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06/11/2018 | LUXEMBOURG | N°39905

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 novembre 2018, 39905


Tribunal administratif N° 39905 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 juillet 2017 3e chambre Audience publique du 6 novembre 2018 Recours formé par Monsieur …, …, contre un bulletin d’appel en garantie en matière d’appel en garantie

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 39905 du rôle et déposée le 21 juillet 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de

Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation...

Tribunal administratif N° 39905 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 juillet 2017 3e chambre Audience publique du 6 novembre 2018 Recours formé par Monsieur …, …, contre un bulletin d’appel en garantie en matière d’appel en garantie

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 39905 du rôle et déposée le 21 juillet 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation d’un bulletin d’appel en garantie émis par le bureau d’imposition … de l’administration des Contributions directes en date du 23 octobre 2015 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2017 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 12 janvier 2018 par Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY pour le compte de Monsieur … ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 février 2018 ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le bulletin d’appel en garantie déféré ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, et Monsieur le délégué du gouvernement Sandro LARUCCIA en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 octobre 2018.

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En date du 23 octobre 2015, le bureau d’imposition … de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », émit un bulletin d’appel en garantie (« Haftungsbescheid ») en vertu du paragraphe 118 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », à l’encontre de Monsieur …, en sa qualité d’administrateur de la société anonyme … SA, dénommée ci-après par « la société … », déclarée en faillite, ledit bulletin déclarant Monsieur … codébiteur solidaire d’un montant de … euros en principal et intérêts au titre de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal des années 2005 et 2006. Ledit bulletin d’appel en garantie est libellé comme suit :

« […] Il est dû à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg par la société … S.A. en faillite, ayant son siège social à …, immatriculée sous le dossier fiscal …, à titre de:

1 l’impôt sur le revenu des collectivités Année 2005 Principal … € Année 2005 Intérêts au 23.10.2015 … € Année 2006 Principal … € Année 2006 Intérêts au 23.10.2015 … € l’impôt commercial communal Année 2005 Principal … € Année 2005 Intérêts … € Année 2006 Principal … € Année 2006 Intérêts … € Il résulte de la publication au Mémorial C numéro … du … que vous avez été nommé administrateur de la société … S.A. à l’assemblée générale extraordinaire du 6 juillet 2007.

En votre qualité d’administrateur vous avez été en charge de la gestion journalière de la société … S.A. en faillite.

Par conséquent et conformément aux termes du § 103 AO, vous avez été/êtes personnellement tenu à l’accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société … SA en faillite, dont notamment le paiement des impôts dus par la société à l’aide des fonds administrés.

Le défaut de paiement des montants dus à titre de … Euro constitue manifestement une faute grave de vos obligations en tant que représentant légal de la société … S.A. en faillite.

Suite à l’inexécution fautive de vos obligations, le receveur de l’Administration des contributions directes n’a pas perçu l’impôt légalement dû, d’un montant de … Euro..

En vertu du § 110 AO votre responsabilité pour les actes accomplis pendant la période de vos fonctions survit à l’extinction de votre pouvoir de représentation.

Considérant qu’en vertu du § 103 AO vous étiez tenu(e)/êtes tenu(e) de remplir les obligations fiscales incombant à la société … SA. en faillite.

Considérant que l’inexécution des ces obligations est à qualifier de fautive.

Considérant que dans la mesure où, par l’inexécution fautive de vos obligations, vous avez empêché la perception de l’impôt légalement dû, vous êtes constitué/e codébiteur solidaire de ce montant conformément au § 109 AO.

Considérant que le § 118 AO m’autorise à engager votre responsabilité.

Considérant le fait qu’en votre qualité de représentant vous étiez chargé de la gestion journalière de la société … S.A. en faillite, j’engage votre (seule) responsabilité, l’appel en garantie s’élève au montant de … euros, sans préjudice des intérêts de retard ultérieurs.

2Par conséquent, vous êtes invité à payer sans délai le montant de … euros, sans préjudice des intérêts de retard ultérieurs, au receveur de l’Administration des contributions directes à … […] ».

Par courrier de son mandataire du 7 novembre 2016, Monsieur … fit introduire une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, désigné ci-après par « le directeur », à l’encontre du bulletin d’appel en garantie, précité. Ce courrier de réclamation demeura sans réponse de la part du directeur.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 juillet 2017, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation sinon subsidiairement à l’annulation du bulletin d’appel en garantie précité du 23 octobre 2015.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts, communément appelée « Abgabenordnung », ci-après dénommée « AO » et de l’article 8, paragraphe (3), de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre des bulletins de retenue d’impôt si, dans un délai de six mois suite à l’introduction d’une réclamation, le directeur est resté en défaut de prendre une décision.

Conformément aux dispositions du paragraphe 119 AO, les personnes à l’encontre desquelles un bulletin d’appel en garantie a été émis bénéficient des mêmes voies de recours que celles ouvertes au contribuable. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours principal en réformation sous examen.

