Tribunal administratif Numéro 41888 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 octobre 2018 3e chambre Audience publique extraordinaire du 8 novembre 2018 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 41888 du rôle et déposée le 29 octobre 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Nigéria), de nationalité nigériane, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 11 octobre 2018 ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 31 octobre 2018 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sylvie FREITAS, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL, et Madame le délégué du gouvernement Danitza GREFFRATH, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 novembre 2018.
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En date du 31 octobre 2011, Monsieur … fut interpellé lors d’un contrôle effectué par la police grand-ducale lors duquel il s’avéra qu’il fit l’objet d’un signalement au système d’information Schengen par les autorités luxembourgeoises pour séjour irrégulier.
Il résulte d’un rapport n°… de la police grand-ducale, section stupéfiants, du 16 janvier 2018, que Monsieur … se trouva en détention préventive à partir du 27 octobre 2015 pour infractions à la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie, désignée ci-après par « la loi du 19 février 1973 ».
Par arrêt du 7 février 2018, la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, ramena à trois ans la peine d’emprisonnement prononcée à l’encontre de Monsieur … du chef d’infractions à la loi du 19 février 1973 par un jugement du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, du 10 mars 2017.
Il ressort d’un acte d’écrou que la peine d’emprisonnement de Monsieur … prit fin le 12 octobre 2018.
1Par arrêté du 11 octobre 2018, notifié le 12 octobre 2018, en s’appuyant en droit sur les articles 100 et 109 à 115 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », constata le séjour irrégulier de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois, lui enjoignit de quitter dès sa libération du Centre pénitentiaire de Luxembourg le territoire à destination du Nigéria ou du pays lui ayant délivré un document de voyage en cours de validité ou d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner, tout en lui interdisant l’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans à partir de la sortie de l’espace Schengen.
Par un second arrêté du 11 octobre 2018, notifié également le 12 octobre 2018, le ministre ordonna le placement de l’intéressé au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de cette décision, décision libellée comme suit :
« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration.;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu les antécédents judiciaires de l’intéressé ;
Vu ma décision de retour du 11 octobre 2018 comportant une interdiction d’entrée sur le territoire de cinq ans ;
Attendu que l’intéressé est démuni de tout document de voyage valable ;
Attendu que l’intéressé s’est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire ;
Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;
Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».
Le 19 octobre 2018, les autorités luxembourgeoises contactèrent le consul de l’ambassade de la République fédérale du Nigéria à Bruxelles en vue d’une identification de Monsieur ….
Par requête déposée le 29 octobre 2018 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle du 11 octobre 2018 ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision.
2Etant donné que l’article 123, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.
Dans son mémoire en réponse, le délégué soulève l’irrecevabilité du recours au motif que le demandeur aurait omis de verser la copie de la décision déférée avec son recours, tout en relevant que le dépôt tardif de ladite pièce, notamment le 30 octobre 2018 à 16:14 heures, et dont le requérant entendrait se prévaloir, constituerait une violation des droits de la défense dans la mesure où la partie étatique aurait seulement disposé d’un délai jusqu’au 31 octobre 2018 à 17:00 heures pour déposer son mémoire en réponse.
Le litismandataire de Monsieur … n’a pas pris position par rapport au moyen d’irrecevabilité lui ainsi opposé ni en déposant un mémoire en réplique ni oralement à l’audience publique des plaidoiries.
Aux termes de l’article 2 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, désignée ci-après par « la loi du 21 juin 1999 », « La requête introductive est déposée au greffe du tribunal, en original et quatre copies.
Les pièces énoncées sont jointes en quatre copies. La décision critiquée doit figurer en copie parmi les pièces versées, si le demandeur en dispose; si tel n’est pas le cas, elle est à verser en cours de procédure par celui qui en est détenteur. […] ».
Force est au tribunal de constater que cette disposition ne contient pas de sanction expresse au cas où la décision litigieuse n’est pas annexée à la requête introductive d’instance, étant précisé que l’article 29 de la loi du 21 juin 1999 dispose que : « L’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense. ».
