle souligne que le directeur n’aurait jamais demandé à l’entendre au sujet 9des allégations contenues dans l’assignation en justice, alors que le principe du contradictoire l’aurait obligé de ce faire, et que, par ailleurs, elle-même aurait cherché le dialogue avec le directeur.
Elle donne ensuite à considérer que de telles affirmations contenues dans une action en justice, pour être prises en compte, devraient « être susceptibles » de constituer une base d’imposition, la jurisprudence allemande s’exprimant dans le même sens, en exigeant que le fait nouveau soit pertinent au regard du bulletin d’imposition. Suivant la demanderesse, l’information serait pertinente si on peut estimer avec un taux de probabilité proche de la certitude que les services fiscaux auraient sans doute émis un bulletin d'imposition différent de celui effectivement émis s'ils avaient eu connaissance des faits objectivement vérifiés et vérifiables. Il conviendrait dès lors d’examiner en l'espèce si le bureau d'imposition avait décidé autrement s'il avait été en possession des assignations en justice litigieuses au moment de l'établissement des bulletins initiaux.
A cet égard, la demanderesse donne à considérer que la partie factuelle des assignations, intitulée « antécédents », serait conforme à ce qui avait été examiné à travers les décisions anticipatives. Par conséquent, les faits y indiqués ne pourraient être qualifiés comme étant nouveaux.
S'agissant de la partie « fond » de ces assignations, la demanderesse fait valoir que des conclusions, appréciations ou qualifications juridiques ne constitueraient pas des faits au sens du § 222 AO, en s'appuyant sur la jurisprudence allemande. Dans ces conditions, l'analyse juridique faite par la société …II dans une procédure judiciaire ne constituerait qu'une opinion ou appréciation, mais ne saurait être qualifiée de fait nouveau au sens du § 222 AO. Il en serait a fortiori ainsi si les opinions juridiques exprimées ne constitueraient que de simples allégations non définitivement établies. Il s'ensuivrait que les parties intitulées « (II) Fond » de ces assignations et portant une analyse juridique purement personnelle de la société …II auraient dû être écartées par le bureau d'imposition, de même que par le directeur.
La demanderesse estime, par ailleurs, que le directeur aurait dû tenir compte des éléments factuels contenus dans le jugement du tribunal d’arrondissement par lequel se sont soldées les assignations litigieuses et ayant débouté la société …II sur tous les points allégués par elle.
Elle fait valoir que le directeur aurait dû respecter l'autorité de chose jugée et considérer ledit jugement commercial comme ayant « force de vérité légale » tant s’agissant du dispositif du jugement que s'agissant de sa motivation décisive et décisoire. Une analyse du jugement commercial en question aurait, d’après la demanderesse, permis au directeur de conclure que le prix de rachat était parfaitement justifié sur le plan économique. Le directeur aurait partant dû conclure à l'absence de faits nouveaux et, en conséquence, annuler les bulletins. En confirmant les bulletins, le directeur aurait dès lors fait une application erronée du § 222 AO.
En tout état de cause, le directeur ne pourrait se référer à des faits prétendument nouveaux résultant des assignations, dont le tribunal commercial venait de constater l’inexactitude et le caractère non fondé.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.
Quant aux faits, outre l'exposé des faits tels que retranscrits ci-avant, il explique que le 1er décembre 2011, la société …II aurait été mise en liquidation en Grande-Bretagne et la société …I aurait été déclarée en état de faillite au Luxembourg par un jugement du tribunal d’arrondissement du 17 décembre 2014.
10 Il résulterait des dispositions d'un « redemption agreement » du 21 décembre 2006, qu'à cette date, serait intervenue une attribution en espèces de …€ par la société …II à la société …I, attribution qui semblerait en apparence justifier le rachat de 27.321.600 CPEC pour une valeur de …€ par CPEC. La valeur de rachat de ces instruments financiers serait toutefois à mettre en perspective avec leur valeur nominale lors de l'émission à la date du 15 juin 2005, en l'occurrence 1 € par CPEC, et avec la valeur de vente des CPEC restant le 6 février 2007 à la société … S.p.A., ci-après désignée par « la société … », soit à un tiers, également au prix de 1 € par CPEC, le délégué du gouvernement soulignant qu’il s'agirait des mêmes titres, de la même émission et du même émetteur.
Le délégué du gouvernement affirme que cette valeur de …€ par CPEC aurait été déterminée par les investisseurs. Il attire encore l’attention du tribunal sur les mentions figurant dans le tableau de calcul fourni par KPMG, à savoir « proceeds to be extracted by way of CPEC redemption » et « number of CPECS to be redeemed to exit required funds », ce qui attesterait que la valeur des CPEC aurait été déterminée « à rebours » de façon à faire remonter aux investisseurs un montant prédéterminé par eux.
Le délégué du gouvernement estime que le prix de rachat des CPEC lors de la transaction du 21 décembre 2006 n'aurait pas été justifié et que l'évaluation au montant de …€ CPEC ne serait appuyée par aucune preuve, mais serait exclusivement motivée par la volonté des investisseurs finaux de voir remonter ou plutôt d’extraire une somme prédéterminée par eux.
Par ailleurs, le rachat serait intervenu, alors même que la société …II n'aurait pas eu suffisamment de fonds propres, de sorte qu’elle aurait dû se financer auprès de tiers pour réunir la somme de …€ attribuée en l’espèce.
Le délégué du gouvernement estime qu'il y aurait ainsi eu distribution de presque 1 milliard d'euros, obtenu par emprunt sur les marchés, sous prétexte du rachat des CPECS dont la valeur de rachat aurait été de 35 fois supérieur à leur valeur réelle.
Cette opération aurait spolié de nombreux investisseurs et se solderait accessoirement par une créance fiscale de … €.
Par ailleurs, le fait que la société …II n'aurait pas été suffisamment capitalisée n'aurait pas été communiqué à suffisance à l'administration des Contributions, ce qui invaliderait ab initio tout agrément éventuel que celle-ci aurait pu donner à l'opération.
Ainsi, un courrier de KPMG adressé le 7 mars 2007 à l’administration des Contributions mentionnerait « the fair market value of the participation held by … in … was assessed by …, … and TIM’s managment ».
D'un point de vue fiscal, le prix de rachat aurait été redressé et reclassé à la valeur nominale de 1 € par CPEC, de sorte que l'avantage ainsi obtenu par les bénéficiaires de l'attribution en espèces, soit in fine les fonds … et …, du fait de la surévaluation non justifiée, aurait été qualifié par l’administration des Contributions directes de distribution cachée de bénéfice.
11Dans ces conditions, un impôt à hauteur de … € aurait été éludé, l’administration ayant fixé la surévaluation à la somme de … €.
En droit, le délégué du gouvernement fait valoir que l'opération serait manifestement anormale et ne pourrait être couverte par les décisions anticipées invoquées.
A titre liminaire, il donne à considérer que le jugement commercial du 23 décembre 2015 invoqué par la demanderesse ne serait pas définitif et ferait toujours l'objet d'un appel.
En second lieu et toujours à titre de remarque liminaire, il souligne que le tribunal d’arrondissement aurait débouté les demandeurs, de sorte que les fonds ne seraient pas remboursés. Partant, la constellation dans laquelle la taxation avait été opérée n'aurait pas changé.
