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30/01/2019 | LUXEMBOURG | N°40430a

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 janvier 2019, 40430a


Tribunal administratif N° 40430a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 novembre 2017 1re chambre Audience publique du 30 janvier 2019 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision implicite de refus du bourgmestre de la commune de Lintgen en matière de permis de construire en présence de Monsieur …et consorts, …

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JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 40430 du rôle et déposée le 27 novembre 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Mar

c Thewes, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au no...

Tribunal administratif N° 40430a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 novembre 2017 1re chambre Audience publique du 30 janvier 2019 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision implicite de refus du bourgmestre de la commune de Lintgen en matière de permis de construire en présence de Monsieur …et consorts, …

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JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 40430 du rôle et déposée le 27 novembre 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc Thewes, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision implicite de refus du bourgmestre de la commune de Lintgen résultant du silence gardé par celui-ci suite à une demande d’autorisation de construire lui adressée par courrier recommandé en date du 28 décembre 2016 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Patrick Muller, demeurant à Luxembourg, du 6 décembre 2017 portant signification de ce recours à l’administration communale de Lintgen, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, établie à L-7440 Lintgen, 2, rue de Diekirch ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Jean-François Steichen, inscrit au tableau de l’Ordre de avocats de Luxembourg, déposé le 13 décembre 2017 au greffe du tribunal administratif pour compte de la commune de Lintgen ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 février 2018 par Maître Jean-François Steichen pour compte de l’administration communale de Lintgen, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 mars 2018 par Maître Marc Thewes pour compte du demandeur ;

Vu le mémoire en duplique, erronément intitulé mémoire en réplique, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 mars 2018 par Maître Jean-François Steichen pour compte de la commune de Lintgen, préqualifiée ;

Vu la requête en permission d’intervenir volontairement déposée en date du 9 avril 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de :

- Monsieur …, - Madame … - Monsieur …, - Monsieur …, 1- Madame …, - Monsieur …, - Monsieur …, - Monsieur …, - Madame … ;

Vu l’ordonnance du vice-président du 16 avril 2018 ;

Vu le mémoire en réponse en intervention déposé le 4 juin 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc Thewes pour le compte de Monsieur …, préqualifié ;

Vu le jugement du tribunal administratif du 11 juillet 2018 ;

Vu le mémoire en intervention déposé le 14 septembre 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges Krieger pour le compte des intervenants volontaires, préqualifiés ;

Vu l’avis du tribunal du 17 septembre 2018 autorisant la production de mémoires additionnels ;

Vu le mémoire additionnel déposé le 8 octobre 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc Thewes pour compte de Monsieur …, préqualifié ;

Vu le mémoire additionnel déposé le 19 novembre 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges Krieger pour compte des intervenants volontaires, préqualifiés ;

Vu les pièces versées en cause ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sebastien Couvreur, en remplacement de Maître Georges Krieger, Maître Ana-Lisa Franco Ferro, en remplacement de Maître Marc Thewes, et Maître Jean-François Steichen entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 novembre 2018.

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Dans le cadre d’un projet d’aménagement d’un poulailler « bio » pour 6.000 animaux, sur un terrain situé dans la commune de Lintgen, section B de … et Prettingen, inscrit au cadastre sous les numéros …et …, Monsieur …, obtint en date du 2 septembre 2016 une autorisation pour réaliser les infrastructures d’assainissement en rapport avec le projet en question de la part du ministre de l’Environnement, ci-après désigné par « le ministre ».

En date du 12 décembre 2016, le ministre autorisa encore la construction d’une étable pour poules, d’une dalle à fumier, d’un bassin de rétention et ainsi que l’aménagement d’une cour.

En date du 28 décembre 2016, Monsieur … saisit le bourgmestre de la commune de Lintgen, ci-après désigné par « le bourgmestre », d’une demande d’autorisation de construire un bâtiment agricole (« Hühnerstall, Mistplatte ») et d’aménager une cour et un bassin de rétention.

2En date du 9 mai 2017, le ministre autorisa encore l’implantation d’une exploitation conformément au plan d’implantation dénommé « Vorprojekt – Neubau einer Aussiedlung » sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de Lintgen, section B de … et …, sous le numéro ….

En sa séance du 11 mai 2017, le conseil communal de Lintgen décida de frapper, en exécution de l’article 20 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, les parcelles cadastrales précitées numéros …et …, d’une servitude, décision ayant fait l’objet d’un recours introduit devant le tribunal administratif, inscrit numéro 39964 du rôle, qui s’est soldé par un jugement du tribunal administratif du 21 juin 2018 ayant, dans le cadre de la réformation, annulé le volet de la décision du conseil communal de Lintgen du 11 mai 2017 ayant imposé une servitude en application de l’article 20 de la loi du 19 juillet 2004 sur les parcelles …et …, ainsi que la décision du ministre du 12 juin 2017 ayant approuvé ladite décision du conseil communal.

Par une décision du 18 juillet 2017, le bourgmestre refusa de faire droit à une demande en vue de l’obtention d’une autorisation d’exploitation d’une ferme d’élevage de plus de 5.000 poules sur le site litigieux sur le fondement de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, ladite décision ayant fait l’objet d’un recours inscrit sous le numéro 40080 du rôle, qui s’est soldé par un jugement du 4 octobre 2018 ayant, dans le cadre du recours en réformation, annulé ladite décision du bourgmestre de la commune de Lintgen du 18 juillet 2017.

A défaut de réponse à la suite de la demande, précitée, en obtention d’une autorisation de construire introduite le 28 décembre 2016 auprès du bourgmestre, Monsieur … a fait introduire, par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 novembre 2017, un recours tendant à l’annulation d’une décision implicite de refus.

Par une requête en permission d’intervenir volontairement, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 9 avril 2018, Monsieur …, Madame …, Monsieur …, Monsieur …, Madame …, Monsieur …, Monsieur …, Monsieur … et Madame …, ci-après désignés par « les consorts … », ont demandé l’autorisation d’intervenir volontairement dans l’affaire inscrite sous le numéro 40430 du rôle et de produire un mémoire dans cette affaire.

Dans son jugement du 11 juillet 2018, le tribunal a donné acte à Madame … de ce qu’elle se désiste de son intervention conformément à l’article 25 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 ». Pour le surplus, le tribunal a retenu que les parties intervenantes justifient à suffisance d’un intérêt à intervenir volontairement dans le présent litige, a partant déclaré recevable l’intervention volontaire des demandeurs en intervention et a admis la production de mémoires additionnels. Le tribunal a encore rejeté la demande en paiement d’une indemnité de procédure formulée par Monsieur ….

