Tribunal administratif N° 40204 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 septembre 2017 4e chambre Audience publique du 27 novembre 2018 Recours formé par Madame …, …, contre deux décisions rendues par le collège échevinal de la Ville de Luxembourg en matière de changement d’affectation
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 40204 du rôle et déposée en date du 27 septembre 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une « décision du Collège Echevinal de la Ville de Luxembourg du 10 mai 2017 », ainsi que de la « décision du Collège Echevinal du 25 juillet 2017 (…) prise suite au recours gracieux du 27 juin 2017 », ayant « décidé de [la] muter (…) au service Hygiène avec effet au 1er août 2017 ».
Vu l’exploit du 4 octobre 2017 de l’huissier de justice Martine Lisé, demeurant à Luxembourg, portant signification de la prédite requête introductive d’instance à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, établie à la maison communale à L-1648 Luxembourg, 42, place Guillaume II ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Jean Kauffman, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, déposée au greffe du tribunal administratif le 23 octobre 2017 ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 3 janvier 2018 par Maître Jean Kauffman au nom et pour le compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, notifié par acte d’avocat à avocat en date du même jour au litismandataire de Madame … ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 février 2018 par Maître Jean-Marie Bauler au nom et pour le compte de sa mandante, notifié par acte d’avocat à avocat en date du même jour au litismandataire de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 mars 2018 par Maître Jean Kauffman au nom et pour le compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, notifié par acte d’avocat à avocat en date du même jour au litismandataire de Madame … ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jonathan Holler, en remplacement de Maître Jean-Marie Bauler, et Maître Jean Kauffman leurs plaidoiries respectives.
___________________________________________________________________________
Par une délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 10 juillet 2000, Madame …, entrée en service le … en qualité d’expéditionnaire administratif, se vit accorder une nomination provisoire à la fonction de rédacteur.
Après avoir été nommée définitivement, Madame … fut occupée successivement dans plusieurs services de l’administration communale de la Ville de Luxembourg.
En date du 26 mai 2017, le collège échevinal de la Ville de Luxembourg, dénommé ci-
après « le collège échevinal », fit parvenir à Madame … le courrier suivant :
« (…) J'ai l'honneur de vous informer que le collège des bourgmestre et échevins a décidé en date du 10 mai 2017 de vous muter à un poste au sein de l'équipe Igloos au service d'hygiène pour des raisons d'organisation de service.
Compte-tenu du fait que la mutation visée est opérée dans le cadre des dispositions de l'article 8 de la loi du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, tel que ce texte a été modifié par la suite, nous vous invitons à bien vouloir présenter vos observations endéans la huitaine de la réception de la présente.
En application du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, je tiens à vous informer qu'un recours en annulation contre cette décision peut être introduit devant le tribunal administratif dans un délai de 3 mois à partir de cette notification, par requête signée d'un avocat à la Cour. (…) ».
Par un courrier du 27 juin 2017 le litismandataire de Madame … s’adressa au collège échevinal dans les termes suivants :
« (…) Ma mandante forme un recours gracieux contre la décision du Collège Echevinal du 10 mai 2017 par laquelle celui-ci a muté Mme … « à un poste au sein de l'équipe Igloos au service d'hygiène pour des raisons d'organisation du service ».
La décision est illégale pour les raisons suivantes :
En premier lieu vous n'avez respecté ni l'article 8.2 du statut, ni l'article 9 de la PANC qui exigent que l'intéressée soit entendue préalablement à la décision prise.
Tel n'est manifestement pas le cas, de façon que la décision encourt l'annulation (Cour administrative, 5 mai 2015, au rôle no° 35722C).
2 En effet le 26 mai 2017 vous avez invité Mme … à formuler des observations, alors que la décision a été prise le 10 mai 2017.
En second lieu la décision viole l'article 6 de la PANC.
En effet il est de la jurisprudence constante que l'autorité administrative doit préciser les motifs et qu'un simple renvoi à l'intérêt de service est insuffisant.
Enfin la mesure prise est contraire à l'article 8.2 du statut, puisque la décision lui confère un poste inférieur en grade.
D'après la mesure prise Mme …, qui est rédacteur et exerce essentiellement des fonctions administratives sera astreinte notamment à des travaux de balayage et d'autres missions incombant au service d'hygiène.