En troisième lieu, toujours à titre de considération préliminaire, le délégué du gouvernement donne à considérer que ce ne serait pas parce que le tribunal de commerce a considéré qu'il n'y aurait pas eu de violation des CPEC que l'opération devrait ipso facto être considérée comme conforme au principe de pleine concurrence puisqu'une opération contractuellement licite pourrait faire l'objet d'une appréciation économique par les services fiscaux dans le but de procéder à une taxation conforme.
Le délégué du gouvernement conclut, dès lors, d'une part, à l'existence de faits nouveaux au sens du § 222 AO, et, d’autre part, à l'existence d’une distribution cachée de bénéfices.
Il rappelle que la notion de faits nouveaux au sens du § 222 AO engloberait tout fait ou acte quelconque susceptible de constituer isolément ou ensemble avec d'autres faits ou actes, une base d'imposition de l'impôt et dont le bureau d'imposition n'a eu connaissance qu'après l'émission du bulletin initial, sans que le contenu des déclarations antérieures du contribuable n’ait été de nature à donner lieu à des doutes raisonnables dans le chef du bureau d'imposition.
L’administration serait dès lors fondée à émettre des bulletins rectificatifs chaque fois que le contribuable a fourni, dans sa déclaration fiscale initiale, des indications inexactes, insuffisantes ou incomplètes par rapport à la nature de l'impôt.
Suivant le délégué du gouvernement les faits nouveaux seraient les suivants :
– La prise de connaissance de la procédure introduite par les liquidateurs de la société …II afin de faire annuler l'opération de rachat de 27.321.600 CPEC et de faire rembourser le prix de rachat de …€.
– La prise de connaissance du caractère « aberrant » du prix de rachat des CPEC à 35 € par pièce et cela bien que la décision anticipée mentionne que le rachat avait été fait dans des conditions de pleine concurrence, alors que tel n’aurait pas été le cas.
Ce serait en 2011 que le bureau d'imposition se serait rendu compte du fait que le prix de rachat ne correspondait pas à la réalité économique.
De toute manière, les décisions anticipées ne pourraient permettre de couvrir l'opération, le délégué du gouvernement donnant à considérer que si la lettre de la société 12KPMG mentionnait un prix payé suivant les conditions du marché, le problème résiderait précisément dans le fait que l'opération n'aurait pas été faite « at arms length », ce qui ne serait pas apparu à travers le courrier en question, de sorte que l'aval du bureau d'imposition serait devenu caduc.
Pour le surplus, le délégué du gouvernement prend position sur la question de la qualification d’une distribution cachée de bénéfices.
Dans sa réplique, la demanderesse reproche au délégué du gouvernement d’avoir imprégné son exposé des faits d’une appréciation personnelle.
Par rapport à l’exposé des faits tel que fait par le délégué du gouvernement, elle conteste, en premier lieu, que la valeur des CPEC aurait été fixée « à rebours » pour satisfaire les exigences des investisseurs, tel que cela est affirmé par la partie étatique, alors que, d’après la demanderesse, cette appréciation serait contredite par les conclusions retenues par le tribunal d’arrondissement dans son jugement du 23 décembre 2015.
Elle donne ensuite à considérer que la valeur de rachat au prix de …€ par CPEC aurait été le résultat direct de la fixation du prix de rachat exposé dans les terms and conditions des CPEC qui seraient objectivement vérifiables, la seule variable de ce calcul étant la valeur d’entreprise de la société … ….
La demanderesse continue, face au reproche du délégué du gouvernement suivant lequel la société …II n’aurait pas eu suffisamment de fonds propres, que l’existence de capitaux propres n’aurait été pertinente que pour le paiement des dividendes, alors que les CPEC ne seraient pas des actions, de sorte que des réserves distribuables n’auraient pas été exigées. En outre, le bureau d’imposition aurait été conscient du financement du prix de rachat des CPEC par endettement-tiers, la demanderesse renvoyant au courrier de KPMG du 7 mars 2007 exposant l’origine des fonds utilisés pour le rachat des CPEC. Par ailleurs, le caractère suffisant ou non de capitaux propres ne serait pas la preuve d’un « calcul à rebours », tel que reproché par la partie étatique, ces deux questions n’étant pas liées. Elle souligne encore que la décision anticipée du 7 mars 2007 expliquerait clairement l’origine et l’emploi des fonds relevés dans le cadre des FRN, de sorte que le bureau d’imposition se serait prononcé en connaissance de cause.
La demanderesse explique que la somme disponible pour le rachat aurait été déterminée par refinancement, ce qui ne serait pas étonnant puisqu’une société décidant de rembourser anticipativement tout ou partie de ses dettes déciderait du montant à rembourser sur base de ce qu’elle peut financer. Une fois la somme disponible déterminée, il aurait fallu déterminer le nombre des CPEC à racheter ainsi que le prix de rachat unitaire. Contrairement à ce qui est insinué par la partie étatique, le nombre des CPEC à racheter n’aurait pas été une donnée fixe connue d’avance, mais il serait le résultat de la division de la somme distribuable par le prix de rachat unitaire. Connaissant la somme disponible, il aurait fallu déterminer le prix de rachat unitaire avant d’obtenir le nombre des CPEC à racheter. En tout cas, le prix de rachat unitaire, correspondant à la valeur du marché, n’aurait pas été fixé in abstracto en tenant compte d’un nombre prédéterminé de CPEC à racheter, mais aurait constitué une étape nécessaire et préalable à la fixation du nombre des CPEC à racheter. Ainsi, dans un premier temps, la valeur de marché de l’entreprise aurait été déterminée, suivie de la détermination de la valeur de marché des CPEC, obtenue en divisant la valeur du marché de l’entreprise par le nombre d’actions et de CPEC en circulation. La valeur de marché par CPEC ainsi 13déterminée, le nombre des CPEC à racheter serait obtenu en divisant la somme disponible par cette valeur de marché.
Tous ces éléments auraient été connus par le bureau d’imposition à l’époque de la décision anticipée du 7 mars 2007, de sorte qu’il n’y aurait aucune raison de penser que celui-
ci aurait décidé autrement si la décision anticipée avait été rédigée différemment.
En second lieu, par rapport à l’argumentation développée par le délégué du gouvernement dans la partie de sa réponse consacrée aux faits, la demanderesse fait valoir que l’absence d’évaluation par un spécialiste externe, invoquée par la partie étatique, ne serait pas pertinente.
A cet égard, elle renvoie aux termes de la lettre du 7 mars 2007 de la société KPMG pour en conclure que le bureau d’imposition aurait été au courant de ce que l’évaluation n’avait pas été faite par un expert tiers. N’ayant pas trouvé ce point critiquable au moment de la décision anticipée, respectivement au moment de l’émission des bulletins d’imposition initiaux, l’autorité fiscale ne pourrait plus revenir sur sa position par la suite.
La demanderesse ajoute que l’exigence avancée par la partie étatique selon laquelle une valorisation devrait nécessairement être effectuée par un tiers ne serait assise par aucun texte ni par la jurisprudence.
Tout en concédant que la société …II n’avait pas fait effectuer la valorisation de sa société par un spécialiste externe pour les besoins spécifiques du rachat des CPEC, la demanderesse donne à considérer que cette valorisation par un tiers n’aurait constitué que le reflet des vues d’un homme de l’art, sans certitude aucune sur la question de savoir si ces vues se concrétisent par la suite dans une transaction avec un tiers sur base de ce prix.