Il n’y a par conséquent pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur, en admettant que son recours est entretemps devenu sans objet, déclare maintenir sa demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure, déclaration qu’il a réitéré à l’audience des plaidoiries.

Il est constant en cause, pour ressortir des éléments du dossier fiscal, ainsi que des affirmations explicites fournies de part et d’autre, que par décision du 21 novembre 2017, le directeur a accordé à Monsieur … une remise gracieuse pour la totalité de la dette fiscale de la société …, retenue à son encontre dans le bulletin d’appel en garantie litigieux du 23 octobre 2015. Il résulte, de surcroît, des déclarations de Monsieur … que les montants déjà saisis sur sa pension en exécution du bulletin d’appel en garantie ont fait l’objet d’un remboursement intégral.

Il s’ensuit que le bulletin d’appel en garantie litigieux n’est plus de nature à sortir un quelconque effet. Par conséquent, l’objet du recours, qui a certes existé au moment de son introduction n’a cependant pas subsisté jusqu’à la date à laquelle le tribunal est appelé à se prononcer et a disparu en cours d’instance suite à une remise gracieuse accordée au demandeur par le directeur.

Il y a lieu d’en conclure que le recours, pour autant qu’il vise la réformation du bulletin d’appel en garantie du 23 octobre 2015, est à déclarer irrecevable, faute d’objet.

En ce qui concerne l’indemnité de procédure d’un montant de 8.000 euros sollicitée par le demandeur sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, désignée ci-après par « la loi du 21 juin 31999 », il échet de constater qu’une demande en allocation d’une indemnité de procédure procède d’une cause juridique particulière et autonome, de sorte que le rejet du recours principal pour défaut d’objet n’implique pas l’irrecevabilité de la demande en allocation d’une indemnité de procédure, la demande en obtention d’une indemnité de procédure ayant une individualité propre et doit être toisée à la demande du demandeur1. Ainsi, la disparition de l’objet du recours ne rend pas le demandeur non recevable à réclamer une telle indemnité.

Le demandeur reste dès lors recevable à solliciter une indemnité de procédure.

Il fait valoir, à ce titre, qu’il serait injuste de laisser à sa charge les frais et les honoraires de son avocat eu égard au fait que ce ne serait qu’à la suite d’une réclamation introduite auprès du directeur, respectivement suite au recours introduit auprès du tribunal administratif, qu’une décision en matière gracieuse aurait été prise en sa faveur.

L’Etat s’oppose à cette demande au motif que les conditions légales ne seraient pas remplies.

Il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 « Lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer le montant qu’il détermine. ». Il appartient au demandeur de prouver en quoi il serait inéquitable de laisser à sa charge exclusive les frais exposés par lui dans la présente instance.

Force est au tribunal de constater que, tel qu’il résulte de ce qui précède, par décision du 21 novembre 2017, le directeur a accordé une remise gracieuse au demandeur pour la totalité de la dette fiscale réclamée par l’administration des Contributions directes dans le bulletin d’appel en garantie litigieux.

Il convient de relever à ce sujet qu’une remise gracieuse se conçoit dans la mesure où la perception d’un impôt dont la légalité n’est pas contestée entraînerait une rigueur incompatible avec l’équité, soit objectivement selon la matière soit subjectivement dans la personne du contribuable2. Ainsi l’idée fondamentale de la remise gracieuse est celle d’une iniquité dans la perception de l’impôt qui pourra résulter de la situation matérielle du contribuable. Tel sera le cas lorsque le paiement de l’impôt compromet son existence économique et le prive des moyens de subsistance indispensables. Outre son état d’indigence, il faudra que le contribuable soit digne de la remise gracieuse. Ceci suppose que sa situation économique ne lui soit pas imputable3.

Dans la mesure où il n’est pas établi en cause pour ne résulter d’aucun élément du dossier fiscal que le directeur a accordé une remise gracieuse suite à la présente procédure contentieuse diligentée par le demandeur, et étant donné, tel que retenu ci-avant, qu’une décision de remise gracieuse constitue une faveur accordée par le directeur au contribuable, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 8.000 euros, en application de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999.

1 Voir en ce sens : trib. adm., 15 juillet 2015, n° 34244 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Procédure contentieuse, n° 1016 et l’autre référence y citée.

2 Cour adm. 11 janvier 2007, n°22033C du rôle, Pas. adm. 2017, V° Impôts, n°604 et autres références y citées.

3 Trib. adm. 15 octobre 2008, n°24007 du rôle et trib. adm. 21 octobre 2015, n°35076 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Impôts, n°609.

4Par ces motifs le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare irrecevable le recours principal en réformation dirigé contre le bulletin d’appel en garantie du 23 octobre 2015, partant le rejette ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

reçoit la demande en allocation d’une indemnité de procédure en la forme ;

rejette la demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 8.000 euros, telle que formulée par le demandeur ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique 6 novembre 2018 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, juge, Stéphanie Lommel, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 novembre 2018 Le greffier du tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 39905
Date de la décision : 06/11/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2018-11-06;39905 ?

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