La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/01/2019 | LUXEMBOURG | N°40343

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 janvier 2019, 40343


Tribunal administratif N° 40343 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 novembre 2017 1ère chambre Audience publique du 28 janvier 2019 Recours formé par Monsieur … et Madame …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 40343 du rôle et déposée en date du 6 novembre 2017 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité lim

itée Loyens & Loeff Luxembourg SARL, inscrite au barreau de Luxembourg, établie et ayant son si...

Tribunal administratif N° 40343 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 novembre 2017 1ère chambre Audience publique du 28 janvier 2019 Recours formé par Monsieur … et Madame …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 40343 du rôle et déposée en date du 6 novembre 2017 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée Loyens & Loeff Luxembourg SARL, inscrite au barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2540 Luxembourg, 18-20, rue Edward Steichen, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B.174.248, représentée par Maître Jean-Pierre Winandy, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg au nom de Monsieur … et de Madame …, les deux demeurant ensemble à L-

2550 Luxembourg, 80, avenue du X Septembre, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision sur réclamation du directeur de l’administration des Contributions directes du 3 août 2017 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 février 2018 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 1er mars 2018 par la société à responsabilité limitée Loyens & Loeff SARL pour compte de Monsieur … et Madame …, préqualifiés ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Anne Kléthy, en remplacement de Maître Jean-Pierre Winandy, et Monsieur le délégué du gouvernement Steve Collart en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 novembre 2018.

________________________________________________________________________

En date du 17 novembre 2016, le bureau d’imposition Luxembourg 6 de la section des personnes physiques de l’administration des Contributions directes, désigné ci-après par « le bureau d’imposition », s’adressa à Monsieur … et à Madame …, ci-après désignés par « les époux …», dans les termes suivants : « (…) En exécution des paragraphes 107 et 205 de la loi générale des impôts (A0) je vous prie de bien vouloir me fournir les renseignements suivants :

 Suivant des informations vous avez reçu des honoraires de …EUR de la part de la Chambre des Salariés. Veuillez nous envoyer les pièces à l’appui  Rev.salaire/frais d’obtention déclarés : veuillez nous expliquer brièvement la nature de ces frais et la relation de ces frais avec la profession exercée  Quelle est l’utilisation de l’immeuble sis …à … (location ? occupation personnelle ? vente ? …). Veuillez également nous envoyer une copie de l’acte d’achat  Copie du contrat assurance solde restant du Veuillez m’envoyer les renseignements demandés pour le 02.12.2016 au plus tard.

[…] ».

En date du 14 décembre 2016, le bureau d’imposition émit le bulletin d’impôt sur le revenu de l’année 2015 avec la précision que l’imposition différait de la déclaration de l’impôt sur les points suivants : « Bén.prof.libérale : honoraires reçus = … EUR Rev.Location/imm.ave …: frais déduct= commissions payées et intérêts débiteurs )=

… EUR) ».

Par courrier de leur litismandataire du 17 mars 2017, les époux …firent introduire auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », une réclamation à l’encontre du bulletin d’impôt précité émis le 14 décembre 2016.

Cette réclamation fut rejetée par une décision du directeur du 3 août 2017, répertoriée sous le numéro C 23290 du rôle, libellée comme suit :

« […] Vu la requête introduite le 17 mars 2017 par le sieur Jean-Pierre Winandy de la fiduciaire « Loyens-Loeff s.à r.l. » au nom des époux, le sieur … et la dame …, demeurant à L-…, pour réclamer contre le bulletin de l'impôt sur le revenu de l'année 2015, émis le 14 décembre 2016 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 228, 235, numéros 5 et 301 de la loi générale des impôts (A0) ;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu'elle est partant recevable ;

Considérant que les réclamants font grief au bureau d'imposition de leur avoir refusé la déduction d’une perte de location d’un montant de … euros.

Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens des réclamants, la loi d'impôt étant d'ordre public ;

qu'à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-

fondé ;

qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;

Considérant qu’en date du 16 novembre 2015, les réclamants ont acquis une maison d’habitation située à …, au numéro … ; qu’ils ont l’intention de s’y installer dès qu’un certain nombre de travaux de rénovation seront achevés ; qu’entretemps, ils habitent un logement rue …, également à …, dont ils sont locataires ; qu’aux fins de l’acquisition de leur nouvel immeuble, les réclamants ont contracté un emprunt hypothécaire auprès de la Banque et caisse d’épargne de l’Etat portant sur un montant de … euros ; qu’ils ont déclaré, en tant que revenu de location, une perte se composant comme suit :

Frais Montant Intérêts débiteurs … euros Commission bancaire … euros Amortissement … euros Transcription hypothécaire … euros Somme … euros Que le bureau d’imposition leur a refusé la déduction de l’amortissement et des frais de transcription hypothécaire, refus que contestent les requérants en ce qui concerne l’amortissement seulement ; que le refus de la déduction des frais de transcription hypothécaire n’est pas mis en cause au niveau de la présente réclamation ; qu’en tant que frais rattachés au transfert de propriété, ceux-ci représentent un élément du prix d’acquisition au même titre que les honoraires du notaire et les droits d’enregistrement ;

qu’il ne subsiste donc, comme seul point litigieux, que le seul amortissement, au titre duquel le requérant fait valoir que « l’amortissement de l’habitation acquise le 16 novembre 2015 qui n’est pas occupée par le Réclamants (sic) mais que servira dans un proche futur de résidence principale doit être considéré de constituer une dépense en relation avec un revenu imposable. L’alinéa 2 n° 3 de l’article 105 LIR confirme en outre explicitement que l’amortissement pour usure ou pour diminution de substance rentre parmi les frais d’obtention et peut partant être considérée (sic) comme une dépense en lien direct avec le revenu imposable qu’un immeuble est de par sa nature censé produire » et encore que « l’habitation a été sujette à des rénovations substantielles en 2016 et [qu’] elle n’était pas en état d’être habitée ni en 2015 ni en 2016 » ;

Considérant qu’en vertu de l’article 105, alinéa 2, no 3 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.) constituent des frais d’obtention l’amortissement pour usure ou pour diminution de substance visé à l’article 106 L.I.R. ; que d’après l’article 106, alinéa 1er L.I.R.

l’amortissement prévu à l’alinéa 2, numéro 3 de l’article 105 L.I.R. concerne uniquement la déperdition normale tant technique qu’économique et n’entre en ligne de compte que pour les biens qui sont sources de revenus pour le contribuable ou qui en tant qu’instruments de travail sont affectés ou utilisés par le contribuable aux fins d’obtention de revenus ; qu’il est déterminé conformément aux dispositions du présent article et des articles 22, alinéa 4, 29, 30, 32, alinéa 1er et 2, 33 et 34 L.I.R. sur base du prix d’acquisition ou de revient ;

Considérant que suivant l’article 25, alinéa 1er L.I.R., le prix d’acquisition d’un bien est l’ensemble des dépenses assumées par l’exploitant (ou le propriétaire) pour le mettre dans son état au moment de l’évaluation ;

Considérant qu’ayant acquis leur nouvelle maison en date du 16 novembre 2015, les réclamants n’y ont pas encore emménagé au 24 juillet 2017 ; qu’ils ont d’ailleurs expliqué qu’ils ne pouvaient occuper cette maison en raison de travaux de rénovation substantiels dont la durée s’étendrait sur plus d’une année ; qu’au niveau de leur réclamation ils confirment que la maison n’était en effet pas habitable ni après son acquisition en 2015, ni tout au long de l’année 2016 ;

Considérant que des travaux dont la durée s’étend sur plus d’une année et empêchent qu’une maison en cours de rénovation soit habitée, remettent celle-ci dans un état d’inachèvement ;

Considérant que les travaux effectués sur un immeuble construit représentent soit des dépenses de réparation, soit des dépenses d’investissement ; que tout travail se limitant à renouveler un élément préexistant de l’immeuble peut être considéré comme réparation dont les frais ne modifient pas le prix d’acquisition de l’immeuble, tandis que les travaux aboutissant notamment à un changement de la nature du bâtiment, à une augmentation essentielle de la substance du bâtiment, ou encore à une amélioration considérable de l’état antérieur du bâtiment (TA no 10111 du 14 janvier 1998) sont considérés comme des travaux d’investissement dont la somme des frais augmente le prix d’acquisition de l’immeuble ; que toute dépense remplissant un seul de ces critères est à qualifier de dépense d’investissement (TA no 10835 du 28 mars 2001) ;

Considérant qu’aux termes de la circulaire du directeur des contributions L.I.R.