Aucun recours au fond n’étant prévu en la présente matière, seul un recours en annulation a pu être introduit en l’espèce.

Ledit recours est à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

3A l’appui de son recours et en fait, le demandeur déclare être propriétaire de deux parcelles cadastrales inscrites au cadastre de la commune de Lintgen, section B de … et de Prettingen sous les numéros …et …, qui se trouveraient classées en zone d’intérêt paysager suivant la partie graphique du plan d’aménagement général de la commune de Lintgen, ci-

après désigné par « le PAG », et expose, pour le surplus, les faits et rétroactes retracés ci-

avant.

En droit, le demandeur conclut à l’annulation de la décision attaquée pour être dépourvue de motivation, s’agissant d’une décision implicite de rejet. Il estime qu’au moment où l’administration communale avait été saisie de sa demande et au moment où elle aurait dû accepter ou refuser de délivrer une autorisation, il n’aurait existé aucun motif légal justifiant un refus d’autorisation.

Dans sa réponse, la commune de Lintgen expose les faits et rétroactes retracés ci-

avant, tout en soulignant qu’elle aurait demandé au bureau …une étude sur le volet hydraulique du projet face aux plaintes reçues de la part d’habitants de la commune de … en relation avec des problèmes d’inondation en cas de pluie. Dans cette étude, il serait question de problèmes liés à l’écoulement des eaux, de risques de pollution pour les terrains situés en aval, de même que de risques d’inondation. L’étude aurait également montré qu’un fossé ouvert pour l’écoulement de certaines eaux en direction de l’Alzette ferait défaut et que la nature des deux bassins figurant sur les plans remis par Monsieur … (bassin de rétention ou bassin de sédimentation) ne serait pas claire. Par ailleurs, il ne serait pas clair si le dimensionnement et l’emplacement de ceux-ci sont corrects. De plus, l’étude aurait mis en exergue des problèmes de nuisances olfactives et sonores engendrés par l’exploitation projetée.

En droit, la commune de Lintgen argumente en ordre principal que faute de disposer d’une autorisation en matière d’établissements classés, Monsieur … ne pourrait procéder à une quelconque construction et cela conformément à l’article 17 paragraphe (1) de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, ci-après désignée par « la loi du 10 juin 1999 », de sorte que sa demande en obtention d’une autorisation de bâtir serait prématurée. De plus, au regard du refus de délivrance d’une autorisation en matière d’établissements classés, une autorisation de bâtir ne lui servirait à rien.

Subsidiairement, la commune fait état de l’existence d’une servitude non aedificandi conformément à l’article 21 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par « la loi du 19 juillet 2004 », de sorte que le bourgmestre ne pourrait pas délivrer une autorisation de construire pour ce terrain.

Plus subsidiairement encore, la commune de Lintgen fait valoir que le terrain ne serait pas viabilisé, de sorte que conformément à la jurisprudence administrative, aucune autorisation ne pourrait être accordée. En effet, les terrains litigieux seraient situés en zone verte sans accès à l’eau courante, à la canalisation et à l’électricité, infrastructures qui seraient pourtant nécessaires pour réaliser l’exploitation envisagée au regard de la présence de 6.000 poules, de même que de bovins et de chevaux sur le site, qui inévitablement nécessiteraient des quantités importantes d’eau.

Encore plus subsidiairement, la commune de Lintgen s’empare de plaintes de la part de riverains qui auraient fait état de risques pour leurs propriétés respectives en relation avec 4le projet de Monsieur …, la commune se référant au recours introduit par les riverains contre l’autorisation du ministre du 2 septembre 2016, de même qu’aux critiques soulevées par ceux-ci dans le cadre de la procédure en matière d’établissements classés. La commune se réfère encore à l’étude du cabinet …ayant fait état d’une série de risques en matière de sécurité et de salubrité publiques, plus particulièrement pour les riverains habitant en contrebas du terrain destiné à accueillir l’installation litigieuse. Cette étude aurait mis en exergue certaines déficiences du projet impliquant que la construction ne pourrait pas être autorisée en l’état. A cet égard, la commune de Lintgen s’appuie sur des jurisprudences du tribunal administratif dont la commune semble déduire que le bourgmestre devrait avoir égard aux conséquences d’un projet sur la qualité de vie des riverains puisqu’il s’agirait de considérations relevant de la salubrité, de la tranquillité et de la sûreté publiques que le bourgmestre devrait prendre en compte.

Le demandeur conclut au caractère non fondé de l’ensemble de ces motifs de refus.

Dans son mémoire en duplique, intitulé mémoire en réplique, la commune de Lintgen, tout en admettant que la délivrance d’une autorisation de bâtir doit être liée à des considérations tirées de la réglementation communale en matière d’urbanisme, fait valoir qu’il ne serait pas interdit au bourgmestre de tenir compte d’autres dispositions légales et plus particulièrement de l’article 17 paragraphe (1) de la loi du 10 juin 1999 et cela d’autant plus qu’aucune disposition ne lui imposerait de statuer sur une demande d’autorisation de bâtir dans un délai déterminé.

Dans ce contexte, elle estime encore que compte tenu du nombre de procédures et de demandes en cours initiées par le demandeur, respectivement dirigées contre lui, la prise d’une décision sur la demande d’autorisation de bâtir aurait été prématurée.

Pour le surplus, la commune de Lintgen souligne que le bourgmestre pourrait à bon droit se référer à l’article 17 paragraphe (1) de la loi du 10 juin 1999 tel que modifié par la loi dite Omnibus du 3 mars 2017, entrée en vigueur le 1er avril 2017, tout en soulignant que le simple dépôt d’une demande d’autorisation ne créerait aucun droit dans le chef de l’auteur de la demande.

Par ailleurs, peu importe la question de savoir s’il convient d’appliquer l’article 17 paragraphe (1) de la loi du 10 juin 1999 en sa nouvelle version ou en son ancienne version, elle fait valoir que le demandeur n’aurait en toute hypothèse pas pu entamer la construction projetée à défaut de disposer d’une autorisation en matière d’établissements classés.

S’agissant du motif de refus subsidiaire fondé sur une servitude non aedificandi, la commune de Lintgen fait valoir qu’à défaut de délai pour le bourgmestre pour répondre à une demande d’autorisation de bâtir, celui-ci pourrait baser son refus sur des considérations ultérieures, comme par exemple en l’espèce la servitude non aedificandi. Elle donne à considérer que toute autre solution ne donnerait aucun sens, tout en relevant que la simple introduction d’une demande d’autorisation ne pourrait impliquer de plein droit l’octroi d’une autorisation de bâtir.