La question se pose par ailleurs si une telle mesure ne constitue pas un acte de harcèlement moral prohibé par le statut et une fonction disciplinaire cachée.
Mme … se réserve formellement tous droits à ce sujet.
Au vu des développements qui précèdent, je vous prie de bien vouloir rapporter votre décision sans autres délais.
Dans la négative je vous prie de bien vouloir me communiquer une décision motivée susceptible d'un recours devant les juridictions administratives.
Au vu des illégalités manifestes constatées, je vous saurais gré de bien vouloir tenir la mesure en suspens en attestant que le contentieux soit définitivement violé.
Mme … se réserve formellement tous autres droits. (…) ».
En date du 25 juillet 2017, le collège échevinal répondit comme suit au litismandataire de Madame … :
« (…) Votre courrier du 27 juin 2017 nous interpelle et nous amène à vous adresser tout d'abord les observations et questions de compréhension suivantes:
Vous nous accusez de n'avoir pas entendu votre mandante préalablement à notre décision. Or par notre missive du 26 mai 2017 nous avons clairement demandé à votre mandante de nous présenter ses observations endéans huitaine. Vous remarquerez par ailleurs que cette missive ne comporte pas de date pour la mutation envisagée. En effet, il est d'usage dans notre administration, en exécution de l'article 8 du statut du fonctionnaire communal, de prendre dans une première étape une décision de principe vers quel poste un fonctionnaire pourrait être muté (en prenant en compte les postes disponibles dans l'organigramme et les intérêts des services en cause), tout en invitant ce dernier à présenter ses observations et de ne prendre la décision définitive de mutation (ou de non-mutation, d'ailleurs) en tenant compte de ces observations. Etant donné que 3 nous avons respecté cette procédure dans le cas sous rubrique, vous voudrez bien nous expliquer dans quelle mesure nous n'aurions pas respecté notre devoir de consulter le fonctionnaire, puisque cela a bien été fait par courrier recommandé ! En outre, l'applicabilité de la loi PANC est douteuse, alors que celle-ci dispose :
Art. 4.
"Les règles établies par le règlement grand-ducal visé à l'article premier (de la loi PANC ter déc.1978) s'appliquent à toutes les décisions administratives individuelles pour lesquelles un texte particulier n'organise pas une procédure spéciale présentant au moins des garanties équivalentes pour l'administré." Etant donné que le statut des fonctionnaires prévoit une procédure spéciale avec des garanties au moins équivalentes avec celles du PANC, en l'occurrence l'article 8 dudit statut auquel nous nous sommes référés dans notre courrier, votre argumentation ne saurait dès lors être retenue.
Force est encore de constater que votre mandante n'a PAS présenté d'observations dans le délai imparti.
Vous voudrez bien nous expliquer ce qu'est une "fonction disciplinaire cachée" ! De telles fonctions n'existent pas dans notre administration.
Votre demande de "tenir la mesure en suspens en attestant que le contentieux soit définitivement violé" est tout simplement incompréhensible.
Tout en tenant compte de votre missive, le collège échevinal a décidé en date du 24 juillet 2017 de rejeter votre recours et de muter Mme … à un poste de fonctionnaire à l'équipe Igloos au service d'Hygiène.
Les raisons à la base de cette décision sont les suivantes :
- Le service d'Hygiène a besoin de personnel pour le renforcement des équipes « Igloos », càd les équipes chargées du nettoyage autour des réservoirs de verre, papier et vêtements placés sur les différents sites publics en Ville. Afin de maintenir l'ordre et la propreté des lieux, un renforcement régulier des équipes fixes s'est en effet avéré nécessaire et l'affectation à ces postes ne se limite pas à des salariés-
ouvriers, mais des agents d'autres carrières et statuts y ont également été affectés au cours des dernières années. Souvent, il s'agit d'un poste transitoire que les agents exécutent en raison du besoin dans cette unité et en attendant que d'autres postes correspondant à leurs aptitudes et compétences soient à nouveau disponibles, de sorte qu'une mutation ultérieure à un autre poste n'est pas à exclure.
