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17/10/2018 | LUXEMBOURG | N°41681,41703

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 octobre 2018, 41681,41703


Tribunal administratif N° 41681 et 41703 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 7 et 13 septembre 2018 3e chambre Audience publique du 17 octobre 2018 Recours formés par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 28 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 41681 du rôle et déposée le 7 septembre 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Mic

hel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de ...

Tribunal administratif N° 41681 et 41703 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 7 et 13 septembre 2018 3e chambre Audience publique du 17 octobre 2018 Recours formés par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 28 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 41681 du rôle et déposée le 7 septembre 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Syrie), de nationalité syrienne, demeurant actuellement à L-…, …, …, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 29 août 2018 de le transférer vers l’Allemagne comme étant l’Etat membre responsable pour connaître de sa demande de protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 octobre 2018 ;

II.

Vu la requête inscrite sous le numéro 41703 du rôle et déposée le 13 septembre 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Michel KARP, au nom de Monsieur …, préqualifié, tendant à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile prémentionnée du 29 août 2018 de le transférer vers l’Allemagne comme étant l’Etat membre responsable pour connaître de sa demande de protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 octobre 2018 ;

I.+ II.

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître José STEFFEN, en remplacement de Maître Michel KARP et Madame le délégué du gouvernement Stéphanie LINSTER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.

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Le 1er août 2018, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi du 18 1 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Monsieur … fut entendu le lendemain par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Une recherche dans la base de données EURODAC confirma à cette occasion que l’intéressé avait déjà déposé auparavant une demande de protection internationale en Allemagne le 25 février 2016, demande à laquelle les autorités allemandes firent droit el 21 mars 2016. Il s’avéra encore au cours de des mêmes recherches que son statut de réfugié lui fut retiré le 10 juillet 2018.

Le même jour, Monsieur … fut encore entendu par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».

Toujours le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », notifia à Monsieur … un arrêté ordonnant son assignation à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg (SHUK) pour une durée de trois mois.

Les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités allemandes le 8 août 2018 en vue de la reprise en charge de Monsieur …, demande qui fut acceptée par les autorités allemandes le 10 août 2018 sur base de l’article 12, paragraphe (4) du règlement Dublin III.

Par décision datée du 29 août 2018, notifiée à l’intéressée par courrier recommandé du 30 août 2018, le ministre informa Monsieur … que le Grand-Duché de Luxembourg a pris la décision de le transférer dans les meilleurs délais vers l’Allemagne sur base de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et des dispositions de l’article 12, paragraphe (4), du règlement Dublin III, la décision étant libellée comme suit :

« […] J’accuse réception de votre demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire que vous avez présentée en date du 2 août 2018.

En vertu des dispositions de l’article 28(1) de la loi précitée et des dispositions de l’article 12§4 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013, le Grand-Duché de Luxembourg n’examinera pas votre demande de protection internationale et vous serez transférée vers l’Allemagne, qui est l’Etat membre responsable pour examiner votre demande de protection internationale.

Selon vos déclarations vous seriez arrivé sur le territoire de l’Union Européenne via la Turquie et la Grèce en décembre 2015. Vous auriez tout de suite voyagé vers l’Allemagne et vous seriez resté dans le pays pendant une durée de deux ans et demi. Vous avez introduit une demande de protection internationale aux autorités allemandes en date du 25 février 2016.

2 Finalement vous seriez arrivé aux Luxembourg le 31 juillet 2018 avant de présenter une demande de protection internationale.

Il résulte par ailleurs des recherches effectuées dans le cadre de votre demande de protection internationale que l’Allemagne vous a accordé le statut de réfugié en date du 21 mars 2016, lequel vous a été retiré en date du 10 juillet 2018.

Sur base des informations à disposition, le Grand-Duché de Luxembourg a adressé une demande de prise en charge aux autorités allemandes qui ont accepté en date du 10 août 2018 de reprendre en charge l’examen de votre demande de protection internationale en vertu de l’article 12§4 du règlement UE Nr 604/2013 susmentionné.

Lors de votre audition en date du 2 août 2018, vous n’avez pas fait mention d’éventuelles particularités sur votre état de santé ou d’autres problèmes.