La commune de Lintgen se prévaut ensuite de l’alinéa 3 de l’article 37 de la loi du 19 juillet 2014, dont elle déduit qu’une autorisation de construire ne pourrait être accordée que si le projet est viabilisé.

5S’y ajouterait que son PAG prévoirait « toute une série de règles en matière de sécurité et de salubrité publiques » qui ne seraient pas respectées en l’espèce.

Ainsi, se poserait la question de l’approvisionnement en eau. La commune ajoute que même si Monsieur … avait introduit une demande de raccordement à l’eau, il conviendrait de clarifier à quelle eau il entend se raccorder, quels sont les besoins en eau de l’exploitation et si elle est en mesure de la livrer. La commune de Lintgen souligne encore que si le demandeur se réfère à l’eau potable, il conviendrait d’en déduire que l’eau est destinée à la consommation humaine, alors que pour éviter tout risque de contamination, une exploitation agricole ne pourrait être raccordée directement au réseau public de distribution d’eau. Dès lors, à admettre qu’elle livre de l’eau à Monsieur … pour la consommation humaine, la disponibilité d’eau pour les animaux ne serait toujours pas assurée, alors qu’au regard de l’envergure de l’exploitation, les besoins en seraient importants. La commune de Lintgen souligne encore que le demandeur n’aurait fourni dans sa demande aucune indication quant aux besoins en eau, alors que le bourgmestre ne pourrait pas mettre en péril l’accès de la population de la commune à l’eau en raison du raccordement par une exploitation agricole.

La commune de Lintgen poursuit que contrairement aux dispositions de l’article 89 du PAG, les plans soumis à autorisation seraient muets en ce qui concerne l’approvisionnement en eau, ni ne renseigneraient-ils les installations sanitaires. Par ailleurs, les indications sur les raccordements à certains réseaux seraient sommaires voire inexistantes. Comme les plans ne seraient pas conformes aux exigences du PAG, le bourgmestre ne pourrait pas accorder l’autorisation sollicitée. Ces lacunes poseraient en tout cas des questions quant à la viabilité sinon quant à la salubrité du projet.

Dans ce contexte, la commune de Lintgen se réfère encore à un jugement du tribunal administratif du 21 juin 2004, numéro 17224 du rôle, à l’appui de son argumentation suivant laquelle le dossier introduit par la demanderesse ne serait pas complet.

Elle ajoute qu’au-delà des difficultés d’approvisionnement en eau, il conviendrait de se pencher également sur la question de l’évacuation des eaux. Si le demandeur se référait à deux bassins, la nature de la lagune de surface ne serait pas définie. S’il s’agit d’un bassin de traitement des eaux chargées, il ne pourrait pas se trouver à proximité des maisons vu les risques sanitaires et devrait se trouver à au moins de 300 m de la première habitation. S’il s’agissait d’un bassin de rétention, se poserait la question de son dimensionnement. De plus, peu importe la nature du bassin, il se poserait, en raison de l’érosion des surfaces de pâturage, inévitablement des problèmes d’obstruction du bassin en aval. Outre le risque d’inondation dû à l’obstruction du bassin, celui-ci entraînerait pour les riverains des nuisances olfactives.

Par ailleurs, il serait inexact d’affirmer que toutes les infrastructures publiques seraient en place, la commune de Lintgen se référant au rapport …, précité, dont il se dégagerait que les infrastructures publiques actuelles en place seraient sous-dimensionnées.

Vu les inondations auxquelles les riverains seraient d’ores et déjà actuellement confrontées, le cabinet …recommanderait un doublement de la taille des conduites d’évacuation.

L’autorisation en matière d’eau dont se prévaut le demandeur prévoirait également une évacuation des eaux de la lagune par le biais d’un fossé à ciel ouvert. Or, ce fossé à ciel ouvert n’existerait pas, tel que cela se dégagerait du rapport ….

6La commune de Lintgen ajoute que l’exploitation agricole ne pourrait pas fonctionner sans installations sanitaires au sens large. Or, les plans seraient muets à cet égard.

S’agissant de l’électricité, face à l’argumentation du demandeur suivant laquelle il aurait contribué à l’acquisition d’équipements électriques avec l’un de ses voisins et fait apposer des gaines sur son terrain, la commune de Lintgen affirme que celui-ci ne pourrait pas s’en prévaloir pour exiger la délivrance d’une autorisation de construire.

En quatrième lieu, la commune de Lintgen réitère son argumentation fondée sur le rapport …qui ferait état des problèmes suivants :

- nature peu claire du bassin qualifié de lagune de surface, - problèmes consécutifs à l’érosion des sols dus à l’activité animale, - absence de conduite à ciel ouvert, - pollution des terrains en aval par des excréments de poules, - nuisances olfactives et sonores, - sous-dimensionnement de certains équipements.

La commune souligne qu’elle pourrait prendre en considération le résultat de cette étude, en faisant valoir que le dépôt d’une demande d’autorisation ne ferait pas naître un droit à une autorisation, l’autorité administrative restant, d’après la commune, libre d’accorder ou de refuser l’autorisation sur base de considérations qui lui semblent pertinentes au regard de la législation applicable et au regard des faits portés à sa connaissance.

Quant au motif du refus fondé sur la qualité de vie des riverains et sur les risques sanitaires, la commune de Lintgen souligne que l’un des buts primordiaux de n’importe quel règlement des bâtisses ou de n’importe quel PAG serait d’assurer la sécurité, la santé et la salubrité publiques, en vue de garantir aux habitants une certaine qualité de vie. Si une simple crainte d’une atteinte à ces valeurs ne pouvait justifier un refus d’octroi d’une autorisation de bâtir, un tel refus serait toutefois justifié si, comme en l’espèce, un risque se trouve vérifié. La commune de Lintgen insiste, à cet égard, sur l’envergure de l’exploitation envisagée par le demandeur, en l’occurrence un élevage « bio » en plein air de 6.000 poules et, à côté, une exploitation d’élevage de 200 bovins et chevaux. Même sans la présence des deux exploitations envisagées, le terrain du demandeur et ceux des riverains situés en aval seraient régulièrement exposés à des problèmes d’inondation. Or, n’importe quel élevage agricole d’animaux conduirait à des déjections de la part des animaux, la commune argumentant qu’une exploitation de l’ordre de 6.000 poules produirait environ 21,9 tonnes de déjections par an. Comme il s’agirait d’un élevage en plein air, une grande partie de ces déjections ne se retrouverait pas dans la fosse à purin, mais dans l’enceinte de l’exploitation qui nécessairement, en raison de la pente du terrain, serait emportée en direction des habitations des riverains. En cas de fortes pluies, les « matières inertes » se retrouveraient inévitablement dans les jardins situés en contrebas par l’effet du lavage de sols, de même qu’une partie des déjections liquides s’infiltreraient dans la terre et pollueraient les terrains situés en contrebas.

