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22/01/2019 | LUXEMBOURG | N°39978a

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 janvier 2019, 39978a


Tribunal administratif N° 39978a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 août 2017 3e chambre Audience publique du 22 janvier 2019 Recours formé par Madame …, …, contre deux décisions du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, en matière de reconnaissance de diplômes

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JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 39978 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 août 2017 par Maître Jean-Marie BAULER, au nom de Madam

e …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’an...

Tribunal administratif N° 39978a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 août 2017 3e chambre Audience publique du 22 janvier 2019 Recours formé par Madame …, …, contre deux décisions du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, en matière de reconnaissance de diplômes

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JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 39978 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 août 2017 par Maître Jean-Marie BAULER, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse du 12 mai 2016 portant reconnaissance d’équivalence de son certificat d’épreuves du baccalauréat « zdravotni sestra » décerné en date du 25 mai 1993 par l’Ecole supérieure d’Infirmières à Ceke Budejovice ( République Tchèque ) au diplôme d’Etat luxembourgeois d’infirmière sous condition qu’elle se soumette soit à une épreuve en matière de connaissances professionnelles, soit à un stage d’adaptation de deux années à temps plein dans un établissement hospitalier, ainsi que d’une décision du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse du 5 mai 2017 portant refus de faire droit au recours gracieux introduit le 22 mars 2017 contre la décision ministérielle prémentionnée du 12 mai 2016 ;

Vu le jugement interlocutoire du tribunal administratif du 17 octobre 2018 inscrit sous le numéro 39978 du rôle ;

Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 novembre 2018 ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 novembre 2018 par Maître Jean-Marie BAULER, préqualifié, pour le compte de Madame … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jonathan HOLLER, en remplacement de Maître Jean-Marie BAULER, et Madame le délégué du gouvernement Stéphanie LINSTER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 novembre 2018.

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Suite à une demande introduite par Madame … en date du 14 août 1996, le ministre de la Santé, en se basant sur l’article 2 de la loi modifiée du 26 mars 1992 sur l’exercice et la revalorisation de certaines professions de santé, reconnut le diplôme tchèque d’infirmière de cette dernière comme équivalent au certificat luxembourgeois d’aide-soignant.

1 Le 27 juin 2005, Madame … s’adressa au ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en vue d’un réexamen de sa demande de reconnaissance du diplôme d’infirmière tchèque au diplôme d’Etat luxembourgeois d’infirmière, demande à laquelle ledit ministre refusa de faire droit dans les termes suivants :

« […] Le contrat d’adhésion de la République tchèque à l’Union Européenne prévoit que " pour les ressortissants des Etats membres dont les diplômes, certificats et autres titres d’infirmier responsable des soins généraux ont été délivrés par l’ancienne Tchécoslovaquie ou dont la formation a commencé dans cet Etat avant le 1er janvier 1993, chaque Etat membre reconnaît ces diplômes, certificats et autres titres d’infirmiers dispensant des soins généraux lorsque les autorités de la République tchèque attestent que ces titres ont, sur le territoire de celle-ci, la même validité sur le plan juridique que les titres tchèques d’infirmier responsable des soins généraux, pour ce qui est de l’accès aux activités d’infirmer responsable des soins généraux et de leur exercice. Cette attestation doit être accompagnée d’un certificat délivré par ces mêmes autorités, déclarant que ces personnes ont effectivement et licitement exercé les activités en cause sur le territoire de la République tchèque pendant au moins trois années consécutives au cours des cinq années précédant la date de délivrance du certificat“.

Vous ne remplissez donc pas les conditions prévues par le contrat d’adhésion mentionné ci-dessus et par conséquent votre diplôme n’a pas la même validité sur le plan juridique que les titres tchèques d’infirmier responsable des soins généraux, pour ce qui est de l’accès aux activités d’infirmier responsable des soins généraux et de leur exercice.

Par ailleurs je vous informe que, selon les directives européennes, une formation scolaire générale de dix années sanctionnée par un diplôme est la condition pour pouvoir accéder à la formation d’infirmier. La réglementation luxembourgeoise prévoit onze années de préformation. Votre formation générale cependant ne comporte que huit années.

La décision ministérielle du 14 juin 1996 arrêtant que le diplôme tchèque d’infirmière est reconnu équivalent au certificat luxembourgeois d’aide-soignant reste d’application.