105/8-98/1 du 16 mars 2005, l’envergure des travaux constitue un indice permettant, le cas échéant, de conclure à une amélioration considérable ; qu’ainsi, des travaux de remise en état ou de modernisation améliorant significativement l’état de plusieurs éléments majeurs de l’équipements d’une habitation, tels que fenêtres, installation électrique, installation sanitaire ou installation de chauffage, peuvent conduire, dans leur ensemble, à une amélioration considérable de l’immeuble ; que le fait que chaque mesure considérée isolément serait à apprécier comme une mesure d’entretien, n’empêche pas cette qualification globale ;

Considérant que les travaux engagés par les réclamants durent depuis vingt mois ;

qu’au cours d’une telle période, des travaux considérables ont indubitablement eu lieu qui, dans leur ensemble, de par leur nature et de par leur envergure, aboutiront sans conteste à une amélioration considérable de l’état antérieur de l’immeuble, de sorte que les dépenses litigieuses sont à qualifier de dépenses d’investissement augmentant le prix d’acquisition ou de revient de l’immeuble ; qu’il en résulte que l’immeuble acquis le 16 novembre 2015 n’était pas achevé à l’époque et son prix d’acquisition n’était pas intégralement constitué ;

qu’ainsi donc, l’amortissement, commençant au plus tôt avec l’achèvement du bien, n’est pas à accorder ;

Considérant que les frais d’obtention pris en compte par le bureau d’imposition se limitent aux frais liés au préfinancement de l’acquisition, soit … euros de commission bancaire et … euros d’intérêts débiteurs ; que le montant du revenu de location qui s’en dégage, se chiffrant à … euros est à confirmer ;

Considérant que pour le surplus, l’imposition est conforme à la loi et aux faits de la cause et n’est d’ailleurs pas autrement contestée ; […]».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 novembre 2017, les époux …ont fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision directoriale précitée du 3 août 2017.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation introduite contre un bulletin d’impôt sur le revenu.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal contre la décision directoriale déférée du 3 août 2017, ledit recours étant encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de leur recours et en fait, les demandeurs expliquent avoir exposé des dépenses à hauteur de ….- euros en relation avec la maison d’habitation qu’ils ont acquise en 2015. Ils reprochent, à cet égard, au directeur d’avoir confirmé la décision du bureau d’imposition compétent de ne pas déduire l’amortissement pour usure de ladite maison d’habitation pour un montant forfaitaire de ….- euros.

En droit, les demandeurs soulignent tout d’abord qu’ils ne contestent pas le calcul du montant de l’amortissement tel que retenu par la décision directoriale litigieuse.

