Tribunal administratif Numéro 42154 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 décembre 2018 1re chambre Audience publique du 4 février 2019 Recours formé par la société anonyme …SA, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’échange de renseignements - amende
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 42154 du rôle et déposée le 24 décembre 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Christian Rollmann, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme …SA, établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …., représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant à la réformation de l’amende administrative fiscale lui infligée par une décision du directeur des Contributions directes du 28 novembre 2018, référencée sous le numéro 2018-0694-S3 CM ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 janvier 2019 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Christian Rollmann et Madame le délégué du gouvernement Caroline Peffer en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 janvier 2019.
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Par un courrier du 10 août 2018, le directeur de l’administration des Contributions directes, désigné ci-après par le « directeur », enjoignit à la société anonyme …SA, désignée ci-
après par la « société … », de lui fournir, pour le 18 septembre 2018 au plus tard, certains renseignements et documents concernant Monsieur …, ainsi que la société en commandite simple … SECS, désignée ci-après par « la société … », en application de la loi du 25 novembre 2014 prévoyant la procédure applicable à l’échange de renseignement sur demande en matière fiscale, désignée ci-après par « la loi du 25 novembre 2014 ».
Ladite injonction est libellée comme suit :
« […] En date du 31 juillet 2018, l'autorité compétente de l'administration fiscale belge nous a transmis une demande de renseignements en vertu de la convention fiscale entre le Luxembourg et la Belgique du 17 septembre 1970, modifiée par la loi du 31 mars 2010 portant approbation de l'Avenant et de l'échange de lettres y relatif à ladite convention, ainsi que de la directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011, transposée en droit interne par la loi du 29 mars 2013.
L'autorité compétente luxembourgeoise a vérifié la régularité formelle de ladite demande de renseignements et exclu l'absence manifeste de pertinence vraisemblable.
1 La personne physique concernée par la demande est Monsieur …, né le … (Belgique), demeurant à …, Belgique.
La personne morale concernée par la demande est la société … s.e.c.s. ayant eu son siège social au ….
Je vous prie de bien vouloir nous fournir, pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2014, les renseignements et documents suivants pour le 18 septembre 2018 au plus tard.
Veuillez fournir copie des grands-livres de la société … pour les années 2012, 2013 et 2014.
Veuillez fournir copie des pièces justificatives pour les années 2011, 2012, 2013 et 2014.
Considérant que la société …s.a. est le détenteur des renseignements demandés, je tiens à vous rendre attentif que, conformément à l'article 2 (2) de la loi du 25 novembre 2014 précitée, le détenteur des renseignements est obligé de fournir les renseignements demandés ainsi que les pièces sur lesquelles ces renseignements sont fondés en totalité, de manière précise et sans altération.
Conformément à l'article 6 de la loi du 25 novembre 2014 précitée, aucun recours ne peut être introduit à l'encontre de la présente décision d'injonction. […] ».
Un rappel de cette décision du 10 août 2018 fut adressé par le directeur à la société … en date du 6 novembre 2018.
Le 28 novembre 2018, le directeur infligea une amende administrative fiscale à la société … d’un montant de …euros. Ladite décision est libellée comme suit :
« […] Vous n’avez pas donné suite à notre rappel du 6 novembre 2018, vous enjoignant de nous fournir les renseignements manquants dans le cadre d’une demande d’assistance émanant des autorités fiscales belges.
Par conséquent, je suis au regret de vous informer que conformément à l’article 5 de la loi du 25 novembre 2014 précitée, je me vois dans l’obligation de vous infliger une amende administrative fiscale de …EUR.
Je vous prie de bien vouloir payer endéans 1 mois, à partir de la réception de la présente, cette somme sur le compte (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 décembre 2018, la société … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du 28 novembre 2018 lui enjoignant de payer une amende de …euros.
Dans la mesure où l’article 6, paragraphe (2), de la loi du 25 novembre 2014 prévoit qu’un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif au détenteur de renseignements auquel une amende administrative fiscale a été infligée en application de l’article 5 de la même loi, pour ne pas avoir fourni les informations requises par l’administration des Contributions directes dans un délai d’un mois à partir de la notification de la décision d’injonction, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contrela décision déférée infligeant une amende administrative fiscale d’un montant de …euros à la société demanderesse.