Compte tenu de ces risques, le bureau …aurait d’ailleurs recommandé l’établissement d’une étude sur le risque de pollution, la commune soulignant que les déjections de poules pourraient contenir des agents pathogènes comme par exemple des salmonelles et contiendraient certainement de l’azote, du phosphore, du potassium ou encore du zinc.

Les consorts … exposent, dans leur mémoire en intervention, l’historique du dossier, y compris les différentes procédures parallèles en cours, pour insister sur l’envergure globale du projet de Monsieur …. Au regard de cette envergure, il serait, d’après les intervenants, 7légitime que la commune de Lintgen ait souhaité être en mesure de statuer en toute connaissance de cause et ait voulu statuer sur un dossier complet, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. Il lui appartiendrait, en effet, de vérifier si le projet ne risque pas d’avoir pour effet de porter atteinte à la valeur esthétique, touristique, récréative et écologique de la zone dans laquelle le projet est destiné à être implanté.

Au regard de l’ampleur du projet, il conviendrait également de prendre en considération l’incidence de celui-ci sur les réseaux d’eau et de canalisations de la commune de Lintgen. De même, la commune devrait prendre en considération la phase 2 du projet à cet égard.

En droit, les intervenants font état de l’argumentation suivante :

- Le dossier de demande d’autorisation n’aurait pas été complet, de sorte que le bourgmestre n’aurait pas été en mesure de délivrer une autorisation, les intervenants se référant encore au plan de demande d’autorisation qui indiquerait la réalisation de constructions sur la parcelle … correspondant à la phase 2 du projet et pour lequel aucun détail ne serait indiqué.

- Le refus implicite, dont la légalité s’apprécierait, d’après les intervenants, - ceux-ci se référant à cet égard à la jurisprudence administrative -, au jour de l’introduction du recours, se justifierait par la décision du conseil communal du 11 mai 2017 ayant frappé les parcelles cadastrales …et … de servitudes légales.

- Le refus implicite se justifierait encore en raison d’une violation des articles 22 et 19 du PAG. S’agissant de l’article 22 du PAG, les intervenants soulignent que les terrains seraient situés en zone agricole superposée par une zone d’intérêt paysager.

Le projet de l’ampleur de celle de l’espèce nuirait indéniablement à la valeur esthétique, touristique, récréative et écologique du paysage. Les intervenants ajoutent que l’interdiction générale de construction serait le principe dans une zone d’intérêt paysager, sauf s’il y a une nécessité d’ériger une construction en vue d’assurer l’exploitation agricole de cette zone et si l’exploitation agricole permet de sauvegarder la valeur esthétique, touristique, récréative et écologique du site. Or, aucune de ces deux conditions ne serait remplie en l’espèce puisqu’aucune nécessité de construire un poulailler sur le site ne serait vérifiée, l’exploitation envisagée devant être qualifiée comme nouvelle de sorte à la disqualifier directement comme répondant au caractère de nécessité. Au regard des dimensions imposantes, de même que par son affectation et les nuisances sonores, olfactives, environnementales que l’exploitation impliquerait, celle-ci nuirait aux caractéristiques esthétiques, touristiques, récréatives et écologiques du site, les tiers intervenants se référant au rapport du bureau …à cet égard. S’agissant de l’article 19 du PAG, les consorts … font valoir que, suivant ledit rapport, les dimensions de la citerne prévue seraient insuffisantes.

- Le refus implicite serait encore justifié par le défaut de viabilisation du site conformément à l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004.

- Le refus implicite se justifierait, par ailleurs, en raison de considérations de tranquillité, de salubrité et de sûreté publiques conformément à l’article 50 du décret du 14 décembre 1789 relatif à la constitution des municipalités, ci-après désigné par « le décret du 14 décembre 1789 », et du décret des 16 et 24 août 1790 sur l’organisation judiciaire, ci-après désigné par « le décret des 16 et 24 août 1790 », les intervenants se référant encore à un arrêt de la Cour administrative du 23 avril 2013, numéro 31836C du rôle. Dans la mesure où le PAG de la commune de Lintgen ne comporterait aucune disposition précise concernant le cas de fermes avicoles 8respectivement d’activités polluantes, il conviendrait, en application de la jurisprudence précitée, de retenir qu’un refus d’octroi d’un permis de construire pourrait se concevoir au regard d’un risque pour la sûreté publique. En effet, au regard du rapport …, l’activité projetée impliquerait un risque de sécurité publique à plusieurs niveaux, à savoir, premièrement, des risques d’inondation, le dimensionnement du fossé existant n’étant pas suffisant pour évacuer les eaux superficielles des bassins versants, deuxièmement, du fait que la lagune de traitement des eaux polluées ne serait pas placée à une distance suffisante des maisons d’habitation, une distance minimale de 300 m devant être respectée, le bassin n’étant pour le surplus pas étanche, et, troisièmement, du fait que le fossé de récupération des eaux dans sa configuration telle que prévue risquerait d’être obstrué par l’érosion des surfaces de pâturage. Il s’ensuivrait que les motifs de tranquillité et de santé publique justifieraient le refus d’autorisation.

Dans son mémoire additionnel sur intervention du 8 octobre 2018, le demandeur insiste sur la considération que le présent recours porte sur un refus d’autorisation de bâtir visant exclusivement la construction d’une étable à poules, d’une dalle de fumier, d’un bassin de rétention et l’aménagement d’une cour, à l’exclusion de constructions sur la parcelle numéro 419/2950. Il souligne encore qu’à l’heure actuelle, il n’existerait pas de phase 1 ou de phase 2 de ses projets, tout en relevant qu’un projet sur la parcelle adjacente des parcelles actuellement litigieuses dans le présent recours ne serait à ce jour qu’éventuel. Il précise encore que le conseil communal de la commune de Lintgen aurait voté une nouvelle servitude non aedificandi en date du 21 août 2018, lui notifiée le 18 septembre 2018.