En revanche, la demanderesse estime que la vente à la société … S.p.A., ci-après désignée par « la société … », ainsi que les valorisations internes et celles faites par les banques et décrites par elle dans la requête introductive d’instance, montreraient à suffisance de droit la valorisation de …€ comme étant raisonnable et entièrement justifiée sur la base d’une opération effectuée peu de temps après avec un tiers indépendant.
En troisième lieu, la demanderesse estime que les affirmations concernant le caractère injustifié du prix de rachat seraient à qualifier de prétentions de la partie étatique et non pas de faits objectifs, tout en soulignant que dans la décision anticipée le bureau d’imposition aurait confirmé qu’il n’y a pas eu lieu à qualification de distribution cachée de bénéfices.
Pour le surplus, la demanderesse critique en substance la partie étatique en ce qu’elle tenterait d’instaurer le doute dans l’esprit du tribunal sur certains éléments du dossier respectivement de créer une « ambiance défavorable » à son égard.
En droit et à titre de remarques préliminaires, la demanderesse critique certaines assertions contenues dans le mémoire en réponse en argumentant en substance qu’une décision anticipée ne serait pas limitée à des opérations dites « normales », comme l’entend la partie étatique.
Ensuite, s’agissant du jugement du tribunal d’arrondissement du 23 décembre 2015, la demanderesse fait valoir que si celui-ci n’avait certes pas autorité de chose jugée, il serait 14cependant revêtu de l’autorité attachée à tout jugement que le directeur aurait dû considérer, alors que celui-ci l’aurait complètement ignoré bien qu’il soit obligé d’examiner d’office la situation de fait et de droit portée à son attention.
En quatrième lieu, la demanderesse souligne que le risque d’une décision défavorable du tribunal d’arrondissement existerait en appel pour elle-même sur le plan commercial comme en tout contentieux, élément dont l’autorité fiscale ne tiendrait pas compte.
Enfin, elle reproche à l’autorité fiscale d’avoir fait abstraction du fait que le rachat des CPEC aurait été effectué conformément aux terms and conditions des CPEC.
S’agissant ensuite de la question de l’existence de faits nouveaux, la demanderesse conteste que les deux éléments avancés par la partie étatique pour justifier l’application du § 222 AO, à savoir la prise de connaissance de la procédure introduite par les liquidateurs et la prise de connaissance du caractère « aberrant » du prix de rachat des CPEC, puissent être qualifiés de faits nouveaux.
Plus précisément, un acte d’assignation en justice ne serait pas un fait nouveau. La demanderesse reproche au délégué du gouvernement de ne pas avoir pris position sur son argumentation développée, à cet égard, dans la requête introductive d’instance, ni d’avoir tiré des enseignements de l’ordonnance du président du tribunal du 29 février 2016 ayant ordonné le sursis à exécution et reprend, pour le surplus, les explications contenues dans la requête introduite d’instance.
Elle souligne qu’en comparant l’acte d’assignation aux informations figurant dans son dossier fiscal, ayant contenu les déclarations fiscales, ses états financiers et les différentes décisions anticipées, il conviendrait de retenir qu’outre les moyens juridiques et allégations exposés par la société …II, les données objectives relatives aux CPEC seraient les suivantes :
la société …II aurait émis de manière successive des CPEC pour un montant total de 28.268.100 €, la valeur nominale des CPEC aurait été de 1 €, le 18 décembre 2006, la société …II aurait racheté 27.321.600 CPEC de valeur nominale de 1 € pour un prix unitaire de …€ et le paiement du prix de rachat total de …€ aurait été effectué le 18 décembre 2006 sur base d’une convention de rachat entre la société …II et les détenteurs des IFCPEC.
Or, ces affirmations ne seraient nullement contestées par elle et les faits ainsi décrits ne seraient pas à qualifier de nouveaux. La demanderesse précise que la dernière décision anticipée intervenue le 7 mars 2007 serait antérieure à l’émission du bulletin d’imposition initial et aurait partant été connue par le bureau d’imposition lors de l’émission de ce bulletin.
Dans la mesure où les informations contenues dans la décision anticipée du 7 mars 2007 se recouperaient avec celles indiquées dans l’acte d’assignation, les faits ne pourraient être qualifiés de nouveaux, la demanderesse examinant, à cet égard, en détail les termes de la décision anticipée.
En second lieu, la demanderesse conteste l’argumentation de la partie étatique suivant laquelle le caractère prétendument « aberrant » du prix de rachat unitaire des CPEC serait un fait nouveau.
A cet égard, la demanderesse argumente de prime abord que dans la mesure où le directeur n’aurait pas fait état du caractère prétendument injustifié du prix de rachat unitaire 15des CPEC comme constituant un fait nouveau, le tribunal n’aurait pas non plus à analyser cette question au risque de dénaturer le raisonnement directorial.
En effet, le directeur aurait certes critiqué le prix de rachat comme étant excessif. Il aurait toutefois émis ces critiques dans le cadre de la section réservée à la question de savoir s’il y a distribution cachée des bénéfices et non dans celle réservée aux faits nouveaux. Or, à défaut de faits nouveaux, la question de distribution cachée de bénéfices ne se poserait pas puisque cette problématique nécessiterait que le dossier fiscal de 2006, en principe clos en raison de l’imposition initiale, puisse être rouvert. Le prix de rachat prétendument excessif des CPEC, élément constitutif selon le directeur d’une distribution cachée de bénéfices, se trouverait ainsi en aval de la constatation éventuelle d’un fait nouveau et ne serait donc pas pertinent au titre de l’examen de l’existence de « neue Tatsachen ».
Pour le surplus, la demanderesse renvoie à l’analyse du président du tribunal administratif dans son ordonnance précitée du 29 février 2016 sur cette question.
En guise de conclusion, la demanderesse estime qu’à défaut de faits nouveaux, le bureau d’imposition n’aurait pas pu revenir sur l’imposition de l’exercice de l’année 2006, les bulletins de l’année 2006 ayant acquis autorité de chose décidée. Les bulletins rectificatifs, à défaut de base juridique permettant leur émission, seraient partant illégaux et nuls, de sorte que la décision directoriale, ayant confirmé la validité de ces bulletins, serait à réformer. En conséquence, la question de l’existence d’une distribution cachée de bénéfices ne serait plus à examiner par le tribunal.
Au-delà de cette conclusion, la demanderesse prend position en détail sur la question de la qualification de distribution cachée de bénéfices.
Dans sa duplique, le délégué du gouvernement fait valoir qu’il serait tout à fait possible qu’en appel, les juridictions civiles retiennent que l’opération n’avait pas été exécutée en conformité avec les terms and conditions des CPEC. En se référant à la définition de « conversion event » contenue dans les terms and conditions, il estime que le rachat des CPEC ne pourrait intervenir que dans la seule hypothèse où la solvabilité de la société n’était pas obérée, ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce.
Le délégué du gouvernement donne ensuite à considérer que les considérations retenues dans l’ordonnance de référé du 29 février 2016 constitueraient une appréciation rendue « prima facie » ne liant pas le juge du fond.
Il poursuit qu’en l’état actuel, le tribunal d’arrondissement aurait débouté les liquidateurs de leur demande, ce qui signifierait que les fonds ne seraient pas remboursés et que la constellation dans laquelle la taxation a été opérée n’aurait pas changé.