S’il est constant en cause que le demandeur n’a pas joint la décision déférée du 11 octobre 2018 à la requête introductive d’instance, il convient cependant de relever qu’il a déposé ladite pièce le 30 octobre 2018 à 16:14 heures au greffe du tribunal administratif et que le délégué du gouvernement l’a également versé parmi les pièces du dossier administratif ensemble avec son mémoire en réponse.
Il s’ensuit que la partie étatique a valablement pu prendre position sur les moyens contenus dans le recours, sans qu’il y ait eu méprise quant à la décision visée par le recours, de sorte qu’aucune violation des droits de la défense ne saurait être alléguée en l’espèce, d’autant plus que la pièce en question émane de l’autorité étatique qui en est l’auteur, de sorte que cette dernière ne saurait partant en avoir ignoré le contenu. Dès lors, le défaut, pour le demandeur, d’avoir annexé la décision déférée à sa requête introductive d’instance n’est pas de nature à entraîner l’irrecevabilité du recours.
Il y a dès lors lieu de rejeter le moyen d’irrecevabilité soulevé par le délégué du gouvernement.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement se rapporte encore à prudence de justice en ce qui concerne le fait que la requête introductive d’instance ne contiendrait pas le relevé des pièces dont Monsieur … entendrait se servir, ce qui constituerait une violation de l’article 1er de la loi du 21 juin 1999. Etant donné que le fait, pour une partie, 3de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation1, il appartient au tribunal de trancher la question de la violation des règles de procédure telle qu’invoquée par le délégué du gouvernement.
S’il est vrai que la requête introductive doit contenir, entre autres, « le relevé des pièces dont le requérant entend se servir », d’après les exigences posées par l’article 1er de la loi du 21 juin 1999, il échet de rappeler, tel que retenu ci-avant, qu’aux termes de l’article 29 de la même loi, l’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense. Force est au tribunal de constater que le délégué du gouvernement a pu prendre position, dans son mémoire en réponse, par rapport aux moyens figurant dans la requête introductive d’instance et que le seul document dont le demandeur s’est prévalu à l’appui de son recours est la décision actuellement déférée, de sorte que la partie étatique a pu assurer sa défense de façon valable et complète. Dès lors, en l’absence d’une violation des droits de la défense de la partie étatique, l’inobservation des règles de procédure invoquée n’a pu entraîner l’irrecevabilité de la demande.
Il s’ensuit que ce moyen d’irrecevabilité soulevé par le délégué du gouvernement est également à rejeter pour ne pas être fondé.
Au vu des considérations qui précèdent et en l’absence d’autres moyens d’irrecevabilité, le recours principal en réformation est à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, Monsieur … expose être placé au Centre de rétention pour étrangers en situation irrégulière au sein du Centre pénitentiaire de Luxembourg depuis le 11 octobre 2018. Il fait valoir que sa rétention et son incarcération au Centre pénitentiaire de Schrassig constitueraient un traitement dégradant, constitutif d’une atteinte intolérable à sa liberté, contraire aux articles 3 et 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, désignée ci-après par « la CEDH », dans la mesure où le régime auquel il est soumis serait similaire, voire identique à celui des détenus de droit commun, à l’exception du droit illimité à la correspondance et de la dispense de l’obligation de travail. Il fait remarquer qu’il serait privé de sa liberté de circulation, bien qu’il n’aurait commis aucune infraction pénale, et qu’il serait autorisé à téléphoner une seule fois par semaine.
Dans ce même ordre d’idées, Monsieur … soutient que le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires s’appliquerait au Centre de séjour pour étrangers en situation irrégulière par application de l’article 5 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tout en se prévalant d’un jugement rendu par le tribunal administratif le 12 novembre 2001, inscrit sous le numéro 14130 du rôle, selon lequel « la privation de la liberté par l’incarcération dans un centre pénitentiaire doit constituer une mesure d’exception à appliquer seulement en cas d’absolue nécessité et il échet d’éviter une telle mesure ». Il fait encore valoir qu’il serait de jurisprudence constante qu’une mesure de rétention serait indissociable de l’attente de l’exécution de l’éloignement d’un étranger non autorisé à séjourner légalement sur le territoire luxembourgeois. En se basant ensuite sur un jugement du 15 juillet 2004, inscrit sous le numéro 18357 du rôle, rendu par le 1 Trib. adm., 27 octobre 2004, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2018, V° Procédure contentieuse, n° 760 et les autres références y citées.
