Tribunal administratif Numéro 41986 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 novembre 2018 3e chambre Audience publique du 16 janvier 2019 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (3), L. 18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 41986 du rôle et déposée le 21 novembre 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Tunisie), de nationalité tunisienne, demeurant actuellement à L-…, …, …, tendant à l'annulation d'une décision du ministre de l'Immigration et de l'Asile du 6 novembre 2018 par laquelle il a été décidé de le transférer vers la France, l'État membre responsable pour connaître de l'examen de sa demande de protection internationale ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 décembre 2018 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth PESCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 janvier 2018.
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Le 16 août 2018, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, désignée ci-après par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Le même jour, il fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée, police des étrangers, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.
Il s’avéra à cette occasion, confirmé par une recherche dans la base de données AE VIS, que Monsieur … avait été titulaire d’un visa français valable du 28 novembre 2014 au 25 mai 2015, ainsi que d’un titre de séjour pour étranger malade du 7 juillet 2016 au 6 juillet 2017, renouvelé le 16 mars 2018 et dont la validité a expiré le 15 juin 2018.
Le 17 août 2018, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».
Les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités françaises en date du 28 août 2018 en vue de la prise, respectivement de la reprise en charge de Monsieur … et, par courrier du 25 octobre 2018, les autorités françaises acceptèrent cette reprise en charge sur base de l’article 12, paragraphe (4), du règlement Dublin III.
Par décision du 6 novembre 2018, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le lendemain, le ministre, sur base de la considération que Monsieur … avait obtenu un visa en France valable du 16 avril 2014 au 16 juin 2014, ainsi qu’un titre de séjour valable du 7 juillet 2016 au 6 juillet 2017, renouvelé le 16 mars 2018 et valable jusqu’au 15 juin 2018, et que les autorités françaises avaient accepté en date du 25 octobre 2018, de prendre, respectivement de reprendre en charge l’examen de sa demande de protection internationale, informa ce dernier de sa décision de le transférer dans les meilleurs délais vers la France sur base de l’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 12, paragraphe (4), du règlement Dublin III, la décision étant libellée comme suit :
« […] J'accuse réception de votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire que vous avez présentée en date du 16 août 2018.
En vertu des dispositions de l'article 28(1) de la loi précitée et des dispositions de l'article 12§4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013, le Grand-Duché de Luxembourg n'examinera pas votre demande de protection internationale et vous serez transféré vers la France qui est l'Etat membre responsable pour examiner votre demande de protection internationale.
Selon vos déclarations vous seriez arrivé à l'aéroport de Marseille en 2014, muni d'un visa français d'une validité de 2 mois. Vous déclarez qu'en France vous étiez trois fois en possession d'une autorisation de séjour provisoire de six mois, ainsi d'un permis de séjour vie privée d'un an. En juin 2018 vous auriez eu un ordre de quitter et auriez quitté la France pour le Luxembourg.
Il résulte par ailleurs des recherches effectuées dans la base de données AE.VIS, que la France vous a délivré un visa valable du 16 avril 2014 au 16 juin 2014, vous ayant effectivement permis d'entrer sur le territoire d'un Etat membre ;
Il résulte par ailleurs des documents d'identité que vous avez présentés que vous étiez titulaire d'un titre de séjour valable du 07 juillet 2016 au 06 juillet 2017, renouvelé en date du 16 mars 2018 valable jusqu'au 15 juin 2018 délivré par la France ;
Sur base des informations à disposition, le Grand-Duché de Luxembourg a adressé une demande de prise en charge aux autorités françaises qui ont accepté en date du 26 octobre 2018 de vous prendre en charge en vertu de l'article 12§4 du règlement UE Nr 604/2013 susmentionné.
Lors de votre audition en date du 17 août 2018, vous avez fait mention de votre présumé état d'aveuglement.
Cependant vous n'avez pas fourni des éléments concrets sur votre état de santé ou autres problèmes généraux empêchant un transfert vers la France, qui est l'Etat membre responsable pour traiter votre demande de protection internationale.
Aussi, les informations à ma disposition ne sauraient donner lieu à l'application des articles 8, 9, 10 et 11 du règlement UE Nr 604/2013 ;
Vous n'avez par ailleurs pas fait valoir des raisons particulières ou humanitaires qui auraient dû amener l'Etat luxembourgeois de faire application de l'article 17(1) du règlement UE Nr 604/2013.