- Le poste auquel votre mandante est actuellement affectée est certes un poste administratif, mais, comme le précisait la description de poste remise à votre mandante lors de sa dernière mutation en 2014, il s'agit d'un poste d'« auxiliaire de bureau » chargé de travaux administratifs divers et notamment de la mise à jour des textes et procédures internes, d'organisation et de gestion du central téléphonique.
Dans l'organigramme, il était d'ailleurs clair qu'il s'agissait d'un poste de « renforcement provisoire », tout comme un autre poste de renforcement en surnombre (auprès du service Intégration et besoins spécifiques) qu'elle avait précédemment occupé à sa propre demande. Nous ajouterons que la mutation au poste actuel de Mme … a déjà été opérée selon la même procédure statutaire et qu'à 4 l'époque, le poste proposé à Mme … a d'ailleurs été adapté conformément aux souhaits qu'elle avait formulés dans un courriel adressé en date du 25 septembre 2014 à la DRH et à la délégation. En effet, le collège avait donné droit à sa demande de supprimer les tâches non-administratives inhérentes à sa tâche, et n'avait retenu que les tâches d'auxiliaire énumérées ci-dessus, tâches qu'elle avait donc acceptées.
- Le service Parking a été réorganisé au cours de l'année dernière et des postes de coordinateurs surveillants ont été créés et entretemps occupés. Le poste d'auxiliaire de bureau en surnombre n'est dès lors plus justifié. A toutes fins utiles, notons encore que l'organisation des services ainsi que l'affectation des agents à des postes incombe au collège échevinal, qui prend ses responsabilités en la matière dans l'intérêt des services.
- A titre subsidiaire et en guise d'explication pourquoi le collège n'a pas été à même de proposer un poste administratif classique de rédacteur à Mme …, permettez-nous de préciser que votre mandante en est à son 5e poste au sein de l'administration communale et que l'historique suivant constitue une information complémentaire importante pour comprendre la décision actuelle du collège échevinal :
Ayant commencé sa carrière auprès de la Ville au Bierger Center en 1999, Mme … demanda une mutation vers un autre service en 2007 ; cette demande fut avisée positivement par son supérieur hiérarchique de l'époque en raison d'une « situation conflictuelle permanente avec son supérieur hiérarchique direct » (…) et du fait que « vu son comportement impulsif et ses éruptions d'humeur incontrôlées, Mme … est difficilement intégrable dans (nos) équipes de travail ». Suite à sa demande, à l'avis favorable sus-évoqué et à une vacance de poste à l'Etat civil, elle fut affectée à ce service en septembre 2007.
En 2010, le collège échevinal s'est vu contraint de réaffecter deux agents du service Etat civil dont Mme … - en raison d'une situation conflictuelle et de compétences défaillantes devenant intolérables pour le service. Votre mandante fut alors mutée à un poste de rédacteur au service des Parcs en tant que correspondant en affaires du personnel. Deux années plus tard, la DRH a dû convaincre d'autres services d'accueillir Mme …, étant donné que sa gestion des dossiers au service des Parcs n'avait pas donné satisfaction.
En avril 2013, elle a dès lors été réaffectée à un poste de rédacteur au service des Eaux.
A ce poste, les problèmes sont apparus à peine quelques mois plus tard, de sorte qu'en novembre 2013, une réunion de bilan de la mutation au service des eaux a eu lieu en présence de Mme …, de son supérieur hiérarchique, de la directrice des ressources humaines et de la responsable du recrutement et de la mobilité interne. Malheureusement, lors cet entretien un bilan négatif de la mutation a dû être dressé en raison de lacunes majeures au niveau des compétences rédactionnelles et de la saisie fiable de données ainsi que du manque de fiabilité en résultant pour le chef de service. De plus, là aussi, les relations avec les collègues de travail devenaient difficiles, Mme … commençait à adresser des courriels privés inquiétants à son chef de service et la situation commençait, une nouvelle fois, à devenir ingérable pour le service.
Confrontée au fait qu'il devenait de plus en plus difficile de trouver un service d'attache pour cette rédactrice, le collège donna droit à la requête de Mme … de se voir réaffectée au service Intégration et besoins spécifiques en surnombre, alors que ce domaine l'intéressait et 5 qu'elle s'entendait bien avec les membres de cette équipe. Comme ledit service était effectivement d'accord de l'accueillir et content de se voir attribuer de l'aide pour ses diverses missions, le collège décida cette nouvelle mutation à un poste de « renforcement provisoire » en date du 3 décembre 2013, avec effet au 15 décembre 2013.
