Tribunal administratif N° 40091 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 août 2017 3e chambre Audience publique du 6 novembre 2018 Recours formé par la société anonyme … SA, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de retenue d’impôt sur les traitements et salaires
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 40091 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 août 2017 par la société anonyme … SA, établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée auprès du registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 23 mai 2017 portant rejet de sa réclamation dirigée contre le bulletin complémentaire de la retenue d’impôt sur les traitements et salaires des années 2014 et 2015, émis en date du 25 janvier 2017 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2017 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame Nadine AVRIL en ses explications et Monsieur le délégué du gouvernement Stéphane COLLART en sa plaidoirie à l’audience publique du 17 octobre 2018.
Suite à une révision des retenues d’impôt à opérer par la société anonyme … SA, ci-
après désignée par « la société … », en date du 16 janvier 2017, le bureau d’imposition … de l’administration des Contributions directes adressa, le 25 janvier 2017, à cette dernière un bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenu pour les années 2014 et 2015 en précisant, en tant qu’observations relatives à la révision, que « IMPOSITION INSUFFISANTE DE LA MISE A DISPOSITION A TITRE PRIVE DE LA VOITURE AVEC 1,5% PAR MOIS DU PRIX D’ACT TTC … (2014 : …, 2015 :
…), … (2014 : …), … (2014 : …, 2015 : …), … (2014 : …), … (2014 : …, 2015 : …), … (2014 : …) IMPOSITION RACHATS VOITURES 2014 … (…), … (…), … (…), 2015 … (…). ».
1 Le 13 février 2017, la société … fit introduire une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », à l’encontre du bulletin précité du 25 janvier 2017.
Par décision du 23 mai 2017, le directeur reçoit la réclamation en la forme et quant au fond la déclara partiellement fondée en ramenant la retenue complémentaire, d’une part, de l’année 2014 à … euros, et, d’autre part, de l’année 2015 à … euros.
Cette décision est libellée comme suit :
« […] Vu la requête introduite le 13 février 2017 par le sieur …, au nom de la société anonyme …, avec siège social à L-…, pour réclamer contre le bulletin complémentaire de la retenue d'impôt sur les traitements et salaires des années 2014 et 2015, émis en date du 25 janvier 2017 ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;
Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu'elle est partant recevable ;
Considérant que la requérante, en faisant grief au bureau d'imposition d'avoir procédé à la mise en compte de retenue d'impôt à la source complémentaire sur traitements et salaires, critique tant le fait qu'elle ne serait pas autorisée à mettre à sa pleine guise et à titre entièrement gratuit des voitures de service à la disposition de ses salariés, que le fait qu'elle leur en aurait cédé l'une ou l'autre à des prix sensiblement inférieurs à leur valeur marchande ;
Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du réclamant, la loi d'impôt étant d'ordre public ;
qu'à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-
fondé ;
qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;
Considérant, en matière de principe et en ce qui concerne plus particulièrement les véhicules de service mis à disposition de la part d'un employeur à ses salariés, véhicules utilisables à leur pleine guise et aussi longtemps qu'ils le souhaitent dans le cadre tant de leurs déplacements privés que de leurs déplacements professionnels, que ceux-ci sont à qualifier d'avantages en nature assimilables, au regard des articles 95 et 104 de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.), à des salaires pleinement imposables ;