D'autres raisons individuelles pouvant éventuellement entraver la remise aux autorités françaises n'ont pas été constatées. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 novembre 2018, inscrite sous le numéro 41986 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 6 novembre 2018.
Aucune disposition légale ne prévoyant de recours au fond en la matière, l’article 35, paragraphe (3), de la loi du 18 décembre 2015 prévoyant, par ailleurs, expressément un recours en annulation, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision du 6 novembre 2018, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.
A l’appui de son recours, le demandeur expose, tout d’abord, les faits et rétroactes à la base du présent litige, en faisant valoir avoir quitté son pays d’origine, la Tunisie, pour se rendre en France moyennant, dans un premier temps, l’obtention d’un visa en 2014, et, dans un deuxième temps, des autorisations de séjour temporaires valables pendant six mois, avant de se voir délivrer une autorisation de séjour « vie privée et familiale » valable du 6 juillet 2016 au 6 juillet 2017, le récépissé de la demande de renouvellement du titre de séjour ayant expiré le 15 juin 2018. En raison du fait qu’il souffrirait d’une cécité totale, suite aux maltraitances ophtalmologiques subies en Tunisie, il serait parti de France pour déposer une demande de protection internationale au Luxembourg, en ce qu’il craindrait de se retrouver dans la rue, en cas de retour en France et en ce que les infrastructures pour les non-voyants seraient mieux adaptées au Luxembourg qu’en France.
En droit, le demandeur conclut à l’annulation de la décision déférée pour violation de la loi et du règlement Dublin III, sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits, au motif que le ministre n’aurait, à tort, pas fait application de la clause discrétionnaire prévue à l’article 17, paragraphe (1), du règlement Dublin III.
En se référant à un arrêt C-578/16 PPU de la Cour de Justice de l’Union européenne, ci-après désignée par la « CJUE », du 16 février 2017, le demandeur fait valoir que la CJUE aurait retenu que, même en l’absence de raisons sérieuses de croire à l’existence de défaillances systémiques dans l’Etat membre responsable de l’examen de la demande d’asile, un transfert dans le cadre du règlement Dublin III devrait être opéré dans des conditions excluant que l’intéressé soit soumis à des traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par la Charte, tel que notamment une détérioration significative et irrémédiable de l’état de santé. Il appartiendrait partant à l’Etat-membre devant procéder au transfert, et, le cas échéant, à ses juridictions, d’éliminer tout doute sérieux concernant l’impact du transfert sur l’état de santé de l’intéressé, pour, au cas où l’état de santé ne devrait pas s’améliorer à court terme, respectivement que la suspension, pendant une période trop longue de la procédure risquerait d’aggraver l’état de santé de l’intéressé, de faire application de la clause discrétionnaire prévue à l’article 17, paragraphe (1), du règlement Dublin III, ce qui constituerait toujours une faculté et non pas une obligation dans le chef dudit Etat-membre. Or en l’espèce, le ministre n’aurait pas analysé si son transfert vers la France, au regard de sa cécité totale, l’exposerait à des traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 4 de la Charte, dans la mesure où il risquerait, en cas de transfert vers la France, de se retrouver dans la rue avec le handicap qui serait le sien. Il précise, par ailleurs, qu’il reviendrait aux autorités d’examiner toutes les circonstances importantes dans le cadre du principe de non-refoulement et de l’interdiction de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », examen qui impliquerait son état de santé.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.
L’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit ce qui suit : « Si, en application du règlement (UE) n°604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale ».
L’article 12, paragraphe (4), alinéa 1er du règlement Dublin III, sur lequel le ministre s’est basé pour conclure à la responsabilité des autorités françaises pour procéder à l’examen de la demande de protection internationale de Monsieur …, prévoit que « Si le demandeur est seulement titulaire d’un ou de plusieurs titres de séjour périmés depuis moins de deux ans ou d’un ou de plusieurs visas périmés depuis moins de six mois lui ayant effectivement permis d’entrer sur le territoire d’un État membre, les paragraphes 1, 2 et 3 sont applicables aussi longtemps que le demandeur n’a pas quitté le territoire des États membres. ».