Pour le surplus, il conclut au rejet de l’ensemble des moyens avancés par les parties intervenantes. Plus particulièrement, s’agissant de la servitude non aedificandi, il souligne que par un jugement du 21 juin 2018, numéro 40080 du rôle, le tribunal administratif a annulé la décision du conseil communal du 11 mai 2017 qui est alors censé n’avoir jamais existé, de sorte que le refus l’autorisation de bâtir ne pourrait pas se fonder sur cette décision.

1) Considérations générales Le tribunal relève de prime abord que si les consorts … ont, à travers un mémoire additionnel commun déposé dans la présente affaire et dans des affaires inscrites sous les numéros 38579, 39235 et 39996 du rôle, conclu par rapport à l’incidence de l’entrée en vigueur de la loi du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles et modifiant 1° la loi modifiée du 31 mai 1999 portant institution d’un fonds pour la protection de l’environnement ; 2° la loi modifiée du 5 juin 2009 portant création de l’Administration de la nature et des forêts ; 3° la loi modifiée du 3 août 2005 concernant le partenariat entre les syndicats de communes et l’État et la restructuration de la démarche scientifique en matière de protection de la nature et des ressources naturelles, en abrégé « la loi du 18 juillet 2018 sur la protection de la nature », dans la mesure où le refus de délivrance d’une autorisation de construire attaqué est étranger à la loi du 18 juillet 2018, la question de l’incidence de cette loi ne se pose pas dans le présent dossier s’agissant d’un recours dirigé contre un refus implicite du bourgmestre d’accorder une autorisation de construire, l’application de la loi sur la protection de l’environnement ne relevant pas de la compétence du bourgmestre.

9Toujours à titre liminaire, il convient de délimiter le champ de compétence du bourgmestre lorsqu’il est saisi d’une demande d’autorisation de construire, tel que cela est le cas de l’espèce.

Aux termes de l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004, « […] L’autorisation n’est accordée que si les travaux sont conformes au plan ou au projet d’aménagement général et, le cas échéant, au plan d’aménagement particulier « nouveau quartier », respectivement au plan ou projet d’aménagement particulier « quartier existant » et au règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites.[…] ».

Aux termes de l’article 108bis de la même loi, visant les PAG n’ayant pas encore fait l’objet d’une refonte globale, tel que cela est le cas en l’espèce, « Tant que le plan d'aménagement général d’une commune n'a pas fait l'objet d'une refonte et adaptation complètes conformément au paragraphe (1) de l'article 108, le bourgmestre accorde directement une autorisation de construire pour les travaux de construction, de transformation ou de démolition d'un bâtiment si ces travaux sont conformes soit au plan ou projet d'aménagement général, soit au plan ou projet d'aménagement particulier approuvés ou en cours d'approbation au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi. ».

La finalité de l’exigence légale de l’obtention d’une autorisation de construire consiste à vérifier si un projet de construction est conforme aux règles d’urbanisme applicables, à savoir essentiellement les plans d’aménagement général et particulier et le règlement sur les bâtisses, et une autorisation de construire s’analyse partant en la constatation officielle par l’autorité compétente, en l’occurrence le bourgmestre, de la conformité d’un projet de construction aux dispositions d’urbanisme applicables, ce principe étant rappelé par l’article 37, précité de la loi du 19 juillet 2004 s’agissant des PAG ayant fait l’objet d’une refonte et par l’article 108bis, dernier alinéa de la même loi s’agissant des PAG n’ayant pas encore fait l’objet d’une refonte. Ainsi, le bourgmestre, en délivrant l’autorisation de bâtir, constate dans la forme passive d’une autorisation que la réalisation du projet est permise sur base du plan d'aménagement général et du règlement sur les bâtisses de la commune1, textes d’interprétation stricte.

Le bourgmestre, appelé à statuer sur une demande de permis de construire, agit dès lors en organe d’exécution et s'il refusait un permis de construire pour une construction dont la mise en place ne serait point empêchée par la réglementation communale d'urbanisme existante, il suspendrait de ce fait l’exécution même de ladite réglementation, sinon encore rendrait de fait non constructible une parcelle ayant vocation à recevoir des constructions, pareille façon de procéder n'étant pas seulement prohibée par la loi, mais encore contraire à l’essence même des attributions exécutives du bourgmestre en la matière2.

A partir de ces considérations, le constat s’impose que le bourgmestre ne saurait appuyer sa décision sur des législations ne relevant pas de son champ de compétence en matière d’urbanisme, telles que plus particulièrement la législation en matière d’établissements classés ou encore celle sur la protection de la nature. Le contrôle du tribunal portera partant exclusivement sur la conformité de la décision de refus litigieuse par rapport à la règlementation urbanistique relevant du champs de compétence du bourgmestre, le bourgmestre étant obligé d’accorder l’autorisation à moins que le projet est contraire à l’une 1 Cour adm. 27 avril 2006, n° 20250C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.

2 Idem.

10de ces dispositions, à l’exclusion de toute autre considération, telles que notamment des considérations relevant de la compétence du ministre ayant l’environnement en ses attributions ou encore des considérations tenant à la législation sur les établissements classés.

D’autre part, si les motifs de refus tels qu’avancés par la commune de Lintgen ne sauraient se fonder que sur les dispositions de la règlementions urbanistique relevant de la compétence du bourgmestre, encore faut-il que l’autorité dont émane l’acte indique les dispositions à travers lesquelles elle entend justifier son refus, étant relevé qu’il n’appartient pas au tribunal d’identifier d’office les dispositions qui sont, le cas échéant, susceptibles de justifier en l’espèce le refus du bourgmestre.

Dans ce même ordre d’idées, le tribunal relève encore que son contrôle ne saurait porter que sur la légalité de la décision attaquée, à savoir un refus d’autorisation de construire un bâtiment agricole (« Hühnerstall, Mistplatte ») et d’aménager une cour et un bassin de rétention, à l’exclusion de tout autre projet visant l’élevage de bovins, dénommé par les intervenants comme « phase 2 ». Il s’ensuit que l’ensemble des argumentations et craintes avancées en relation avec tout autre projet sont à rejeter d’emblée pour ne pas être pertinentes en l’espèce.

C’est sur cette toile de fond que le recours sera examiné.

D’autre part, s’agissant des moyens susceptibles d’être invoqués par les tiers intervenants, le tribunal relève que si, en présence d’une décision implicite de refus résultant du silence de l’administration, tel que cela est le cas en l’espèce, celle-ci est admise à produire les motifs à la base du refus en cours de procédure contentieuse, cette possibilité de fournir des motifs, respectivement de fournir des motifs complémentaires ne saurait être entrevue que par rapport à l’auteur de l’acte qui est le seul à connaître effectivement les raisons pour lesquelles l’acte a été pris3.