[…] ».

Le 9 janvier 2012, le ministre de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle, en se basant sur la loi du 14 août 2000 portant approbation de la Convention sur la reconnaissance des qualifications relatives à l’enseignement supérieur dans la région européenne, faite à Lisbonne, le 11 avril 1997, certifia que « Le Certificat (classification en quatrième année), décerné en date du 12 mai 1993 par le Lycée technique pour professions de santé à Ceske Budejovice (République Tchèque), à Madame …, née le … à … (République Tchèque), est reconnu équivalent au diplôme de technicien dans l’enseignement secondaire technique luxembourgeois dans la spécialité correspondante ».

Le 18 janvier 2016, Madame … introduisit une nouvelle demande de reconnaissance de son diplôme avec le diplôme d’Etat luxembourgeois d’infirmière auprès du ministre de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, ci-après désigné par « le ministre ».

Le 12 mai 2016, le ministre prit la décision suivante :

2 « […] Vu la loi du 26 juillet 2010 portant organisation de la formation à la profession réglementée de l’infirmier responsable de soins généraux et de la formation de sage-femme et portant reconnaissance des titres de certaines professions réglementées ;

Vu l’article 12 de la loi modifiée du 11 janvier 1995 portant réorganisation des écoles publiques et privées d’infirmiers et d’infirmières et réglementant la collaboration entre le ministre de l’Éducation nationale et le ministre de la Santé ;

Vu l’arrêté ministériel modifié du 1er juin 2015 portant nomination de la commission ad hoc chargée d’apprécier les titres et diplômes ainsi que les qualifications professionnelles afférentes des professions réglementées du domaine de la santé ;

Vu la demande de reconnaissance présentée par Madame … ép. …, née le … à … (République Tchèque), portant sur le certificat d’épreuves du baccalauréat "zdravotni sestra", délivré par l’Ecole supérieure d’Infirmières à Ceke Budejovice à Ceke Budejovice (République Tchèque) en date du 25 mai 1993 ;

Vu l’avis en date du 12 mai 2016 de la commission susmentionnée ;

Considérant qu’il s’agit d’un diplôme tel que prévu à l’article 21 de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et tel que visé à l’annexe V, point 5.2.2 ;

Considérant qu’il ne s’agit pas d’un diplôme tombant sous le champ d’application de la directive 2005/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles ;

Considérant qu’il s’agit d’un diplôme relevant de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et correspondant selon l’article 11 au niveau d) ;

Considérant qu’il s’agit d’un diplôme donnant accès à la profession d’infirmière en République Tchèque ;

Considérant que le curriculum représente un cycle de formation professionnelle de quatre ans après huit années de formation générale ;

Il est certifié que :

Art. 1er. Le certificat d’épreuves du baccalauréat « zdravotni sestra », décerné en date du 25 mai 1993 par l’Ecole supérieure d’Infirmières à Ceke Budejovice à Ceke Budejovice (République Tchèque), à Madame …, née le … à … (République Tchèque), sera reconnu équivalent au diplôme d’Etat luxembourgeois d’infirmière à condition que la requérante se soumette à une épreuve en matière de reconnaissance professionnelles, ou bien accomplisse un stage d’adaptation de deux années à temps plein (qui doit être accordé au préalable) dans un établissement hospitalier repris dans le système de garde.

Art. 2. La présente est transmise à l’intéressée pour information. […] ».

3Par courrier daté du 26 août 2016 Madame … informa le ministre avoir adressé plusieurs demandes à divers établissements hospitaliers afin d’y effectuer le stage d’adaptation requis, demandes qui auraient toutefois toutes fait l’objet d’un refus. Elle ajouta qu’elle se serait également adressée sans succès à l’ADEM et elle sollicita une prise de position.

Par missive du 22 septembre 2016, le ministre prit position comme suit :

« […] Gemäß der europäischen Richtlinie 2005/36/EU, welche in Luxemburger Recht durch ein Gesetz vom 19. Juni 2009 umgesetzt wurde, haben Sie durch den Entscheid vom 12.

Mai 2016 mitgeteilt bekommen, dass Sie zwecks Anerkennung Ihrer Berufsqualifikationen, Anpassungsmaßnahmen in Form eines 24-monatigen Anpassungslehrgangs bzw. das Ablegen einer Eignungsprüfung, durchlaufen müssen.