Il s’ensuit que si le ministre estime qu’en application du règlement Dublin III, un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce pays accepte la reprise en charge de l’intéressé, le ministre décide de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.
Le tribunal constate de prime abord qu’il est constant en cause que la décision de transférer le demandeur vers la France et de ne pas examiner sa demande de protection internationale a été adoptée par le ministre en application de l’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 12, paragraphe (4), alinéa 1er du règlement Dublin III, au motif que l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale serait la France, en ce qu’il y aurait été auparavant bénéficiaire d’un titre de séjour périmé depuis moins de deux ans avant l’introduction d’une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 16 août 2018 et que les autorités françaises auraient accepté sa prise, respectivement sa reprise en charge le 25 octobre 2018, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de le transférer vers la France et de ne pas examiner sa demande de protection internationale.
Le tribunal constate ensuite que le demandeur ne conteste pas la compétence de principe de la France, respectivement l’incompétence de principe de l’Etat luxembourgeois, mais il met en avant sa crainte de vivre dans la rue en France, tout en étant aveugle, de sorte à reprocher au ministre de ne pas avoir fait application de la clause discrétionnaire prévue à l’article 17, paragraphe (1), du règlement Dublin III.
Le tribunal est tout d’abord amené à rappeler que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant, qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par la « Convention de Genève », ainsi que dans la CEDH, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard1. C’est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union a adopté le règlement Dublin III en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des Etats, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi d’éviter le « forum shopping », l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes tant dans l’intérêt des demandeurs d’asile que des Etats participants.
Il n’en demeure pas moins qu’en vertu notamment de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la CourEDH », dans certains cas, il ne peut être exclu que l’application des règles prescrites par le règlement Dublin III puisse être de nature à entraîner un risque sérieux qu’un demandeur de protection internationale soit, en cas de transfert vers un Etat membre, traité d’une manière incompatible avec les droits fondamentaux, étant relevé que la présomption selon laquelle les Etats membres respectent les droits fondamentaux prévus par la CEDH et la Charte est réfragable2.
Force est toutefois de constater qu’en l’espèce, outre le fait que le demandeur n’affirme pas que, personnellement et concrètement, ses droits n’auraient pas été respectés en France lors de son premier séjour dans cet Etat-membre, il n’apporte pas non plus la preuve que, personnellement, ses droits ne seraient pas garantis en France, que, de manière générale, les droits des demandeurs de protection internationale dont la demande est en cours d’instruction, respectivement qui ont été déboutés en France ne seraient automatiquement et systématiquement pas respectés, ou encore que les demandeurs de protection internationale n’auraient en France aucun droit ou aucune possibilité de les faire valoir, étant encore relevé que la France est signataire de la Charte, de la CEDH et de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de la Convention de Genève, ainsi que du Protocole additionnel du 31 janvier 1967 relatif aux réfugiés et, à ce titre, devrait en appliquer les dispositions.
Le tribunal relève encore que le demandeur ne fournit pas de précisions quant à la situation des personnes transférées vers la France dans le cadre du règlement Dublin III, ni n’invoque-t-il une jurisprudence de la CourEDH ou de le CJUE relative à une suspension générale des transferts vers la France, voire une demande en ce sens de la part de l’UNHCR.
Le demandeur ne fait pas non plus état de l’existence d’un rapport ou avis de l’UNHCR interdisant ou recommandant l’arrêt des transferts vers la France dans le cadre du règlement Dublin III en raison plus particulièrement de la politique d’asile française qui exposerait les 1 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. e.a., C-411/10 et C-493/10, point 78.
2 CourEDH, Grande Chambre, F.G. c. Suède, 23 mars 2016, n°43611/11.
demandeurs d’asile souffrant d’un handicap à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la CEDH et de l’article 4 de la Charte.
Il ne se dégage dès lors pas des éléments soumis au tribunal que le transfert du demandeur vers la France l’exposerait au risque de faire l’objet de traitements inhumains et dégradants au sens des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, surtout qu’il a déjà été pris en charge, en France, lors de son séjour antérieur en ce qui concerne ses problèmes de cécité totale, tel que cela ressort expressément des certificats médicaux des 26 mars 2018, 28 février 2018, 30 mai 2017, 29 mai 2017, 18 mai 2017, 29 septembre 2016, 22 septembre 2015 et 14 avril 2015, la conclusion des médecins qu’il n’existerait pas de traitements pouvant améliorer sa condition ne pouvant pas être qualifiée comme une absence de soins, respectivement un refus de traitement.