Il souligne que la demanderesse se trouverait dans le dilemme suivant lequel soit l’opération serait considérée au plan civil comme illicite et annulée, auquel cas les fonds devraient être remboursés, de sorte que la distribution cachée de bénéfices ne serait plus donnée, soit la validité de l’opération serait confirmée par le tribunal d’arrondissement auquel cas l’existence d’une distribution cachée de bénéfices serait à examiner par le juge administratif.
16Pour le surplus, le délégué du gouvernement insiste sur la considération que la version des faits présentée par la partie étatique serait objective et il conteste l’argumentation de la demanderesse suivant laquelle il n’y aurait pas eu détermination du prix de rachat à rebours, en faisant valoir que l’extrait du jugement du 23 décembre 2015 cité par la demanderesse ne saurait être analysé en ce sens que le calcul n’aurait pas été fait à rebours.
Le délégué du gouvernement réitère la thèse de l’Etat suivant laquelle le prix de rachat des CPEC, soit la valeur de …€, aurait été déterminé sur ordre des fonds … et … qui en auraient été in fine les récipiendaires. Les mentions explicites de « proceeds to be extracted by way of CPEC redemption » et « number of CPECs to be redeemed to exit required funds » figurant dans le tableau de calcul fourni par KPMG, attesteraient que la valeur des CPEC aurait été déterminée « à rebours » de façon à faire remonter aux investisseurs un montant prédéterminé par eux.
Si le tribunal d’arrondissement avait considéré que la remontée des fonds était licite et ne pouvait partant être remise en cause, le délégué du gouvernement souligne qu’une opération licite sur le plan civil pourrait être analysée comme une distribution cachée de bénéfices sur le plan fiscal, de sorte qu’il conviendrait de s’attacher à la seule qualification fiscale des faits.
Le délégué du gouvernement souligne qu’il existerait une variable dans le calcul, à savoir la juste valeur de l’entreprise … …, qui serait en réalité un levier dont il aurait été fait usage dans le but d’extraire un montant prédéterminé, de sorte que la conclusion s’imposerait que le calcul avait été opéré à rebours.
En droit, le délégué du gouvernement argumente, d’une part, que ce serait à tort que la demanderesse invoque une violation du principe de confiance légitime, et conteste, d’autre part, que la partie demanderesse ait agi conformément aux décisions anticipées.
A cet égard, le délégué du gouvernement passe en revue les conditions dans lesquelles une décision anticipée lie l’administration suivant la jurisprudence administrative, pour conclure qu’en l’espèce, aucune pièce concluante attestant de la justesse de la valeur marchande de l’entreprise telle que déterminée par … et … ou du fait que le prix de rachat des CPEC à …€ la pièce correspondrait à des conditions de pleine concurrence, n’aurait été versée lorsque les demandes de décisions anticipées ont été introduites. Il s’ensuivrait que les conditions dans lesquelles une décision anticipée lie l’administration ne seraient pas remplies en l’espèce, le délégué du gouvernement contestant que la question telle que posée par le contribuable ait permis à l’administration d’analyser convenablement la situation exposée par lui.
En effet, le contribuable sollicitant une décision anticipée devrait lui-même être transparent, la confiance légitime supposant qu’elle soit réciproque et que le contribuable joue d’emblée franc-jeu, ce qui n’aurait toutefois pas été le cas en l’espèce puisque la demanderesse se serait contentée d’alléguer que la valeur marchande de la participation était juste.
En tout état de cause, le préposé n’aurait pu se prononcer que sur base des seuls faits qui lui ont été soumis, faits qui toutefois se limiteraient à de pures allégations pour ce qui est de la « fair value of the participation » ou encore du caractère « arm’s length » du prix de rachat des CPEC tel que mentionné dans le courrier de KPMG du 7 mars 2007.
17 Le délégué du gouvernement ajoute que dans le cadre d’un contrôle ultérieur et en présence de doutes se manifestant à cette occasion, le bureau d’imposition serait alors fondé à s’écarter de la déclaration du contribuable conformément aux modalités prévues au § 205 AO.
Il conclut que la demanderesse ne serait ainsi pas fondée à invoquer la confiance légitime.
Il serait encore contesté que la demanderesse ait agi conformément aux décisions anticipées, le délégué du gouvernement argumentant que les « redemption proceeds » n’auraient en réalité pas été faits « at arm’s length », ce qui ne transparaîtrait pas dans le courrier de KPMG du 7 mars 2007.
Le prix de rachat des CPEC de …€ et le fait que celui-ci ne coïnciderait pas avec les conditions de pleine concurrence n’aurait en réalité été connu des services fiscaux que postérieurement à l’introduction des assignations devant le tribunal d’arrondissement, de sorte qu’on serait en présence d’un fait nouveau.
En l’espèce, des éléments factuels avérés, soit le rachat au prix unitaire de …€, auraient initialement été inconnus de l’administration, le fait nouveau ne résidant, d’après le délégué, pas seulement dans l’intervention des assignations, mais dans la mise à la lumière du fait que le prix de rachat des CPEC à …€ la pièce n’aurait pas été déterminé selon les conditions de pleine concurrence, alors qu’aucune telle information n’aurait figuré dans le dossier fiscal au moment de la taxation initiale.
Subsidiairement, le délégué du gouvernement fait état d’un abus de droit au sens du paragraphe 6 de la loi d’adaptation fiscale (StAnpG), disposition qui devrait être lue en combinaison avec le paragraphe 11 StAnpG consacrant le principe de l’appréciation d’après les critères économiques en matière fiscale, et régissant le détournement abusif de dispositions légales de leur objectif premier en vue de bénéficier, par des constructions artificielles, d’avantages fiscaux injustifiés et non voulus par le législateur.
Dans son mémoire supplémentaire, déposé sur autorisation afférente du tribunal, la demanderesse prend plus amplement position par rapport au reproche soulevé par la partie étatique pour la première fois dans son mémoire en duplique et fondé sur l’incidence du paragraphe 6 StAnpG sur la validité des décisions anticipées, la demanderesse estimant en guise de conclusion que, par application des principes retenus par la jurisprudence des juridictions administratives, l’administration serait liée par les décisions anticipées ayant confirmé qu’un rachat des instruments de dette émis par les différentes sociétés du groupe …ne donnerait pas lieu, sur le plan fiscal, à une distribution cachée de bénéfices et qu’à défaut de réserves formulées par l’administration dans ses décisions anticipées, celle-ci ne saurait plus lui reprocher de ne pas avoir produit de rapport d’évaluation d’un tiers indépendant pour les besoins de la détermination du prix de rachat des CPEC, l’administration ne pouvant pas non plus qualifier ex post une transaction comme abusive qu’elle avait antérieurement acceptée à travers une décision anticipée.
Dans son mémoire additionnel, la demanderesse sollicite encore du tribunal de trancher dans une première phase la question de savoir si l’administration était en droit d’émettre des bulletins rectificatifs, tout en rappelant avoir soulevé deux arguments pour 18répondre par la négative à cette question, à savoir, d’une part, l’absence de faits nouveaux au sens du § 222 AO, et, d’autre part, la violation par l’administration du principe de confiance légitime et de sécurité juridique. Pour le surplus, elle demande au tribunal de surseoir à statuer sur la question de l’existence d’une distribution cachée de bénéfices en attendant une décision définitive dans le cadre du litige commercial pendant devant la Cour d’appel.