Considérant à ce titre que l'article 95 L.I.R. définit comme revenus d'une occupation salariée les émoluments et avantages obtenus du chef d'une occupation dépendante, la notion d'avantages visant au-delà de toutes recettes en espèces aussi tous les biens ne consistant pas en espèces, mais appréciables en argent (cf. : doc. part. 5714 p. 210) ; qu'aux termes de l'alinéa 1er de l'article 104 L.I.R., sont considérés comme recettes tous les biens et avantages, tant en espèces qu'en nature, qui sont mis à la disposition du salarié dans le cadre de l'une 2 des catégories de revenus nets mentionnés aux numéros 4 à 8 de l'article 10 L.I.R., comprenant donc, notamment par le prédit numéro 4, les revenus nets provenant d'une occupation salariée ; qu'aux termes de l'alinéa 2 dudit article 104 L.I.R., les biens et avantages ne consistant pas en espèces (…) sont estimés aux prix moyens usuels du lieu de consommation ou d'usage et de l'époque de la mise à disposition ;
Considérant que le prix moyen usuel est représenté par le prix que le contribuable (et non pas le débiteur) aurait dû débourser pour se procurer les biens ou les avantages en question ; qu'il est donc possible que la valeur du bien ou de l'avantage, telle qu'elle est évaluée pour l'imposition du bénéficiaire, ne concorde pas avec ce que le débiteur a dû dépenser pour ce bien ou avantage et, le cas échéant, avec le montant que le débiteur est en droit de porter en déduction à titre de dépenses d'exploitation (doc. part. cité p. 211) ;
Considérant par ailleurs et en ce qui concerne la mise en pratique des considérations supra, qu'en vertu de l'article 136, alinéa 1er L.I.R. les rémunérations d'une occupation salariée au sens de l'article 95 L.I.R. sont passibles de la retenue à la source au titre de l'impôt sur le revenu ; que, d'ailleurs, aux termes de l'article 136, alinéa 4 L.I.R., l'employeur est personnellement responsable de l'impôt retenu ainsi que de l'impôt qu'il aurait dû retenir ;
que faute de détermination exacte, l'impôt peut être fixé par l'administration (article 136, alinéa 7 L.I.R.) ; qu'il s'ensuit qu'il y a lieu de vérifier si c'est à bon escient que le bureau RTS s'est substitué à l'employeur en mettant en compte la retenue d'impôt complémentaire sur traitements et salaires litigieuse ;
En ce qui concerne les avantages en nature liés à la mise à disposition à titre gratuit de voitures de service par un employeur à ses salariés Considérant que l'imposabilité tout comme la manière d'imposer, le cas échéant, l'avantage en nature lié à la mise à disposition d'une voiture de service par un employeur à son salarié sont fonction de divers critères et notamment de la méthode choisie par l'employeur et/ou son salarié afin de procéder à l'évaluation de cet avantage (soit méthode de la détermination de l'avantage d'après le prix de revient kilométrique, soit méthode de l'évaluation forfaitaire de l'avantage, cf. infra) ; que seule la première de ces deux méthodes (méthode de la détermination de l'avantage d'après le prix de revient kilométrique) est susceptible d'éviter, le cas échéant, une imposition intégrale de l'avantage accordé ;
Considérant que ceci vaut d'ailleurs seulement sur présentation d'un carnet de bord dûment tenu qui permet une séparation nette, aisément et objectivement contrôlable entre déplacements privés et professionnels ; que la réclamante est tout de même restée en défaut de produire un tel carnet de bord, de sorte qu'il s'agit dorénavant et à défaut d'un autre choix de la méthode de l'évaluation forfaitaire des avantages qui s'avère impérative afin de déterminer les avantages pécuniaires résultant de la mise à disposition des véhicules de service en cause, utilisables à leur pleine guise par les salariés ;
Considérant qu'il importe de consulter la circulaire L.I.R. n° 104/1 du 1er septembre 2015 visant notamment la voiture de service appartenant à l'employeur ou prise en leasing ou en location par ce dernier et servant à ses propres besoins professionnels, mais qui peut aussi être utilisée par le salarié pour ses déplacements privés, étant également visée la voiture mise à la disposition du salarié pour effectuer les trajets de son domicile à son lieu de travail et utilisée au surplus pour ses déplacements privés ; que pour ce qui est de l'évaluation de l'avantage accordé par le biais de la mise à disposition à titre privé d'une voiture de service, 3 l'avantage est soit, comme cité en rubrique, évalué d'après le prix de revient kilométrique, soit évalué forfaitairement ;