En ce qui concerne ensuite le moyen fondé sur une non-application, par le ministre, de la clause discrétionnaire instaurée par l’article 17, paragraphe (1), du règlement Dublin III, s’il est vrai que, lorsqu’en application des critères dudit règlement, l’Etat luxembourgeois n’est pas responsable de l’examen de la demande de protection internationale, il peut malgré tout décider d’examiner une demande de protection internationale en vertu de ladite clause discrétionnaire, cette possibilité relève cependant du pouvoir discrétionnaire du ministre, s’agissant d’une disposition facultative qui accorde un pouvoir d’appréciation étendu aux Etats membres3. Si un pouvoir discrétionnaire des autorités administratives ne s’entend certes pas comme un pouvoir absolu, inconditionné ou à tout égard arbitraire, mais comme la faculté qu’elles ont de choisir, dans le cadre des lois, la solution qui leur paraît préférable pour la satisfaction des intérêts publics dont elles ont la charge4, et s’il appartient au juge administratif de vérifier si les motifs invoqués ou résultant du dossier sont de nature à justifier la décision attaquée5, de sorte que lorsque l’autorité s’est méprise, à partir de données fausses en droit ou en fait, sur ses possibilités de choix et sur les limites de son pouvoir d’appréciation, il y a lieu d’annuler la décision en question, encore faut-il que pareille erreur dans le chef de l’autorité administrative résulte effectivement des éléments soumis au tribunal. Par ailleurs, dans le cadre du contrôle d’un pouvoir discrétionnaire, le tribunal est amené à sanctionner une disproportion si celle-ci est manifeste.
Dans la mesure où le tribunal vient de retenir ci-avant dans le cadre de l’examen de la légalité de la décision attaquée par rapport aux articles 3 d a rue en cas de transfert en France, de sorte à faire ainsi l’objet d’un traitement inhumain et dégradant au sens desdits articles, et que c’est sur base de cette même argumentation que le demandeur estime que le ministre aurait dû appliquer la clause discrétionnaire, il y a lieu de retenir qu’il ne saurait pas e la CEDH et 4 de la Charte que le demandeur est resté en défaut d’établir que tout demandeur de protection internationale souffrant d’un handicap risquerait d’être contraint de vivre dans l davantage être reproché au ministre de s’être mépris sur ses possibilités de choix et sur les limites de son pouvoir d’appréciation en ne faisant pas usage de la simple faculté discrétionnaire lui offerte par l’article 17 du règlement Dublin III d’examiner la demande de protection internationale de Monsieur … alors même que cet examen incombe aux autorités françaises.
En effet, comme le demandeur reste en défaut d’avancer des raisons concrètes permettant de penser que les autorités françaises failliraient à leurs obligations d’accueil et de 3 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. e.a., C-411/10 et C-493/10, point 65.
4 « Les limites du pouvoir discrétionnaire des autorités administratives », in Rapports belges du VIIe Congrès international de Droit comparé, Bruxelles, CIDC, 1966, p.449.
5 CdE, 11 mars 1970, Pas. 21, p.339.
prise en charge d’un demandeur de protection internationale souffrant d’un handicap, tel que celui du demandeur, il n’est pas établi que le transfert de Monsieur … vers la France l’exposerait à un risque de traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 4 de la Charte, de sorte que c’est à bon droit et sans commettre d’erreur d’appréciation, ni excéder ses pouvoirs, que le ministre a décidé, d’une part, de transférer le demandeur vers la France, l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale et, d’autre part, de ne pas faire application de la clause discrétionnaire de l’article 17, paragraphe (1), du règlement Dublin III.
Au vu des considérations qui précèdent, et à défaut d’autres moyens, le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, déclare le recours non justifié, partant en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 janvier 2019 par :
Thessy Kuborn, vice-président, Paul Nourissier, premier juge, Stéphanie Lommel, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 janvier 2019 Le greffier du tribunal administratif 7