Par ailleurs, outre de prendre proposition sur l’argumentation de la partie étatique fondée sur un abus de droit, la demanderesse invoque encore une violation par l’administration du principe de confiance légitime et de sécurité juridique par le fait de remettre en cause les décisions anticipées accordées, la demanderesse passant en revue les conditions dans lesquelles le contribuable peut se prévaloir du principe de confiance légitime suivant la jurisprudence administrative et se référant plus particulièrement à un arrêt de la Cour administrative du 12 juillet 2016, numéro 37448C du rôle. A cet égard, la demanderesse relève que la décision anticipée retiendrait l’absence de distribution cachée de bénéfices, de sorte qu’il conviendrait de retenir que les décisions anticipées lient l’administration puisque les critères généraux dégagés par la jurisprudence seraient réunis en l’espèce, la demanderesse se prévalant plus particulièrement de la circonstance que dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour administrative du 12 juillet 2016, précité, le raisonnement adopté par l’administration des Contributions directes sur base d’un abus de droit conformément au paragraphe 6 StAnpG aurait été rejeté.
Dans son mémoire additionnel, intitulé « mémoire en duplique », la partie étatique insiste sur son argumentation fondée sur l’existence d’un abus de droit pour conclure que la demanderesse ne serait pas fondée à se prévaloir des décisions anticipées invoquées, de même que le délégué du gouvernement prend position sur la violation alléguée du principe de confiance légitime par l’administration des Contributions directes.
Le délégué du gouvernement s’oppose encore à la demande de la demanderesse de surseoir à statuer s’agissant de la question de l’existence de distribution cachée de bénéfices.
Il ressort des bulletins rectificatifs litigieux que ceux-ci ont été émis sur base du § 222 (1), points 1 et 2 AO, étant relevé que suivant la décision du directeur, l’émission de bulletins rectificatifs serait basée sur le seul point 1 du § 222 (1) AO.
Le § 222 AO dispose comme suit :
« (1) Hat bei Steuern, bei denen die Verjährungsfrist mehr als ein Jahr beträgt, das Finanzamt nach Prüfung des Sachverhalts einen besonderen, im Gesetz selber vorgesehenen schriftlichen Bescheid (Steuerbescheid, Steuermessbescheid, Freistellungsbescheid oder Feststellungsbescheid) erteilt, so findet, soweit nichts Anderes vorgeschrieben ist, eine Änderung des Bescheids (eine Berichtigungsveranlagung oder eine Berichtigungsfeststellung) nur statt:
1. wenn neue Tatsachen oder Beweismittel bekanntwerden, die eine höhere Veranlagung rechtfertigen, und die Verjährungsfrist noch nicht abgelaufen ist;
2. wenn durch eine Betriebsprüfung vor dem Ablauf der Verjährungsfrist neue Tatsachen oder Beweismittel bekanntwerden, die eine niedrigere Veranlagung rechtfertigen;
193. wenn bei einer Nachprüfung durch die Aufsichtsbehörde Fehler aufgedeckt werden, deren Berichtigung eine höhere Veranlagung rechtfertigt, und die Verjährungsfrist noch nicht abgelaufen ist; dies gilt nicht für die Steuern vom Einkommen, vom Ertrag, vom Umsatz und vom Vermögen;
4. wenn bei einer Nachprüfung durch die Aufsichtsbehörde vor dem Ablauf der Verjährungsfrist Fehler aufgedeckt werden, deren Berichtigung eine niedrigere Veranlagung rechtfertigt.
(2) Eine Berichtigungsveranlagung oder eine Berichtigungsfeststellung darf nicht auf eine nach Entstehung des Steueranspruchs erlassene Entscheidung des Staatsrats, Ausschuss für Streitsachen, gegründet werden, in der eine Rechtsfrage im Gegensatz zu einer früheren, einen gleichen Sachverhalt betreffenden höchstrichterlichen Entscheidung entschieden wird ».
En application du § 222 (1), point 1. AO, l’administration est fondée à émettre des bulletins rectificatifs, au-delà de la condition tenant au défaut d’écoulement du délai de prescription, non litigieuse en l’espèce, chaque fois qu’elle a connaissance de faits nouveaux ayant pu majorer l’imposition du contribuable. La notion de « neue Tatsache » englobe tout fait ou acte quelconque qui est susceptible de constituer isolément ou ensemble avec d’autres faits ou actes une base d’imposition de l’impôt en cause et dont le bureau d'imposition compétent n’a eu connaissance qu’après l’émission du bulletin d’impôt initial sans que le contenu des déclarations antérieures du contribuable n’ait été de nature à donner lieu à des doutes raisonnables dans le chef du bureau d’imposition1.
Les dispositions du § 222 AO constituent une exception à l’autorité de chose décidée des bulletins d’imposition par rapport auxquels elles sont appelées à opérer et sont dès lors à ce titre d’application stricte2.
Dans l’hypothèse plus particulièrement visée au point 1 de l’alinéa (1) du § 222, à savoir celle où une rectification du bulletin d’imposition initial est envisageable suite à l’apparition de faits ou de moyens de preuve nouveaux (« neue Tatsachen oder Beweismittel ») justifiant une augmentation de la cote d’impôt, il doit s’agir, d’une part, d’éléments factuels avérés, et, d’autre part, d’éléments que l’administration des Contributions directes ignorait auparavant.
La notion de « neue Tatsachen » véhicule, d’une part, la nécessité que l’élément invoqué par l’administration des Contributions directes pour justifier la rectification d’un bulletin d’imposition initiale constitue un fait nouveau qui doit être constaté avec certitude, et, d’autre part, la nécessité qu’il s’agisse d’un fait fiscalement pertinent.
Force est de constater qu’en l’espèce, non seulement le bureau d’imposition a, pour l’année fiscale litigieuse, procédé à l’émission de bulletins d’imposition le 27 mars 2009 conformément aux déclarations fiscales, mais encore que les opérations réalisées, actuellement critiquées par la partie étatique, ont fait préalablement l’objet de différentes décisions anticipées.
Il convient dès lors d’examiner si la partie étatique peut faire état de faits nouveaux au sens du § 222 AO, qui n’étaient pas à sa connaissance au moment de l’imposition, permettant 1 Cour adm. 4 juillet 2013, n° 31724C du rôle, Pas. adm. 2018, V° Impôts, n° 827.
2 Cour adm. 11 janvier 2007, n° 21679, disponible sous www.jurad.etat.lu.
20de remettre en question l’autorité décidée dont sont revêtus les bulletins initiaux, eux-mêmes a priori dictés par les obligations se dégageant pour le fisc des décisions anticipées. Ce n’est que si l’existence de faits nouveaux justifiant la réouverture de l’imposition, en principe clos, se trouve vérifiée que se pose la question de savoir si les éléments invoqués par la partie étatique sont suffisants pour la délier également à ses décisions anticipées par rapport à l’imposition litigieuse.
En l’espèce, il résulte de la motivation de la décision directoriale déférée que « l’instruction au bureau d’imposition a révélé qu’au cours de l’année 2011 la réclamante, ainsi qu’une société dénommée « …» et six personnes physiques ont été assignées en justice par les liquidateurs d’une société dénommée « … II s.c.a » afin de faire annuler l’opération de rachat de 27.321.600 instruments financiers appelés « Convertible Preferred Equity Certificates » et de faire rembourser le prix du rachat de …euros ; que le bureau d’imposition est dès lors au plus tôt parvenu à prendre connaissance en 2011, i.e. plus de deux années après l’émission des bulletins d’impôts de l’année 2006 des faits que le prix de rachat de …euros dans le chef de ladite opération de rachat d’instruments financiers ne correspondrait pas à la réalité économique », de sorte que les « neue Tatsachen oder Beweismittel » sont, suivant le directeur à rechercher dans lesdites assignations en justice.