Diese Entscheidung gibt Ihnen demnach die Wahl zwischen dem Ausführen eines Anpassungslehrgangs oder dem Ablegen einer Eignungsprüfung.

Ich möchte Sie darauf hinweisen, dass weder die o.g. Richtlinie noch ein nationales Gesetz vorschreibe, dass das Unterrichtsministerium Ihnen eine Stelle zur Durchführung Ihres Anpassungslehrgangs vermitteln muss und es demnach auch keine Garantie auf Erhalt einer solchen Anstellung gibt.

Demnach, obliegt es Ihnen persönlich einen Posten zu finden.

Falls Sie Probleme haben solch eine Anstellung zu finden, können Sie sich wie oben erwähnt der Eignungsprüfung stellen […] ».

Le 22 mars 2017, Madame … fit introduire, par l’intermédiaire de son mandataire, un recours gracieux contre la décision du 12 mai 2016, recours dans lequel elle souligna que « […] Cet article [ article 23 point 3 de la directive 2005/36/CE ] prévoit que l’Etat membre reconnait les titres de formation d’infirmer responsable de soins généraux qui ont été délivrés par l’ancienne Tchécoslovaquie ou dont la formation a commencé, pour la République tchèque et la Slovaquie, avant le 1er janvier 1993, lorsque les autorités de l’un des deux Etats membres précités attestent que ces titres ont, sur leur territoire, la même validité sur le plan juridique que les titres qu’elles délivrent pour ce qui est de l’accès aux activités professionnelles d’infirmer responsable de soins généraux. Ma mandante a débuté sa formation d’infirmière en septembre 1989 et a obtenu son diplôme le 25 mai 1993. Si besoin en est ma mandante vous versera une attestation de son pays d’origine attestant la validité juridique de son titre. Par ailleurs elle travaille depuis 1996 dans le secteur des soins au Luxembourg […] ».

Par décision du 5 mai 2017, le ministre rejeta le recours gracieux lui ainsi adressé dans les termes suivants :

« […] J’ai en mains votre courrier du 22 mars 2017 dans l’affaire sous rubrique, par lequel vous exercez un recours gracieux contre la décision du 12 mai 2016 accordant à votre mandante une reconnaissance d’équivalence de son diplôme tchèque au diplôme d’Etat luxembourgeois d’infirmier, à condition de se soumettre à une épreuve d’aptitude ou un stage d’adaptation.

4 Vous demandez de lui accorder le bénéfice de la reconnaissance définitive de son diplôme.

Je dois cependant attirer votre attention sur le dernier alinéa point 3 de l’article 23 de la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, lequel énonce que « Cette attestation doit être accompagnée d’un certificat délivré par ces mêmes autorités déclarant que ces personnes ont effectivement et licitement exercé les activités en cause sur leur territoire pendant au moins trois années consécutives au cours des cinq années précédant la date de délivrance du certificat. » Etant donné que votre mandante n’a pas présenté ce certificat, je ne puis réserver une suite favorable à votre demande.

La présente décision est susceptible d’un recours à déposer devant le tribunal administratif de Luxembourg par ministère d’avocat dans un délai de 3 mois à partir de la notification de la présente […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 août 2017, Madame … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du ministre du 12 mai 2016 soumettant la reconnaissance d’équivalence de son diplôme avec le diplôme d’Etat luxembourgeois d’infirmière à la condition qu’elle passe une épreuve en matière de connaissances professionnelles, respectivement qu’elle accomplisse un stage d’adaptation de deux années à temps plein dans un établissement hospitalier, ainsi que de la décision précitée du ministre du 5 mai 2017 rejetant son recours gracieux.