4tribunal administratif, il met en exergue qu’il incomberait dès lors à l’autorité administrative, d’une part, de faire état et de documenter avec précision les démarches qu’elle estimerait requises et qu’elle serait en train d’exécuter afin de mettre le demandeur en mesure d’apprécier si un éloignement est valablement possible et en voie d’organisation et, d’autre part, d’entreprendre les démarches suffisantes en vue d’un éloignement ou transfert rapide, de façon à écourter au maximum sa privation de liberté.
Monsieur … reproche ensuite un manque de motivation à la décision déférée, dans la mesure où elle « ne serait pas très clair quant aux mesures actuellement entreprises pour écourter le séjour du requérant au Centre de séjour » et il souligne que le placement en rétention d’un étranger constituerait une faculté discrétionnaire et non pas une obligation systématique.
En se fondant sur l’article 120 de la loi du 29 août 2008, Monsieur … fait finalement valoir que depuis le 12 octobre 2018 aucune mesure appropriée n’aurait été prise par les autorités luxembourgeoises afin d’assurer son éloignement dans les meilleurs délais et d’éviter ainsi qu’il ne reste enfermé pendant une période trop longue. Il souligne que le simple fait de prendre contact de manière irrégulière avec les ambassades ou d’y laisser des messages serait insuffisant pour établir que de véritables démarches concrètes, utiles et efficientes auraient été entreprises afin d’assurer son éloignement. Si le législateur avait prévu un délai de quatre mois pour procéder à l’éloignement d’une personne en situation irrégulière, ce délai serait à considérer comme un « délai limite, un délai butoir » qui ne dispenserait aucunement d’accomplir les diligences nécessaires afin de réduire au maximum la rétention des personnes se trouvant en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois. Il en conclut que les diligences entreprises par les autorités luxembourgeoises ne sauraient être qualifiées de suffisantes.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.
L’analyse de la légalité externe devant précéder celle de la légalité interne de la décision, le tribunal est amené à examiner de prime abord le moyen du demandeur tiré d’un défaut de motivation de la décision déférée.
Il échet de constater que le tribunal n’est pas en mesure de prendre position par rapport à un tel moyen simplement suggéré, sans être soutenu effectivement. En effet, le demandeur reste en défaut, d’une part, de préciser la disposition légale sur laquelle il se base, et d’autre part, d’expliquer dans quelle mesure elle serait violée. Or les moyens simplement suggérés, sans être soutenus effectivement, ne sont pas à prendre en considération par le tribunal, étant donné qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions, de sorte qu’il y a lieu de rejeter le moyen.
A titre superfétatoire et dans un souci d’exhaustivité, il convient de relever que s’il est vrai qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et les catégories de décisions y énumérées doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, le cas d’espèce sous examen ne tombe cependant dans aucune des hypothèses énumérées à l’alinéa 2 de l’article 6 précité, de sorte que l’obligation inscrite à l’article 6 alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, d’ailleurs non invoqué par le demandeur, ne trouve pas d’application en l’espèce. Dans la 5mesure où il n’existe en outre aucun autre texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une décision de de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision de placement.
Par ailleurs, en tout état de cause, la sanction de l’absence de motivation ne consiste pas dans l’annulation de l’acte visé, mais dans la suspension des délais de recours et celui-ci reste a priori valable, l’administration pouvant produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois pendant la phase contentieuse2.