Aussi, les informations à ma disposition ne sauraient donner lieu à l’application des articles 8,9,10 et 11 du règlement UE Nr 604/2013.

Vous n’avez par ailleurs pas fait valoir des raisons particulières ou humanitaires qui auraient dû amener l’Etat luxembourgeois de faire application de l’article 17(1) du règlement UE Nr 604/2013.

D’autres raisons individuelles pouvant éventuellement entraver la remise aux autorités allemandes n’ont pas été constatées […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 septembre 2018, inscrite sous le numéro 41681 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 29 août 2018.

En date du 13 septembre 2018, Monsieur … a fait déposer un second recours contentieux à l’encontre de cette même décision ministérielle du 29 août 2018, enrôlé sous le numéro 41703, tendant aux mêmes fins et censé compléter le premier recours.

Il est dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de joindre les deux requêtes introductives d’instance étant donné qu’elles ont le même objet et concernent les mêmes parties.

Aucune disposition légale ne prévoyant un recours au fond dans la présente matière, tribunal administratif est compétent pour connaître des recours en annulation sous analyse.

Quant à la recevabilité Au vœu de l’article 35, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015, « Contre la décision d’irrecevabilité prise en vertu de l’article 28, paragraphe (2) et contre la décision de transfert visée à l’article 28, paragraphe (1), un recours en annulation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification. Le tribunal administratif statue dans les deux mois de l’introduction de la 3 requête. Ce délai est d’office ramené à un mois lorsque le demandeur fait l’objet d’une mesure de placement conformément à l’article 22 qui précède. Par dérogation à la législation en matière de procédure devant les juridictions administratives, il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. Les décisions du tribunal administratif ne sont pas susceptibles d’appel. ».

Il s’ensuit que les décisions de transfert visées à l’article 28 de la loi du 18 décembre 2015 sont susceptibles d’un recours en annulation à déposer endéans un délai de quinze jours à partir de leur notification aux intéressés.

La décision ministérielle litigieuse tombant sous le champ d’application de l’article 28 prémentionné, le tribunal est valablement saisi du recours introduit en annulation introduit le 7 septembre 2018 sous le numéro 41681 du rôle, recours qui est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

En revanche, et en ce qui concerne la recevabilité du recours en recours en annulation introduit le 13 septembre 2018 sous le numéro 41703 du rôle, recevabilité contestée par la partie étatique, force est de constater, à la lecture de la requête introductive d’instance afférente, que celle-ci a pour seule vocation d’élargir l’argumentaire du demandeur tel que figurant dans la première requête introductive d’instance, le demandeur y soulevant en effet un moyen qu’il avait omis de soulever dans son recours initial.

Or, si un recours complémentaire peut a priori se concevoir lorsqu’il tend à compléter l’objet d’un premier recours, notamment en matière de réformation, lorsqu’il tend par exemple à compléter la portée de la réformation sollicitée, force est cependant en l’espèce de constater que le deuxième recours sous analyse n’a pour seul objet que de produire, en sus du contenu du recours initial, un nouveau moyen, sans que le recours ne poursuive per se un quelconque objet autonome. 1 Le tribunal retient dès lors que ledit recours ne constitue, sous la qualification artificielle de « recours additionnel », qu’un mémoire complémentaire pris en violation de l’article 35, paragraphe (3) précité de la loi du 18 décembre 2015, lequel qui limite expressément le nombre de mémoires par parties à un seul, en ce compris la requête introductive.

Le fait que ce prétendu recours ait été déposé encore endéans le délai légal de recours, tel que l’a précisé le litismandataire du demandeur lors de l’audience des plaidoiries, n’énerve pas cette conclusion. En effet, il convient de souligner que la thèse soutenue à ce sujet par la partie demanderesse ne saurait être suivie, étant donné qu’un tel raisonnement équivaudrait à devoir accepter, en présence d’une décision à l’égard de laquelle aucun délai ne court -

s’agissant par exemple d’une décision implicite ou d’une décision qui aurait omis d’indiquer les voies et délai de recours - qu’un demandeur complète indéfiniment son recours initial par de multiples recours complémentaires, violant de la sorte non seulement l’article 7, alinéa 1er de la loi du 21 juin 1999 relative à portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, mais encore la ratio legis de cette loi, à savoir la recherche et la garantie d’une prompte évacuation des litiges pendants devant les juridictions administratives, et portant 1 Trib. adm. 30 avril 2008, n°22862, 22958 et 23252 du rôle, Pas. adm. 2017, V°Procédure contentieuse, n°443 et les autres références y citées.