Dans son jugement interlocutoire du 17 octobre 2018, inscrit sous le numéro 39978 du rôle, le tribunal administratif s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal, a reçu en la forme le recours en annulation dirigé à titre subsidiaire contre la décision ministérielle du 5 mai 2017 et a, pour le surplus et avant tout progrès en cause invité les parties à produire un mémoire supplémentaire quant à la recevabilité du recours en annulation en ce qu’il est dirigé contre la décision ministérielle du 12 mai 2016 et quant à l’incidence de la transposition de la directive 2005/36/CE du parlement européen et du conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, ci-après désignée par « la directive 2005/36/CE » en droit luxembourgeois et plus particulièrement de l’entrée en vigueur de la loi du 28 octobre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles; 2. portant création d'un registre des titres professionnels et d'un registre des titres de formation; 3. modifiant a) la loi modifiée du 29 avril 1983 concernant l'exercice des professions de médecin, de médecin-

dentiste et de médecin-vétérinaire, b) la loi modifiée du 31 juillet 1991 déterminant les conditions d'autorisation d'exercer la profession de pharmacien, c) la loi modifiée du 26 mars 1992 sur l'exercice et la revalorisation de certaines professions de santé, d) la loi modifiée du 11 janvier 1995 portant réorganisation des écoles publiques et privées d'infirmiers et d'infirmières et réglementant la collaboration entre le ministère de l'Education nationale et le ministère de la Santé, e) la loi du 2 septembre 2011 réglementant l'accès aux professions d'artisan, de commerçant, d'industriel ainsi qu'à certaines professions libérales, f) la loi du 14 juillet 2015 portant création de la profession de psychothérapeute, ci-après désignée par la « loi du 28 octobre 2016 » sur la légalité de la décision ministérielle du 5 mai 2017.

5Le tribunal est en effet arrivé à la conclusion, en ce qui concerne tout d’abord la loi applicable au présent litige, que la décision ministérielle initiale attaquée datant du 12 mai 2016, décision dans laquelle le ministre soumit la reconnaissance du diplôme de Madame … à la condition expresse que celle-ci se soumette soit à une épreuve en matière de connaissances professionnelles, soit à un stage d’adaptation de deux années à temps plein dans un établissement hospitalier, a valablement pu être basée sur la loi modifiée du 26 juillet 2010 portant organisation de la formation à la profession réglementée d’infirmier responsable de soins généraux et de la formation de sage-femme et portant reconnaissance des titres de certaines professions réglementées, ci-après désignée par « la loi du 26 juillet 2010 », loi qui a transposé la directive 2005/36/CE et qui a entretemps été abrogée par la loi du 28 octobre 2016.

En ce qui concerne la loi applicable à la décision ministérielle intervenue sur recours gracieux, datant, quant à elle, du 5 mai 2017, le tribunal a d’abord rappelé que dans la mesure où le principe de non-rétroactivité invoqué par la demanderesse est inséré au Titre préliminaire du Code civil qui a une portée générale, celui-ci vaut pour tous les domaines du droit, y compris le droit administratif, économique et social1, tout en précisant que ce principe ne protège cependant de l’application de la loi nouvelle que les situations juridiques constituées avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, tandis que le principe général de l'effet immédiat de la loi nouvelle s’applique aux situations juridiques en cours de constitution, sous réserve des éléments déjà réunis ayant une valeur propre au point de vue de la durée2. Par application de ces principes, le tribunal administratif, dans son jugement interlocutoire du 17 octobre 2018, a retenu qu’une décision prise sur recours gracieux doit être prise en conformité avec la législation applicable au moment de son adoption et ce même si elle statue par rapport à une décision initiale ayant été prise sous l’égide de l’ancienne loi3.

Le tribunal est dès lors venu à la conclusion que, dans la mesure où le ministre dans sa décision initiale du 12 mai 2016, n’a pas reconnu un quelconque droit définitif à la demanderesse d’exercer la profession d’infirmière au Luxembourg alors qu’il a soumis l’exercice de ce droit à la condition expresse qu’elle se soumette à une épreuve en matière de reconnaissance professionnelles, ou bien accomplisse un stage d’adaptation de deux années à temps plein dans un établissement hospitalier, la procédure administrative déclenchée par la demande du 18 janvier 2016 doit être considérée, à la date de l’entrée en vigueur de la loi du 28 octobre 2016, publiée au Mémorial le 18 novembre 2016, comme ayant toujours été en cours et que par voie de conséquence, au vu de l’entrée en vigueur de la loi du 28 octobre 2016, la décision intervenue sur recours gracieux tombe sous le champ d’application de cette nouvelle loi.