Malgré toute la bonne volonté de sa nouvelle équipe et de son nouveau supérieur hiérarchique, là encore, la mutation se solda par un échec. Encore une fois nous avons été contraints de constater un travail administratif d'une qualité totalement insuffisante couplé, malheureusement, à un déni total de toute erreur ou lacune dans son propre chef. Suite à l'éclatement d'un nouveau conflit avec son supérieur hiérarchique, un ordre de justification a même dû être adressé à Mme … pour mauvaise exécution du travail demandé, refus d'ordre, mauvaise image du service public et manque de respect envers les collègues de travail et les supérieurs hiérarchiques.
Après ce nouvel échec, le collège a donc décidé, en 2014, de muter Mme … au poste de renforcement provisoire qu'elle occupait en dernier. Compte tenu de ce qui précède, il était clair pour le collège échevinal qu'il ne saurait plus lui confier un travail de rédacteur, ce qui résulta donc en cette réaffectation sur un poste d'auxiliaire administratif en surnombre, poste que Mme … a bien accepté.
Aujourd'hui, pour les raisons de réorganisation du service déjà évoquées, mais également parce que les mêmes problèmes de discussions interminables, de manque de compétences sociales et techniques qui ont été signalés et qui peuvent d'ailleurs être illustrés par des messages personnels adressés à différents membres du personnel de la Ville, nous n'avons plus d'autre moyen que de réaffecter Mme … à un poste au service d'Hygiène.
- Quant à votre argument que le nouveau poste visé pour votre mandante ne correspondrait pas à son grade et à sa carrière, nous admettons qu'il ne s'agit pas d'un poste normalement confié à un rédacteur au grade 12. Toutefois, le récit ci-
dessus devrait amplement suffire à illustrer que l'historique de Mme … est également particulier et qu'il est difficile voire impossible de trouver un nouveau poste purement administratif et rédactionnel adapté. En revanche, elle ne subira aucune perte financière liée à cette réaffectation. Pour le surplus, nous rappelons que des salariés et fonctionnaires de différentes carrières ont également été affectés temporairement à de tels postes.
En guise de conclusion, nous estimons que la réaffectation de Mme … est amplement motivée par des intérêts de service, touchant aussi bien son ancien service que son nouveau service, mais découlant également des capacités de votre mandante à exercer, voire à ne pas exercer de manière adéquate les missions lui confiées jusqu'ici sur des postes administratifs. Par ailleurs, nous récusons tout reproche de harcèlement moral à son encontre.
Vous voudrez bien informer Mme … qu'en vertu de la décision du collège échevinal du 24 juillet 2017, elle est donc invitée à se présenter au service d'Hygiène en date du 1er août 2017 pour prendre ses nouvelles fonctions à un poste de renforcement provisoire à l'équipe Igloos.
Nous tenons à vous rappeler que le fonctionnaire qui est déplacé dans les conditions qui 6 précèdent, et qui refuse le nouvel emploi, peut être considéré comme démissionnaire par le conseil communal.
La présente vous est adressée sous toutes autres réserves.
En application du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, nous tenons à vous informer qu'un recours en annulation contre la présente décision peut être introduit devant le tribunal administratif dans un délai de 3 mois à partir de cette notification, par requête signée d'un avocat à la Cour. (…) ».
Le même jour, le collège échevinal adressa à Madame … le courrier suivant :
« (…) Le collège échevinal s'était proposé de vous muter à un poste à l'équipe Igloos au service Hygiène conformément aux dispositions de l'article 8 de la loi du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux. Vous avez disposé de 8 jours pour introduire vos observations. Force est de constater que vous n'avez pas introduit d'observations.
Compte tenu de ce qui précède, nous tenons à vous informer que le collège échevinal a décidé de vous muter audit poste à partir du 1er août 2017 pour des raisons d'organisation de service qui sont plus amplement spécifiées dans le courrier adressé à votre conseil juridique dont une copie ci-jointe.