4 gravement atteinte à la sécurité juridique indispensable à l’action de l’administration, en prolongeant indûment le débat juridique.

Il s’ensuit que le recours déposé en date du 13 septembre 2018, enrôlé sous le numéro 41703, doit être déclaré irrecevable.

Quant au fond A l’appui de son recours introduit le 7 septembre 2018, sous le numéro 41681 du rôle, le demandeur fait valoir qu’il y aurait lieu d’analyser la situation des demandeurs de protection internationale syriens en Allemagne, afin de vérifier s’il y existent des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale et ainsi d’exclure tout risque de traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par « la Charte », le demandeur précisant qu’en présence d’un tel risque le Luxembourg serait l’Etat membre compétent pour connaître de sa demande de protection internationale.

Pour ce qui est concrètement de la situation en Allemagne, le demandeur met en avant qu’un transfert dans ledit pays l’exposerait à un risque d’être renvoyé en Syrie, le demandeur se prévalant à l’appui de cette affirmation d’une décision du « Kreisverwaltungsreferat Hauptabteilung II Einwohnerwesen Ausländerangelegenheiten » de la « Landeshauptstadt München » du 10 juillet 2018, décision qui l’obligerait à quitter le territoire allemand. Il ajoute que sa crainte de faire l’objet de persécutions en Syrie serait d’autant plus légitime qu’il se serait effectivement vu attribuer le statut de réfugié en Allemagne, le demandeur expliquant encore que le retrait dudit statut serait intervenu suite à sa propre demande. Il en conclut qu’un retour en Allemagne l’exposerait à des traitements inhumains et dégradants, de sorte que la décision ministérielle sous analyse devrait encourir l’annulation.

Le délégué du gouvernement soutient que le recours devrait être rejeté pour ne pas être fondé.

Le tribunal relève que l’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 dispose que : « Si, en application du règlement (UE) n°604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de l’examen de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale. ».

L’article 12, paragraphe (4), premier alinéa du règlement Dublin III, sur lequel le ministre s’est basé pour conclure à la responsabilité des autorités allemandes de prendre, respectivement de reprendre en charge le demandeur, prévoit que « Si le demandeur est seulement titulaire d’un ou de plusieurs titres de séjour périmés depuis moins de deux ans ou d’un ou de plusieurs visas périmés depuis moins de six mois lui ayant effectivement permis d’entrer sur le territoire d’un Etat membre, les paragraphes 1, 2 et 3 sont applicables aussi longtemps que le demandeur n’a pas quitté le territoire des Etats membres », le paragraphe (2) du même article 12 disposant comme suit : « Si le demandeur est titulaire d’un visa en cours 5 de validité, l’Etat membre qui l’a délivré est responsable de l’examen de la demande de protection internationale […] ».

Il s’ensuit que si le ministre estime qu’en application du règlement Dublin III, un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce même pays accepte la reprise en charge de l’intéressé, le ministre décide de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable sans examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.

Le tribunal constate de prime abord qu’en l’espèce, la décision ministérielle déférée est motivée, d’une part, par le fait, non contesté, que le demandeur a déposé une première demande de protection internationale en Allemagne et s’y était vu attribuer le statut de réfugié en Allemagne, et, d’autre part, par renvoi à l’article 12, paragraphe (4), du règlement Dublin III, par le fait que les autorités allemandes ont accepté de prendre, respectivement de reprendre en charge Monsieur …, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de le transférer vers l’Allemagne et de ne pas examiner la demande de protection internationale lui soumise.

Force est au tribunal de constater que le demandeur ne conteste pas la compétence de principe des autorités allemandes et, par conséquent, l’incompétence de principe des autorités luxembourgeoises pour connaître de sa demande de protection internationale, mais soutient, en substance qu’en Allemagne, il existerait des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraîneraient un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte, alors qu’en cas de transfert vers ce pays, il risquerait d’être renvoyé dans son pays d’origine.

Quant au moyen tiré de l’existence, en Allemagne, de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale, le tribunal relève que l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, ainsi invoqué implicitement par le demandeur, est libellé comme suit : « Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. ».