Au vu de ses considérations, et dans la mesure où la décision du 5 mai 2017, intervenue sur recours gracieux, a été prise sous une situation juridique différente que la décision ministérielle initiale du 12 mai 2016, le tribunal a retenu qu’elle ne saurait être qualifiée de décision purement confirmative, mais de décision nouvelle qui s’est substituée à 1 Trib. adm. 9 juin 2005, n° 18442 du rôle, confirmé sur ce point par Cour adm. 20 juin 2006, n° 20141C du rôle, Pas. adm. 2018, V° Lois et règlements, n° 87.

2 cf. Paul ROUBIER : Le droit transitoire, 2e édit. 1960, éd. Dalloz et Sirey, pp. 185 et 293.

3 Cour adm. 24 juillet 2013, n°32031C du rôle, Pas. adm. 2018, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 175.

6la première décision4, de sorte que s’est posé en premier lieu la question de la recevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre la décision ministérielle du 12 mai 2016.

Dans son mémoire supplémentaire, la partie étatique n’a pas pris position quant à cette question de recevabilité soulevée par le tribunal.

La demanderesse, quant à elle, insiste dans son mémoire supplémentaire sur le fait que les deux décisions attaquées tomberaient sous le champ d’application de l’ancienne législation et ceci en vertu du principe de non-rétroactivité des lois nouvelles, dans la mesure où sa situation juridique, à savoir son droit d’effectuer un stage d’adaptation, aurait été constituée avant l’entrée en vigueur de la loi du 28 octobre 2016.

Or, et dans la mesure où, comme retenu ci-avant, l’applicabilité des lois aux décisions ministérielles attaquées a d’ores et déjà été tranchée par le tribunal dans son jugement interlocutoire du 17 octobre 2018, le tribunal ayant en effet retenu que la décision ministérielle du 5 mai 2017, intervenue sur recours gracieux introduit le 22 mars 2017, tombe sous le champ d’application de loi du 28 octobre 2016 et que cette deuxième décision ministérielle, ne saurait être qualifiée de décision purement confirmative, mais de décision nouvelle qui s’est substituée à la première décision, laquelle a, quant à elle, valablement été prise sous l’empire de l’ancienne législation, les développements supplémentaires de la demanderesse ayant trait au principe de non-rétroactivité des lois sont à rejeter.

Ainsi, et au vu des conclusions dégagées dans le jugement interlocutoire selon lesquelles la décision ministérielle du 5 mai 2017 s’est substituée à la décision ministérielle initiale du 12 mai 2016, de sorte que celle-ci n’avait plus d’existence légale à partir de cette même date, il convient de déclarer le recours sous analyse, en ce qu’il est dirigé contre la décision ministérielle du 12 mai 2016 irrecevable pour défaut d’objet.

En ce qui concerne la légalité de la décision ministérielle du 5 mai 2017, le tribunal, dans son jugement interlocutoire du 17 octobre 2018, a d’abord rejeté pour défaut de pertinence les moyens de la demanderesse tenant à une violation des articles 8 et 9 de la loi du 19 juin 2009 ayant pour objet la transposition de la directive 2005/36/CE pour ce qui est a) le régime général de reconnaissance des titres de formation et des qualifications professionnelles, b) de la prestation temporaire de service relative à la reconnaissance des qualification professionnelles, ci-après désignée par « la loi du 19 juin 2009 » et ce au motif que la décision du 5 mai 2017 tombe sous le champ d’application de la loi du 28 octobre 2016, loi ayant expressément abrogé la loi du 19 juin 2009.

Dans son jugement interlocutoire, et dans le cadre des développements de la demanderesse relatifs à une violation alléguée de l’article 23, point (3) de la directive 2005/36/CE, le tribunal s’interrogea ensuite sur l’incidence de la transposition de la directive 2005/36/CE en droit luxembourgeois et plus particulièrement sur l’incidence de l’entrée en vigueur de la loi du 28 octobre 2016 sur la légalité de ladite décision ministérielle dans la mesure où celle-ci est basée exclusivement sur la directive en question, le ministre ayant justifié son refus de reconnaissance du diplôme de la demanderesse par la seule considération que la demanderesse ne serait pas en possession du certificat visé au « point 3 de l’article 23 de la directive 2005/36/CE », c’est-à-dire un certificat délivré par les autorités tchèques 4 Trib. adm., 7 janvier 1999, n° 10054 du rôle, Pas. adm. 2018, V° Actes administratifs, n° 99 et les autres références y citées.