Il convient de relever de manière plus générale qu’une intervention volontaire, lorsqu’elle intervient en défense d’un acte attaqué, peut seulement apporter des éclairages nouveaux sur ce litige, mais non en modifier la portée : dès lors, les moyens figurant éventuellement dans la requête en intervention mais non produits par le défendeur au principal, ne sont pas recevables4, l’intervenant ne pouvant en effet que venir renforcer la défense que l’auteur de l’acte oppose au recours5.

Dans ces conditions, les développements des consorts … dans leur mémoire en intervention et qui tendent à fournir des justificatifs au refus du bourgmestre ne sont susceptibles d’être pris en considération qu’en tant qu’ils appuient les motifs de refus avancés par la commune elle-même, mais ne sauraient suppléer à une carence de la commune de Lintgen quant à l’indication des motifs à la base de l’acte attaqué, des motifs de refus non avancés par celle-ci n’ayant nécessairement pas existé dans son chef.

Il s’ensuit que le motif de refus invoqué par les intervenants volontaires et fondé sur un non-respect des dispositions des article 19 du PAG, en ce que les dimensions de la citerne 3 En ce sens : Cour adm. 12 mai 2015, n° 35730C du rôle, Pas. Adm. 2018, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 99.

4 Voir notamment trib. adm. 26 juin 2013, n° 31418 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.

5 Trib. adm. 10 novembre 2014, n° 33903 du rôle, trib. adm. 15 février 2016, n° 35675 du rôle, disponibles sous www.jurad.etat.lu.

11prévue seraient insuffisantes, et de l’article 22 du PAG sont à écarter, la commune n’ayant fait état de ces dispositions dans aucun de ses écrits, de sorte qu’il y a lieu d’admettre qu’elle n’a pas entendu appuyer son refus sur ces dispositions.

2) Quant au moyen fondé sur un défaut de motivation Force est au tribunal de constater que si la décision implicite de refus tirée du silence du bourgmestre, par la force des choses, ne comporte aucune motivation, cette seule circonstance ne saurait emporter l’annulation de la décision, dans la mesure où l’administration peut produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif6.

En l’espèce, il convient de relever que la commune a, au cours de la présente instance, fourni des motifs à la base de la décision litigieuse, ces motifs ayant été résumés ci-avant par le tribunal.

Au regard de ces explications fournies en cours d’instance, le moyen fondé sur un défaut de motivation est rejeté comme étant non fondé.

3) Quant au motif de refus fondé sur un défaut d’autorisation sur base de la législation sur les établissements classés Au regard des principes retenus ci-avant quant au champ de compétence du bourgmestre lorsqu’il est saisi d’une demande en obtention d’une autorisation de construire, le tribunal retient que le demandeur est à suivre dans ses contestations quant au motif de refus fondé sur la considération qu’aucune autorisation sur base de la loi du 10 juin 1999 n’a été délivrée, la commune de Lintgen en déduisant, en effet, que la demande d’autorisation aurait été prématurée. En effet, indépendamment de la question de l’applicabilité en l’espèce, contestée, des dispositions de l’article 17 de la loi du 10 juin 1999 telles qu’issues de la loi du 3 mars 2017 dite « Omnibus » et aux termes desquelles : « 1. Sans préjudice d’autres autorisations requises, la construction et la mise en exploitation d’établissements classés ne peuvent être entamées qu’après la délivrance des autorisations requises par la présente loi, ainsi que des autorisations du bourgmestre requises par application de l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.

2. Les projets de construction d’établissements nouveaux à l’intérieur d’une zone industrielle à caractère national pourront faire l’objet d’une autorisation de principe par le Gouvernement en Conseil, de l’accord prévisible des instances compétentes en raison de la nature de l’établissement projeté et sans préjudice des procédures d’autorisation requises.

A cet effet, le requérant est tenu d’introduire une demande spécifique reprenant les informations dont question à l’article 7. », le tribunal retient que les dispositions précitées ne sont pas à entendre en ce sens que le bourgmestre, dans le champ de compétence qui lui est propre, ne puisse pas délivrer une autorisation de construire tant qu’une autorisation d’établissement n’a pas été accordée, l’article 17, précité, se référant, en effet, uniquement à la construction et la mise en exploitation des établissements visés, mais non pas à la délivrance d’une autorisation de construire. Dès lors, s’il est vrai que le titulaire d’une autorisation de construire ne pourra pas l’exécuter tant qu’il ne dispose pas des autorisations 6 Cour adm. 20 octobre 2009, n° 25738C du rôle, Pas. adm. 2018, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 85 et les autres références y citées.

12requises par la loi du 10 juin 1999, de même que d’ailleurs de celles requises par la loi du 19 juillet 2004, l’article 17, précité, invoqué par la commune de Lintgen ne constitue pas un obstacle à la délivrance d’une autorisation de construire.

A cet égard, l’argumentation de la commune de Lintgen suivant laquelle aucune disposition légale n’imposerait au bourgmestre de statuer endéans un certain délai est encore non fondée, dans la mesure où en cas de silence du bourgmestre pendant plus de trois mois, le demandeur d’une autorisation de construire peut se prévaloir, en application de l’article 4, paragraphe (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions administratives, de la présomption légale d’une décision de refus qui est susceptible de recours devant le tribunal administratif.

En tout cas, un tel refus implicite ne saurait trouver un fondement suffisant dans la considération que la demande serait prématurée à défaut d’émission d’une autorisation d’établissement, la commune de Lintgen n’étant en tout état de cause pas fondée à soutenir que le bourgmestre aurait pu tenir en suspens le dossier tant qu’une autorisation d’établissement n’a pas été délivrée.

C’est dès lors à juste titre que le demandeur fait valoir que le motif avancé par la commune de Lintgen à titre principal ne permet pas de justifier le refus litigieux.

4) Quant au motif de refus fondé sur l’existence d’une servitude non aedificandi Le tribunal relève de prime abord que la servitude non aedificandi invoquée par la commune en ordre subsidiaire, résulte d’une décision du conseil communal de Lintgen du 11 mai 2017, approuvée par le ministre de l’Intérieur en date du 12 juin 2017, alors qu’il n’est pas contesté que la demande d’autorisation de construire a été introduite le 28 décembre 2016.