Le recours en réformation est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
La demanderesse dresse les faits et rétroactes de l’affaire. Elle explique que préalablement à la réception de la décision d’injonction de l’administration des Contributions directes du 10 août 2018, la société … aurait elle-même fait l’objet d’une décision d’injonction du 2 août 2016 de l’administration des Contributions directes de renseigner ses grand-livres pour les exercices 2012 à 2014, de même que les pièces justificatives afférentes. Cette injonction aurait été réitérée le 5 octobre 2016. La demanderesse explique qu’une nouvelle injonction de fournir des renseignements ayant un contenu identique aurait ensuite été émise le 16 novembre 2016 à l’égard d’elle-même. Suite à un courrier du 20 décembre 2016 de son litismandataire en réponse à la requête de l’administration des Contributions directes, une longue période de presque deux années de silence serait écoulée avant que le 10 août 2018 l’administration fiscale belge n’aurait de nouveau requis la divulgation des renseignements sollicités en 2016.
En droit, elle fait plaider, sur pied de l’article 2 de la loi du 25 novembre 2014, que la décision déférée lui aurait été adressée par erreur, étant donné qu’elle ne serait pas le détenteur des renseignements sollicités par l’administration des Contributions directes, n’étant plus détentrice des documents requis par elle. Elle donne à considérer qu’en août 2018 elle n’aurait plus été détentrice des documents comptables produits des prestations de service, ni des pièces à la base des comptabilisations. Elle précise qu’elle ne presterait que des services comptables et fiscaux tenant à l’établissement et au dépôt, auprès des autorités fiscales, de déclarations fiscales pour ses clients, ainsi que cela ressortirait tant de son objet social que de son autorisation d’établissement. En l’espèce, elle indique avoir conclu en date du 25 novembre 2008 un contrat de prestation de services comptables avec la société …, qui, s’il prévoit expressément la remise par le client de toutes les pièces comptables requises pour l’établissement de sa déclaration fiscale, ne disposerait néanmoins pas qu’elle agirait en qualité de détenteur, dépositaire ou gardien rémunéré desdites pièces. Elle explique encore qu’en l’occurrence, le 12 mars 2014, l’assemblée générale extraordinaire de la société … aurait constaté sa liquidation volontaire, clôturée le 28 février 2014, et que depuis ce jour, la société aurait résilié ses relations d’affaire avec elle. A la clôture, la société … aurait réglé tous dus et après cette date, elle-même, à défaut de contrat de domiciliation, de dépôt voire de garde des pièces comptables de son client, aurait retourné ces pièces comptables et ne disposerait, par ailleurs, d’aucun droit de rétention sur ces documents du client, ni n’était-elle obligée légalement ou contractuellement de conserver de documents.
La demanderesse conclut dès lors principalement à la réduction de l’amende à zéro au motif qu’elle ne serait pas motivée, puisqu’elle aurait été adressée par erreur à une personne non détentrice légitime et légale des renseignements recherchés. Subsidiairement, elle demande au tribunal de réduire l’amende à un niveau comparable à la contravention et de retenir que l’amende est contraire au principe de proportionnalité, de l’individualité voire de la spécificité, de la gravité, de la durée de la situation et des exigences de motivation de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE), la demanderesse se prévalant de l’arrêt Berlioz, affaire C-682/15, de ladite cour.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement fait référence à d’autres procès visant des décisions infligeant une amende fiscale dans lesquels la société … serait partie.En soulignant qu’une prise de position du 20 décembre 2016 à laquelle se référerait la demanderesse ne concernerait pas la présente affaire, il précise que la décision d’injonction daterait du 18 août 2018 et ferait suite à une demande des autorités belges du 31 juillet 2018.
Le tribunal constate que le délégué du gouvernement n’a, pour le surplus, pas pris position sur le moyen fondé sur l’affirmation de la demanderesse qu’elle ne serait plus détentrice des renseignements demandés, mais qu’il s’est limité à développer une argumentation, d’une part, sur la notion de pertinence vraisemblable des informations demandées et sur le contrôle à opérer par le tribunal, argumentation dont il déduit que la décision d’injonction se fonderait sur une demande suffisamment motivée des autorités belges et portant sur des informations n’apparaissant pas, de façon manifeste, dépourvues de toutes pertinence, et, d’autre part, sur la justification du quantum de l’amende infligée.