7déclarant qu’elle a effectivement et licitement exercé l’activité d’infirmière sur leur territoire pendant moins de trois années consécutives au cours des cinq années précédant la date de délivrance du certificat.

Le tribunal nota en effet que ladite directive, laquelle prévoit un régime précis pour l’exercice par un ressortissant de l’Union européenne d’une profession réglementée dans un Etat membre autre que celui dans lequel il a acquis ses qualifications professionnelles, le principe étant celui de la reconnaissance mutuelle, selon une distinction à établir suivant que la profession ne fait pas l’objet de règles de reconnaissance spécifiques ou que son accès ou son exercice est réglementé dans l’Etat membre d’accueil, auquel cas le demandeur doit être titulaire d’un titre de formation au moins équivalant au niveau immédiatement inférieur à celui exigé dans l’Etat membre d’accueil, a été transposée en droit luxembourgeois d’une part, par la loi du 19 juin 2009, et d’autre part, en ce qui concerne la formation d’infirmier en particulier, par la loi du 26 juillet 2010, lois entretemps abrogées et remplacées par la loi du 28 octobre 2016, seule loi trouvant application en l’espèce.

Il a, à cet égard, encore relevé que les conditions de la reconnaissance des titres de formations donnant accès à une profession réglementée sont fixées à l’article 13 de la loi du 28 octobre 2016, tandis que les mesures de compensation sont, quant à elles, prévues à l’article 14 de la même loi et que par ailleurs, la loi en question, dans sa « Section 3 », prévoit encore des dispositions spécifiques en ce qui concerne la profession d’infirmer.

Il invita partant les parties de prendre position quant à l’incidence de la transposition de la directive en question dans le droit national et plus particulièrement de l’entrée en vigueur de la loi du 28 octobre 2016 sur la légalité de la décision ministérielle du 5 mars 2017.

Dans son mémoire supplémentaire, la partie étatique souligne que la nouvelle directive européenne 2013/55/UE du parlement européen et du conseil du 20 novembre 2013 modifiant la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et le règlement (UE) n°1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur, ci-après désignée par « la directive 2013/55/UE », aurait été transposée en droit national par la loi du 28 octobre 2016.

Le délégué du gouvernement donne ensuite à considérer que l’article 23 de la directive 2005/36/CE resterait inchangé tant par son contenu que par sa numérotation. Ce serait précisément le point 3 de l’article 23 de la « nouvelle loi » qui constituerait la base légale de la décision ministérielle du 5 mai 2017 point qui aurait pour finalité de compenser une durée largement inférieure de la préformation de l’infirmier en République Tchèque par l’exigence d’une activité professionnelle licite d’au moins trois années dans le pays d’origine, exigence à laquelle la demanderesse ne satisferait pas. La loi du 28 octobre 2016 n’apporterait dès lors aucune modification quant au point litigieux soulevé en l’espèce. Finalement, le délégué du gouvernement ajoute que les mesures de compensation telles que l’épreuve d’aptitude ou encore le stage d’adaptation seraient également reprises dans la nouvelle loi et plus précisément dans son article 14.

La demanderesse, quant à elle, soutient que les conditions de la reconnaissance des titres de formations donnant accès à une profession réglementée seraient fixées à l’article 13 de la loi du 28 octobre 2016 et que les mesures de compensation seraient prévues à l’article 14 de la même loi, la demanderesse précisant encore que l’article 11 de la loi en question exigerait par ailleurs un « certificat sanctionnant un cycle d’études secondaires : i) soit 8général, complété par un cycle d’études ou de formation professionnelle autre que ceux visés au point c) ou par le stage ou la pratique professionnelle requis en plus de ce cycle d’études ;

ii) soit technique ou professionnel, complété le cas échéant par un cycle d’études ou de formation professionnelle tel que visé au point i) ou par le stage ou la pratique professionnelle requis en plus du cycle d’études ». Elle fait ensuite valoir que le Baccalauréat dont elle disposerait correspondrait aux exigences fixées aux prédits articles 11 et 13 de la loi du 28 octobre 2016 et que les mesures de compensation visées à l’article 14 ne seraient exigées que si la formation qu’une personne « a reçu porte sur des matières substantiellement différentes de celles couvertes par le titre de formation requis au Grand-Duché de Luxembourg », preuve qui n’aurait pas été rapportée par la partie étatique.