A cet égard, le tribunal relève que l’Allemagne est tenue au respect, en tant que membre de l’Union européenne et signataire de ces conventions, des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après dénommée « la Convention de Genève», et dispose a priori d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. Il y a encore lieu de souligner, dans ce contexte, que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y 6 participant qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, ainsi que dans la CEDH, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard2. C’est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union européenne a adopté le règlement Dublin III en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des Etats, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi d’éviter le « forum shopping », l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes tant dans l’intérêt des demandeurs d’asile que des Etats participants3. Dès lors, comme ce système européen commun d’asile repose sur la présomption – réfragable – que l’ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard, il appartient au demandeur de rapporter la preuve matérielle de défaillances avérées4.

Or, le demandeur n’a pas rapporté cette preuve, étant donné qu’il n’a pas appuyé son argumentation afférente par le moindre élément probant, tel que des rapports internationaux concernant la situation des demandeurs de protection internationale en Allemagne.

Plus particulièrement, quant à sa crainte d’être renvoyé dans son pays d’origine en cas de transfert vers l’Allemagne et d’être exposé, de ce fait, à un risque réel de subir des traitements inhumains et dégradants, il y a lieu de souligner que s’il est vrai que le demandeur s’est vu retirer le statut de réfugié par les autorités allemandes et fait ainsi l’objet d’une obligation de quitter le territoire allemand, ce retrait est intervenu, d’après les pièces versées en cause, ainsi que des explications du demandeur-même, suite à sa propre demande, le demandeur ayant en effet renoncé à son statut de réfugié, de sorte qu’il est actuellement malvenu d’affirmer qu’il risquerait toujours de subir des traitements inhumains et dégradants dans son pays d’origine. A cela s’ajoute qu’il résulte de la décision du « Kreisverwaltungsreferat Hauptabteilung II Einwohnerwesen Ausländerangelegenheiten » de la « Landeshauptstadt München » du 10 juillet 2018, telle que versée en cause par le demandeur qu’il bénéficie actuellement d’une « Duldung » en Allemagne, ladite décision retenant en effet que « Da von Abschiebungen nach Syrien derzeit abgesehen wird, wird Ihr Aufenthalt zunächst geduldet ».

Le demandeur n’a partant n’a pas fourni le moindre élément concret dont il se dégagerait que les autorités allemandes ne respecteraient pas le principe de non-refoulement, tel que consacré par l’article 33 de la Convention de Genève, et failliraient, dès lors, à leurs obligations internationales en le renvoyant dans un pays où sa vie, son intégrité physique ou sa liberté seraient sérieusement en danger ou en le forçant de se rendre dans un tel pays.

Le demandeur étant ainsi resté en défaut de rapporter la preuve de l’existence de quelconques défaillances systémiques dans le cadre de la procédure d’asile et des conditions 2 CJUE, 21 décembre 2011, affaires jointes C-411/10, N.S, c. Secretary of State for the Home Department et C493/10, M.E. et al c. Refugee Applications Commissioner Minister for Justice, Equality and Law Reform., point 78.

3 Ibidem, point. 79 ; Voir également : Trib. adm 26 février 2014, n° 33956 du rôle, trib.adm. 17 mars 2014, n° 34054 du rôle, ainsi que trib. adm. 2 avril 2014, n° 34133 du rôle, disponibles sur www.jurad.etat.lu. 4 Voir aussi Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg, 8 janvier 2015, n° A11 S 858/14.

7 d’accueil des demandeurs de protection internationale en Allemagne, le moyen afférent encourt le rejet.

Au vu des considérations qui précèdent, et à défaut de tout autre moyen, le recours en annulation est à rejeter pour n’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

ordonne la jonction dans les affaires inscrites sous les numéros 41681 et 41703 du rôle;

déclare le recours introduit sous le numéro 41703 du rôle irrecevable ;

reçoit le recours en annulation introduit sous le numéro 41681 du rôle en la forme ;

quant au fond, le déclare non fondé, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 octobre 2018 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Paul Nourissier, premier juge, Géraldine Anelli, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 octobre 2018 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 41681,41703
Date de la décision : 17/10/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2018-10-17;41681.41703 ?

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