Suivant le délégué du gouvernement, les faits nouveaux seraient les suivants :
– La prise de connaissance de la procédure introduite par les liquidateurs de la société …II afin de faire annuler l'opération de rachat de 27.321.600 CPEC et de faire rembourser le prix de rachat de …€.
– La prise de connaissance du caractère « aberrant » du prix de rachat des CPEC à …€ par pièce et cela bien que la décision anticipée mentionne que le rachat avait été fait dans des conditions de pleine concurrence, alors que tel n’aurait pas été le cas.
Confrontée aux contestations de la demanderesse, l’argumentation de la partie étatique tourne en substance autour du reproche suivant lequel le prix de rachat des CPEC n’aurait pas été déterminé suivant les conditions du marché, alors qu’une telle information n’aurait pas été contenue dans les lettres ayant donné lieu aux décisions préalables. La partie étatique tire argument du prix qualifié d’« aberrant » par elle du fait (i) de la valeur nominale des CPEC lors de leur émission le 15 juin 2005 à 1 € et (ii) de la valeur de vente des CPEC restants le 6 février 2007 à la société … au prix de 1 € par CPEC, pour en déduire que l’opération n’aurait pas été faite « at arm’s length » et ne correspondrait pas à la réalité économique, tout en affirmant en substance que les calculs ayant déterminé le prix de rachat des CPEC auraient été faits « à rebours » pour faire remonter des flux financiers aux bénéficiaires économiques du groupe, à savoir les fonds … et ….
Le tribunal constate que l’argumentation de la partie étatique par laquelle celle-ci entend justifier l’existence de faits nouveaux permettant, conformément au § 222 AO, de procéder à une rectification de l’imposition, repose en substance sur la prémisse d’un prix de rachat « aberrant » qui justifierait une distribution cachée de bénéfices.
Or, à cet égard, il convient de relever de prime abord que l’administration des Contributions directes ne saurait se baser exclusivement sur le résultat qu’elle entend atteindre par une rectification de l’imposition, à savoir en l’occurrence la qualification de distribution cachée de bénéfices, mais, il lui appartient de justifier de l’existence de faits concrets et avérés dont il se dégage que les prix pratiqués ne correspondent pas au prix du 21marché, de simples doutes sur le caractère sérieux d’un prix n’étant en tout état de cause pas à qualifier de fait nouveau, qui, tel que cela a été retenu ci-avant, doit être objectif et avéré.
En toute hypothèse, le § 222 AO ne permet pas à l’administration de redresser une qualification juridique opérée, par rapport aux mêmes faits, au seul motif qu’elle estime une autre qualification plus adaptée.
Le tribunal relève ensuite, tel que cela est argumenté à juste titre par la demanderesse, qu’une assignation en justice en tant que telle, - lancée en l’espèce par les liquidateurs de la société …II pour obtenir le remboursement du prix de rachat des CPEC au motif que le paiement de ces sommes aurait été illicite pour (i) violation des terms and conditions des CPEC et (ii) violation de la loi sur les sociétés commerciales -, ne peut pas constituer, au-delà de son existence matérielle et juridique, par définition, un fait avéré, puisqu’une assignation en justice ne contient non pas des faits établis ou avérés, mais uniquement des reproches à l’encontre du défendeur et partant des prétentions devant encore être avalisées par la justice. Il convient, à cet égard, de relever que la doctrine et les jurisprudences allemandes citées par la demanderesse, non autrement contestées par la partie étatique, vont dans le même sens (« Vermutungen, Mutmaßungen, Erwartungen und Verdachtsmomente sind keine Tatsachen (…). Sie sind Annahmen eines vorgestellten, jedoch nicht mit Gewissheit eingetretenen Sachverhalts »3, « keine Tatsachen im Sinne des §222 Abs. 1 AO sind Schlussfolgerungen aller Art, insbesondere juristische Subsumtionen »)4. Il s’ensuit que les reproches des liquidateurs quant à la détermination du prix de rachat, tels que formulés à l’appui de leur assignation, ne sauraient être qualifiés de faits nouveaux au sens du § 222 AO, précité.
Au-delà de ce constat, le tribunal relève que les faits exposés pour le surplus dans l’assignation, d’ailleurs non contestés par la demanderesse, et tenant à la chronologie des différentes opérations effectuées et des montants en jeu, n’étaient pas nouveaux pour le bureau d’imposition, dans la mesure où les opérations financières réalisées et décrites dans l’assignation ont fait l’objet de diverses décisions anticipées du bureau d’imposition en date des 16 juin 2005, 11 janvier et 3 mai 2006 et 7 mars 2007, prises partant antérieurement à l’imposition initiale, la partie étatique n’ayant d’ailleurs pas mis en avant des faits précis qui, d’après elle, n’auraient pas été contenus dans la description des opérations faite dans les diverses courriers de la société KPMG ayant donné lieu aux différentes décisions anticipées, étant relevé qu’il n’est pas contesté que l’imposition initiale a été faite sur base de ces décisions anticipées.
Force est de constater que les courriers de la société KPMG à la base des différentes décisions anticipées ne décrivent pas seulement en détail les opérations réalisées, y compris le mode de financement du rachat par endettement, de même que les qualification fiscales proposées par le contribuable, parmi lesquelles figurent plus particulièrement le constat que les CPEC sont à qualifier d’instruments de dette et que les opérations ne donneraient pas lieu à la qualification de distribution cachée de bénéfices, mais encore que plus particulièrement la décision anticipée du 7 mars 2007 mentionne le mode de détermination du prix de rachat des CPEC, dont le caractère réaliste est actuellement remis en question par la partie étatique, comme suit : « In accordance with the Terms and Conditions of the IFCPECs’ issued at the level of … 2, … 1, and …, the Optional Redemption Price corresponds to the greater of (i) their par value and (ii) the market value, on fully diluted basis (i.e. number of outstanding 3 Ulrich Koenig, Abgabenordung §§ 1 bis 368, Auflage 2014, C.H Beck, p 1276, cité par la demanderesse.
4 BFH, 6 septembre 1962, cité par la demanderesse.
22ordinary shares and outstanding IFCPECs) of the conversion shares into the IFCPECs would have been convertible or converted reduced by 0,5 %. The latter element “(ii)” actually determined the optional redemption price in the present case. » D’autre part, la lettre mentionne encore, sous la note de bas de page numéro 5 sub « market value », valeur à laquelle il est fait référence dans la formule de détermination du prix de rachat, que « the fair market value of the participation held by …2 in … was assessed by … ».
Dans ces conditions, le constat s’impose que non seulement le bureau d’imposition était informé des modalités de calcul du prix de rachat des CPEC, en l’occurrence suivant la formule (ii) décrite ci-dessus, mais encore de ce qu’une des composantes de ces modalités de calcul, à savoir la valeur du marché de la participation détenue dans la société TIM, - élément qui, de l’accord des parties, constitue la seule variable déterminante dans la fixation du prix de rachat et qui suivant le délégué du gouvernement aurait été employé comme levier pour gonfler artificiellement le prix de rachat -, reposait non pas sur une évaluation faite par un tiers, dont le défaut est actuellement critiqué par la partie étatique, mais sur une évaluation faite par …, sans que le bureau d’imposition n’ait jugé utile, avant de marquer son accord le 7 mars 2007, d’exiger une évaluation par un tiers, respectivement de demander des informations supplémentaires quant aux modalités de calcul du prix, et sans qu’il n’ait assorti son accord avec le courrier du 7 mars 2007 d’une quelconque réserve.