Cette mutation est opérée dans le cadre des dispositions de l'article 8.2 de la loi du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, tel que ce texte a été modifié par la suite :
« … Dans l'intérêt du service, le fonctionnaire peut être changé de service, d'attribution ou d'affectation, pourvu que le nouvel emploi ne soit inférieur ni en rang, ni en traitement. La mesure est prise par le collège des bourgmestre et échevins. Avant toute mesure, le fonctionnaire visé doit être entendu en ses observations.
N'est pas considérée comme diminution de traitement au sens du présent paragraphe la cessation d'emplois accessoires ni la cessation d'indemnités ou de frais de voyage, de bureau ou autres, lorsque la cause de ces indemnités vient à disparaître avec le nouvel emploi.
Lorsque le fonctionnaire, déplacé dans les conditions qui précèdent, refuse le nouvel emploi, il peut être considéré comme démissionnaire par le conseil communal. … » En application du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, nous tenons à vous informer qu'un recours en annulation contre la présente décision peut être introduit devant le tribunal administratif dans un délai de 3 mois à partir de cette notification, par requête signée d'un avocat à la Cour. (…) ».
Par requête déposée le 27 septembre 2017 au greffe du tribunal administratif, Madame … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement àl’annulation de la « décision du Collège Echevinal de la Ville de Luxembourg du 10 mai 2017 » et de la « décision du Collège Echevinal du 25 juillet 2017 (…) prise suite au recours gracieux du 27 juin 2017 ».
Dans son mémoire en réponse, l’administration communale de la Ville de Luxembourg conclut à l’incompétence du tribunal administratif pour connaître du recours principal en réformation, alors qu’aucun recours au fond ne serait légalement prévu en cette matière.
Elle estime encore que le recours introduit serait devenu sans objet, étant donné que Madame … n’aurait pas déposé de recours contre la décision séparée du 25 juillet 2017 qui aurait arrêté la mutation de manière irrévocable sur base du constat que Madame … n’aurait pas formulé d’observations quant à la « décision de principe », mais non encore définitive, de mutation prise le 10 mai 2017.
Ainsi, la lettre du 10 mai 2017, notifiée le 26 mai 2017, n’aurait été qu'une « décision de principe voire une intention d'agir dans le sens préconisé et non pas une décision définitive », raison pour laquelle Madame … n'aurait été mutée définitivement que le 1er août 2017 donc après la décision définitive du 25 juillet 2017, non déférée par elle.
Pour le surplus, l’administration communale de la Ville de Luxembourg se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du recours en la pure forme.
Madame … fait répliquer qu’elle estime que les décisions attaquées par elle seraient à qualifier d’actes administratifs à caractère décisionnel, étant donné qu’il ressortirait du courrier lui adressé en date du 26 mai 2017 que le collège échevinal aurait, déjà le 10 mai 2017, arrêté définitivement la décision de la transférer vers l’équipe « Igloos ».
Au vu de ces considérations, il appartient d’abord au tribunal de qualifier le courrier du 26 mai 2017, l’administration communale de la Ville de Luxembourg estimant qu’il s’agit d’un courrier adressé à Madame … en application de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l´Etat et des communes, dénommé ci-après « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », tandis que Madame … considère qu’il s’agit de la notification d’une décision de mutation la concernant et qui aurait déjà été définitivement arrêtée en date du 10 mai 2017.
Force est au tribunal de constater que si le courrier du 26 mai 2017 fait certes expressément référence à l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 et qu’il y est demandé à Madame … de « bien vouloir présenter [ses] observations endéans la huitaine », le même courrier informe cependant cette dernière non seulement que le « collège des bourgmestre et échevins a décidé en date du 10 mai 2017 de [la] muter à un poste au sein de l’équipe Igloos au service d’hygiène pour des raisons d’organisation de service. », mais également des voies de recours qu’elle peut intenter, en signalant qu’« un recours en annulation contre cette décision peut être introduit devant le tribunal administratif dans un délai de 3 mois à partir de cette notification ».
Il suit de ces considérations que, malgré l’invitation adressée à Madame … de présenter ses observations, le collège échevinal est en aveu de l’adoption de la décision de mutation en datedu 10 mai 2017 déjà, aveu qui est d’ailleurs corroboré par la circonstance suivant laquelle cette décision a été confirmée par le courrier du 25 juillet 2017 qui note que « le collège échevinal a décidé en date du 24 juillet 2017 de rejeter votre recours et de muter Mme … à un poste de fonctionnaire à l'équipe Igloos au service d'Hygiène. ».