En s’appuyant sur les articles 105, alinéas 1er et 2 numéro 3, 106, alinéa 1er, 25, 26 et 98, alinéa 5, de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désignée par «LIR », ainsi que sur la circulaire du directeur numéro 105/8-98/1 du 16 mars 2005, les demandeurs reprochent au directeur d’avoir refusé à tort la déduction d’un amortissement à hauteur de ….- euros sous prétexte que les travaux de rénovation effectués sur leur maison sise dans l’avenue du …à …auraient duré plus d’une année. Ce motif de refus tenant à la durée des travaux effectués devrait s’analyser en une pure affirmation non autrement étayée. Ils ajoutent que même à supposer que la durée des travaux devait être considérée comme ayant la moindre pertinence, il n’en resterait pas moins qu’en l’espèce, la durée relativement longue des travaux ne s’expliquerait pas par l’envergure des travaux mais par un concours malheureux de circonstances. Les demandeurs insistent plus particulièrement sur le fait qu’avant son acquisition, la maison concernée, qui aurait été composée de trois étages dont chacun aurait été loué à une famille, aurait était habitable, ce qui serait prouvé par le fait même qu’elle aurait été entièrement louée avant qu’ils ne l’acquièrent. Ils ajoutent que ce serait en raison de leur situation de parents de jumeaux en bas âge qu’ils auraient décidé de ne pas habiter la maison en question pendant les travaux de rénovation. Ils insistent encore sur le fait que la raison principale pour laquelle ils n’auraient pas pu occuper la maison en question pendant une durée relativement longue serait à rechercher dans une erreur commise par l’architecte qu’ils avaient engagé et qui aurait omis de déposer la demande de permis de construire auprès de la …. Cette omission dans le chef de leur architecte les aurait conduits à résilier le contrat de service les liant à lui et à ne plus vouloir travailler à l’avenir avec un autre architecte, de sorte qu’ils auraient dû eux-mêmes trouver les sociétés appelées à travailler pour leur compte. Si l’autorisation de construire avait finalement été délivrée le 18 juillet 2016, les travaux n’auraient toutefois pu commencer qu’en décembre 2016 après qu’ils aient trouvé tous les prestataires de services. Ils ajoutent que l’essentiel des travaux aurait été réalisé en 2017 et qu’ils auraient occupé la maison litigieuse vers la fin du mois d’octobre 2017. Il s’ensuivrait que les travaux de rénovation proprement dits auraient pris nettement moins de 12 mois.

Dans son mémoire en réponse, la partie étatique souligne que les travaux effectués sur un immeuble construit représenteraient soit des dépenses de réparation, soit des dépenses d’investissement et que tout travail se limitant à renouveler un élément préexistant de l’immeuble pourrait être considéré comme réparation dont les frais ne modifient pas le prix d’acquisition de l’immeuble, tandis que les travaux aboutissant notamment à un changement de la nature du bâtiment, à une augmentation essentielle de la substance du bâtiment, ou encore à une amélioration considérable de l’état antérieur du bâtiment, seraient à considérer comme des travaux d’investissement dont la somme des frais augmenterait le prix d’acquisition de l’immeuble.

Elle ajoute qu’il se dégagerait de la circulaire du directeur LIR 105/8-98/1 du 16 mars 2005 que l’envergure des travaux constituerait un indice permettant, le cas échéant, de conclure à une amélioration considérable et que notamment des travaux de remise en état ou de modernisation améliorant significativement l’état de plusieurs éléments majeurs de l’équipement d’une habitation, tels que fenêtres, installations électriques, installations sanitaires ou installations de chauffage pourraient conduire, dans leur ensemble, à une amélioration de l’immeuble.

Le délégué du gouvernement met ensuite en avant que si les demandeurs semblaient vouloir attribuer une faute à leur ancien architecte pour avoir mis un certain temps pour déposer les autorisations nécessaires auprès de la commune, il n’en resterait pas moins que l’administration des Contributions directes ne pourrait que constater des faits constatables.

Or, comme en l’espèce, il aurait été constaté que les travaux engagés par les demandeurs avaient duré vingt mois et qu’au cours d’une telle période des travaux considérables auraient indubitablement été effectués qui, dans leur ensemble, de par leur nature et de par leur envergure auraient abouti incontestablement à une amélioration considérable de l’état antérieur de l’immeuble, la partie étatique est d’avis que les dépenses litigieuses seraient à qualifier de dépenses d’investissement augmentant le prix d’acquisition ou de revient de l’immeuble.

Il s’ensuivrait encore qu’il y aurait lieu d’admettre que la maison d’habitation acquise le 16 novembre 2015 n’était pas achevée à l’époque et que son prix d’acquisition n’aurait pas été entièrement constitué. Or, comme l’amortissement ne commencerait qu’au plus tôt avec l’achèvement du bien, il ne serait pas à accorder.

Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs insistent sur le fait que la décision directoriale ne serait pas motivée en droit alors que la thèse étatique suivant laquelle un immeuble faisant l’objet de travaux pendant plus d’une année devrait être considéré de ce fait comme étant remis dans un état d’inachèvement, ne serait fondée ni en droit ni en fait, puisque les travaux auraient en réalité duré moins de 12 mois, en l’occurrence de décembre 2016 à septembre 2017.