Il convient de rappeler que lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés5.

Il échet encore de rappeler que dans le cadre du recours en annulation, l’analyse du tribunal ne saurait se rapporter qu’à la situation de fait et de droit telle qu’elle s’est présentée au moment de la prise de la décision déférée, le juge de l’annulation ne pouvant faire porter son analyse ni à la date où il statue, ni à une date postérieure au jour où la décision déférée a été prise6.

Force est de constater, comme retenu ci-avant que la directive 2005/36/CE prévoyait un régime pour l’exercice par un ressortissant de l’Union européenne d’une profession réglementée dans un Etat membre autre que celui dans lequel il a acquis ses qualifications professionnelles, le principe étant celui de la reconnaissance mutuelle, selon une distinction à établir suivant que la profession ne fait pas l’objet de règles de reconnaissance spécifiques ou que son accès ou son exercice est réglementé dans l’Etat membre d’accueil, auquel cas le demandeur doit être titulaire d’un titre de formation au moins équivalant au niveau immédiatement inférieur à celui exigé dans l’Etat membre d’accueil.

Il y a encore lieu de relever que la directive précitée a été transposée en droit luxembourgeois par la loi du 19 juin 2009, laquelle a, comme soulevé ci-avant, été abrogée par la loi du 28 octobre 2016, seule loi applicable en l’espèce et qui a transposé une nouvelle directive, à savoir la directive 2013/55/UE.

S’il est partant vrai que la base légale invoquée à l’appui de la décision ministérielle litigieuse, à savoir le point 3 de l’article 23 de la directive 2005/36/CE n’était plus d’application à la date de la prise de décision pour avoir été modifiée par la directive 2013/55/UE, cette circonstance ne saurait toutefois, à elle seule, entraîner l’annulation de la décision ministérielle litigieuse, étant donné que seul l’habillage ( instrumentum ) de la disposition invoqué a changé, la disposition légale per se ( negotium ) étant restée inchangée.

5 Cour adm. 4 mars 1997, n° 9517C du rôle, Pas. adm. 2018, V° Recours en annulation, n° 35 et les autres références y citées.

6 Trib. adm. 23 mars 2005, n° 19061 du rôle, Pas. adm. 2018, V° Recours en annulation, n° 21 et les autres références y citées.

9En effet, aux termes du point 3, de l’article 23 de la directive 2005/36/CE « Sans préjudice des dispositions de l'article 37, paragraphe 1, chaque État membre reconnaît les titres de formation de médecin donnant accès aux activités professionnelles de médecin avec formation de base et de médecin spécialiste et les titres de formation d'infirmier responsable de soins généraux, de vétérinaire, de sage-femme, de pharmacien et d'architecte détenus par les ressortissants des États membres et qui ont été délivrés par l'ancienne Tchécoslovaquie ou dont la formation a commencé, pour la République tchèque et la Slovaquie, avant le 1er janvier 1993, lorsque les autorités de l'un des deux États membres précités attestent que ces titres ont, sur leur territoire, la même validité sur le plan juridique que les titres qu'elles délivrent et, pour les architectes, que les titres visés pour ces États membres à l'annexe VI, point 6, pour ce qui est de l'accès aux activités professionnelles de médecin avec formation de base, de médecin spécialiste, d'infirmier responsable de soins généraux, de vétérinaire, de sage-femme, de pharmacien pour ce qui concerne les activités visées à l'article 45, paragraphe 2, et d'architecte pour ce qui concerne les activités visées à l'article 48, ainsi que de leur exercice.

Cette attestation doit être accompagnée d'un certificat délivré par ces mêmes autorités déclarant que ces personnes ont effectivement et licitement exercé les activités en cause sur leur territoire pendant au moins trois années consécutives au cours des cinq années précédant la date de délivrance du certificat ».