Force est au tribunal de constater que par un jugement du 21 juin 2018, numéro 39964 du rôle, invoqué par le demandeur, le tribunal administratif a annulé le volet de la décision du conseil communal de Lintgen du 11 mai 2017 ayant imposé une servitude en application de l’article 20 de la loi du 19 juillet 2004 sur les parcelles …et …, de même que la décision du ministre de l’Intérieur du 12 juin 2017 ayant approuvé ladite décision du conseil communal.

La conséquence de cette annulation étant l’anéantissement rétroactif des actes en question, le refus du bourgmestre ne saurait en toute hypothèse trouver un fondement suffisant dans la servitude non aedificandi invoquée par la commune et cela indépendamment de la question, litigieuse en l’espèce, de savoir à quelle date, il convient d’apprécier l’existence du motif de refus ainsi avancé.

Il s’ensuit que, tel que cela est avancé à juste titre par le demandeur, le refus du bourgmestre ne trouve pas non plus un fondement suffisant dans l’existence d’une servitude non aedificandi.

5) Quant au motif de refus fondé sur un défaut de viabilisation du terrain Le tribunal relève que ce motif de refus, invoqué par la commune en ordre encore plus subsidiaire, repose sur l’affirmation tout à fait générale de la commune de Lintgen suivant laquelle le terrain litigieux n’aurait pas accès à l’eau courante, à la canalisation et à 13l’électricité, la commune émettant encore des suppositions quant à la consommation en eau des poules et bovins dont l’élevage serait envisagé, en soutenant, en substance, que les besoins en eau n’auraient pas été clarifiés par le demandeur et que son dossier n’aurait pas été complet à cet égard, ni quant à la question de l’évacuation des eaux, ni quant à l’existence d’installations sanitaires.

Tel que cela a été relevé ci-avant, le tribunal retient de prime abord que le motif de refus en ce qu’il se réfère à un autre projet que celui visé par la décision attaquée, est dénué de toute pertinence.

D’autre part, tel que cela a été retenu ci-avant, il appartient à la commune de Lintgen d’invoquer les dispositions sur lesquelles elle entend appuyer son refus, le tribunal n’ayant pas l’obligation d’identifier d’office les dispositions qui sont, le cas échéant, susceptibles de justifier le refus du bourgmestre.

A cet égard, le tribunal constate que la commune de Lintgen se limite à invoquer des jurisprudences des juridictions administratives, de même que l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004, et se réfère, pour le surplus, à « toute une série de règles en matière de sécurité et de salubrités publiques » qui seraient violées, sans toutefois préciser plus amplement sur quelles dispositions de sa règlementions urbanistique elle s’appuie. Pour le surplus, elle semble se prévaloir du caractère non complet du dossier conformément à l’article 89 du PAG.

S’agissant de prime abord du motif fondé sur le caractère incomplet du dossier conformément à l’article 89 du PAG, le tribunal relève que la seule disposition contenue à l’article 89 du PAG susceptible d’être pertinente au regard des questions soulevées par la commune tenant aux besoins en eau de l’exploitation vise « l’indication de la jonction du réseau d’égouts existant ainsi qu’à la conduite d’eau » sur les plans présentés à autorisation.

Force est de constater que la commune de Lintgen n’a pas indiqué quel élément d’information pertinent par rapport à cette disposition fait défaut en l’espèce, les interrogations tout à fait générales de la commune sur les besoins en eau de l’exploitation et sur l’existence d’installations sanitaires dépassant le cadre de cette disposition. Au-delà de ce constat, le tribunal relève qu’une éventuelle non-conformité formelle du dossier de demande d’autorisation par rapport aux prescriptions urbanistiques applicables ne saurait remettre en cause la légalité du projet, et partant justifier un refus pur et simple de délivrer l’autorisation sollicitée, mais permettrait tout au plus de suspendre l’instruction de la demande7. Or, au regard des motifs de refus invoqués par ailleurs par la commune, la conclusion s’impose que celle-ci n’a pas entendu suspendre l’instruction du dossier, étant relevé qu’elle n’a d’ailleurs sollicité aucune information complémentaire de la part du demandeur, mais a entendu lui opposer un refus pur et simple. Or, un refus ne saurait être justifié par le caractère « prématuré » de la demande au regard de divers recours pendants, comme le soutient la commune de Lintgen.

S’agissant de l’argumentation de la commune de Lintgen fondée sur la question de la viabilisation du terrain, par référence à l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004, aux termes duquel « Le bourgmestre n’accorde aucune autorisation tant que les travaux de voirie et d’équipements publics nécessaires à la viabilité de la construction projetée ne sont pas achevés, sauf si l’exécution et les délais d’achèvements de ces travaux, la participation aux 7 Trib. adm. 10 juillet 2006, n° 20977 du rôle, Pas. adm. 2018, V° Urbanisme, n° 654 et 655 et les autres références y citées.

14frais et les termes de paiement sont réglés dans la convention prévue à l’article 36. », le tribunal relève que cette disposition doit être lue ensemble avec les dispositions spécifiques applicables dans les zones situées à l’extérieur du périmètre d’agglomération.

A cet égard, il est constant que le terrain litigieux est situé en zone agricole au sens de l’article 19 du PAG qui dispose que « […] Pour satisfaire à la salubrité l’évacuation des eaux usées devra être assurée pour toutes les constructions. Il pourra également être satisfait aux exigences de l’hygiène par d’autres installations, en particulier par l’aménagement d’une fosse d’aisance aux dimensions suffisantes qui sera vidangée régulièrement. Le cas échéant une fosse à purin étanche et sans trop plein est obligatoire.

En aucun cas, la commune ne peut être obligée à réaliser à ses frais l’extension des réseaux d’égout ou de distribution d’eau potable. Toute construction est soumise à autorisation du bourgmestre. ».

Il se dégage de cette disposition qu’en zone agricole, la réglementation du PAG permet l’évacuation des eaux usées par d’autres installations que le raccordement à la canalisation publique, et notamment par une fosse d’aisance, si le raccordement au réseau existant s’avère impossible.

En l’espèce, le tribunal constate que le demandeur fait état d’une autorisation du ministre de l’Environnement du 2 septembre 2016, ayant existé au moment où le refus du bourgmestre s’est cristallisé, ayant plus particulièrement porté en son point 9 sur les infrastructures relatives à la gestion des eaux pluviales. Le tribunal constate encore que l’étude du bureau …invoquée par la commune mentionne sous le titre « infrastructures existantes » la récupération des eaux superficielles dans une canalisation publique dans une ruelle perpendiculaire au CR123 et que les plans du même bureau versés par le demandeur renseignent des canalisations d’eau pluviales, de même que le projet d’un bassin de rétention pour les eaux pluviales et un bassin de sédimentation. C’est dès lors à juste titre que le demandeur conclut que l’exploitation ne requiert pas la mise en place d’une nouvelle infrastructure publique pour collecter les eaux pluviales.