Ils ajoutent que la thèse reprise par la partie étatique dans son mémoire en réponse suivant laquelle le prix d’acquisition de la maison concernée n’aurait pas été intégralement constitué au moment de son achat et qu’en conséquence l’amortissement ne pourrait pas être accordé, au motif qu’il commencerait au plus tôt avec l’achèvement du bien, ne serait couverte ni par les textes applicables en la matière ni par l’application que l’administration ferait communément de ces textes.

En s’appuyant sur les documents parlementaires relatifs à l’ancien article 122 LIR, devenu l’article 106 LIR, les demandeurs mettent en avant que, dans une première phase, ce serait le prix d’acquisition qui servirait de base d’amortissement, mais qu’en cas d’impenses d’investissement, cette base serait augmentée d’autant pour l’avenir. Il serait dès lors erroné de prétendre, tel que le fait la partie étatique, qu’il faudrait attendre que tous les travaux de rénovation soient faits avant de pouvoir amortir l’immeuble.

Les demandeurs insistent, pour le surplus, sur le fait que leur affirmation suivant laquelle les retards dans les travaux seraient dus au comportement de leur architecte serait étayée par les échanges de courriels qu’ils ont versés au dossier et dont il ressortirait que l’architecte en question a reconnu son erreur.

Pour ce qui est finalement du caractère habitable de leur maison en 2015, les demandeurs soulignent l’avoir achetée le 16 novembre 2015 et qu’à ce moment-là, elle aurait été habitée par plusieurs familles, ce qui prouverait, selon eux, que cette maison était habitable dans les faits, même s’il elle ne l’avait pas été pour eux et ce, pour une double raison, à savoir, d’une part, parce qu’elle n’aurait pas été meublée, et, d’autre part, parce qu’elle devait encore faire l’objet de travaux nécessaires pour en augmenter le confort. Il s’ensuivrait que la maison aurait été objectivement habitable même si elle ne l’avait pas été subjectivement.

Aux termes de l’article 105, alinéa 1er, LIR : « Sont considérés comme frais d’obtention les dépenses faites directement en vue d’acquérir, d’assurer et de conserver les recettes ».

Il est encore précisé à l’alinéa 2 de cet article, sous les numéros 2 et 3, que constituent également des frais d’obtention « […], 2. les impôts réels frappant la propriété foncière, les redevances communales, les primes d’assurance, les frais d’entretien, de réparation et de gérance, pour autant que ces dépenses se rapportent à des biens qui procurent des revenus au contribuable ; 3. l’amortissement pour usure ou pour diminution de substance visé à l’article 106 ; […] ».

Aux termes de l’article 106, alinéa 1er, LIR : « L’amortissement prévu à l’alinéa 2, numéro 3 de l’article 105 concerne uniquement la déperdition normale tant technique qu’économique et n’entre en ligne de compte que pour les biens qui sont sources de revenus pour le contribuable ou qui en tant qu’instruments de travail sont affectés ou utilisés par le contribuable aux fins d’obtention de revenus. Il est déterminé conformément aux dispositions du présent article et des articles 22, alinéa 4, 29, 30, 32, alinéas 1er et 2, 33 et 34 sur la base du prix d’acquisition ou de revient. ». L’article 29 LIR précise encore que :

« L’amortissement pour usure et celui pour diminution de substance visés à l’article 28 concernent la déperdition tant technique qu’économique. Sans préjudice des dispositions prévues aux articles 53 à 55, l’ensemble des amortissements et des déductions pour dépréciation ne peut dépasser, pour une immobilisation amortissable déterminée, son prix d’acquisition ou de revient, diminué, le cas échéant, de sa valeur estimée de récupération. ».

L’article 32, alinéas 1er et 2, LIR dispose encore comme suit : « 1 L’amortissement normal pour usure se calcule, pour un exercice déterminé d’exploitation, sur la base de la valeur nette restante du prix d’acquisition ou de revient, diminuée, le cas échéant, de la valeur estimée de récupération, et en retenant un montant égal par unité de la durée usuelle d’utilisation restant à courir à compter du début de l’exercice d’exploitation.