Considérant que faute de carnet de bord tenant la route, il ne reste d'autre possibilité que de se servir de l'évaluation forfaitaire afin d'évaluer les avantages accordés, cette méthode étant d'ailleurs celle à retenir de manière obligatoire en l'occurrence afin de déterminer l'avantage octroyé par la requérante à ses divers salariés ; que le système forfaitaire est basé dans tous les cas sur le prix d'acquisition du véhicule à l'état neuf, y compris options et TVA, diminué, le cas échéant, de la remise accordée à l'acquéreur ; que la même valeur doit être mise en compte dans le cas d'un contrat de leasing ou de location et qu'il en est de même lorsqu'il s'agit d'une voiture d'occasion, la valeur mensuelle de l'avantage étant dans tous les cas fixée à 1,5 pour cent de la valeur du véhicule à l'état neuf, telle que décrite ci-dessus ;
Considérant, en l'espèce, que les calculs effectués de la part du bureau d'imposition afin de déterminer les avantages en nature liés à la mise à disposition à titre gratuit de voitures de service ne prêtent en principe pas à critique, sauf en ce qui concerne le sieur …, dont la voiture de service (…) fut vendue en date du 1er décembre 2014 à un tiers en Allemagne, opération non imposable au regard de la retenue d'impôt à la source mais ayant des incidences sur la durée de l'imposabilité de l'avantage en cause, le bureau d'imposition n'ayant pas eu connaissance de la dite vente au moment de la vérification des livres de salaires (redressements à opérer : … pour 2014 et … pour 2015) ; qu'en ce qui concerne l'ensemble des autres salariés, y inclus le sieur …, force est de constater qu'aucun moyen de preuve, tel un carnet de bord, ne fut remis de la part de la réclamante, ses affirmations restant dès lors à l'état de pures allégations ;
En ce qui concerne les avantages en nature potentiels se dégageant de la reprise d'un véhicule de service par un salarié de l'entreprise Considérant, en ce qui concerne les avantages potentiels se dégageant de la reprise d'un véhicule de service par un salarié de l'entreprise, qu'il y a lieu de consulter le point 3.2.2.2.3 de la circulaire L.I.R. n° 104/1 du 1er septembre 2015, celle-ci retenant que « dans le cas où — après la mise à sa disposition par l'employeur — le salarié rachète un véhicule de service à un prix de faveur, il y a lieu d'analyser, s'il y a un avantage (…) à imposer.
(…) L'évaluation de l'avantage rencontre le problème de la détermination de la valeur de marché du véhicule en question. En présence des différents facteurs susceptibles d'influer sur cette évaluation, mais surtout dans un souci de l'équité fiscale, l'administration préconise [une] méthode simplifiée » sur base d'un taux d'évaluation des voitures de service en fonction de leur date d'acquisition lors du rachat par le salarié ;
Considérant qu'en l'occurrence, la réclamante n'a pas utilement su démontrer que la valeur marchande des véhicules en cause, notamment ceux des sieurs … et …, divergerait de manière sensible des évaluations effectuées par le bureau d'imposition sur base de la dite circulaire, aucun redressement des calculs effectués par le bureau d'imposition afin de fixer les compléments de retenue sur traitements et salaires en cause n'étant, partant, nécessaire sous cet angle ; que force est cependant de constater qu'en ce qui concerne justement les sieurs … et …, la réclamante avait d'ores et déjà procédé de sa propre initiative à 4 l'imposition d'avantages en nature se dégageant de la reprise de leurs véhicules de service respectifs à des prix sans doute inférieurs à la valeur marchande, opérations qui, nonobstant le fait que la réclamante a admis des valeurs divergeantes comme bases de calcul, semblent être passées inaperçues au niveau du bureau d'imposition (redressements à opérer en 2015 … euros et … euros) ;
Considérant que pour le surplus, l'imposition est conforme à la loi et aux faits de la cause et n'est d'ailleurs pas autrement contestée ;
PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme, la dit partiellement fondée, partant, ramène la retenue complémentaire de l'année 2014 à (… i.e.) … euros, ramène la retenue complémentaire de l'année 2015 à (… i.e.) … euros, renvoie au bureau d'imposition pour exécution. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 août 2017, la société … a fait déposer un recours à l’encontre de la décision précitée du directeur du 23 mai 2017.