A l’audience publique des plaidoiries, le délégué du gouvernement s’est référé à l’extrait de l’acte de dissolution de la société … publié au journal officiel du Grand-Duché de Luxembourg, duquel il ressortirait que les livres comptables et documents sociaux de la société seraient conservés à l'adresse L-…, la demanderesse ayant une obligation de conserver ces documents pendant 5 ans. Ladite adresse correspondrait au siège social de la société …, de sorte qu’il y aurait lieu d’admettre que la société … serait le détenteur des documents comptables visés par la décision d’injonction à la base de l’amende fiscale sous examen.
Aux termes de l’article 6 de la loi du 25 novembre 2014 « (1) Aucun recours ne peut être introduit contre la demande d’échange de renseignements et la décision d’injonction visées à l’article 3, paragraphes 1er et 3.
(2) Contre les décisions visées à l’article 5, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif au détenteur des renseignements. (…) ».
Si l’article 6 de la loi du 25 novembre 2014 ouvre dès lors expressément un recours contentieux contre une décision de l’administration infligeant une amende administrative fiscale, elle exclut toutefois, d’une part, tout recours juridictionnel contre une décision d’injonction adressée au détenteur d’informations et, d’autre part, tout examen incident de la validité d’une telle décision d’injonction effectué dans le cadre d’un recours juridictionnel contre la décision portant sanction administrative fiscale.
Or, à cet égard, la CJUE a retenu dans le cadre de l’arrêt Berlioz, précité, sur base de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par « la Charte », qu’un administré doit disposer de la possibilité d’invoquer la protection contre des interventions de la puissance publique dans sa sphère privée, qui seraient arbitraires ou disproportionnées dans le cadre d’un recours effectif dirigé contre la décision d’injonction de fournir des renseignements et contre la mesure de sanction prononcée en raison de l’inobservation de l’injonction1. En ce qui concerne plus particulièrement l’objet du recours ainsi visé, la CJUE a précisé que le juge national saisi d’un recours contre la sanction administrative pécuniaire infligée à l’administré pour non-respect de la décision d’injonction doit pouvoir examiner la légalité de cette dernière afin de satisfaire aux exigences de l’article 47 de la Charte2.
1 CJUE, 16 mai 2017, BERLIOZ INVESTMENT FUND SA c/ directeur de l’administration des Contributions directes, C-682/15, point 51 et 52.
2 Idem, point 56.Sur base des conclusions ainsi retenues par la CJUE dans l’arrêt Berlioz, prononcé suite à six questions préjudicielles posées par la Cour administrative luxembourgeoise, cette dernière a retenu dans son arrêt du 26 octobre 2017 - concernant l’affaire Berlioz - que l’article 6 de la loi du 25 novembre 2014, en ce qu’il interdit, en son état actuel, l’examen incident de la légalité d’une décision d’injonction dans le cadre d’un recours contentieux dirigé contre une décision infligeant une sanction administrative fiscale, n’était pas conforme à l’article 47 de la Charte.
Elle en a conclu qu’elle était amenée à laisser inappliquée la limitation imposée par l’article 6 de la loi du 25 novembre 2014 et à effectuer un contrôle indirect de la légalité de la décision d’injonction dans le cadre du recours introduit contre la décision de sanction administrative fiscale3.
Au vu des solutions ainsi dégagées par la CJUE et la Cour administrative, le tribunal conclut qu’en l’espèce, la portée du recours dirigé contre la décision de sanction administrative du 8 novembre 2018 peut s’étendre au contrôle incident de la légalité de la décision d’injonction du 10 août 2018 gisant à la base de la décision de sanction déférée.