Cette conclusion n’est pas énervée par les explications de la décision gracieuse du 25 juillet 2017, ainsi que par les conclusions du litismandataire de l’administration communale de la Ville de Luxembourg selon lesquelles le conseil échevinal aurait, en date du 10 mai 2017, seulement pris une « décision de principe » quant à la mutation de Madame …. En effet, contrairement à ce que le laisse sous-entendre l’administration communale de la Ville de Luxembourg, ladite décision de principe en question n’a rien d’une simple déclaration d’intention non susceptible de recours, alors qu’elle prononce de manière définitive et non équivoque la mutation de Madame … à l’équipe « Igloos » tout en lui indiquant les voies de recours à exercer, de sorte à constituer une décision faisant grief et partant susceptible de recours.
Il est encore à relever, dans ce contexte, que le courrier du 26 mai 2017 ne saurait, de toute façon, pas non plus être considéré comme ayant valablement pu être envoyé en application de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, étant donné qu’au regard de la motivation extensive fournie par la suite par le collège échevinal, la simple référence non autrement circonstanciée à des « raisons d'organisation de service » ne saurait être suffisante pour permettre à Madame … de prendre valablement position quant à la mutation en question, étant encore relevé qu’il ressort d’ailleurs de l’argumentation de l’administration communale de la Ville de Luxembourg qu’elle ne cherchait pas vraiment à recueillir les observations de la part de Madame …, étant donné que d’après elle, une telle prise de position « n'aurait pas eu d'effet utile et n'aurait pas changé la position de la Ville de Luxembourg ».
Il s’ensuit que la décision du 10 mai 2017 est à considérer comme une décision définitive quant au principe de la mutation de Madame … de son poste actuel vers l’équipe « Igloos » du Service Hygiène, cette décision ayant été confirmée par la décision du 25 juillet 2017 intervenue sur recours gracieux, décision gracieuse qui précise encore la date de prise d’effet de la mesure.
Il suit de ces considérations que le courrier séparé adressé à Madame … par le collège échevinal en date du 25 juillet 2017, sur base duquel l’administration communale de la Ville de Luxembourg fonde son moyen d’irrecevabilité pour perte d’objet du présent recours, ne saurait constituer une décision finale, seule attaquable en justice, alors qu’elle n’est autre chose qu’un rappel des décisions prises antérieurement, ledit courrier séparé du 25 juillet 2015 ne faisant que répéter les décisions prises auparavant quant au principe de la mutation et quant à sa date de prise d’effet, tout en enjoignant à Madame … de s’y conformer.
Au vu des considérations qui précèdent, le moyen d’irrecevabilité tenant à une perte d’objet du recours est à rejeter.
Aucune disposition ne prévoyant de recours au fond en matière de réaffectation d’un fonctionnaire communal en application de l’article 8 de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, dénommée ci-après « le statut général », le tribunal doit se déclarer incompétent pour statuer sur le recours principal en réformation.
Etant donné que l’administration communale de la Ville de Luxembourg, s’étant encore rapporté à prudence de justice quant à la recevabilité de la requête introductive d’instance en la pure forme, reste en défaut de préciser quelle forme aurait été violée et à défaut de tout autre moyen d’irrecevabilité, il y a lieu de déclarer le recours subsidiaire en annulation recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours et en fait, la demanderesse rappelle les rétroactes repris ci-avant.
En droit, la demanderesse soulève en premier lieu une violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, en ce que le collège échevinal ne lui aurait pas donné la possibilité de formuler ses observations avant de prendre la décision de mutation litigieuse.
Elle considère que l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 serait applicable en l’espèce, alors que l'article 8 du statut général ne prévoirait pas de « garanties équivalentes » à l'administré.
Elle ajoute qu'afin que ce droit fondamental ait une utilité, il faudrait mettre l'administré en mesure de prendre utilement position, ce qui n’aurait manifestement pas été le cas en l'espèce où l’administration communale de la Ville de Luxembourg se serait référée de façon lapidaire à la notion vague de « raisons d'organisation de service ».