Lorsque la requête introductive d’instance omet d’indiquer si le recours tend à la réformation ou à l’annulation de la décision critiquée, il y a lieu d’admettre que le demandeur a entendu introduire le recours admis par la loi.
En application des dispositions de l’article 8, paragraphe (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre une décision du directeur ayant statué sur le mérite d’une réclamation, ledit recours en réformation est encore à déclarer recevable dans la mesure où il a été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, la demanderesse fait valoir que tant l’administration des Contributions directes, lors de l’établissement du bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenu pour les années 2014 et 2015, que le directeur, dans sa décision déférée du 23 mai 2017, auraient commis une erreur d’appréciation des faits en ce qui concerne les retenues complémentaires à opérer pour deux de ses salariés, en l’occurrence Monsieur … et Monsieur ….
Elle explique, en ce qui concerne Monsieur …, qu’elle aurait acquis, moyennant un contrat de leasing allant du 1er février 2015 au 1er janvier 2018, pour compte de ce dernier, un véhicule de marque …, pour un prix total d’acquisition de … euros, les mensualités ayant été fixées à … euros. Dans la mesure où Monsieur … aurait pu disposer dudit véhicule également à des fins privées, un avantage en nature mensuel de 1,5% du prix d’acquisition, soit … euros, serait imposable dans son chef pendant la durée d’utilisation du véhicule, soit onze mois, de 5 sorte à obtenir un total de … euros pour l’année d’imposition 2015. Le véhicule litigieux aurait, à la fin de la période de leasing se situant en décembre 2017, été cédé à une autre salariée pour un prix total de … euros, de sorte à avoir donné lieu à un avantage imposable négatif découlant de la reprise du véhicule, dans la mesure où le prix de cession aurait été supérieur de … euros à la valeur de marché dudit véhicule correspondant à 65% de sa valeur d’acquisition, soit … euros, au sens de la circulaire LIR 104/1 du 1er septembre 2015, ci-après désignée par « la circulaire ». En cumulant ces deux avantages en nature, seul un montant de … euros aurait dû être pris en compte par les autorités fiscales en relation avec le véhicule de marque ….
Quant au salarié Monsieur …, la demanderesse conteste toute imposition dans son chef en relation avec son véhicule de service en donnant à considérer que ce dernier n’aurait été autorisé à utiliser ce dernier à des fins privées qu’à partir d’octobre 2015, de sorte que les retenues d’impôt sur ses salaires de l’année 2014, d’un montant de … euros, respectivement de l’année 2015, d’un montant de … euros, seraient erronées. Dans ce cadre, la demanderesse a encore versé, pour soutenir son argumentation, les carnets de bord de Monsieur … des années 2014 et 2015, ainsi qu’un courrier de son directeur général du 21 août 2017 informant ce dernier qu’à partir du 1er septembre 2017 il serait autorisé à utiliser son véhicule de service à des fins privées et qu’en conséquence une retenue d’impôt sur son salaire de 1,5% de la valeur d’acquisition dudit véhicule serait opérée.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en se limitant, dans son mémoire en réponse, à citer, dans son intégralité, la décision directoriale déférée, sans prendre autrement position sur l’argumentation de la demanderesse et les pièces produites à l’appui de son recours.
Aux termes de l’article 104, paragraphe (1) de la loi modifiée de l’impôt sur le revenu du 4 décembre 1967, ci-après désignée par « LIR », « sont considérés comme recettes tous les biens et avantages, tant en espèces qu’en nature, mis à la disposition du contribuable dans le cadre de l’une des catégories de revenus nets mentionnées aux numéros 4 à 8 de l’article 10 », tandis qu’aux termes de l’article 95, paragraphe (1) LIR, « 1) sont considérés comme revenus d’une occupation salariée : 1. les émoluments et avantages obtenus en vertu d’une occupation dépendante et les pensions allouées par l’employeur, avant la cessation définitive de cette occupation ».