Il y a encore lieu de rappeler que les obligations des autorités fiscales luxembourgeoises en tant qu’autorité requise sont décrites à l’article 2, paragraphe (1), de la loi du 25 novembre 2014 comme suit : « 1) Les administrations fiscales sont autorisées à requérir les renseignements de toute nature qui sont demandés pour l'application de l'échange de renseignements tel que prévu par les Conventions et lois auprès du détenteur de ces renseignements. ».
Cette disposition qui transpose l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE, ci-après désignée par « la directive 2011/16/UE », autorise ainsi l’administration des Contributions directes à mettre en œuvre toutes mesures dont elle dispose selon sa législation interne afin d’obtenir les renseignements requis, notamment par le biais d’une enquête administrative.
C’est en effet dans ce sens que se prononce le manuel de mise en œuvre des dispositions concernant l’échange de renseignements à des fins fiscales de l’OCDE4 dès lors qu’il précise que « [l]es renseignements demandés peuvent être à la disposition de l’administration fiscale de la partie ou nécessiter la mise en œuvre des mesures spéciales de collecte d'information. La nature exacte de la ou des mesures spéciales de collecte d'information les plus adaptées dépendra de l'ensemble des faits et circonstances pertinents. Les mesures de collecte d'informations peuvent inclure les catégories suivantes de mesures, pour autant bien entendu que ces mesures soient conformes à la législation et à la pratique administrative de la partie requise Interroger une personne susceptible d'avoir connaissance de renseignements ou de détenir, de conserver ou de contrôler ces renseignements.
Lorsqu'une coopération volontaire ne peut être obtenue, assigner une personne à comparaître à une date et en un lieu donnés pour l'amener à témoigner.
Lorsque la personne ne comparaît pas à l'heure et au lieu dits, prendre des mesures idoines pour la contraindre à comparaître.
Exiger la communication de livres, de registres, de documents ou autres éléments matériels.
3 Cour adm. 26 octobre 2017, n°36893Ca du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu 4 Approuvé par le Comité des Affaires Fiscales de l’OCDE le 23 janvier 2006 Interroger la personne fournissant les livres, les registres, les documents ou autres éléments matériels sur les fins auxquelles et la manière dont l'information est ou était conservée.
Placer sous serment la personne faisant son témoignage ou produisant des livres, des registres ou autres biens tangibles.
Obtenir l'accès aux locaux et les perquisitionner pour trouver et se procurer des livres et des registres ou autres éléments matériels afin de les examiner.
Produire des copies authentiques des livres, registres, dossiers ou autres éléments matériels.
Autoriser l'autorité compétente de l'État requérant à fournir des questions écrites auxquelles l'individu témoignant ou produisant des livres, des registres, des dossiers ou autres éléments matériels est invité à répondre ».
Il est constant en cause que l’administration des Contributions directes s’est, dans un premier temps, adressée à la société … elle-même par voie d’injonction du 2 août 2016, afin qu’elle produise certains documents. Suite à l’envoi d’un rappel en date du 5 octobre 2016, l’administration des Contributions directes s’est adressée par décision d’injonction du 16 novembre 2016 à la société … afin qu’elle produise les documents requis, n’ayant vraisemblablement pas obtenu satisfaction auprès de la société ….
L’article 2, paragraphe (2), de la loi du 25 novembre 2014 dispose que « Le détenteur des renseignements est obligé de fournir les renseignements demandés, en totalité, de manière précise, sans altération, endéans le délai d'un mois à partir de la notification de la décision portant injonction de fournir les renseignements demandés. Cette obligation comprend la transmission des pièces sans altération sur lesquelles les renseignements sont fondés. ».
Force est au tribunal de constater que s’il ne peut être vraisemblablement contesté à la société … la qualité de détenteur des documents requis, à savoir des extraits bancaires de ses comptes, il n’en saurait être de même de la société demanderesse, en sa qualité non contestée de prestataire de services comptables et fiscaux, n’étant pas dépositaire desdits documents, et cela d’autant plus que suivant les explications non contestées de la demanderesse, le contrat de prestations de services a pris fin en mars 2014 au moment de la liquidation de la société ….