2 La durée usuelle d’utilisation se détermine compte tenu du genre et des conditions d’utilisation de l’immobilisation considérée. Elle doit être établie en un nombre d’années;

toutefois de l’accord de l’administration des contributions et sous les conditions à déterminer dans chaque cas, elle peut être fixée en toute autre unité appropriée. ».

Il convient tout d’abord de constater qu’il résulte de l’article 105, alinéa 1er, LIR que sont considérés comme frais d’obtention à porter en déduction des revenus déclarés dans la catégorie des revenus provenant de la location de biens, les dépenses faites en vue d’acquérir, d’assurer et de conserver les recettes. Il résulte également des numéros 2 et 3 de l’alinéa 2 de l’article 105 précité, qu’en dehors des frais d’entretien, sont à considérer comme frais d’obtention l’amortissement pour usure ou pour diminution de substance visé à l’article 106 LIR.

D’un autre côté, il se dégage de l’article 32, alinéa 1er, LIR, que la base de l’amortissement est constituée par le prix d’acquisition ou de revient du bien concerné, étant relevé que le prix d’acquisition est déterminé d’après les dispositions de l’article 25, alinéa 1er, LIR, en vertu duquel : « Le prix d’acquisition d’un bien est l’ensemble des dépenses assumées par l’exploitant pour le mettre dans son état au moment de l’évaluation. […] ».

L’article 25, alinéa 1er, LIR définit dès lors le prix d’acquisition d’un bien comme étant l’ensemble des dépenses assumées pour mettre le bien dans son état où il se trouve à l’instant de son évaluation. Au prix d’achat proprement dit, il convient d’ajouter les frais directement liés à l’acquisition du bien1, tels que les frais d’acte, les commissions, les taxes et impôts grevant l’achat, etc. Ce prix d’acquisition initial peut être sujet à une augmentation ultérieure du fait de dépenses d’investissement.

Il résulte de la superposition des dispositions légales des articles 105, alinéa 2, numéro 3, 106, 22, alinéa 4, 29 et 32, alinéas 1er et 2 LIR que l’amortissement rentre dans la catégorie des frais d’obtention, que le début de la déduction de l’amortissement coïncide avec l’achèvement (Bezugsfertigkeit) de la construction, que l’amortissement concerne uniquement la déperdition normale tant technique qu’économique, qu’il n’entre en ligne de compte que pour les biens qui sont sources de revenu et que l’amortissement ne peut pas dépasser le prix d’acquisition ou de revient du bien amortissable2.

En d’autres termes, en cas d’acquisition d’un bien, l’amortissement est à pratiquer à partir du moment où le contribuable peut effectivement disposer du bien.

En l’espèce, il est constant en cause que les demandeurs ont acquis la maison litigieuse en date du 16 novembre 2015, mais qu’ils n’y ont emménagé qu’en octobre 2017.

Force est encore de constater qu’il se dégage de la réclamation que les demandeurs ont fait introduire auprès du directeur que la maison en cause a fait l’objet de rénovations substantielles en 2016 et que, de ce fait, elle n’a pas pu être habitée par eux en 2015 et en 2016.

1 Trib. adm. 9 mars 2016, n°34813 du rôle, Pas. adm. 2018, V° Impôts, n° 283.

2 Norbet Fehlen, « L’impôt sur le revenu (IV) Commentaire des articles 96 à 98, 103, 104 et 115, Nos 16 et 18 de la loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu », Etudes fiscales numéros 75/76 » Pour ce qui est des travaux effectués par les demandeurs, c’est à juste titre que le directeur a mis en avant que les travaux effectués sur un immeuble construit représentent ou bien des dépenses de réparation (Erhaltungsaufwand) ou bien des dépenses d’investissement (Herstellungsaufwand). A l’instar du directeur, il échet également de relever que tout travail se limitant à renouveler un élément préexistant de l’immeuble peut être considéré comme réparation dont les frais ne modifient pas le prix d’acquisition de l’immeuble, tandis que les travaux aboutissant notamment à un changement de la nature du bâtiment dans le sens d’une modification d’affectation ou d’utilisation (Änderung der Wesensart), à une augmentation essentielle de la substance du bâtiment par la création d’éléments nouveaux (Vermehrung der Substanz), ou encore à une amélioration considérable de l’état antérieur du bâtiment de façon qu’il y ait naissance d’un bien économique nouveau (erhebliche Verbesserung), sont à considérer comme des travaux d’investissement dont la somme des frais augmente le prix d’acquisition de l’immeuble3. Il suffit que l’un seul des trois critères en question soit établi pour qualifier la dépense concernée de dépense d’investissement, étant entendu que, dans le doute sur la nature exacte d’une dépense considérée, celle-ci est à qualifier de dépense d’entretien.