La notion d’avantage est définie dans les travaux parlementaires à la base de la LIR comme « toute fourniture ou prestation de service appréciable en argent »1. Au vœu de l’article 95, paragraphe (1) LIR, un avantage rentre dans la catégorie des revenus d’une occupation salariée si la cause de sa mise à disposition au contribuable réside dans son activité salariée.
En ce qui concerne l’imposition en relation avec un véhicule de fonction, il y a lieu de distinguer entre, d’une part, l’avantage de la mise à disposition d’un tel véhicule, à côté de l’utilisation professionnelle, à des fins privées, et, d’autre part, la possibilité de rachat offerte au salarié par son employeur, dans le cadre d’un contrat de leasing conclu par ce dernier, à un prix inférieur à la valeur de marché.
1 Projet de loi concernant l’impôt sur le revenu, doc. parl. 571, ad art. 112, p. 280.
6 L’avantage de la mise à la disposition d’une voiture de service, tel que cadré par la circulaire, y est défini, dans son point 3.1., comme suit : « Est visée la voiture appartenant à l’employeur ou prise en leasing ou en location par ce dernier et servant à ses besoins professionnels, mais qui peut aussi être utilisée par le salarié pour ses déplacements privés.
Est également visée la voiture mise à la disposition du salarié pour effectuer ses trajets de son domicile à son lieu de travail et utilisée également pour ses déplacements privés ». La situation en question est celle où l’employeur est le propriétaire ou le détenteur de la voiture et où le salarié se voit conférer un simple droit d’utilisation de la voiture, également pour ses besoins privés et ses trajets entre son domicile et son lieu de travail, cet avantage consistant en un appauvrissement évité.
Quant à l’avantage en nature découlant de la possibilité de rachat offert par l’employeur à son salarié, le gain, pour ce dernier, réside dans la circonstance qu’il peut acquérir un bien d’une certaine valeur à un prix inférieur à la valeur de marché, la différence entre la valeur réelle de ce bien et son prix de rachat représentant alors un accroissement de la fortune du salarié. L’avantage en nature réside ainsi dans la possibilité conférée au salarié d’obtenir, à travers la levée de l’option de rachat, à la place de son employeur, un accroissement de sa fortune grâce au gain réalisé entre le prix de la voiture de service déterminé à la valeur de marché, laquelle est supérieure à sa valeur de rachat. Ledit avantage est appréciable en argent en ce qu’il représente la différence entre deux valeurs pouvant être objectivement déterminées, à savoir la valeur de marché et la valeur de rachat. Cet avantage est par ailleurs différent de l’avantage de la mise à la disposition d’une voiture de service, tel que défini ci-avant, dans la mesure où il ne s’agit pas de la question de la simple utilisation de la voiture de service mais de son rachat à l’issue de la levée de l’option entraînant un transfert de propriété de l’employeur au salarié.
Par voie de conséquence, tandis que l’avantage en nature de la mise à disposition d’une voiture s’analyse en un droit d’utilisation qui évite un certain appauvrissement au salarié, l’avantage relatif au rachat de celle-ci se situe dans la sphère des mutations de biens et procure un accroissement de fortune.2 Au vu de ces différences à la fois dans leur nature et dans leurs effets économiques, ces deux avantages doivent partant être considérés comme juridiquement et économiquement distincts, pour les besoins de l’application des articles 95, paragraphe (1) et 104, paragraphe (1) LIR.
Quant à l’imposition en relation avec le véhicule de marque …, utilisé de février à décembre 2015 par Monsieur …, force est au tribunal de constater qu’il ressort du dossier administratif, et plus particulièrement d’un document établi par l’administration des Contributions directes et intitulé « AVANTAGE EN NATURE VOITURE … SA » pour l’année d’imposition 2015, qu’un montant de … euros a été retenu en tant qu’avantage en nature pour l’utilisation à des fins privés du prédit véhicule, la différence entre ce montant et le montant mis en avant, à ce sujet, par la demanderesse, à savoir … euros s’expliquant par le fait que cette dernière, d’une part, a retenu une période d’utilisation de 11 mois, de février à décembre 2015 inclus, tandis que l’administration des Contributions directes n’a pris en considération qu’une période de 10 mois et demi, au regard de la date de cession du véhicule mi-décembre 2015, et, d’autre part, a arrondi la mensualité à … euros au lieu des … euros retenus par la partie étatique.