La partie étatique ne saurait partant tirer argument, à titre de fait nouveau, du fait que les valeurs indiquées dans le courrier précité de KPMG correspondaient à une évaluation unilatérale faite par les bénéficiaires économiques du groupe …, en en déduisant que l’évaluation n’aurait pas été faite suivant les conditions du marché, ce qu’elle aurait ignoré, alors que cette circonstance était mentionnée expressément en note de bas de page numéro 5 du courrier du 7 mars 2007 de la société KPMG, accepté tel quel par le bureau d’imposition.
Si le tribunal peut concéder que l’information suivant laquelle l’évaluation de la participation dans la société … a été faite par … n’a pas nécessairement sauté aux yeux pour avoir été contenue dans une note de bas de page, il n’en reste toutefois pas moins que l’information était fournie, de sorte que l’administration ne saurait affirmer que cette circonstance est un fait nouveau. En tout cas, ni au moment de l’octroi de l’accord préalable, ni au moment de l’imposition, ce fait pourtant connu n’a autrement interpellé le bureau d’imposition quant au caractère réaliste du prix de rachat.
Le tribunal relève encore qu’il ressort des explications concordantes fournies par la demanderesse dans son mémoire en réplique, se fondant sur les décisions anticipées et ses états financiers remis avec les déclarations fiscales, que le bureau était, au moment de donner son accord préalable, également nécessairement conscient du fait que lors de leur émission en juin 2006, la valeur nominale des CPEC était de 1 €, alors qu’au moment du rachat en décembre 2006, le prix par CPEC était de …€.
La différence entre le prix de rachat de …€ retenu en décembre 2006 et la valeur nominale des mêmes instruments au moment de leur émission en juin 2006 ne saurait dès lors pas non plus être qualifiée de fait nouveau, dans la mesure où cette information était à la connaissance du bureau d’imposition au moment de l’imposition initiale, sans qu’elle n’ait été interpellée par cette différence ou ait soulevé des doutes quant au caractère sérieux du prix de rachat, étant rappelé que les terms and conditions prévoient expressément que le prix de rachat sera fixé par rapport à la valeur la plus importante entre la valeur nominale et la valeur de marché des conversion shares dans lesquelles les CPEC auraient été convertis.
23 Au-delà du constat, retenu ci-avant, qu’une appréciation juridique unilatérale faite par une partie à un litige ne saurait être qualifiée de fait nouveau, à défaut de pouvoir être qualifiée de fait avéré, de simple doutes ne permettent pas de remettre en question une imposition d’ores et déjà opérée à défaut de fait nouveau objectif et avéré, le tribunal relève encore qu’au jour où le directeur a statué, étant rappelé que celui-ci est amené à procéder au réexamen du dossier en se mettant à la place du bureau d’imposition, de sorte qu’il convient de vérifier la question de l’existence de faits nouveaux par rapport au dossier tel qu’il se trouvait à la disposition du directeur au moment où il a statué, les assignations en justice, indiquées par le directeur comme constituant, sinon comme étant à la source, des « faits nouveaux », ont été rejetées par le jugement du tribunal du commerce de et à Luxembourg du 23 décembre 2015, n° 145724 et 145725 du rôle.
En effet, si certes le constat du tribunal de commerce qu’il n’y avait pas eu de violation des terms & conditions des CPEC n’implique pas nécessairement que l’opération de rachat a été effectuée en conformité du principe de pleine concurrence, le tribunal note toutefois que le tribunal de commerce ne s’est pas contenté d’entériner le rachat d’un strict point de vue contractuel, mais a encore rejeté les critiques des liquidateurs selon lesquelles la fixation de la valeur de rachat à hauteur de …€ aurait été faite arbitrairement et sans fondement économique et a confirmé que la valeur de rachat a été déterminée selon la valeur de marché, tout en concluant que le prix de rachat a été conforme à la « market value », valeur explicitement prévue par les terms & conditions, dont l’administration des Contributions directes a eu connaissance dans le cadre des décisions anticipatives, tel que cela a été retenu ci-avant.
Le tribunal d’arrondissement a, en effet, retenu dans son jugement du 23 décembre 2015, en se référant aux terms and conditions des CPEC définissant les modalités de calcul du prix de rachat, que la valeur du prix de rachat doit correspondre à la valeur de marché des conversion shares et qu’il faut se baser pour la détermination du prix de rachat sur l’equity value de la société …II et de ses filiales « on an arm’s length basis ». Le tribunal a encore retenu que la valeur de rachat de …€ par CPEC, aboutissant au prix de rachat global, résulte d’un calcul opéré sous forme de tableau établi par KPMG, prenant comme point de départ la valeur d’entreprise du groupe … …de 3,2 milliards d’euros. Le tribunal a encore rejeté les critiques de la société …II s’agissant du montant de 3,2 milliards d’euros en retenant plus particulièrement, sur base des pièces lui soumises, que « cette enterprise value de 3,2 milliards d’euros, loin d’être purement arbitraire, a été confirmée par différentes sources concordantes », le tribunal se référant à une évaluation faite par l’un des investisseurs, …, dans le cadre de son rapport semestriel à ses propres investisseurs, ayant évalué le groupe … …à une valeur d’entreprise de 3,3 milliards d’euros au 31 décembre 2006, au fait qu’une dizaine de banques d’investissement ont évalué le groupe … …à une valeur d’entreprise située entre 3,3 et 4 milliards d’euros et au fait qu’en novembre 2006, la société Providence Equity a soumis une « non-binding offer » pour l’acquisition du groupe … …pour une valeur d’entreprise de 3,2 milliards d’euros. Le tribunal a encore souligné que cette évaluation ne serait pas à qualifier de « fantaisiste », alors qu’elle s’est vérifiée lors de la vente du groupe à la société … en février 2006 pour une equity value de 500 millions d’euros à laquelle il convient d’ajouter le montant de 2,9 milliards d’euros à titre de l’endettement net du groupe pour aboutir à une valeur d’entreprise de 3,4 milliards d’euros5.
5 Cf. page 40 du jugement du tribunal d’arrondissement du 23 décembre 2015.
24Le tribunal relève encore que si certes le jugement du tribunal de commerce a fait l’objet d’un appel, actuellement encore pendant, les termes en étaient toutefois connus par le directeur au moment de la prise de sa décision, alors qu’il n’est pas contesté que ledit jugement a été porté à la connaissance du directeur par la société …. Il s’ensuit que le directeur, au moment où il a statué, ayant connaissance des conclusions retenues par le tribunal d’arrondissement dans le jugement précité, ne pouvait raisonnablement qualifier de faits nouveaux les critiques avancées dans une assignation en justice quant à la détermination du prix de rachat des CPEC, mais rejetées par le tribunal d’arrondissement dans son jugement du 23 décembre 2015, cela d’autant plus que, tel que cela a été retenu ci-avant, les modalités de calcul du prix de rachat, de même que les prémisses à la base de ce calcul, étaient parfaitement connues par le bureau d’imposition au plus tard le 7 mars 2007.