Cette disposition n’a non seulement pas été modifiée par la directive 2013/55/UE, mais a par ailleurs été reprise à l’article 23 de la loi du 28 octobre 2016 lequel dispose que « (3) Sans préjudice des dispositions de l’article 37, paragraphe 1er, le Grand-Duché de Luxembourg reconnaît les titres de formation sanctionnant une formation médicale de base, de médecin-généraliste, de médecin-spécialiste et les titres de formation d’infirmier, de médecin-vétérinaire, de sage-femme, de pharmacien et d’architecte détenus par les ressortissants des Etats membres et qui ont été délivrés par l’ancienne Tchécoslovaquie ou dont la formation a commencé, pour la République tchèque et la Slovaquie, avant le 1er janvier 1993, lorsque les autorités de l’un des deux Etats membres précités attestent que ces titres ont, sur leur territoire, la même validité sur le plan juridique que les titres qu’elles délivrent et, pour les architectes, que les titres visés pour ces Etats membres à l’annexe VI de la directive 2005/36/CE, point 6, pour ce qui est de l’accès aux activités professionnelles de médecin avec formation de base, de médecin-spécialiste, d’infirmier, de médecin-vétérinaire, de sage-femme, de pharmacien pour ce qui concerne les activités visées à l’article 45, paragraphe 2, et d’architecte pour ce qui concerne les activités visées à l’article 48, ainsi que de leur exercice.

Cette attestation doit être accompagnée d’un certificat délivré par ces mêmes autorités déclarant que ces personnes ont effectivement et licitement exercé les activités en cause sur leur territoire pendant au moins trois années consécutives au cours des cinq années précédant la date de délivrance du certificat ».

Aux vu du libellé des prédites dispositions communautaires et légales, le titre de la formation d’infirmier délivré par l’ancienne Tchécoslovaquie ou dont la formation a, comme en l’espèce, commencé pour la République tchèque avant le 1er janvier 1993, est reconnu par le Grand-Duché de Luxembourg lorsque les autorités tchèques fournissent une attestation de validité de ce même titre, laquelle doit par ailleurs être accompagnée d’une attestation que la personne concernée a licitement exercé les activités d’infirmière sur le territoire tchèque 10pendant au moins 3 années consécutives au cours des dernières 5 années précédant la délivrance dudit certificat.

Il est constant en cause, pour ne pas être contesté par la demanderesse et n’être contredit par aucune pièce soumise au tribunal, que celle-ci ne dispose pas du certificat exigé par l’article 23, point (3), alinéa 2, précité de la loi du 28 octobre 2016, initialement prévu à l’article 23, point 3, de la directive 2005/36/CE, de sorte que le ministre a valablement pu refuser de faire droit à sa demande de reconnaissance de son diplôme avec le diplôme d’Etat luxembourgeois d’infirmière introduite le 18 janvier 2016.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par les développements de la demanderesse selon lesquels elle disposerait d’un Baccalauréat correspondant aux exigences fixées aux articles 11 et 13 de la loi du 28 octobre 2016 et que les mesures de compensation visées à l’article 14 de la même loi ne seraient exigées que si la formation qu’une personne « a reçu porte sur des matières substantiellement différentes de celles couvertes par le titre de formation requis au Grand-Duché de Luxembourg », preuve qui n’aurait pas été rapportée par la partie étatique, alors que ces développements, même à les supposer justifiés, ne sont en tout état de cause pas susceptibles de pallier l’absence du certificat explicitement exigé par l’article 23, point (3), alinéa 2, précité de la loi du 28 octobre 2016.

Au de l’ensemble des considérations qui précèdent, le recours en annulation sous analyse en ce qu’il est dirigé contre la décision ministérielle du 5 mai 2017 est à rejeter pour ne pas être fondé.

Madame … sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure de 2.000.- euros au vœu de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, demande qui n’est point justifiée en l’espèce, eu égard à l’issue du présent litige.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

vidant le jugement interlocutoire du 17 octobre 2018 ;

déclare irrecevable le recours en annulation introduit à titre subsidiaire contre la décision du ministre du 12 mai 2016 ;

déclare le recours en annulation introduit à titre subsidiaire contre la décision ministérielle du 5 mai 2017 non fondé ;

partant le rejette ;

rejette la demande en paiement d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.000,-

euros formulée par Madame … ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 janvier 2019 par :

11 Thessy Kuborn, vice-président, Paul Nourissier, premier juge, Géraldine Anelli, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 janvier 2019 Le greffier du tribunal administratif 12


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 39978a
Date de la décision : 22/01/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2019-01-22;39978a ?

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