2 Cour adm., 25 septembre 2014, n°33654 du rôle, disponible sur ww.jurad.etat.lu.
7 En ce qui concerne l’imposition de l’option de rachat du véhicule utilisé à des fins privées par Monsieur …, il y a lieu de relever, tel que cela ressort d’un courrier de la demanderesse à l’organisme bancaire de leasing, d’une part, que ledit véhicule n’a pas été acquis par ce dernier, mais par une autre salariée de la demanderesse, en l’occurrence Madame …, et, d’autre part, que le prix d’acquisition du véhicule litigieux par cette dernière avait été fixé à … euros, de sorte à dépasser le prix de marché, correspondant à 65,83% de sa valeur initiale d’acquisition de … euros, selon la circulaire, soit … euros. Il s’ensuit qu’aucun avantage découlant de l’exercice de l’option de rachat du véhicule litigieux par un salarié de la demanderesse ne peut être retenu en l’espèce.
Il s’ensuit que le moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation dans le chef du directeur est à rejeter pour ne pas être fondé.
En ce qui concerne l’imposition complémentaire relative à Monsieur …, l’administration des Contributions directes, confirmée par la décision directoriale sous examen ayant retenu un montant de … euros, pour l’année 2014, respectivement de … euros pour l’année 2015, force est au tribunal de constater que la décision directoriale déférée est fondée sur l’hypothèse factuelle de base que si Monsieur … avait à sa disposition un véhicule de service, ce dernier aurait également été utilisé à des fins privées et, en l’absence de carnets de bord pour les années 2014 à 2015 y relatifs, devrait donner lieu à une retenue mensuelle d’impôt sur salaire à hauteur de 1,5% de sa valeur d’acquisition pour correspondre à un avantage en nature au sens des articles 95, paragraphe (1) et 104, paragraphe (1) LIR .
Si le tribunal peut suivre le raisonnement du bureau d’imposition sur lequel est fondé le bulletin complémentaire de la retenue d’impôt sur les traitements et salaires litigieux, et si le tribunal est encore amené à conclure qu’au vu des éléments qu’il avait à sa disposition au moment où la décision déférée a été prise, le directeur a pu confirmer ledit raisonnement, il ne reste pas moins qu’au cours de la procédure contentieuse, la demanderesse a versé les carnets de bord des années 2014 et 2015 concernant le véhicule litigieux, ainsi qu’un courrier du 21 août 2017 non autrement contesté, informant Monsieur … de son droit de pouvoir utiliser son véhicule de service à des fins privées à partir du 1er septembre 2017. Par voie de conséquence, le tribunal est amené à conclure que l’hypothèse factuelle de base sur laquelle est fondée tout le raisonnement de la partie étatique ne correspond pas à la réalité.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de réformer partiellement la décision directoriale sous examen du 23 mai 2017 en ce sens que le véhicule mis à disposition de Monsieur … et appartenant à la demanderesse a été exclusivement utilisé comme voiture de service au cours des années d’imposition 2014 et 2015.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
au fond, le dit partiellement fondé ;
8 partant, par réformation partielle, dit que le véhicule mis à disposition de Monsieur … et appartenant à la demanderesse a été exclusivement utilisé comme voiture de service au cours des années d’imposition 2014 et 2015 ;
renvoie le dossier au directeur afin qu’il procède à l’exécution du présent jugement ;
condamne la partie étatique aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 novembre 2018 par :
Thessy Kuborn, vice-président, Paul Nourissier, premier juge, Géraldine Anelli, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 novembre 2018 Le greffier du tribunal administratif 9