Dans son mémoire en réplique, la demanderesse précise, à ce sujet, que ce ne serait qu’en date du 26 mai 2017 qu’elle aurait eu notification de la décision du collège échevinal du 10 mai 2017 ayant décidé de la muter à un poste au sein de l'équipe « Igloos » au Service Hygiène, de sorte que l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 serait manifestement violé, aucune demande sollicitant des observations de sa part ne lui étant parvenue avant la décision du 10 mai 2017.
En plus, le collège échevinal n’aurait communiqué ni les éléments de fait, ni les éléments de droit qui l'ont amené à agir, mis à part la référence non autrement circonstanciée à des « raisons d'organisation du service », sans informations quant aux fonctions/tâches à exercer, ni quant au niveau de formation requis par le nouveau poste de travail, de sorte que le but de l'article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 consistant à faire entendre utilement la partie concernée en ses observations avant la prise d’une décision n’aurait pas été respecté.
La demanderesse souligne, dans ce contexte, qu’en matière de mutation d'un fonctionnaire, la Cour administrative aurait décidé qu'il appartiendrait à l'administration d'établir l'intérêt du service, condition sine qua non de tout changement d’affectation.
Même à supposer qu’elle aurait soumis ses observations dans le délai de huit jours, la demanderesse observe, au regard des conclusions de la part de l’administration communale de la Ville de Luxembourg suivant lesquelles il ne ferait pas de doute que son intervention « n'aurait pas eu d'effet utile et n'aurait pas changé la position de la Ville de Luxembourg », que celles-ci n'auraient rien changé à l'attitude du collège échevinal, la demanderesse rappelant que la décision de mutation aurait déjà été prise.
La demanderesse estime que l’affirmation précitée de la part de l’administration communale de la Ville de Luxembourg prouverait encore, au besoin, sa mauvaise foi et enlèverait à l'article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 tout effet utile.
L’administration communale de la Ville de Luxembourg rétorque que le moyen relatif à une violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 serait à considérer comme étant inopérant, alors que la décision de mutation aurait été prise par une décision séparée du 25 juillet 2017 non déférée, laquelle aurait constaté que la demanderesse n'aurait pas introduit d'observations dans le délai de 8 jours.
A titre subsidiaire, la partie défenderesse fait plaider qu’il serait de jurisprudence constante que les formalités procédurales ayant trait aux droits de la défense ne constitueraient pas une fin en soi, mais consacreraient des garanties visant à ménager à l'administré concerné la possibilité de prendre utilement position par rapport à la décision projetée, de sorte que, dans l'hypothèse où il serait établi que cette finalité est atteinte, la question du respect de toutes les étapes procédurales préalables prévues à cet effet deviendrait sans objet. Ainsi, un administré n'aurait aucun intérêt à se prévaloir de ces formalités s'il se dégage du dossier qu'il a effectivement pu faire valoir de manière détaillée et circonstanciée son point de vue par rapport à la décision projetée à travers une prise de position écrite.
Or, en l'espèce, d’après l’administration communale de la Ville de Luxembourg, la demanderesse, alors même qu’elle y aurait été invitée par le courrier du 26 mai 2017, n'aurait pas jugé utile de lui faire part de ses observations endéans le délai de huitaine, de sorte qu’aucun reproche ne saurait lui être adressé au regard du respect de l'article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, relevant que l'absence de réaction de la part de Madame … ne saurait lui être imputable.
Il serait d'ailleurs l'usage pour l'administration communale de la Ville de Luxembourg, en exécution de l'article 8 du statut général, de prendre, dans une première étape, une décision de principe vers quel poste un fonctionnaire pourrait être muté, tout en invitant ce dernier à présenter ses observations et de ne prendre la décision définitive de mutation qu’en tenant compte de ses observations.
A titre encore plus subsidiaire, et si par impossible le tribunal considérait que le collège échevinal n'aurait pas respecté l'article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, l’administration communale de la Ville de Luxembourg fait plaider que la décision de mutation ne devrait pas encourir l'annulation alors qu’il appartiendrait au juge administratif de vérifier si l'intervention de l'administré concerné aurait pu, dans le processus d'élaboration de la décision, avoir un effet utile, voire conduire à une décision différente, faute de quoi le recours tiré de la violation de l'article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 serait à rejeter.