S’agissant de la référence faite par le directeur au prix de 1 € par CPEC retenu dans la vente des CPEC restants à la société … en février 2007, que la partie étatique veut pour indice d’une opération anormale mettant en doute le sérieux du prix de rachat, le tribunal relève que l’existence de faits nouveaux suppose qu’on peut estimer avec un taux de probabilité proche de la certitude que le bureau d’imposition aurait émis un bulletin d’imposition différent de celui effectivement émis s’il avait eu connaissance de ces faits.
Or, tel que retenu ci-avant, l’ensemble des opérations effectuées était à la connaissance du bureau d’imposition à travers les différentes décisions anticipées, antérieures à l’émission des bulletins initiaux, et plus particulièrement le fait que la valeur nominale des CPEC à l’émission était de 1 €, alors que quelques mois plus tard le prix de rachat a été fixé à …€, de même que le fait que la valeur de la participation dans la société … avait été évaluée par … sans que le bureau d’imposition n’ait émis le moindre doute quant au caractère réaliste du prix de rachat retenu. Ainsi, du moins la différence de valeur entre juin et décembre 2006 n’a pas été considérée comme déterminante par le bureau d’imposition.
Le tribunal relève encore que des explications circonstanciées sur les raisons d’être de cette différence de prix ont été fournies par la demanderesse tant dans sa prise de position au bureau d’imposition préalablement à l’émission des bulletins rectificatifs, que dans sa réclamation du 14 juillet 2015.
La demanderesse a, en effet, exposé en détail de façon concordante et convaincante que les deux prix ne sont pas comparables, et a fourni les chiffres détaillés quant aux modalités de calcul des prix retenus et les raisons d’être de cette différence de prix, la demanderesse ayant plus particulièrement relevé qu’il s’agit d’opérations différentes sur le plan juridique, le prix de rachat des CPEC étant contractuellement basé sur la valeur de marché des actions sous-jacentes auxquelles les CPEC donnent droit s’ils étaient convertis en actions au lieu d’être rachetés, alors qu’en cas de vente des CPEC à un tiers, il n’y a pas de rachat par la société émettrice mais uniquement transfert de CPEC ayant une valeur nominale de 1 €.
Or, ni le directeur ni le délégué du gouvernement n’ont pris position ou remis en question ces explications, ceux-ci se limitant à mettre en question la réalité économique du prix de rachat pratiqué, l’argumentation de la partie étatique reposant, en effet, sur la seule affirmation péremptoire que le prix de rachat pratiqué serait dérisoire en s’appuyant sur divers indices, dont la différence de la valeur des CPEC à l’émission, la valeur au moment du rachat et celle retenue lors de la vente ultérieure à un tiers des CPEC restants.
25Le tribunal est amené à retenir que face aux explications circonstanciées fournies par la demanderesse à l’appui de sa réclamation et visant plus particulièrement les modalités de calcul du prix de vente des CPEC restants à la société … en comparaison avec la détermination du prix de rachat litigieux, confortées encore par l’analyse faite par le tribunal d’arrondissement relevée ci-avant et ayant rejeté les critiques quant au caractère fantaisiste du prix de rachat, le directeur n’a pas non plus pu se fonder sur le seul fait que lors de la cession des CPEC restants à la société … une valeur unitaire de 1 € avait été retenue, cela d’autant plus que, tel que cela a été retenu ci-avant, il savait que le caractère réaliste de l’évaluation du prix de rachat et plus particulièrement le caractère réaliste de la valeur d’entreprise de la société TIM, élément qui, de l’accord des parties, constitue la seule variable déterminante dans la fixation du prix de rachat, était confirmé par le prix de vente du groupe à la société ….
Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal est amené à retenir que le directeur n’était pas fondé à confirmer le bureau d’imposition en ce qu’il a retenu l’existence de faits pertinents nouveaux impliquant une imposition différente, puisque la thèse du bureau repose sur de simples doutes qui toutefois ne sauraient être considérés comme un événement ou une situation objectivement vérifiable et vérifiée, respectivement un fait nouveau constaté avec certitude susceptible de permettre une imposition rectificative.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les conditions du § 222 AO n’étaient pas remplies en l’espèce, à défaut de fait nouveau au sens de cette disposition, de sorte que le bureau d’imposition n’était pas fondé à procéder à une rectification des bulletins initiaux émis le 27 mars 2009.
La décision du directeur est partant à réformer en ce sens que les bulletins rectificatifs sont à annuler pour avoir été pris à défaut de base juridique justifiant leur émission, cette conclusion s’imposant sans qu’il n’y ait lieu d’examiner le caractère fondé de la nouvelle imposition et plus particulièrement le caractère fondé de la qualification de distribution cachée de bénéfices et sans qu’il n’y ait lieu d’examiner si les décisions anticipées prises en l’espèce lient l’administration, celle-ci ayant en effet contesté en l’espèce être liée en invoquant un abus de droit, le seul constat que les bulletins rectificatifs ont été émis en violation du § 222 AO, à défaut de fait nouveau, étant suffisant pour conclure à l’annulation des bulletins.
Au regard de la conclusion ci-avant retenue, la demande de la demanderesse de surseoir à statuer en attendant le sort de l’appel contre le jugement, précité, du tribunal de commerce du 23 décembre 2015, devient sans objet, celle-ci ayant été formulée uniquement dans l’hypothèse où le tribunal serait amené à examiner l’existence d’une distribution cachée de bénéfices.
Dans son mémoire en réplique, la demanderesse a encore sollicité le bénéfice de l’effet suspensif du recours pendant le délai et l’instance d’appel au vu du préjudice grave et définitif que l’exécution de la décision du directeur entreprise causerait, tel que cela a été retenu par l’ordonnance présidentielle du 29 février 2016, précitée.
Aux termes de l’article 35 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », si l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif, le tribunal peut, dans un jugement tranchant le principal, ordonner l’effet suspensif du recours pendant le délai et l’instance d’appel.
26 La condition tenant au risque du préjudice grave et définitif, susceptible d’être causé à la demanderesse à travers la décision déférée au tribunal, telle qu’énoncée par l’article 35 précité, se trouve remplie en l’espèce, étant donné que les effets de l’ordonnance précitée du président du tribunal administratif du 29 février 2016 cessent au moment où les juges du fond tranchent le litige au principal et que l'exécution de la décision du directeur querellée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif.
Il y a partant lieu d’ordonner l’effet suspensif du recours, conformément à l’article 35 de la loi du 21 juin 1999, pendant le délai et l’instance d’appel.
La demande en paiement d’une indemnité de procédure de 7.500 € formulée par la demanderesse est rejetée dans la mesure où il n’est pas justifié en quoi il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais non compris dans les dépens.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
se déclare compétent pour connaître du recours principal en réformation ;
déclare le recours en réformation fondé, partant, par réformation de la décision du directeur du 14 janvier 2016, n° C 21188, dit que les bulletins rectificatifs ayant fait l’objet de la réclamation du 14 juillet 2015, tous émis le 1er juillet 2015, sont à annuler ;
renvoie le dossier devant le directeur pour exécution ;
rejette la demande de la société … en paiement d’une indemnité de procédure ;
ordonne l’effet suspensif du recours, conformément à l’article 35 de la loi du 21 juin 1999, pendant le délai et l’instance d’appel ;
condamne l’Etat au frais, y compris les frais de l’instance de référé.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 février 2019 par :
Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, premier juge, Alexandra Bochet, juge, en présence du greffier Michèle Hoffmann.
Hoffmann Braun 27