S’agissant des eaux usées, leur traitement est également défini dans l’autorisation précitée du 2 septembre 2016, une citerne de récupération étant prévue, renseignée également sur les plans du bureau …, précités.

S’agissant de l’eau potable, le tribunal constate qu’une demande afférente a été adressée à la commune, étant relevé qu’il n’est pas contesté, tel que cela est précisé par le demandeur dans sa réplique, qu’il existe un accès à l’eau potable provenant de la route de Schoenfels. Or, le refus du bourgmestre d’accorder l’autorisation pour un tel raccordement, d’ailleurs non autrement justifié, ne saurait être invoqué comme motif de refus d’octroi d’une autorisation de construire.

En ce qui concerne, enfin, l’électricité, le demandeur expose avoir fait installer, ensemble avec son voisin, un poste de transformation raccordé à une ligne existante, de sorte que l’accès à l’électricité est garanti.

Le tribunal est dès lors amené à retenir que c’est à juste titre que le demandeur conteste le bien-fondé du motif de refus fondé sur un défaut de viabilisation du terrain.

15Enfin, à défaut de toute précision fournie par la commune de Lintgen quant aux dispositions de son PAG sur lesquelles elle se réfère en invoquant « toute une série de règles en matière de sécurité et de salubrités publiques », c’est encore à juste titre que le demandeur conteste ce motif de refus, étant relevé que la commune de Lintgen reste en défaut d’indiquer les dispositions de sa réglementation urbanistique sur lesquelles elle entend fonder ses interrogations quant à la gestion des eaux.

6) Quant au motif de refus fondé sur le respect des droits des voisins et plus particulièrement sur des considérations de tranquillité, de salubrité et de sûreté publiques Pour autant que la commune fonde son argumentation sur l’article 50 du décret du 14 décembre 1789, il convient de relever que l’exercice, par le bourgmestre, de son pouvoir général de police ne saurait tenir directement en échec les dispositions urbanistiques en ce sens qu’il pourrait se prévaloir d’un problème général de sécurité, de tranquillité ou autre, pour tenir en échec le principe même de l’implantation d’une construction conforme aux règles urbanistiques8, et que la conformité de la demande d’autorisation par rapport aux dispositions d’urbanisme existantes entraîne en principe dans le chef du bourgmestre l’obligation de délivrer le permis sollicité sans prendre en considération d’autres considérations d’intérêt privé ou tenant à l’exécutabilité technique ou matérielle du projet9.

Dès lors, si certes le bourgmestre est chargé de l’exécution des lois et règlements de police lorsqu’il est saisi d’une demande d’autorisation de construire, il ne peut contrôler le projet que par rapport à la réglementation urbanistique en vigueur et doit accorder son autorisation du moment que le projet est conforme à cette règlementation. En revanche, il ne saurait refuser son autorisation en matière d’urbanisme sur la seule base de son pouvoir général de police découlant du décret précité, indépendamment des dispositions afférentes contenues dans la réglementation urbanistique applicable.

D’autre part, force est de constater que si la commune soulève un certain nombre de critiques formulées à l’égard du projet du demandeur et déclare craindre des incidences sur le voisinage, en s’appuyant sur une analyse du bureau …, elle reste en défaut d’invoquer, à l’appui de son argumentation, une quelconque disposition urbanistique susceptible de rentrer dans son champ de compétence qui serait susceptible de justifier son refus, les craintes avancées par la commune relevant davantage de la législation sur les établissement classés, respectivement de celle sur la protection de la nature.

C’est partant également à juste titre que le demandeur conclut au caractère non fondé de ce motif de refus tenant à la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’aucun des motifs de refus avancés par la commune ne saurait constituer un fondement suffisant du refus litigieux, de sorte que la décision de refus implicite du bourgmestre de la commune de Lintgen se dégageant du silence gardé par celui-ci pendant plus de trois mois suite à la demande d’autorisation de bâtir introduite par Monsieur … par courrier du 28 décembre 2016 est à annuler.

8 Trib. adm. 4 novembre 2002, n° 14597 ; trib. adm. 15 décembre 2004, n° 17971, confirmé par arrêt du 9 juin 2005, n° 19200C, disponibles sous www.jurad.etat.lu.

9 En ce sens : Cour adm. 22 mars 2011, n°27064C du rôle, Pas. adm. 2018, V° Urbanisme, n° 686 ; voir également trib. adm. 6 décembre 2017, n°38837 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.

16 Eu égard à l’issue du litige, la demande en paiement d’une indemnité de procédure de 5.000 euros formulée par les consorts … dans leur mémoire en intervention du 14 septembre 2018 est à rejeter.

Les demandes en paiement d’une indemnité de procédure de 3.000 euros, respectivement de 4.000 euros formulées par Monsieur … dans la requête introductive d’instance, respectivement dans son mémoire additionnel à l’encontre de la commune de Lintgen, respectivement à l’encontre des consorts … sont à rejeter alors qu’il n’est pas établi en quoi il serait inéquitable de laisser à l’unique charge de Monsieur … les frais non compris dans les dépens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

vidant le jugement du 11 juillet 2018 ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond déclare ledit recours fondé, partant annule la décision de refus implicite du bourgmestre de la commune de Lintgen se dégageant du silence gardé par celui-ci pendant plus de trois mois suite à la demande d’autorisation de bâtir introduite par Monsieur … par courrier du 28 décembre 2016 portant sur un terrain situé dans la commune de Lintgen, section B de … et Prettingen, inscrit au cadastre sous les numéros …et …, et renvoie le dossier devant le bourgmestre ;

rejette les demandes en paiement d’une indemnité de procédure de 3.000 euros et de 4.000 euros formulées par Monsieur … et celle de 5.000 euros formulée par les consorts … ;

condamne la commune de Lintgen au paiement des frais ;

laisse les frais de l’intervention volontaire à charge des consorts ….

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 30 janvier 2019 par :

Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, premier juge, Géraldine Anelli, juge, en présence du greffier Michèle Hoffmann.

s. Hoffmann s. Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 31/1/2019 Le Greffier du Tribunal administratif 17 18


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 40430a
Date de la décision : 30/01/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2019-01-30;40430a ?

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