En effet, au-delà de la motivation plus que sommaire de la décision d’injonction du 10 août 2018 adressée à la demanderesse de produire certains documents, décision qui se limite à indiquer de manière affirmative que l’administration des Contributions directes « [c]onsidèr[e] que la société …est le détenteur des renseignements demandés » sans autre justification, il y a lieu de constater qu’il ne ressort ni des pièces ni des éléments soumis à l’examen du tribunal que l’administration des Contributions directes aurait entrepris l’une ou l’autre des mesures préconisées par le manuel de l’OCDE précité pour aboutir à cette conclusion ou encore toute autre mesure d’enquête administrative dont elle disposerait dans le cadre de son arsenal juridique. Partant, le tribunal n’est pas en mesure, à ce stade de l’instruction du dossier, de retracer la démarche qui aurait amené l’administration des Contributions directes à considérer que nonobstant le fait qu’elle se soit adressée, dans un premier temps, à la société …, de manière vraisemblablement infructueuse, elle ait été convaincue que la demanderesse, prestataire de services comptables et fiscaux, serait le détenteur des documents requis. Il s’y ajoute que le délégué du gouvernement n’a pas apporté plus d’éclairage sur cette question dans le cadre de son mémoire en réponse, étant donné qu’il n’y a pas pris position sur la réfutation circonstanciée de la demanderesse de sa qualité de détenteur des renseignements litigieux.
En effet, le délégué du gouvernement n’a pas contesté l’argumentation de la demanderesse qui affirme, pièces à l’appui, telles que la description de son objet social, l’objet de son autorisation d’établissement, la clôture de liquidation de la société …, ne pas avoir eu, au moment de la décision d’injonction, la qualité de détenteur des renseignements requis, à savoir les grands-livres de la société … pour les années 2012, 2013 et 2014 ainsi que les « pièces justificatives » pour les années 2011, 2012, 2013 et 2014, la demanderesse ayant encore précisé, sans que cela n’ait été contesté par le délégué du gouvernement, avoir facturé toutes ses prestations pour les exercices fiscaux visés et obtenu les paiements afférents, et avoir remis à la société …, son client, les documents comptables pour les années concernées.
La conclusion qui précède n’est pas énervée par l’affirmation du délégué du gouvernement à l’audience publique des plaidoiries selon laquelle l’extrait de l’acte de dissolution de la société …, publié au Journal officiel du Grand-Duché de Luxembourg, indique que les livres comptables et documents sociaux de la société dissoute seraient conservés à l'adresse L-…. En effet, si l’adresse y indiquée correspond effectivement au siège social de la société demanderesse, ce seul fait, à défaut de tout autre élément concret, n’est pas suffisant pour établir que la société … serait détentrice des renseignements sollicités. En effet, différentes personnes physiques ou personnes morales peuvent être domiciliées ou établies à une même adresse. Il s’y ajoute que la décision d’injonction de fournir des renseignements, tout comme la sanction administrative fiscale corrélative, sont émises au nom d’une personne physique ou d’une personne morale bien déterminée et qu’elles ne sont pas destinées de manière abstraite à une adresse, de sorte que la personne physique ou la personne morale détentrice des renseignements doit être concrètement déterminée avant qu’une décision d’injonction ou une sanction administrative fiscale ne puisse être émise. Le tribunal vient cependant de retenir que tel n’est pas le cas en l’espèce.
Dans ces circonstances, la partie gouvernementale restant en défaut de démontrer que la demanderesse est bien le détenteur des renseignements requis, il y a lieu de constater que la décision d’injonction du 10 août 2018 adressée à la société …, sur le non-respect de laquelle se fonde la décision déférée ayant infligé une amende, était entachée d’un vice, auquel il ne peut pas être remédié au niveau juridictionnel à travers une réformation de la décision déférée, de sorte qu’il y a lieu de prononcer dans le cadre du recours en réformation, l’annulation de la décision déférée du 28 novembre 2018, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les autres moyens soulevés de part et d’autre.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
quant au fond, annule, dans le cadre du recours en réformation, la décision du 28 novembre 2018 du directeur de l’administration des Contributions directes infligeant à la société anonyme …SA une amende de …euros ;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 février 2019, par :
Annick Braun, vice-président, Alexandra Bochet, juge, Carine Reinesch, attaché de justice, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
Schmit Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4.2.2019 Le greffier du tribunal administratif 8