Le tribunal est amené à relever que les demandeurs n’ont versé ni au directeur ni en cours de procédure contentieuse la moindre pièce permettant de documenter les travaux qu’ils ont réalisés entre 2015 et 2017. Il s’ensuit qu’aucun reproche ne saurait être adressé au directeur qui s’est, en effet, basé sur les propres déclarations des demandeurs suivant lesquelles ils auraient procédé à des travaux de rénovation considérables en 2016 et que la maison n’aurait pas été en état d’être habitée au cours des années 2015 et 2016, pour en conclure que des travaux s’étant étalés sur une période de 20 mois ont nécessairement été d’une envergure telle qu’ils ne sauraient s’analyser en de simples travaux d’entretien mais qu’ils doivent s’analyser en des dépenses d’investissement augmentant le prix d’acquisition de l’immeuble. Ce constat est d’autant plus vrai que dans le cadre de leur recours, les demandeurs ont expliqué que lorsqu’ils ont acquis la maison litigieuse, celle-ci était composée de trois étages dont chacun était loué à une famille. En effet, des travaux visant à transformer une maison de rapport en une maison unifamiliale doivent nécessairement être considérés comme aboutissant à un changement de la nature du bâtiment ou du moins à une amélioration considérable de l’état antérieur dudit bâtiment. A défaut de la moindre pièce permettant de documenter la nature des travaux concrètement effectués, la simple circonstance que les demandeurs se soient séparés de leur architecte en août 2016 et que, de ce fait, les travaux sur leur maison n’auraient pas pu commencer avant le mois de décembre 2016, n’est pas de nature à infirmer le constat du directeur selon lequel les dépenses effectuées par les demandeurs sur la maison litigieuse suite à son acquisition sont à qualifier de dépenses d’investissement.

A l’instar du directeur, le tribunal est dès lors amené à retenir que la maison acquise le 16 novembre 2015 n’était pas encore achevée au moment de son achat et qu’elle a encore fait l’objet jusqu’en 2017 de travaux d’envergure, de sorte que, conformément à l’article 25, alinéa 1er, LIR, précité, le prix d’acquisition initial doit être considéré comme ayant été sujet à une augmentation ultérieure du fait de dépenses d’investissement engagées pour mettre la maison en état d’être habitée. Or, dans la mesure où il a été retenu ci-avant qu’il résultait de la superposition des dispositions légales des articles 105, alinéa 2, numéro 3, 106, 22, alinéa 4, 29 et 32, alinéas 1er et 2 LIR notamment que le début de la déduction de l’amortissement 3 Trib. adm. 14 janvier 1998, n° 10111 du rôle, Pas. adm. 2018, V° Impôts, n° 308 et les autres références y citées.

coïncide avec l’achèvement (Bezugsfertigkeit) de la construction et qu’il vient d’être conclu ci-avant que la maison n’était pas encore achevée en 2015, c’est à bon droit que le directeur a décidé de refuser la déduction de l’amortissement pour l’année fiscale en cause.

Au vu des considérations qui précèdent, et à défaut d’autres moyens, le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation dirigé contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 3 août 2017, inscrite sous le numéro C 23290 du rôle ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 28 janvier 2019 par :

Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, premier juge, Alexandra Bochet, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

Arny Schmit Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 28.1.2019 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 40343
Date de la décision : 28/01/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2019-01-28;40343 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award