En l'espèce, il résulterait clairement des lettres des 10 mai et 25 juillet 2017 quelles seraient les raisons de la mutation et il ne ferait pas de doute que l'intervention de Madame … n'aurait pas eu d'effet utile et n'aurait pas changé la position de la Ville de Luxembourg.
Dans son mémoire en duplique, la partie défenderesse précise qu’il serait incontestable, au vu des explications données par le collège échevinal dans ses courriers des 10 mai et 25 juillet2017, que le Service Hygiène aurait besoin de personnel pour le renforcement de ses équipes « Igloos », de sorte qu’il se poserait par conséquent la question de savoir de quelle manière l'intervention de la demanderesse aurait pu changer le processus d'élaboration de la décision.
De même, la demanderesse aurait été informée, lors de sa dernière mutation, que sa position antérieure n'aurait été qu'un poste de renforcement provisoire, de sorte qu’une nouvelle mutation ne pouvait pas être exclue.
Aux termes de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, « Sauf s´il y a péril en la demeure, l´autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d´office pour l´avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors d´une initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l´amènent à agir.
Cette communication se fait par lettre recommandée. Un délai d´au moins huit jours doit être accordé à la partie concernée pour présenter ses observations.
Lorsque la partie concernée le demande endéans le délai imparti, elle doit être entendue en personne. (…) ».
Etant donné que les dispositions de l’article 8, paragraphe 2 du statut général, retenant que « Dans l’intérêt du service, le fonctionnaire peut être changé de service, d’attribution ou d’affectation, pourvu que le nouvel emploi ne soit inférieur ni en rang, ni en traitement. La mesure est prise par le collège des bourgmestre et échevins. Avant toute mesure, le fonctionnaire visé doit être entendu en ses observations. (…) », ne prévoient pas de garanties équivalentes aux dispositions précitées de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, c’est à bon droit que la demanderesse conclut à l’applicabilité de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 à la présente cause.
Etant donné qu’il a été retenu ci-avant qu’il résulte de l’aveu de la partie défenderesse que la décision de mutation, en son principe, avait déjà été prise dès le 10 mai 2017 et qu’il est constant qu’il n’existe aucun courrier recommandé ayant sollicité des observations de la part de la demanderesse qui lui aurait été adressé avant la décision de mutation du 10 mai 2017, la violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 est manifeste.
Cette conclusion ne saurait, par ailleurs, être énervée par l’argumentation de la partie défenderesse suivant laquelle une intervention de la part de la demanderesse n’aurait de toute façon pas pu avoir un quelconque effet utile, alors qu’il est constant en cause que la mutation en question consiste dans l’affectation, certes avec maintien du traitement, d’un fonctionnaire communal engagé dans la carrière du rédacteur à un poste consistant au ramassage d’ordures autour des bornes de recyclage de la Ville de Luxembourg et qu’un tel changement de fonction devrait, pour le moins, se mesurer au regard des exigences de l’article 8, paragraphe 2 précité du statut général, selon lequel le nouvel emploi ne doit notamment pas être inférieur en rang.
Il suit de ces considérations que le recours subsidiaire en annulation est d’ores et déjà à accueillir dans le sens que la décision de mutation de la demanderesse vers l’équipe « Igloos » prise le 10 mai 2017, ensemble la décision confirmative du 25 juillet 2017, prise sur recoursgracieux, est à annuler pour violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, sans qu’il ne faille analyser les autres moyens soulevés en cause qui deviennent, à ce stade, superfétatoires.
Au vu de l’issue du litige et vu que le recours a été la conséquence d’une attitude manifestement déroutante de la part du collège échevinal, la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que réclamée par la partie demanderesse est à accueillir pour un montant fixé ex aequo et bono à 750 euros.
Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;
reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;
au fond, le déclare justifié, partant annule la décision du collège échevinal visant à muter Madame … vers l’équipe « Igloos » telle qu’elle a été prise en date du 10 mai 2017, ensemble la décision confirmative du 25 juillet 2017 ;
condamne l’administration communale de la Ville de Luxembourg à payer à Madame … une indemnité de procédure de 750,- euros.
condamne l’administration communale de la Ville de Luxembourg aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Anne Gosset, premier juge, Olivier Poos, premier juge, et lu à l’audience publique du 27 novembre 2018 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 27 novembre 2018 Le greffier du tribunal administratif 13