Or force est au tribunal de constater, qu’en l’espèce, les motifs se trouvant à la base de la décision de placement en rétention ressortent à suffisance de droit de l’arrêté litigieux, étant donné que tant les motifs en fait que les motifs en droit sur lesquels repose la décision litigieuse sont énoncés dans ledit arrêté. Plus particulièrement, le ministre s’est basé expressément sur les articles 111, 120 à 123 et 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 dans la décision déférée et il a, par ailleurs, précisé dans son arrêté ministériel l’existence d’une décision de retour à l’égard du demandeur, ainsi que le fait que le demandeur serait dépourvu de documents de voyage valables et qu’il existerait un risque de fuite dans son chef, de sorte qu’il a, à suffisance de droit, exposé les motifs sous-tendant la décision déférée et que partant le moyen relatif à un défaut de motivation laisse d’être fondé.
Quant à la légalité interne de la décision litigieuse, il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008: « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».
En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008 : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. […] ».
L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment l’identification de l’intéressé, s’il ne dispose pas de documents d’identité, ensuite la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des 2 Cour adm. 20 octobre 2009, n° 25738C du rôle, Pas. adm. 2017, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 83 et les autres références y citées.
6démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Il y a tout d’abord lieu de relever que le demandeur ne conteste pas être en situation irrégulière sur le territoire luxembourgeois, ne pas disposer de ressources suffisantes pour s’y maintenir et ne pas y avoir de domicile légal.
Il ressort en outre du dossier administratif que Monsieur … était en possession d’un passeport nigérian valable du 18 janvier 2011 au 17 janvier 2016, d’un permis de séjour italien ayant expiré le 9 août 2016, ainsi que d’une carte d’identité italienne exclusivement valide sur le territoire italien, de sorte qu’il ne disposait d’aucun document d’identité ou de voyage en cours de validité au moment de son placement en rétention.
Au vu de la décision ministérielle de placement en rétention et en application de l’article 111, paragraphe (3), point c), de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel le risque de fuite est présumé plus particulièrement si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi, ou s’il n’a pas de document d’identité ou de voyage en cours de validité, le ministre pouvait dès lors a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement, Monsieur … n’ayant d’ailleurs soumis au tribunal aucun élément probant permettant de renverser cette présomption de risque de fuite dans son chef.
Quant aux démarches concrètement entreprises par les autorités luxembourgeoises en vue de l’éloignement du demandeur, le tribunal constate qu’il ressort des éléments du dossier administratif qu’en date du 19 octobre 2018, le ministre a adressé une demande d’identification de Monsieur … au consul de l’ambassade de la République fédérale du Nigéria à Bruxelles. Il en résulte encore qu’en date du 26 octobre 2018, les autorités luxembourgeoises ont adressé un courriel à ladite ambassade concernant les personnes de nationalité nigériane retenues au Centre de rétention, tout en sollicitant d’être tenues informées des nouvelles y relatives.
Au vu des démarches ainsi concrètement déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, tributaire, à cet égard et à ce jour, de la réponse des autorités nigérianes, il y a lieu de conclure que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise.
Le moyen fondé sur une absence de diligences suffisantes du ministre en vue d’organiser l’éloignement du demandeur est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.
En ce qui concerne finalement les développements du demandeur ayant trait à une violation des articles 3 et 5 de la CEDH en raison du fait qu’il serait « incarcéré au Centre 7pénitentiaire de Schrassig » et « se trouve[rait] privé de sa liberté de circulation, quasiment dans la même situation qu’un délinquant de droit commun », force est au tribunal de constater qu’ils sont dépourvus de toute pertinence dans la mesure où, contrairement aux affirmations de la partie demanderesse, le demandeur se trouve placé au Centre de rétention situé au Findel, tel qu’il a été créé par la loi du 28 mai 2009 portant création et organisation du Centre de rétention et non pas « au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière », ni au « Centre de rétention pour étrangers en situation irrégulière au sein du Centre pénitentiaire de Luxembourg ». Il y a dès lors lieu de les rejeter.
Au vu des développements qui précèdent, en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour être non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 8 novembre 2018 par :
Thessy Kuborn, vice-président, Paul Nourissier, premier juge, Stéphanie Lommel, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 8 novembre 2018 Le greffier du tribunal administratif 8